26.6.21

LES SEVENTIES (1972)






 

LA BELLE HISTOIRE DES IRIS DE LOUISIANE

Dans le sud des États-Unis, Louisiane, Est du Texas, Alabama, Mississippi, les iris barbus ne se plaisent pas : trop doux l'hiver, trop chaud et humide l'été. Ce sont des plantes qui ont besoin du coup de fouet que leur donne le froid voire même le gel, qui craignent l'humidité et surtout l'humidité stagnante mais qui apprécient en revanche la sécheresse qui leur rappelle le climat du Moyen-Orient d'où sont originaires leurs ancêtres tétraploïdes. Pourtant dans ce « deep south » il y a des amateurs d'iris. Mais pas du tout les mêmes que ceux que l'on trouve plus au nord. Ce sont des iris sans barbes, voisins des iris de Sibérie, natifs d'Europe centrale, et adaptés à des régions sub-tropicales. Il y en a au moins cinq espèces, que les botanistes ont baptisés Iris hexagona, Iris giganticaerulea, Iris brevicaulis, Iris fulva et Iris nelsonii. Et c'est principalement à partir de cette dernière que les horticulteurs ont créé ce que l'on appelle aujourd'hui les iris de Louisiane. Cette appellation vient de ce que Iris nelsonii est une espèce géographiquement peu répandue mais que l'on rencontre dans la nature autour de la petite ville d'Abbeville, en Louisiane, et qui a été découverte seulement en 1929. 

Ce n'est qu'aux alentours de 1960 que l'on s'est intéressé à créer une nouvelle sorte d'iris de jardin à partir d'espèces endémiques de ce sud profond, de manière à obtenir des plantes réunissant les caractéristiques de chacune des espèces de base dans un hybride joli, solide et facile à cultiver. Le processus a été semblable à celui qu'avaient utilisé les horticulteurs européens au tournant du XXe siècle avec les iris à barbes, mais avec les progrès qu'avait fait la génétique en un demi-siècle. Pour parvenir à ce résultat les hybrideurs ont eu recours à : 

Iris hexagona. C'est l'espèce la plus répandue. On la trouve tout du long du golfe du Mexique et elle remonte le long du Mississippi jusqu'au confluent avec l'Ohio. Elle possède un feuillage étroit d'environ 90cm de haut, formant de fortes touffes, et des hampes florales de même taille portant de fleurs dans les tons de bleu ou de violet. Elle est très voisine d'une autre espèce de base du groupe des iris de Louisiane, I. giganticaerulea

Iris giganticaerulea. Son territoire se limite à la Louisiane des bayous. C'est la plus grande des espèces constituant le « cocktail » des iris de Louisiane puisqu'elle s'élève à plus d'un mètre de hauteur et peut même atteindre les 1,60m. Ses fleurs ont plus de 15cm de diamètre et sont de couleur allant du violet au blanc. 

Iris brevicaulis. Si I. giganticaerulea est, comme son nom l'indique, un géant bleu, I. brevicaulis est une espèce naine : pas plus de 50cm de haut et des tiges florales qui restent cachées dans le feuillage avec des fleurs bleues ou violettes. Elle est présente essentiellement dans le sud de la Louisiane. 

Iris fulva. Un iris qui pousse dans les marais de Louisiane. Hauteur du feuillage environ 60cm., des hampes florales 90cm. Il se distingue des précédents par la couleur de ses fleurs puisque celles-ci sont rouges, c'est à dire dans les tons de cuivre ou de rouille. Autre particularité intéressante, elles sont nombreuses et étagées le long de la tige. 

I. nelsonii. Sa zone d'extension, très réduite, limitée aux espaces marécageux peu accessibles entourant Abbeville, justifie le fait que cette espèce particulièrement intéressante ait été découverte aussi tardivement. C'est une espèce proche de I. fulva mais son coloris est d'un rouge encore plus franc, ce qui constitue une exception dans le genre iris.Cependant morphologiquement elle est très voisine de I. giganticaerulea, à tel point que certains pensent qu'il s'agit d'un croisement entre I. giganticaerulea et I. fulva qui se serait naturalisé. 

