30.11.07







LES MTB TETRAPLOÏDES

Quand j’ai publié, il y a quelques semaines, une chronique sur les MTB, un amateur éclairé, Loïc Tasquier, m’a fait remarquer que j’avais passé sous silence les MTB tétraploïdes. Voici, pour réparer cet oubli, ce qu’écrit à ce sujet l’obtenteur américain Jim Craig, dans un article, publié en juin 2004 dans le Bulletin de la Société Néo-zélandaise des Iris.

« A peu près 10 à 15 % des MTB enregistrés sont tétraploïdes. Il y a aussi quelques triploïdes. Il n’y a qu’une analyse de laboratoire méticuleuse pour décompter avec précision le nombre de chromosomes dans une variété. C’est malheureusement ce que l’on devrait faire pour tous les MTB qui sont encore cultivés. Le nombre de chromosomes des iris barbus tétraploïdes varie à partir de 2n=32. Après la 2eme guerre mondiale, la large distribution des espèces d’iris a conduit beaucoup d’hybrideurs à tenter des croisements interspécifiques, quelquefois en utilisant un mélange de pollen, et quelquefois en enregistrant leur travail de manière incomplète. On doit savoir que les espèces les plus utilisées pour le développement des grands iris modernes ont 48 chromosomes, et ceci est généralement vrai pour les MTB tétraploïdes.

« Le plus ancien MTB tétraploïde que je connaisse est ‘Tea for Two’ (Austen 32), un rose fragile. Bien qu’il ait été largement distribué, il n’a jamais été enregistré par l’AIS. Quand il apparaît dans le pedigree d’autres MTB, comme le blanc à barbes jaune ‘Clare Louise’ (Dunderman 66) on doit se demander s’ils ne sont pas tétraploïdes.

« Depuis 1959, année où les MTB ont été officiellement reconnus comme une classe à part par l’AIS, il y a chaque année quelques introductions ; en principe on peut penser qu’une ou deux peut être tétraploïde. ‘Buenita’ (A. White 63) est un iris abricot à barbes presque mandarine qui a l’apparence d’un tétraploïde. Très robuste, il peut mesurer jusqu’à 95 cm. ‘Ring Bearer’ (Cook 67) est un joli rose digne de récompenses officielles, mais qui a le défaut de ne fleurir qu’occasionnellement. En 1966, Ben Hager a introduit trois MTB issus d’une lignée qui résulte d’un croisement de TB et de BB avec I. aphylla. ‘En Route’ est un jaune costaud qui arrive aux limites de la classe des MTB. Je l’ai utilisé dans ma propre lignée de MTB et il contribue à produire des plantes plus petites et mieux proportionnées. ‘Entre’Act’ a des pétales jaune clair et des sépales écrus. Je ne connais pas ses aptitudes en hybridation. ‘Shrinking Violet’ est un iris très sombre, très bien proportionné, qui pousse bien, mais pas à profusion. Les autres MTB tétraploïdes de cette lignée de B. Hager n’ont pas été introduits.

« ‘Echo Pond’ (Sindt 84) est un violet bitone qui ne pousse pas bien. ‘Evening Pond’ (Sindt 85), son frère de semis, est beaucoup plus vigoureux. L’un et l’autre peuvent parfois produire des fleurs trop grosses pour la classe, mais ils ont un intérêt particulier en ce sens qu’ils incluent à la fois I. balkana et I. aphylla.

« La liste alphabétique qui suit est celle de MTB tétraploïdes modernes qui ont de bonnes performances, à mon avis :
‘Apricot Drops’ (Aitken 95) est un orange abricot tendre qui pousse comme une mauvaise herbe. Il n’est peut-être pas tétraploïde, mais il se comporte comme s’il l’était.
‘Bright Sparks’ (Hager 99) est une variété menue, jaune clair à barbes mandarine.
‘Chartres’ (Craig 97) a des pétales bleus et des sépales plus sombres lilas violacé.
‘Devotee’ (Hager 97) est abricot à barbes mandarine.
‘Enriched’ (Craig 2000) est un variegata à pétales jaunes et sépales bleu lavande.
‘Night Spirit’ (Craig 2002) est violet foncé, bien ondulé, une vrai miniature de grand iris.
‘Payoff’ (Craig 87), blanc crémeux/magenta, produit d’excellents semis.
‘Rave Review’ (Craig 92), lavande clair à barbes roses, remonte chez nous.
‘Style Model’ (Hager 99) est un vigoureux blanc crémeux à barbes jaunes.
‘Snob Appeal’ (Hager 97) est un rose moyen très pur avec des barbes mandarine.
‘Titwillow’ (Hager 96) est un rare mélange de bleu et de gris, qui peut donner naissance à des semis de qualité.
‘White Wine’ (Craig 98), en bleu lavande clair, barbes jaunes et épaules bronze, ajoute le parfum à ses charmes. »



