29.9.05

CHRISTIANA BAKER

La Knowlton Medal, qui récompense chaque année le meilleur iris de bordure, est allée en 2005 à CHRISTIANA BAKER (Kerr 99). Si j’en parle aujourd’hui ce n’est pas parce que j’ai un attachement particulier à la catégorie dont cet iris fait partie, mais parce qu’il montre des qualités intéressantes dans le type « Emma Cook », type auquel j’ai déjà consacré plusieurs chroniques et qui tient une bonne place dans la hiérarchie de mes iris favoris.

Tel qu’il est décrit par son obtenteur, CHRISTIANA BAKER est un amoena présentant en effet les caractéristiques du type « Emma Cook » : « pétales et styles blancs ; sépales de blanc à bleu violacé clair, bordure bleu foncé, large de 8mm ; barbes jaunes pointées de blanc. » C’est un iris de bordure, puisqu’il ne dépasse pas les 70 cm de haut, et cela n’est pas fortuit puisque son parent féminin est un autre iris de bordure, CLASSIC TREASURE (Burger 83), petit iris blanc aux sépales liserés de bleu, chez qui se rencontrent non seulement les gènes de l’ancêtre des amoenas, WHOLE CLOTH (Cook 58 – DM 62) et ceux de son frère EMMA COOK (Cook 57), mais aussi ceux de l’ancêtre des iris ondulés, SNOW FLURRY (Rees 39), de l’ancêtre des iris bleus, CAHOKIA (Faught 46), et de l’ancêtre des iris frisés, MAY HALL (Hall 52). Voilà un pedigree qui a de l’allure !

Le côté masculin de CHRISTIANA BAKER est tout aussi riche. Il provient de GLISTENING ICICLE (Maryott 82), un célèbre amoena, lui-même descendant d’une lignée d’amoenas réussis : PRESIDENT FARNSWORTH (Muhlestein 74), IVY LEAGUE (Nearpass 68) et LORD BALTIMORE (Nearpass 69). Bien plus tôt dans l’arbre généalogique on trouve certains noms déjà cités, comme SNOW FLURRY, CAHOKIA et WHOLE CLOTH, mais aussi d’autres qui ont tous laissé une trace dans l’histoire des iris, comme SABLE (Cook 38 – DM 40), GREAT LAKES (Cousins 38 – DM 41), PALOMINO (Hall 51) et le troisième joyau de la production de Paul Cook, MELODRAMA (Cook 56).

Que CHRISTIANA BAKER soit une belle réussite n’a donc rien d’étonnant ! Cela explique pour une bonne part le parcours sans faute de cet iris sur le chemin des honneurs : Honorable Mention (1er des BB) en 2001 (et aussi cette année-là 2eme place pour la Franklin Cook Memorial Cup à la Convention d’York en Pennsylvanie) ; Award of Merit en 2003 (1er des BB) et, enfin, Knowlton Medal en 2005. Il est en course encore pour la Dykes Medal, mais à ce niveau il affrontera de rudes concurrents !

Frederick Kerr, l’hybrideur, a utilisé sans tarder les perspectives généalogiques de CHRISTIANA BAKER et il a obtenu une variété excellente, QUEEN’S CIRCLE (99), qui allie une jolie fleur blanche finement bordée de bleu à des qualités de plante remarquables. QUEEN’S CIRCLE, enregistré la même année que CHRISTIANA BAKER, mais dans la catégorie des grands iris, et qui a fait dans les honneurs une aussi belle carrière que celle de son « père », pourrait bien souffler la politesse à ce dernier et enlever prochainement la récompense suprême.


Récréation (Réponse à la question de la semaine dernière)
Ces variétés proviennent toutes de l’hémisphère sud (Australie ou Nouvelle Zélande).

AZURE ANGEL (Grosvenor – Australie)
HELEN DAWN (Grosvenor – Australie)
LIGHT BEAM (Lesley Blyth – Australie)
PINNACLE (Jean Stevens – Nouvelle Zélande)
SOSTENIQUE (Barry Blyth – Australie)

Récréation

Voici une liste de cinq variétés qui, pour une raison ou une autre, ont toutes eu un moment de célébrité. Devinez quel est leur point commun.

ALIZES
BLACKOUT
GOING MY WAY
HELLO DARKNESS
INTERPOL

La réponse viendra la semaine prochaine.