Si c'est dès les années 1930 que des amateurs d'iris se sont intéressés aux iris de Louisiane, C'est à l'énergie et l'enthousiasme de Marie Caillet, une texane à placer aux premiers rangs des promoteurs des iris, qu'on le doit. Elle n'a pas elle-même pratiqué l'hybridation mais dès 1941, et pendant un demi-siècle, elle s'est entièrement dévouée aux iris de Louisiane. Elle a été aidée en cela par des hommes comme le botaniste et hybrideur Ira Nelson qui a véritablement débuté l'hybridation des diverses espèces qui constituent aujourd'hui les ingrédients du véritable cocktail que sont les Iris de Louisiane actuels. Si l'on compare avec ce qui a eu lieu avec les iris barbus, le travail s'est déroulé sur une période extraordinairement courte. Il n'y a pas eu d'hésitations ou de tâtonnements, mais il faut dire que la connaissance de la génétique des iris avait considérablement progressé et que chaque croisement créateur a été fait en toute connaissance de cause. Très vite on est passé de l'étape initiale à la recherche d'améliorations nécessaires ou simplement souhaitables, comme une meilleure rusticité, un accroissement du nombre de fleurs sur chaque hampe, une augmentation de la taille des corolles, une durée de vie prolongée pour chaque fleur, l'ajout de nouvelles couleurs ou associations de couleurs... Il faut insister sur le travail de quelques hybrideurs remarquables, comme Charles Arny, Frank Chowning ou Joseph Merzweiler our expliquer le développement et l'amélioration de ces iris qui sont devenus en 70 ans de petites merveilles admirées de tous. Aujourd'hui les reproches que l'on pouvait faire à l'origine à ces nouveaux hybrides ont été corrigés et ces plantes qui n'étaient guère importables sous nos climats européens peuvent y être désormais introduite avec succès. Il faut néanmoins s'assurer que le sol où on veut les mettre est suffisamment humifère, profond, acide et humide. Une particularité à relever cependant : ces hybrides sont naturellement diploïdes. Comme l'écrivent les deux auteurs du chapitre sur les iris de Louisiane dans « The World of Irises », « Il n'y a pas de tétraploïdes naturels connus », mais plusieurs hybrideurs ont réussi la conversion, ce qui induit « une meilleure substance de la fleur, une plus grande taille et plus de vigueur. » 

Devenus de plantes faciles à cultiver, belles et florifères, les iris de Louisiane connaissent un engouement considérable chez les amateurs de tous pays, à tel point que ce sont maintenant les iris les plus nombreux à être enregistrés après les indétrônables TB. Les États-Unis sont bien entendu le pays où l'on en obtient le plus grand nombre, mais l'Australie en est le deuxième producteur avec des personnalités aussi importantes que Bob Raabe, dans les années 1970, John Taylor (le beau-frère du spécialiste des TB Graeme Grosvenor) et Heather Pryor et son époux Bernard Pryor. En France, il n'y a guère que la famille Anfosso qui se soit intéressée aux LA, et encore leur travail est-il resté assez restreint, mais peut-être se trouvera-t-il bientôt des hybrideurs tentés par ces fleurs devenues à la portée de tous. Notamment parce qu'on trouve aujourd'hui un choix très étendu de coloris, bien loin des iris bleus ou violets des débuts. Dès les années 1970 sont apparues des fleurs rouges ou blanches, les vrais iris jaunes datent des années 80, de même que les roses, rares encore cependant, tout comme les fleurs oranges qui n'ont atteint qu'un peu plus tard une qualité acceptable. Quant aux fleurs bicolores, elles existaient bien auparavant puisqu'on peut fixer leur éclosion vers 1975. 

Ces quelques mots sur l'historique des iris de Louisiane ne peuvent pas se terminer sans quelques illustrations de nature à faire apprécier ces beaux iris (cinq cette semaine, cinq autres la semaine prochaine). 

Illustrations :

 'Cherry Bounce' (I. Nelson, 1946) 

'Clara Goula' (C. Arny, 1975)) 


'Ann Chowning' (F. Chowning, 1976) 


'Koorawatha' (J. Taylor, 1987) 


'Cosi Fan Tutte' (L. Anfosso, 1991) 


18.6.21

LES SEVENTIES (1971)

 









ECHO DU MONDE DES IRIS

Une belle publicité. 

 Dans le journal « La Croix » du jeudi 17 juin 2021, la chronique de Christiane Rancé est intitulée « La possibilité d'un gué ». Elle débute ainsi : « Un ami m'a offert le catalogue Cayeux. « Juillet approche, il est temps de commander de nouveaux iris pour les installer au jardin », m'a-t-il dit pour que je consulte cette bible sans tarder. J'avais mille choses à faire mais je suis restée là, à rêver des heures devant ces pages pleines de fleurs en robe de bal. Des bleus et des pourpres, des blancs et des violets, panachés roses et mauves. » Voilà une belle introduction à la contemplation de ce qui est, en effet, une bible multicolore et tentatrice. Le catalogue Cayeux est toujours une source d'émerveillement. 