JARDINS D’IRIS

I. - LES TUNIQUES BLEUES

C’est un hameau de trois maisons, au bout d’un étroit chemin qui monte, au cœur du parc naturel Livradois-Forez. Le jardin s’étend en partie entre le chemin et la maison, située un peu en contrebas. Les iris ont été plantés en ligne irrégulière, qui suit les méandres et les ondulations du terrain. Comme ce sont des iris bleus ou violets, ils font, ainsi disposés, penser à une colonne de soldats fourbus, rentrant au fort après une journée d’escarmouches. Les Tuniques Bleues…

Ils sont vingt-cinq, récents ou un peu plus anciens, choisis pour leur couleur et la diversité qu’on peut obtenir au moyen d’un camaïeu. Celui qui marche devant, c’est ‘Dusky Challenger’. Il a fière allure dans sa tenue violet sombre : on voit que c’est lui le chef. Il est suivi par un petit émigré italien, ‘Azzurra’ (photo), clair mais vigoureux. Deux vieux grognards viennent derrière, ils évoquent leurs souvenirs des campagnes passées ; ce sont ‘Victoria Falls’ et ‘Sapphire Hills’. L’un et l’autre ont une tenue bleu clair, mais le premier a dénoué au vent sa cravate blanche. La tunique du suivant est encore plus claire, à peine bleutée, avec un soupçon de vert, qui fait un peu penser aux turquoises que travaillent les artisans indiens, c’est ‘Navajo Jewel’. Un petit groupe de trois traîne un peu plus loin : ‘Modernaire’, violet sombre vaguement teinté de pourpre, ‘Crystal Cathedral’ qui n’a de bleu que les barbes et l’extrémité de ses boutons, et ‘Tuxedo’ (photo), un vieux briscard qui garde sa superbe et affiche le noir presque parfait de sa tenue.

Un léger espace de verdure sépare les précédents des trois qui suivent : ‘Aygade’, ‘Falbala’ et ‘Five Star Admiral’. Le bleu lavande du premier est enrichi de l’orange vif de sa barbe, le second, d’un coloris plus soutenu, arbore une barbe franchement rouge, tandis que le dernier, encore plus foncé, étale ses parures jaune moutarde. Celui qui vient après est un chef, à l’évidence, sa haute stature et sa tenue d’argent le signale nettement ; il s’appelle ‘Silverado’. Bien plus petits sont ses successeurs, l’attirant ‘Winner’s Circle’, d’un bleu profond, griffé de blanc au cœur, et ‘Hey Looky’ dont la tunique blanche est barbouillée d’indigo.

Encore un espace et un petit peloton de cinq se présente. Celui qui mène, c’est ‘Honky Tonk Blues’, qui porte beau malgré sa tunique délavée. Deux clairs et deux foncés l’accompagnent : ‘Dreamin’ Blue’ et ‘Flair’ d’un côté, ‘Trapel’ et ‘Stellar Lights’ de l’autre. Tout seul et fatigué, même s’il ne veut pas en avoir l’air, vient le vieux ‘Matinata’. Puis la troupe s’étire un peu plus : l’élégant et puissant ‘Mystique’ est là, auprès du tendre ‘Altruist’. Ils précèdent ‘Aldo Ratti’, encore un italien, qui se singularise par une tenue inversée, la tunique lavande et le pantalon blanc, puis ‘Breakers’, d’un bleu toujours brillant. Et c’est ‘Calamité’ qui ferme la marche. Il a l’habitude des épreuves malgré son air noir et sa barbe bronzée. C’est un solide gaillard : on peut lui confier l’arrière garde.

En cette Auvergne profonde on est loin des pistes poudreuses du Far-West, mais les Tuniques Bleues sont tout de même là, pour la beauté du spectacle.

23.11.07


ECHOS DU MONDE DES IRIS

« Les Iris », par Réjean D. Millette

j’ai eu du mal à me procurer ce livre, publié au Canada. La librairie du Québec, à Paris, censée le vendre, a du le commander chez l’éditeur. Cette opération a demandé plusieurs mois…

Il se présente sous la forme d’un volume de 350 pages, « hard cover » comme le sont maintenant presque tous les livres de qualité, très richement illustré. Ce n’est pas sur ce point que porteront mes observations, mais sur le fond. En effet l’ouvrage se révèle assez convenu dans son contenu, avec un plan discutable, et un style d’écriture qui surprend un peu un Français de souche, mais correspond peut-être à la manière de s’exprimer de nos cousins du Québec. Au demeurant, c’est loin d’être un mauvais livre, mais disons qu’il m’a laissé un peu sur ma faim.