UNE A.G. ‘A MINIMA’

La SFIB a tenu son Assemblée Générale Annuelle la semaine dernière sur la côte normande, à Sotteville sur mer, entre Dieppe et Saint Valéry en Caux. Elle n’a pas attiré les foules d’amateurs d’iris et de plantes bulbeuses puisque seulement une quinzaine d’entre eux avaient fait le déplacement, dont sept des membres du Conseil d’Administration. Dans ces conditions les discussions ont été réduites. Les seules questions qui ont donné lieu à un véritable échange ont été celle du maintien de l’autonomie de la SFIB, celle de la périodicité du bulletin « Iris et Bulbeuses », et celle de l’élection des membres du C.A.

Sur le premier sujet, aucun avis n’a été déterminant, les avantages et les inconvénients s’équilibrant ; le statu quo a été décidé.

Sur la périodicité du bulletin, les échanges ont été plus animés. Mais la décision de passer à un bulletin annuel a été entérinée, faute de solution de rechange.

Le renouvellement des membres du C.A. s’est fait sans surprise. Pour dix sièges à pourvoir, les neuf sortants étaient candidats à leur propre succession. Deux candidatures nouvelles s’étant manifestées, il a été nécessaire d’effectuer un vote à bulletin secret qui a abouti à l’élection de Mmme Yvenat-Menou au siège vacant et au remplacement de Mme Bersillon par Mme Hemme.

Une interview, de la Présidente, réélue, de la SFIB sera publiée ici très prochainement. Ce sera l’occasion de modifier un peu Irisenligne, qui deviendra, en quelque sorte, l’hebdomadaire francophone de l’iris.

21.9.05

Un peu d'avance, cette semaine, pour cause d'Assemblée Générale de la S.F.I.B., en Haute Normandie.

RÉCRÉATION (Réponse à la récréation de la semaine dernière)

Ces variétés ont toutes été obtenues par des femmes.
BLUE RHYTHM (Agnès Whiting)
DEBBY RAIRDON (Lois Kunz)
EARLY LIGHT (Nora Scopes)
SETTIMO CIELO (Valeria Romoli)
SUNSET SKY (Bernice Roe)
Récréation

Voici une liste de cinq variétés qui, pour une raison ou une autre, ont toutes eu un moment de célébrité. Devinez quel est leur point commun.

AZURE ANGEL
HELEN DAWN
LIGHT BEAM
PINNACLE
SOSTENIQUE

La réponse viendra la semaine prochaine.
MELODRAMA

L’histoire des iris est peuplée d’événements fortuits qui ont eu des conséquences inouïes. Par exemple le fait que Paul Cook ait un jour commandé des graines de I. mellita et qu’il ait reçu par erreur des graines de I. reichenbachii. En 1944, un des semis de reichenbachii fut croisé avec le pollen du grand iris bleu SHINING WATERS (Douglas circa 35). Un des rares produits de ce croisement fut croisé de nouveau avec SHINING WATERS : ainsi naquit le fameux petit iris PROGENITOR (Cook 51). A l’époque le projet de Paul Cook était d’approfondir la couleur bleue des iris et il eut l’idée d’utiliser PROGENITOR dans ce but. Mais le résultat dépassa ses espérances. Il constata que l’espèce I. reichenbachii disposait d’un gène inhibiteur de la coloration des pétales et qu’il avait sans le rechercher créé un nouveau type d’iris. Croisée et recroisée avec des iris bleus, la souche PROGENITOR X SHINING WATERS fut enfin mariée au rose orchidée DREAMCASTLE (Cook 43). Le résultat : un iris agréablement ondulé, avec des pétales d’un bleu violacé clair qui va en s’assombrissant jusqu’on violet vif, sur les sépales. En prime ce semis était une plante de belle taille, bien branchue et avec de nombreux boutons. Il fut baptisé MELODRAMA (Cook 56).

Cook ne s’est pas arrêté à ce succès. Il a continué son travail et du couple PROGENITOR X SHINING WATERS, associé à d’autres souches, il a obtenu près d’une douzaine d’iris de valeur dont trois ont été des jalons indispensables dans l’histoire de l’iridophilie en général et des iris amoenas en particulier : EMMA COOK (57), SUPERLATION (57) et WHOLE CLOTH (57 – DM 62).

MELODRAMA, qui n’est pas un amoena mais plutôt un néglecta, pour sa part, a donné naissance au cours des années 60 et 70 a une quantité considérable de nouvelles variétés. On y trouve, bien entendu de nombreux néglectas et amoenas, mais aussi des iris de beaucoup d’autres coloris, au gré des croisements. Cela va du type variegata au type bicolor puis aux fleurs jaunes, rose orchidée, rouille ou ocre, mais presque toujours dans le type bitone. Il est nécessaire d’ajouter que MELODRAMA a joué une part prépondérante dans l’apparition de modèle de plicata « Spinning Wheel », ou bitone-plicata. SPINNING WHEEL (Nearpass 74) a en effet pour pedigree : (Dancer’s Veil x (New Adventure x (Captured Heart x Melodrama)) x Ribbon Round) X Charmed Circle.