En dehors de cela la chronique en question, fourre-tout et brouillonne, ne présente guère d'intérêt pour les amateurs d'iris.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Palmarès New York 2021 

À l'occasion de la grande manifestation qui devait marquer le centenaire de l'AIS et se dérouler au printemps 2020 à Montclair, ville de 40,000 habitants, dans le New Jersey, à environ soixante kilomètres à l'ouest de New York, un concours d'iris sur le modèle européen était prévu. Il n'a pas pu avoir lieu en raison des événements sanitaires. Il a été reporté à 2021 et a été jugé exclusivement par des juges américains. 

En voici le « Top Ten » : 

 1. 'Lamoyne Elizabeth' Jim Hedgecock 2018 

2. 'Jedi Master' Ginny Spoon 2020 

3. 'All Too Exciting' Paul Black 2018 

4. 'Red Triumph' Terry Aitken 2017 

5. 'Flower Fever' Elizabeth Rieniets 2017 

6. 'Cover Of Rolling Stone' Walter Moores 2018 

7. 'Gracious Me' Terry Aitken 2015 

8. 'Twilit Snow' Sdlg 9-123C Stephanie Markham 2019 

9. 'Flamboyance Dorée' Alain Chapelle 2015 (*) 

9. EA Semis RD-13108-B Roland Dejoux 

10. 'Fragrance des Sables' Nicolas Bourdillon 2021 

 (*)Patatras ! Les organisateurs du concours annoncent qu'une erreur a été commise et que 'Flamboyance Dorée' ne figure pas au palmarès ! Quelle déception pourl'obtenteur Alain Chapelle, et pour tout le monde français des iris...






 

LECH KOMARNICKI

Du théâtre aux iris 

On ne peut pas parler de mondialisation de la culture des iris sans évoquer Lech Komarnicki, car ce personnage se situe à la charnière entre le monde d'avant (avant l’éclatement et la fin du l'ère soviétique) et le monde d'après (celui que nous connaissons aujourd'hui). Avant, le monde des iris était exclusivement un monde occidental. Il était largement dominé par les hybrideurs américains derrière lesquels se situaient les hybrideurs australiens, français, anglais, italiens, allemands... La suprématie américaine s'était imposée à l'occasion de la deuxième guerre mondiale. Elle avait profité du fait que les obtenteurs européens, au sommet de la pyramide jusqu'aux années 1940, avaient pratiquement cessé d'exercer leur art, plus préoccupés de produire des plantes vivrières que des plantes d'ornement à un moment où l'on manquait de tout sur un continent à feu et à sang. Le conflit terminé, les européens avaient repris peu à peu la culture des iris, mais leurs concurrents américains avaient pris une telle avance qu'il leur fut laborieux de remonter leur retard. Cependant le niveau de la production européenne, notamment la production française, s'est progressivement élevé, grâce surtout au travail et à l'habileté de Jean Cayeux puis de son fils Richard. En 1990 les deux continents se trouvaient sans aucun doute sur un pied d'égalité. Après, le fait que les échanges aient pu se développer sans contrainte entre les deux univers a eu pour conséquence une croissance extraordinaire de la production d'iris dans les pays qui se trouvaient auparavant enfermés derrière le rideau de fer. C'est ainsi que les hybrideurs allemands vivant dans l'ex-Allemagne de l'Est sont devenus plus nombreux et plus actifs que ceux demeurant à l'Ouest ! Ailleurs le même phénomène a pu être constaté : d'abord en République Tchèque et en Slovaquie, puis en Pologne. Et dans ce pays Lech Komarnicki a été un précurseur. 