Editions de l’Homme – (http://www.edhom.com/) - prix tout compris : 39, 20 Euros.



LES ROUGES D’ABBEVILLE

Les habitants d’Abbeville, dans la Somme, vont être intrigués par le titre de cette chronique. De quoi peut-il s’agir ? Qu’est-ce qui se passe à Abbeville ? Ils vont peut-être être déçus : ce n’est pas de « leur » Abbeville qu’il s’agit, mais d’une cité de Louisiane, aux Etats-Unis, non loin des côtes du Golfe du Mexique, à peu près à mi-chemin entre Houston, au Texas, et La Nouvelle Orléans, à environ cinquante kilomètres au sud de Lafayette. Elle se situe au cœur d’une zone de marécages, dans ce pays cajun, où l’on trouve tant de traces de la présence française, du temps d’avant que Napoléon 1er ne vende la Louisiane aux Etats-Unis.

Mais c’est quoi, ces Rouges d’Abbeville ? Des Indiens ? Pas du tout ! Ce sont des iris !

Dans le marais d’Abbeville au bord du bayou Vermilion, à la fin des années 30, un certain W.B. McMillan a découvert un nouvel iris. Un iris apogon, en deux tons de rouge carminé, avec de larges sépales vivement colorés. Cette nouvelle plante a immédiatement suscité un très grand intérêt chez les spécialistes des iris. Pendant des années elle a fait l’objet d’interminables débats taxonomiques, mais le consensus semble s’être fait sur ce que ce serait un hybride entre I. fulva, I. giganticaerulea et I. brevicaulis. Un hybride, peut-être, mais un hybride stabilisé à qui on peut attribuer le statut d’espèce. C’est L.E. Randolph, qui en a fait la description précise en 1966, et l’a baptisée du nom de Iris nelsonii, en hommage à Ira S. Nelson, un universitaire qui, à partir de 1941, a développé l’hybridation des iris de Louisiane.

Avant d’être ainsi dénommés les iris découverts sur les berges du bayou Vermilion étaient désignés simplement sous l’appellation d’iris rouges d’Abbeville.

En dehors de savoir s’il s’agissait d’une espèce ou d’un hybride, l’intérêt des ces iris était qu’ils pouvaient apporter un enrichissement phénoménal du nouveau type d’hybrides en cours de développement, connu sous le nom d’Iris de Louisiane. En effet les trois espèces qui, jusque là avaient été croisées en vue d’obtenir un nouvel hybride intéressant pour le jardin, I. fulva, I. giganticaerulea et I. brevicaulis, ne disposaient pas de la couleur rouge cramoisi. I. nelsonii comblait cette lacune. De ce jour, l’hybridation des Iris de Louisiane a pris un nouvel essor.

Cet essor a été d’autant plus important qu’en plus de la couleur rouge pourpré, I. nelsonii apportait aux nouvelles plantes un tas d’avantages remarquables. D’abord une rusticité qui permettait leur distribution au-delà de leur région d’origine jusque là limitée à un petit quart sud-est des USA. Ensuite des fleurs plutôt grandes, plus grandes en tout cas que les trois autres espèces utilisées jusque là en hybridation, avec des pièces florales épaisses et de la consistance du cuir, qui se recouvrent partiellement les unes les autres, ce qui donne un aspect plat et large. Il n’est pas rare, encore, qu’il donne naissance à plusieurs tiges florales portant chacune une paire de boutons floraux à l’aisselle des feuilles. Ces caractéristiques se retrouvent dans les hybrides, ce qui confère encore plus d’intérêt à cette miraculeuse espèce.

Il n’y a en fait qu’une caractéristique que ne possède pas I. nelsonii (voir photo). C’est d’être tétraploïde. En effet, comme les autres espèces de la série Hexagonae, il reste diploïde. Il a fallu le travail de Joseph K. Mertzweiler, puis de Currier McEwen pour qu’apparaissent des Iris de Louisiane tétraploïdes. Cette multiplication des chromosomes présente l’avantage de donner naissance à des plantes plus grandes et plus vigoureuses, avec des fleurs plus solides disposant, par-dessus le marché d’infinies possibilités de variétés des couleurs et de mélanges de teintes. Elle a pour inconvénient que les plantes soient peu fertiles, mais cette difficulté est peu à peu corrigée, au fil du temps et de sélections horticoles. (voir photo de ‘Professor Neil’ –Mertzweiler 92)