Dans les tons de bleu on peut citer A PROPOS (Babson 64), CLOUD CAPERS (Schreiner 66), DREAM LOVER (Tams 71 – DM 77) ou RIPPLING CLOUDS (Hamblen 74) ; Dans le type variegata il y a GYPSY LULLABY (Hamblen 60), BON VIVANT (Plough 63), AMIGO’S GUITAR (Plough 64) ou COSMOPOLITAN (Hamblen 72) ; chez les bicolors parlons surtout de TOUCHE (Hamblen 69), chez les jaunes de QUEEN OF FLORENCE (Mallory 76, primé l’année précédente à Florence, comme son nom l’indique), chez les roses de ROSILLA (Tams 72), et chez les pourpres ou violacés de GONDOLIER (J. Nelson 71) ou de l’obtention française LUCINOU (Brun 78). Et cette liste deviendrait interminable si on devait la compléter par les descendants aux générations ultérieures de tous les iris issus de MELODRAMA, y compris ceux provenant de SPINNING WHEEL !

Il n’est donc pas exagéré de dire de cet iris qu’il constitue une des pierres angulaires de l’hybridation. Ce qui amène à une autre constatation : si Paul Cook s’était tenu scrupuleusement à son projet d’amélioration des iris bleus, il aurait peut-être rejeté le maigre PROGENITOR, et n’aurait jamais obtenu ses plus importantes variétés… Alors, quand on recommande aux hybrideurs débutants de déterminer un thème de recherches, il faut ajouter un autre conseil, celui de ne pas hésiter à bifurquer s’ils ont la conviction d’avoir découvert quelque chose d’intéressant.

16.9.05

Récréation

Voici une liste de cinq variétés qui, pour une raison ou une autre, ont toutes eu un moment de célébrité. Devinez quel est leur point commun.

BLUE RHYTHM (DM 50)
DEBBY RAIRDON (DM 65)
EARLY LIGHT (BDM 83)
SETTIMO CIELO (FO 99)
SUNSET SKY (FO 69)

La réponse viendra la semaine prochaine.
LA RÉVOLUTION ROSE

Après le passage à la tétraploïdie, la seconde révolution qui a secoué le monde des iris a été la révolution rose.

En fait cette dernière est l’un des avatars de la révolution tétraploïde. Laissons Ben Hager en parler (1) : « …tout à coup, le rose apparut sur plusieurs iris presque au même moment, accompagné de barbes mandarine, inévitables acolytes des corolles et calices roses.
La découverte de tous ces roses s’échelonna sur une période d’environ dix ans. Cette couleur dont on n’avait jamais vu les iris se parer envahit les jardins des hybrideurs qui travaillaient sur des fleurs aux origines inconnues. En ce temps-là, dans l’ensemble, les hybrideurs ne se souciaient guère de laisser des traces écrites des hybridations réalisées. Des évènements similaires se sont produits dans d’autres hybridations, jamais, toutefois, si vite et à cette échelle.
Il existait une bonne raison à l’apparition soudaine d’iris roses. Le rose est une couleur récessive. En d’autres termes, les quatre chromosomes de l’hybride tétraploïde hérités des parents doivent tous porter le gène responsable de la couleur rose pour que puissent être produites des plantes à fleurs roses. Cela explique pourquoi la couleur rose mit si longtemps à se manifester. Elle en pouvait se réaliser dans les diploïdes, qui ne comportent que deux chromosomes homologues pour ce facteur. »

On attribue la paternité du premier iris d’un rose presque parfait à P. A. Loomis, obtenteur du Colorado. Cette avant-garde s’est appelée SEA SHELL et a été obtenue au début des années 20. Presque au même moment, un autre rose a été enregistré, GOLDFISH (Wareham 1924), qui est un petit iris rosâtre bitone à barbes mandarine. P. A. Loomis, sur sa lancée, enregistra en 1929 un autre rose, SPINDRIFT, qui fut le premier à avoir un véritable succès commercial, peut-être du en partie au fait que, présenté à la Foire de Chicago en 1933, il déchaîna les critiques des experts de l’époque qui prétendirent que le rose n’était pas une couleur naturelle et que Loomis avait du tricher et utiliser un colorant pour teinter son iris ! ISABELLINA, autre rose, obtenu en 1934 par un autre obtenteur, Sidney Mitchell, eut un destin particulier en ce sens qu’il ne fut jamais enregistré du fait de son manque de substance, ce qui ne l’empêcha pas d’être abondamment utilisé par ceux qui voulaient à leur tour obtenir des iris roses. A noter que cet ISABELLINA est un frère de semis d’un autre jalon de l’iridophilie, le jaune HAPPY DAYS, premier tétraploïde jaune. ISABELLINA est, entre autres le « grand-père » du beau bitone rose vif PARADISE PINK (Lapham ).