Curieux destin que celui de cet homme. C'était d'abord un homme de théâtre, acteur au Théâtre National de Varsovie, et metteur en scène réputé dans son pays, avec la réalisation de plusieurs dizaines de spectacles. Rien ne le prédisposait à devenir un spécialiste écouté de l'iris. Il a raconté lui-même que c'est sa femme qui, souhaitant disposer d'un jardin, lui a fait prendre goût à se mettre les mains dans la terre, puis à s’intéresser plus particulièrement aux iris. Ce n'était pas une mince affaire que de trouver des iris dans un pays où l'on ne dénombrait la présence que d'environ deux cents variétés, toutes anciennes, c'est à dire datant de l'immédiat après-guerre. Il a fallu de la persévérance, de l’opiniâtreté et de la débrouille ! Mais une fois accroché on ne se tire pas comme ça de la passion pour les iris ? Lech Komarnicki s'est rapidement aperçu que celle-ci prenait le pas sur l'intérêt porté au théâtre, et en 1990 il a pris sa retraite d'acteur et s'est consacré sans réserve à sa nouvelle passion. Après avoir lu toute la littérature sur le sujet, aidé en cela par sa connaissance pointue des langues anglaise et française, il s'est mis à écrire des articles dans différentes revues horticoles, ce qui lui a valu la proposition d'un éditeur pour la rédaction d'un ouvrage complet, en polonais, dont le besoin était évident tant de nombreux jeunes gens étaient saisis du désir de faire mieux connaissance avec cette plante nouvelle et encore très rare dans leur pays. Cela l'a obligé à approfondir ses connaissances et l'a amené au rôle de mentor pour toute une nouvelle génération. En même temps, disposant d'un vaste terrain à 150 km de Varsovie, il a pu joindre le geste à la parole et mettre en application les lois et conseils qu'il prodiguait dans ses écrits. Cependant faire pousser des iris dans une région aux hivers humides et froids, mais sans importantes chutes de neige pouvant recouvrir et protéger les plantes, lui valut bien des désillusions. Mais on ne décourage pas facilement un homme comme Lech Komarnicki ! Apprenant de ses échecs, il a réussi non seulement à se constituer une collection importante de grands iris et de SDB, mais aussi à réaliser des croisements originaux et de qualité. Il dit lui-même que l'hybridation « est une forme passionnante de création artistique » et qu'il a été bien aidé par « les articles de Keith Keppel dans les bulletins de l'AIS et ensuite la correspondance avec ce grand hybrideur à la personnalité exquise ». C'est ainsi qu'il a enregistré des variétés dignes de participer aux concours européens (1) et de ce fait assurant la promotion des iris d'Europe de l'Est dans des territoires où l'on ne s'attendait pas à découvrir la présence croissante de nouveaux hybrideurs, même si la victoire de 'Ikar' (A. Volfovitch-Moler, 1995) au concours de Florence en 1995 avait attiré l'attention sur la présence des grands iris à l'autre bout du monde. 

Le premier enregistrement de TB, celui de 'Biala Noc', date de 1997, après un hiver 95/96 abominable pendant lequel la presque totalité des iris de Lech Komarnicki avaient gelé, et un été 96 où la collection a pu reprendre vie grâce à la générosité de Lawrence Ransom et de quelques-uns de ses amis français. 

Cependant les TB ne constituent pas l'essentiel des travaux de notre metteur en scène polonais. Curieux de tout, il s'est lancé sans hésiter dans l'hybridation de bien d'autres catégories ou groupes, en particulier les Iris de Sibérie (qui étaient mieux appropriés au climat de son pays), les SDB et plusieurs sortes de croisements interspécifiques, dans la lignée initiée par Tomas Tamberg, en Allemagne, et avec une belle imagination. Ces hybrides, stériles, se trouvaient dans la propriété de L. Komarnicki. Depuis le décès de celui-ci, que sont-ils devenus ? 

Lech Komarnicki fait partie de ces personnages exceptionnels que l'on rencontre cependant à maintes reprises dans le monde des iris. C'est donc à titre tout à fait justifié que l'AIS lui a décerné la Warburton Medal en 2010. Sachant qu'avant lui seulement deux irisariens originaires d'Europe de l'Est ou de Russie, Georges Rodionenko et Milan Blazek, avaient reçu cette distinction. 

(1) notamment à FRANCIRIS© 2007 avec 'Evelyn Likes Me' (2005), 'Exploding Sun' (2003) et 'Tajemnica' (2005). 

Illustrations : 


'Biala Noc' (1997) 


'Explosion of Joy' (2009) 


'Poranna Mgielka' (2010) 


'Tajemnica' (2005) 


'Slavonic Beauty' (2004) SIB 


'Three Continents' (2005) SPX

11.6.21

LES SEVENTIES (Années 1970)


 



ECHOS DU MONDE DES IRIS

New York 2021 

Roland Dejoux, président de la SFIB, m'a adressé le message suivant : 

« Jill(1) m’a envoyé les résultats des français au concours de New York (2) : 

9° place : 'Flamboyance Dorée' d'Alain Chapelle 

9° place : Semis RD13-108B de Roland Dejoux 

10° place : Semis 14-34-01 de Nicolas Bourdillon » 

(1) Jill Bonino, organisatrice de concours. 