Grâce aux « Rouges d’Abbeville », un nouveau type d’iris s’est développé et a atteint aujourd’hui un niveau proche de celui des grands iris de jardin (TB), puisque les Iris de Louisiane arrivent en deuxième position pour le nombre de nouvelles variétés enregistrées chaque année.
Rectification

J’ai reçu un message de Loïc Tasquier qui me fait remarquer une inexactitude : « (…) dans l'article consacré aux sépales, tu a mis une photo d'un seedling de Mike Sutton, (Mother Earth X Bragadoccio), envoyée par Mike ». (Il s’agit de la photo représentant deux pièces florales, destinées à montrer le développement atteint actuellement par la base des sépales.) Loïc Tasquier ajoute : « L'autre photo est bien prise par moi, mais c'est aussi un iris de Mike Sutton, un IB, ‘Line Drive’ ».

Je présente mes excuses à l’un et à l’autre pour avoir été un peu rapide dans mes attributions de paternité.

17.11.07

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Parfum

Longtemps le parfum du rhizome d’iris (I. pallida ou I. germanica var. florentina) a été très apprécié. Non moins longtemps il a été considéré comme trop riche et, par conséquent, délaissé. Le voilà qui revient à la mode ! L’attrait nouveau qu’il suscite de la part des parfumeurs fait partie de ces mouvements cycliques qu’on constate un peu dans tous les domaines. S’y ajoute le fait qu’il s’agisse d’un parfum extrêmement coûteux, puisqu’il atteint la prix de 10000 euros le kilo ! Ce qui est cher est forcément bon, n’est-ce pas ? Toujours est-il que de nombreux « jus » récents font appel à l’iris.

L’amateur qui pense faire un cadeau original et en rapport avec sa passion va avoir le choix en cette fin d’année :
· IRIS NOIR d’Yves Rocher ;
· IRIS SILVER MIST de Lutens ;
· IRIS GANACHE de Guerlain ;
· NOTRE FLORE : IRIS de l’Occitane
· IRIS NOBILE de Acqua di Parma ;
· INFUSION D’IRIS de Prada.

Et quelques autres…






LE COMPTEUR DE CHROMOSOMES

On ne parle plus de Marc Simonet (à peine quelques lignes signées Maurice Boussard dans l’ABCdaire des Iris), et même sur Internet, on a bien du mal à trouver des informations sur ce scientifique auquel les amateurs d’iris doivent pourtant un grand pan de la connaissance de leur plante favorite.

Dans une brève note publiée dans le numéro 123 de la Revue « Iris & Bulbeuses », organe de la SFIB, Lawrence Ransom a écrit : « Marc Simonet, Docteur es science, Chevalier de la Légion d’Honneur et Officier du Mérite Agricole, fut l’un des tout premiers membres de la Société Française des Amateurs d’Iris, le nom d’origine de notre Association. Ceux qui le connaissaient bien se souviennent avec attachement de ce personnage, stéréotype du genre « professeur distrait ». Sur sa tombe, dans le cimetière d’Antibes, on peut voir, gravé sur la pierre á côté de son nom, les insignes de la Légion d’Honneur accompagnés d’un iris. »

Maurice Boussard dit de lui : « Né en 1899, Marc Simonet (…) a réalisé pendant plus de 30 ans (…) de nombreux travaux sur la cytologie des iris. En étudiant le caryotype (1) de plus d’une centaine d’iris, il a confirmé la grande hétérogénéité du genre. Ses recherches sur l’hybridation et la compatibilité des différentes espèces botaniques entre elles ont eu une influence déterminante sur le travail des obtenteurs. » Même si c’est court, c’est clair et cela résume bien toute l’œuvre de Marc Simonet.

Quand il était enfant, il se rendait en vacances à Verrières le Buisson. C’est là qu’il a acquis son intérêt pour les iris en visitant les jardins de la maison Vilmorin obtenteur d’iris, (‘Ambassadeur’, ‘Eldorado’, ‘Parisiana’ –photo -…) A l’occasion de ses études à l’Ecole Nationale Supérieure d’Horticulture de Versailles, il a obtenu une bourse pour l’institut Pasteur. Il prend goût à la génétique et aux chromosomes et fait de nombreux croisements, principalement sur les céréales et le lin. Ingénieur horticole et chercheur, il commence comme chef du laboratoire des recherches génétiques et phytosanitaires chez Vilmorin-Andrieux. De 1923 à 1931, Il a accès au jardin d’iris, et entreprend des études sur le décompte des chromosomes.