Au cours des années 30 de nombreux roses apparurent un peu partout, mais c’est surtout à partir des années 40 qu’ils atteignirent le plein succès. Paradoxalement MELITZA (Nesmith E. 40), considéré comme rose, est en fait plus ivoire que rose, mais il eut un rôle important en hybridation, tant chez les véritables roses que chez les iris beiges ou chartreuse. A la même époque, ce sont les frères Sass qui ont présenté le rose le plus vif, baptisé FLORA ZENOR (42), battu sur ce plan par PINK CAMEO (Fay 44) encore plus rose, et de forme impeccable. L’un et l’autre font partie de la base des iris roses d’aujourd’hui.

D’où provient cette couleur rose si mystérieuse ? Ben Hager poursuit son exposé de la façon suivante : « L’apparition simultanée de la couleur rose en des lieux distincts, sous l’impulsion de différents hybrideurs, fut un phénomène étrange. En général, on pouvait trouver dans des iris voisins l’explication de l’apparition d’une nouvelle couleur. La limitation des coloris aux mauves et aux violets dans les tétraploïdes indiquait que la plupart des coloris du nouveau groupe des grands iris à barbes devaient provenir des diploïdes. » C’est le cas notamment de la couleur jaune, qui est issue de I. variegata, diploïde, mais dont les couleurs sont passées chez les tétraploïdes. La couleur rose est une évolution, certains disent une mutation, de ce jaune ; SEASHELL provient ainsi d’un semis variegata. Et il est avéré que le rose anglais EDWARD WINDSOR (Morris 45) est le rejeton de deux iris jaunes. Ainsi la couleur rose a-t-elle le jaune pour origine, mais celle-ci est longtemps restée inconnue du fait de l’absence de renseignements fiables dans les pedigrees.

Il faut bien dire que les premiers iris considérés comme roses contenaient une bonne dose de couleur jaune, donnant naissance à des roses un peu beiges ou pèche, et que le défi relevé par les hybrideurs a consisté à éliminer le jaune et concentrer le rose. Ce fut notamment le but que se fixa David Hall, et qu’il concrétisa en unissant le variegata RAMESES (Sass 29 – DM 32) et le bitone grenat DAUNTLESS (Connell 29 – DM 29) aux descendants de SEASHELL. Il obtint ainsi ses fameux roses flamant qui ont marqué l’histoire des roses. Pour se donner une idée des améliorations successives apportées au coloris, il est intéressant de suivre en photo, par exemple, le parcours de SEASHELL au charmant rose LOVELY KAY : SEASHELL (Loomis 24) -> MOROCCO ROSE (Loomis 37) -> OVERTURE (Hall 42) -> PINK CAMEO (Fay 44) -> PINK ICE (Rudolph 51) -> PINK TAFFETA (Rudolph 68 –DM 75) -> PINK SLEIGH (Rudolph 70) -> LOVELY KAY (Hamblen 80) !

L’émergence du rose fut vraiment la deuxième révolution dans le monde des iris et, à ce jour, cela reste la seule couleur nouvelle générée par le passage aux iris tétraploïdes. Mais ce fut quelque chose de formidable et on ne saurait compter les variétés roses existant aujourd’hui.

(1) in L’IRIS, de Josh Westrich – Thames and Hudson 1989.

9.9.05

LA PREMIÈRE RÉVOLUTION

Pendant très longtemps les grands iris qui étaient cultivés et hybridés étaient des iris diploïdes, mais cette caractéristique génétique n’était connue de personne, pour la bonne raison que l’on ignorait l’existence des chromosomes et, a fortiori, celle de leurs assemblages. Dans la nature, et plus particulièrement dans les Balkans ou en Asie Mineure, il existait bien des iris assez semblables à ceux que l’on cultivait en Europe de l’Ouest, mais plus grands et plus robustes. Cependant, à l’usage, les amateurs se sont rendu compte que ces belles plantes n’avaient qu’un choix très limité de coloris (entre le violet et le bleu) et qu’elles supportaient mal les climats frais et humides. D’où l’idée de croiser les anciens, plutôt grêles mais de couleurs très variées, avec les nouveaux, plus forts et plus spectaculaires. Les premières tentatives ne donnèrent pas grand’ chose : presque pas de graines et des plantes, grandes, certes, mais stériles et sans autres qualités remarquables. Ce n’est qu’à la longue, après bien des essais infructueux, que l’on obtint des hybrides à la fois fertiles et beaux. Personne ne savait pourquoi. Oui, un botaniste du nom de Strassburger avait bien, en 1882, observé la présence de chromosomes dans les plantes, mais cette découverte n’avait suscité aucun intérêt. Ce n’est qu’une quarantaine d’années plus tard que les premiers décomptes de chromosomes révélèrent la raison pour laquelle les iris balkaniques, et leurs rares hybrides féconds, étaient plus grands et plus beaux : ils avaient quatre paires de chromosomes au lieu des deux paires qui caractérisaient les iris anciens.