(2) À l'occasion de la grande manifestation qui devait marquer le centenaire de l'AIS et se dérouler au printemps 2020 à Montclair, ville de 40,000 habitants, dans le New Jersey, à environ soixante kilomètres à l'ouest de New York, un concours d'iris sur le modèle européen était prévu. Il n'a pas pu avoir lieu en raison des événements sanitaires. Il a été reporté à 2021 et a été jugé exclusivement par des juges américains

L'ensemble des résultats sera publié ici la semaine prochaine. Ces bons résultats confirment que les iris français ont atteint le niveau international. Félicitations aux lauréats. 

 -'Flamboyance Dorée' 

 - semis Dejoux RD13-108B 

-


semis Bourdillon 14-34-01 devenu 'Fragrance des Sables'

TOCAIA GRANDE

L'histoire récente du petit monde des iris a été marquée par une crise qui a empoisonné l'American Iris Society pendant près de quinze ans. Elle a concerné la place des grands iris au sein de l'association et l'existence, ou non, d'une société dédiée exclusivement à cette catégorie. 

Il faut reprendre l'historique de l'AIS et le développement de chacune des catégories d'iris. 

En 1920, quand l'AIS a été fondée, on ne parlait que des grands iris, les autres catégories étaient balbutiantes, voire même inexistantes. Qui disait donc iris disait grands iris barbus. Peu à peu les autres catégories se sont à leur tour développées, mais un peu comme des catégories annexes, existant à côté de la catégorie-reine des grands barbus, sans y être cependant tout à fait intégrées. Les tenants de ces iris un peu différents ont donc tout naturellement ressenti le besoin de se rapprocher et d'échanger à propos de leur pôle d'intérêt spécifique. C'est ainsi que sont apparues des associations distinctes de l'AIS proprement dite, et plus ou moins proches d'elle. C'est alors posée la question de fédérer ou non ces différentes associations, et avec quels types de liens. Aujourd'hui il existe treize de ces associations spécialisées : 

Median Iris Society, qui concerne les BB, IB, et MTB ; 

Society for Siberian Irises pour les iris de Sibérie (SIB) ; 

Spuria Iris Society pour les spurias (SPU), comme son nom l'indique ; 

Society for Japanese Irises pour les iris du Japon (JA) ; 

Reblooming Iris Society pour les iris remontants ; 

Dwarf Iris Society qui concerne les iris nains (SDB, MDB) ; 

Society for Pacific Coast Native Irises, en charge des iris de Californie (PCN) ; 

Species Iris Group of North America vouée aux différentes espèces d'iris botaniques ; 

Historic Iris Preservation Society qui s'occupe des variétés anciennes ; 

Society for Louisiana Irises pour les iris de Louisiane (LA) ; 

Novelty Iris Society, la plus récente, pour les iris « space age » et autres nouveautés ; 

Aril Society International, qui s'intéresse aux iris arils ; 

Tall Bearded Iris Society, spécialement pour les grands iris barbus (TB). 

C'est cette dernière association qui est la cause de la crise dont il est question ici. Elle est née en 1997 du désir d'un certain nombre de grands amateurs de TB de disposer d'une tribune où l'on ne discuterait que de grands iris. Au départ ces fanatiques n'étaient pas en opposition avec le staff de l'AIS, mais ils souhaitaient, à l'instar de ce qui existait pour les autres catégories d'iris, avoir un groupe de parole particulier. Pourquoi en effet existerait-il des associations où l'on parle des IB, des SDB, des remontants, des variétés anciennes etc. et n'en existerait-il pas à propos des TB ? L'idée a trouvé rapidement son public et moins d'un an plus tard paraissait le premier bulletin du nouveau groupe, baptisé « Tall Talk ». Ce premier bulletin expliquait simplement que la nouvelle association était créée pour promouvoir tout ce qui concernait les grands iris. L'équipe initiale réunissait des gens bien connus du monde des iris, tous fortement, voire exclusivement, tournés vers les TB. Les membres de ce groupe ne se situaient cependant pas en tant que dissidents de l'AIS et d'ailleurs ils ont aussitôt demandé à ce que leur association soit intégrée à l'AIS au titre de société associée. Mais le staff de l'AIS ne l'a pas entendu comme cela. Il a considéré que le sujet de prédilection de la majorité des membres de l'AIS étant les grands iris il n'y avait pas lieu de créer une association discussion était que, si la nouvelle société tenait sa convention au printemps de chaque année , ce qui correspondait évidemment à la période de floraison des TB, cela ferait du tort à la convention de l'AIS qui, traditionnellement, se tient à la même période. S'en est suivi une vive controverse qui a abouti à la proposition que la TBIS devienne une « section » de l'AIS, comme les toutes premières de la liste ci-dessus, c'est à dire un satellite n'empiétant pas sur les prérogatives de la maison mère. Mais les animateurs de la TBIS ont rejeté cette proposition qui limitait leur autonomie et n'ont pas souhaité d'autre statut que celui de société coopérante (ce qui est déjà le statut de l'Arils Society International). Point final de la discussion. Pour une quinzaine d'années. Peu à peu cependant la situation s'est détendue. La plupart des animateurs de la TBIS étant restés membres (et même membres dirigeants) de l'AIS, il eut été bien improbable que les choses ne finissent pas par s'arranger. Ce fut chose faite en 2011. Maintenant la TBIS a obtenu le statut de société coopérante qu'elle souhaitait. Elle maintient son organisation particulière et ses organes de communication, et la liste de son « Hall of Fame », qui est une forme de concours de popularité, continue d'être dressée annuellement. C'est un apaisement heureux qui fait honneur aux dirigeants de l'une et l'autre société. Et le fait que l'actuelle présidente de l'AIS ait été précédemment présidente de la TBIS et la preuve que tout est rentré dans l'ordre. 