C’est essentiellement en ce domaine que le monde des iris lui est redevable. Il a publié plusieurs communications sur le sujet dès la fin de l’année 1928. La première est parue sous le titre : « Le nombre de chromosomes dans le Genre Iris ». La suivante a porté plus précisément sur « Le nombre de chromosomes chez les iris des Jardins », puis, quelques semaines plus tard, un approfondissement de la communication précédente a été publié : « Nouvelles recherches sur le nombre des chromosomes chez les hybrides des Iris des Jardins ».

Ce décompte des chromosomes a fait apparaître, sans entrer dans le détail, l’existence de deux types d’iris, ceux, diploïdes, ayant 2n=24 chromosomes, et les autres issus d’espèces du Moyen Orient, qui en comptent 2n=48. Cette découverte est exprimée par son auteur de la façon suivante, qui nous paraît un peu désuète aujourd’hui, avec un recul de 80 ans : « Chez les Iris des Jardins (I, germanica Hort.), signalons que nous avons découvert de la tétraploïdie dans les espèces orientales, â grandes fleurs, introduites tout au début du xx` siècle. Celles-ci, en se croisant entre elles ou avec des types anciens ont donné naissance, à un certain nombre d'hybrides triploïdes (Ballerine) (photo), tétraploïdes (Ambassadeur) et pentaploïdes (Magnifica) ; avec parfois perte d'un chromosome ou, encore, présence de un ou deux chromosomes surnuméraires. (Ambassadeur possède, en effet, 2n=5o au lieu de zn=48 et Magnifica 2n=62, au lieu de 2n=6o). La présence de 2 chromosomes surnuméraires a été aussi signalée par Longley, chez Iris Jacquesiana (photo). L'existence, de tels hybrides est, comme nous y disions, très important chez les Iris où le nombre de chromosomes est en rapport direct avec le gigantisme floral de la plante. La variété Magnifica est, en effet, la forme horticole ayant les plus grandes fleurs.
Dans une précédente note, nous avions déjà suggéré, que, l'étude cytologique chez les Iris pourrait être un instrument de sélection. Ainsi, en étudiant les jeunes semis non encore fleuris (l'Iris demande 3 ans pour fleurir), on pourrait très facilement éliminer, dans la recherche des variétés à grandes fleurs, les espèces qui ne sont pas au moins triploïdes ».

Nous savons aujourd’hui que les formes triploïdes ou pentaploïdes sont stériles et par conséquent sans grand intérêt pour les hybrideurs. Avant les travaux de Marc Simonet, les hybrideurs ignoraient pourquoi certains croisements ne donnaient rien, et pourquoi certains iris avaient de grosses fleurs alors que d’autres n’en avaient que des petites. Grâce à Simonet, la connaissance a fait un progrès considérable et l’hybridation en a profité. Tous les grands iris actuels, ceux que Simonet appelle les Iris des Jardins et qu’en notre jargon américanisé nous nommons TB, sont tétraploïdes.

En 1936, il devient directeur du Centre de Recherche Agronomique de Provence, à Antibes, ce, jusqu’en 1942. Il retourne chez Vilmorin et étudie le passage à la polyploïdie grâce à la colchicine. Car il avait compris que c’était les grands iris tétraploïdes qui présentaient le plus d’intérêt, et il s’est attelé à rechercher un moyen de faire passer les iris de la diploïdie à la tétraploïdie. La technique qu’il a préconisée a pris par la suite une grande ampleur dans les travaux de spécialistes comme Currier McEwen, aux Etats-Unis, ou Tomas Tamberg, en Allemagne.

A partir de 1948, il travaille à Versailles (INRA). Pour affiner ses études et contrôler sur le terrain la pertinence de ses observations, Marc Simonet s’est lancé dans le croisement d’espèces différentes d’iris. Ces croisements interspécifiques ont abouti à la création d’une collection irremplaçable de cultivars très divers, qui, à la mort de leur créateur en 1965, a été récupérée par le Muséum National d’Histoire Naturelle, puis, déplacée plusieurs fois, se trouve maintenant aux Jardins de Brocéliande, conservatoire national de l’iris, ainsi qu’au Parc Floral de Vincennes. Même si au cours de ses déménagements la collection a été un peu chamboulée, elle reste un outil indispensable pour tout chercheur dans le domaine de l’iris.

Alors, pour une fois, un hommage à Marc Simonet, n’est que lui rendre enfin justice.

(1) caryotype = arrangement caractéristique des chromosomes d’une cellule, spécifique d’un individu ou d’une espèce. (le petit Robert 2007)

8.11.07







AUS ITALIEN
D’Italie

C’est en écoutant « Aus Italien », l’œuvre de jeunesse, brillante et descriptive, du compositeur allemand Richard Strauss, que m’est venue l’idée de faire le point sur l’évolution du monde des iris en Italie des années 60 à aujourd’hui.

« Aus Italien » évoque pourtant plutôt l’Italie du Sud, puisque trois des quatre tableaux concernent la région de Naples (la Campanie, la plage de Sorrente, une scène napolitaine), alors que les iris se cantonnent essentiellement plus au nord, en Piémont et en Toscane.

Peut-être s’est-on aperçu qu’il y avait des grands iris barbus en Italie quand, en 1973, ‘Rosso Fiorentino’ (Flaminia Specht NR) a remporté le Florin d’or au concours de Florence. Pourtant, les iris, l’Italie s’en est fait une spécialité bien avant que l’on ne songe à pratiquer l’hybridation artificielle. Ils apparaissent déjà dans les peintures italiennes du 15eme siècle. C’est ainsi qu’un I. pallida figure dans « Le Printemps » de Botticelli (1478). De même I. germanica est présent dans « L’Adoration des Bergers » de Ghirlandajo (1480). Enfin dans « L’Adoration » de Filippo Lippi l’un des deux iris représentés serait I. lutescens. Quant à l’iris qui figure sur les armes de la ville de Florence, c’est sans doute l’iris à parfum ou I. florentina.

Plus près de nous, une dame romaine, Gina Sgaravitti, a proposé quelques obtentions originales, et je cultive avec affection et respect celle qu’elle a baptisée ‘Beghina’, un iris franchement gris (photo) qui date des années 60. Nous étions déjà dans l’ère des grands iris tétraploïdes. Les obtenteurs français, anglais et américains tenaient alors le haut du pavé et laissaient loin derrière eux les iris des amateurs italiens ! Autant dire que ceux-ci étaient franchement inconnus ! Ils se sont enhardis lorsque a été créé le « Concorso Firenze » et dès l’année 63, ils s’y sont distingués puisque ‘Il Cigno’ (N. Stross) a obtenu le second prix. Dans le même temps, sans doute également encouragé par l’existence du concours, le commerce des iris a commencé à se développer et la pépinière Degl’ Innocenti s’est peu à peu constitué un catalogue intéressant, où à côté des variétés américaines ou anglaises de l’époque, elle a placé quelques obtentions de son crû. Mais, humilité ou négligence, aucun de ces iris n’a été officiellement enregistré, comme si ces variétés autochtones n’étaient pas en mesure de rivaliser avec leurs homologues américaines.

Cette situation s’est maintenue longtemps. Jusqu’au jour où, timidement, Augusto Bianco se décide à enregistrer ses premières variétés. C’est en 1994 ! Sa compatriote Valeria Romoli lui emboîte le pas en 96 avec deux iris : ‘Buongiorno Aprile’ (photo) et ‘Verde Luna’. Augusto Bianco ouvre à son tour sa pépinière et commence à vendre ses obtentions. Son catalogue s’étoffe d’année en année. Il contient des variétés américaines, anglaises, françaises et australiennes à côté des produits maison dont la renommée dépasse bientôt les frontières de l’Italie. La mondialisation est en route, et les iris Bianco se font remarquer un peu partout. En 1998 l’IB ‘Mezza Cartuccia’ obtient la première place au « Dr Loomis Memorial Trial ». L’année suivante, c’est ‘Settimo Cielo’ (V. Romoli 99) qui apporte à l’Italie son second Florin d’or.

Maintenant A. Bianco enregistre chaque année de nombreuses variétés et quelques autres obtenteurs, amateurs éclairés, n’hésitent plus à faire de même. Ils s’appellent Stefano Gigli, Luigi Mostosi, A. Affortunatti, Roberto Marucchi, Mauro Bertuzzi … Ce dernier est même couvert de laurier quand son ‘Recondita Armonia’ décroche le Florin d’Or en 2006.

Désormais, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne, mais surtout en République Tchèque ou en Slovaquie, des obtenteurs européens luttent à armes égales avec les plus grands. Ils n’hésitent plus à se mesurer à eux dans les compétitions internationales, comme ce fut le cas lors de FRANCIRIS ® 2007, où une variété italienne ‘Arcobaleno (Mostosi 2003) (photo) a été déclaré « variété la plus parfumée ». On a même l’impression que l’iridophilie italienne est devenue l’une des plus dynamiques du monde. En tous cas elle en supplante plusieurs, comme celle de Grande Bretagne, manifestement en retrait depuis quelques années.

La joyeuse musique italianisante de Richard Strauss peut bien parrainer la mélodie que nous chantent les iris d’Italie.