 NB : l'essentiel des informations utilisées pour la rédaction de cet article provient d'un texte de l'ex- présidente Judy Keisling pour le supplément « 100 Years Bold ! » de la revue « Irises » de l'AIS.

4.6.21

LA FLEUR DU MOIS

'Purple Pepper' 

( D. C. Nearpass, 1986) 

Semis : 'Dancers Veil' x Semis: (('New Adventure x ('Captured Heart' x 'Melodrama')) x 'Ribbon Round')) X 'Easy Street' 

En préparant un article (qui sera publié prochainement) sur les iris plicatas « poivrés » j'ai redécouvert 'Purple Pepper', une variété qui m'a enthousiasmé dès que je l'ai vue. Son intérêt ? Outre la perfection formelle de la plante, un modèle nouveau et surprenant.En effet je n'avais encore jamais vu d'iris plicata dont les pointillés traditionnels laissaient la place à un poudrage complet de petits grains de couleur faisant penser à une fleur blanche (ou claire) ayant reçu une bruine de peinture sombre, bleue en l’occurrence. 

On pouvait s'attendre à quelque chose qui soit hors du commun de la part d'un hybrideur inspiré et exigeant comme Donald Charles Nearpass. Il s'est fait un nom avec des variétés plaisantes et horticulturalement impeccables comme les amoenas 'Lord Baltimore' (1968) et 'Dover Beach' (1970), ou l'amoena-plicata 'Spinning Wheel' (1974), et on sait qu'il a jeté des quantités de semis qui, à ses yeux, n'avaient pas assez de qualités pour être conservés. D'ailleurs son catalogue personnel ne comporte que 26 noms, tous portés par des variétés en tous points réussies. 

Le pedigree de 'Purple Pepper' fait appel à des variétés dont plusieurs ont été des étapes dans l'évolution de l'hybridation : 'Dancer's Veil' (Hutchison, 1959) est un plicata britannique qui a fait le tour du monde et reçu dans son pays d'origine la British Dykes Medal en 1963 ; 'New Adventure' (Muhlestein, 1953) est sans doute le premier iris plicata « rose », issu de la lignée des « flamingo pinks » ; dans la classe des plicatas à barbes mandarine, 'Captured Heart' (Tompkins, 1957) se distingue par un riche parure de pointillés couleur héliotrope, il est certainement pour beaucoup dans le poudrage caractéristique de 'Purple Pepper' ; on ne présente plus 'Melodrama' (Cook, 1956) puisque cette variété exceptionnelle est considérée comme le point de départ des amoenas modernes ; 'Ribbon Round' (Tompkins, 1962) est un autre plicata, délicieusement frais et gai ; il en est de même pour 'Easy Street' (Tompkins,1966), le dernier des ascendants directs de 'Purple Pepper'. Avec cela il y avait bien de quoi créer une belle plante ! 

Une variété spéciale comme 'Purple Pepper' ne pouvait pas laisser indifférents les hybrideurs à la recherche de nouveauté. C'est pourquoi, parmi ses descendants on en trouve un certain nombre qui présentent ses pointillés. Dans l'ordre chronologique on retiendra : 

'Confederate Royalty' (Moores, 1994) 'Purple Pepper' X ('Vanity' x 'Capricious'), amoena d'apparence absolument classique où les pointillés finissent tout de même par céder le pas à une coloration complète, ce qui n'en fait pas un « poivrés » total mais seulement une bonne approche ; 