LES CONCOURS D’IRIS EN 2007

Les résultats des différents concours et critériums de 2007 sont maintenant connus. Il est donc possible d’en présenter un tableau.

1) Etats-Unis
DYKES MEDAL US :
· ‘Queen’s Circle’ (Kerr 99)
· ‘Starwoman’ (M. Smith 97) - IB
· ‘Golden Panther’ (Tasco 2000)
WISTER MEDAL (meilleur TB) :
· ‘Starring’ (Ghio 99)
· ‘Ring Around Rosie’ (Ernst 2000)
· ‘Daugther of Star’ (Spoon 2000)
KNOWLTON MEDAL (BB)
‘Go for Bold’ (Black 2000), (photo)
SASS MEDAL (IB)
‘Delirium’ (M. Smith 99)
COOK-DOUGLAS MEDAL (SDB)
‘Music’ (Keith Keppel 98)
WALTHER CUP (meilleur espoir)
· ‘Florentine Silk’ (Keppel 2005)
PRESIDENT’S CUP (meilleure variété originaire de la Région organisatrice de la Convention)
· ‘Barbara Jean’ (Mullin 2005)
FRANKLIN COOK MEDAL (meilleure variété de TB obtenue hors de la Région organisatrice de la Convention)
· ‘Florentine Silk’ (Keppel 2005)
HAGER CUP (meilleure variété autre que TB obtenue hors de la Région organisatrice de la Convention)
· ‘Dividing Line’ (Bunnell 2004) –MTB (photo)

2) France
FRANCIRIS ® 2007
· ‘Soloviniya Noc’ (Miroshnichenko NR)
· ‘Mamie Framboise’ (Fur/Laporte 2004)
· ‘Italian Ice (A.D. Cadd 2000)
CRITERIUM DE L’IRIS (ORLÉANS) – trois premières variétés classées –
· ‘Poésie’ (R. Cayeux 2002)
· ‘Rare Quality’ (Schreiner 99)
· ‘Mystérieux’ (R. Cayeux 2003)

3) Italie
PREMIO FIRENZE
· Florin d’or = ‘Aurélie’ (R. Cayeux 2002)
· ‘Sorisso d’Alice’ (Mostosi NR)
· ‘Red Masterpiece’ (Schreiner 2004)
4) Grande Bretagne
BRITISH DYKES MEDAL
· Non décernée

5) Allemagne
IRIS-BEWERTUNG MÜNCHEN
Compétition Nationale
· ‘Alrun’ (Beer 2007)
Compétition Internationale
· ‘Violet Ballerina’ (A.D. Cadd 2003)

6) Europe Centrale
Compétition réservées aux obtenteurs d’Europe Centrale :
· Semis GF-J-99-1 - Jerzy Wozniak (Pologne)
Compétition internationale :
· ‘Beyond Paradise’ (A.D.Cadd 2004)






7) Russie
Compétition Internationale de Moscou
‘Stephan Zweig’ (Loktev 2002)

8) Australie
AUSTRALIAN DYKES MEDAL
· ‘Second Option’ (Grosvenor 99)
I.S.A. MEDAL
· ‘Daintree’ (Taylor J. 97) –LA (photo)

4.11.07

ECHOS DU MONDE DES IRIS

En Suisse

En mai prochain un voyage sera organisé par la SFIB pour aller en Suisse voir le jardin d’iris du Merian Park à Brüglingen, dans la banlieue de Bâle.

Il s’agit d’un jardin consacré aux variétés anciennes, qui contient plus de 1500 variétés. Il s’est constitué peu à peu à partir d’une donation faite en 1969 par la comtesse von Zeppelin. C’est devenu l’un des plus beaux et des plus importants jardins consacrés à ce thème, avec celui de Pruhonice, à Prague, en République Tchèque.



TECTONIQUE DES SÉPALES

Les progrès apportés aux iris ne se sont pas limités à l’enrichissement des couleurs des fleurs. Ils ont porté aussi sur l’amélioration de la tenue des pièces florales, afin de présenter des fleurs plus élégantes et de plus longue durée de vie.

Le progrès le plus fondamental a été la transformation des sépales, mais les pétales eux-mêmes ont évolué. A l’origine, ils étaient légers, gracieusement arqués au-dessus des pièces sexuelles. Mais leur légèreté ne leur laissait qu’une brève période de parfaite présentation. Dans la nature ce n’était pas gênant parce que la fécondation doit se produire peu de temps après l’éclosion de la fleur : que le vent ou la pluie écrase les pétales n’avait aucune conséquence. Au jardin d’agrément, en revanche, il est préférable que les fleurs durent le plus longtemps possible. Les hybrideurs ont donc travaillé au renforcement des pétales. En sélectionnant les fleurs avec des pétales de plus en plus épais, et en retenant celles qui pouvaient se tenir bien rigides, soit en raison de la robustesse des côtes, soit à cause d’une forme turbinée, très solide. Mais en revanche la forme en arche a fait place peu à peu à une forme en coupe, donc ouverte sur le dessus, ou à une présentation en tulipe en bouton, donc fermée. L’élégance, dans ces cas, provient des ondulations et/ou des frisottis animant les bords.