'Violet Shimmer' (Moores, 1995) 'Sterling Prince' X 'Purple Pepper, de la même « écurie »que le précédent, qui arbore une coloration plus complètement bleue et où les pointillés ne sont pas majoritaires mais où le principe est respecté ; 

En 1997 Leroy Meininger a tenté sa chance et obtenu pour commencer 'Leanna' (Meininger, 1997) 'Queen In Calico' X inconnu (sans doute 'Jesse's Song', et 'Purple Pepper') chez qui le modèle est intégralement atteint de sorte que l'on a un iris parfaitement nouveau et très agréable, mais peut-être moins bien distribué qu'il aurait mérité ; il a été suivi d'une autre nouveauté remarquable 'Jammy Prints' (Meininger, 1997) 'Island Fiesta' X ('Purple Pepper' x 'Purple Streaker') qui allie astucieusement le modèle poivré et un broken-color de la première heure, encore quelque chose de surprenant qui aurait pu être mieux connu ; 

'Confederate Muster' (Moores', 1999) 'Purple Pepper' X ('Vanity' x 'Capricious'), frère de semis de 'Confederate Royalty' avec lequel il a une certaine ressemblance mais où le pointillé est complet et impeccable ; 

pour terminer citons une rareté (du moins pour les Européens de l'Ouest) en provenance de Russie, 'New Vasyuki' (Krashennikov, 2008) 'Purple Pepper' X 'Acoma', amoena proche de 'Confederate Royalty', en un peu plus clair mais franchement pointillé, lui aussi, sur les sépales. 

 On ne peut pas cependant rester sur cette énumération car la plus belle des descendances de 'Purple Pepper' s'appelle en fait 'Splashacata' (Tasco, 1997) et se trouve à l'origine d'une lignée qui a marqué le début du XXIe siècle. Rien que pour cela, on peut délivrer à 'Purple Pepper' le certificat de chef de lignée, ce qui est une récompense qui n'a pas d'existence officielle, mais qui doit avoir une valeur inestimable et qui ne concerne qu'un tout petit nombre de variétés exceptionnelles. 

Illustrations : 


'Purple Pepper' 


'Violet Shimmer' 


'Jammy Prints' 


'New Vasyuki'

LES SEVENTIES (deuxième partie)

La semaine dernière nous avons jeté un coup d’œil sur les introductions marquant les cinq premières années de la décennie. C'est maintenant le tour des cinq années suivantes. 

 1975 : Cette année-là trois des iris mis sur le marché auront l'insigne honneur de se voir décerner la Médaille de Dykes. Il s'agit de 'Mystique' (Ghio,), 'Ruffled Ballet' (Roderick,) et 'Vanity' (Hager,). 'Mystique' et 'Vanity' sont mondialement connus, le premier en deux tons de bleu indigo, une teinte encore jamais vue et qui a fait sensation, le second en rose délicat. 'Ruffled Ballet' a moins de notoriété, néanmoins c'est un superbe iris aux pétales bleu très pâle et aux sépales bleu plus soutenu. En plus de ces trois-là, les variétés qui ont connu le succès sont : 'Autumn Echo' (Gibson,), or, caramel et brun, un peu fragile cependant, 'Caramba' (Keppel,) sur le même thème, 'Gold Trimmings' (Schreiner,) original jaune mêlé de blanc, 'Showcase' (Schreiner,) jaune entièrement ourlé de brun, et le rare crème 'Leisure Day' (Schreiner,). En Australie, Barry Blyth commence à faire parler de lui et son 'Sostenique' a marqué les esprits. Il y aura deux variétés de l'année : 'Mystique' et 'Vanity'. 

 1976 : Beaucoup de nouveautés de valeur, le choix est difficile. Votons pour : les deux presque jumeaux 'Betty Simon' (Hamblen, ) et 'Swedish Modern' (Babson, ), tous deux selon le modèle variegata bleu, c'est à dire avec des pétales jaune léger et des sépales mauve tendre ; 'Chartreuse Ruffles' (Rudolph, ) qui fait partie de ces variétés aux couleurs indéfinisables mais qui sont porteurs de gènes qui font saliver les hybrideurs ; 'English Cottage' (Zurbrigg, ) blanc légèrement bordé de bleu clair, au parfum enivrant. En France apparaissent deux iris orange qui confirment le retour au premier plan des hybrideurs français, 'Piroska' (J. Cayeux, ) et 'Roger Renard' (J. Cayeux, ) tandis que 'Tangerine Sky' (Schreiner, ) en orange clair vient leur apporter la contradiction ; d'Australie est venu 'Cabaret Royale' (B. Blyth, ) célèbre bitone bleu et « noir » avec une éclatante barbe rouge. C'est à cette variété que peut être décerné le titre d'iris de l'année. 

1977 : Cette fois encore le choix est difficile. Le nombre d'iris de valeur s'accroît d'année en année... Keppel nous propose 'Flamenco' dans sa série de variegatas-plicatas déjà richement pourvue ; Gatty offre 'Playgirl', un de ses roses tout de finesse et de grâce ; Melba Hamblen a sélectionné 'Silent Majesty', l'un des plus beaux bleu sombre qui aurait pu lui valoir la DM si la concurrence n'avait pas été aussi relevée ; Bernard Hamner lance 'Beauty Crown' plicata dans les tons pêche remarquablement frisé, enfin Schreiner a la chance de présenter 'Victoria Falls' formidable bleu pur à petit cœur blanc, et 'Superstition', une grande avancée dans les noirs. Gibson s'exerce de nouveau aux plicatas bleu vif et Ghio, avec 'Entourage', rare vieux rose, remporte le Florin d'Or à Florence. Il y a aussi le plicata bleu clair 'Gentle Rain' (Keppel,) ou le blanc au cœur d'or 'Sun King' (Stahly,). Le pompon doit néanmoins revenir à l'indémodable 'Victoria Falls (Schreiner,). 

1978 : Ce fut un cru de bonne qualité, caractérisé par un grand choix de nouveaux iris français où se distinguent 'Condottiere' (J. Cayeux,) qui va devenir un des iris les plus utilisés au monde en hybridation, 'Falbala' (J. Cayeux,), bleu violacé à barbes rouges, 'Karinka' (J. Cayeux,) original rosé gorge de pigeon, 'Vague à l'Âme' (J. Cayeux, ), bitone dans les tons violine d'une vigueur remarquable et 'Lorenzaccio de Medicis' (P. Anfosso,), riche bitone brun-rouge hâtif, qui marque l'entrée en lice de son obtenteur. D'Amérique débarque l'un des premiers iris à éperons de bonne qualité, 'Hula Moon' (Rowlan, ) ; dans la production Schreiner on remarque le plicata léger 'Stitch in Time', le blanc à barbe rouge 'Startler', 'Swazi Princess', le « noir » de l'année, et surtout 'Gold Galore', un jaune d'or formidable. Mais quoi qu'il en soit l'iris de l'année est sans conteste 'Condottiere'. 

 1979 : La dernière année de la décennie n'est pas la moins intéressante. Les iris à éperons commencent à s'étendre. Avec, cette fois, 'Battle Star' (Osborne,) joli mélange de brun cannelle et de rose fuchsia. Gibson apporte un lot de plicatas qui comprend 'Beyond', abricot marqué de grenat, 'Burgundy Brown', brun-rouge sur fond crème, et le plus traditionnel 'White Echo Blues', jolie fleur blanche largement bordée de bleu vif. Margaret Parker, se fait connaître avec 'Supersimmon', l'un des oranges les plus vifs jamais apparus. Rudolph propose une nouvelle couleur, en américain c'est « toasted watermelon », en français « melon grillé » ce qui n'est pas très explicite et que l'on préfère traduire par orangé à reflets bruns. Le porteur de cette originalité s'appelle 'Copper Classic'. Walter Luihn marque un grand coup avec 'Song of Norway', bleu glacier à barbe bleue, qui, en dépit d'une évidente raideur, a rencontré un triomphal succès qui lui vaudra la DM en 1986. Cependant le succès numéro un de l'année sera 'Beverly Sills' (Hager,
), qui sera peut-être plus connu que la fameuse cantatrice à laquelle il est dédié, et qui mérite bien le titre d'iris de l'année, même si celle-ci est marquée par les nouveautés de la famille Anfosso, en France, qui feront connaître au monde entier ces nouveaux maîtres de l'hybridation. Enfin, pour terminer ce tour d'horizon, il faut aller en Australie où Barry Blyth enregistre 'Magic Man', descendant de 'Cabaret Royale', et comme ce dernier vivement coloré de bleu, d'indigo et de rouge. 

Il faut bien s'arrêter ! Le choix est grandement subjectif, néanmoins la plupart des variétés citées ont été largement appréciées partout dans le monde. Les « seventies » font partie des plus belles années du XXe siècle en matière d'iris. Même si au cours des années qui ont suivi sont apparues des variétés admirables qui ont démontré la créativité des obtenteurs et la puissance de l'iridophilie. 

Illustrations : 


Mystique' 

'Vanity' 


'Cabaret Royale'


'Victoria Falls' 


'Condottiere'


'Beverly Sills'