En ce qui concerne les sépales, l’évolution a été encore plus remarquable. Le gros défaut des sépales d’iris, c’est qu’ils ont, d’origine, des attaches très minces. Cela n’est pas une anomalie : les sépales devaient initialement s’ouvrir largement et se rabattre pour laisser les insectes accéder facilement aux pièces sexuelles. En fait ils ressemblaient un peu aux feuilles de mâche, avec, en partant de la zone d’attache des pièces florales au-dessus des ovaires, une « queue » mince et étroite, s’étalant en une forme obovale, atténuée à la base, obtuse à l’extrémité. Par le jeu des sélections, les obtenteurs sont parvenus à obtenir des sépales cordiformes, donc s’élargissant très vite. Ceci est vrai pour les grands iris (TB, BB, IB), pas encore pur les iris nains, mais la problématique de ceux-ci n’est pas la même.

Parallèlement, comme pour les pétales, la matière, la chair, des sépales s’est épaissie, prenant une texture voisine de celle des pétales de magnolia. Peu à peu les sépales ont eu une meilleure tenue : au lieu de pendre tristement, ils se sont redressés, prenant à leur tour une allure en arc. Mais la transformation ne s’est pas arrêtée là. Le but à atteindre était des sépales se tenant le plus près possible de l’horizontale.

Un autre moyen de maintenir les sépales dans cette position a donc été de sélectionner les plantes dont ces parties se développaient rapidement en largeur, prenant cette forme cordée dont il a été question ci-dessus. Les Américains parlent de sépales « overlapping » (voir photos), c’est à dire qui ne laissent aucun espace entre eux et, même, viennent à se chevaucher, un peu comme les plaques tectoniques de la croûte terrestre. La fleur y gagne en ampleur ce qu’elle perd en accessibilité reproductrice : chez de nombreuses variétés modernes le chevauchement des sépales dissimule partiellement ou totalement les étamines et les styles. Dans un hybride, cela n’a pas d’importance puisque la pollinisation est exclusivement assurée par l’homme.

En plus, l’apparition des ondulations sur les fleurs d’iris a permis une meilleure tenue des sépales. C’est le principe de la tôle ondulée, où la rigidité est atteinte par le mouvement donné au métal : il est évident que les variétés ondulées ont des sépales plus rigides et plus dressés que les variétés plates (« tailored » comme on dit en américain).

Ainsi, de sépales mous et prenant vite une position rabattue, on est parvenu en 70 ans environ, à des sépales presque horizontaux, ondulés voire crêpés, qui maintiennent la fleur élégante et fraîche pendant plusieurs jours, permettant de voir ouvertes sur une même tige plusieurs fleurs étagées, un peu comme on a coutume de voir chez les glaïeuls ou les cannas. C’est évidemment plus spectaculaire.

Cela veut-il dire que les fleurs d’iris ont atteint une perfection sans possibilité d’amélioration ? Il faut répondre par la négative. Les fleurs d’iris vont continuer d’évoluer, pas nécessairement pour transformer fondamentalement les fleurs que l’on apprécie aujourd’hui, mais pour apporter d’autres formes. C’est d’ailleurs ce qu’imagine Richard Cayeux pour l’iris du futur lorsqu’il évoque, dans son livre « L’iris, une fleur royale », les iris barbus du troisième millénaire : « On peut donc dès aujourd’hui imaginer de nouveaux modèles de fleurs d’iris : des iris « spiders » (à divisions très longues et très fines…), des iris aux divisions bordées de cils… » ainsi que des fleurs à l’aspect de I. paradoxa, c’est à dire avec des sépales « très petits, horizontaux, portant une forte barbe noire et des pétales violets et chatoyants nettement plus grands ». Il a oublié de parler de la situation inverse : des iris sans pétales, c’est à dire avec une forme plate, un peu comme celle des iris du Japon, où les six pièces florales sont des sépales ou pseudo-sépales, se recouvrant largement. Les mouvements de ces sépales étalés n’auront pas les mêmes conséquences que ceux des plaques tectoniques terrestres, mais si ces formes venaient à se développer largement, ce serait tout de même, dans le petit monde des iris, une sorte de séisme.