Pour bien expliquer ce phénomène, je n’ai rien trouvé de plus parfait qu’un texte signé de Ben Hager, l’hybrideur bien connu, publié dans la première partie d’un livre de photographies artistiques d’iris, « L’Iris », du néerlandais Josh Westrich. Voici cette explication :
« Tous les organismes vivants, plantes et animaux, se composent de cellules. Toutes les cellules possèdent une structure de base commune et comportent chacune un noyau. Dans une seule de ses entités infinitésimales se regroupent de nombreux chromosomes dont le nombre varie suivant les organismes. Les chromosomes portent une carte génétique qui contrôle le développement et les caractères du nouvel organisme après la fécondation. La cellule-œuf produit de nouvelles cellules en tous points identiques et destinées à former une structure entièrement rajeunie. Au moment où dans la fleur se forment les cellules reproductrices ou gamètes, le nombre de chromosomes est divisé en deux lots égaux mais avec, souvent, un brassage des caractères portés par les chromosomes. Des cellules mâle et femelle du même parent (autofécondation) ou provenant de parents différents, vont donner des cellules-œufs ayant un patrimoine génétique différent et produiront des plantes différentes. (…) »
« La nature préfère la simplicité. Les individus provenant de la fusion de deux lots réduits de chromosomes sont dits diploïdes ; la plupart des organismes sont diploïdes, ou, du moins, l’étaient à l’origine. Mais les accidents arrivent : si, durant la formation des gamètes, les cellules ne réduisent pas correctement le nombre de chromosomes, l’œuf contient quatre jeux de chromosomes au lieu de deux. De telles cellules sont dites tétraploïdes ; du fait de l’accident auquel elles sont dues, elles possèdent tout en double. (…) En augmentant de deux à quatre le nombre de chromosomes dans une cellule, on porte à plusieurs millions le nombre de combinaisons possibles de gènes. Non seulement on accroît les dimensions ou la robustesse de la plante ou de la fleur, mais l’on multiplie encore de façon inimaginable, les possibilités de combinaisons de couleurs et de motifs…. » Or les iris grands et beaux étaient tétraploïdes, sans doute à la suite d’un accident génétique comme décrit ci-dessus.

Pourquoi les premiers croisements entre les « nouveaux » iris orientaux et les « anciens », originaires de nos contrées, ne donnèrent-ils que des plantes décevantes ? C’est que l’on avait mélangé des plantes tétraploïdes, les « nouveaux », avec des plantes diploïdes, les « anciens ». D’où l’obtention de plantes triploïdes (un lot de chromosomes du parent diploïde et deux lots de chromosomes du parent tétraploïde), qui sont presque toujours stériles. Et si des croisements plus tardifs se sont révélés superbes et fertiles c’est qu’ils étaient, toujours accidentellement, tétraploïdes, par le fait d’un gamète non réduit chez un parent diploïde.

Cet accident s’est en fait produit un assez grand nombre de fois pour que les hybrideurs du début du XXeme siècle créent, sans mesurer la portée de leurs efforts, une nouvelle race d’iris, celle que nous connaissons actuellement et qui continue à être développée par les hybrideurs. Ce fut la première révolution dans le monde des iris, un monde qui en a connu plusieurs autres, pour notre plus grand bonheur.

1.9.05

David F. HALL

C’était une belle journée d’été, mais il avait 93 ans et était un peu sourd. Quand il a traversé le passage à niveau, tout près de chez lui, à Wilmette, dans la banlieue nord de Chicago, il n’a pas entendu le train qui arrivait. C’est ainsi qu’est mort David Hall, l’un des plus grands obtenteurs d’iris de tous les temps.

Il était né en 1875 à Blenheim, dans l’Ontario, au Canada. Il n’avait que cinq ans quand son père a été tué dans un accident provoqué par les chevaux emballés du fourgon qu’il menait. Curieuse coïncidence que de voir le père puis le fils tués dans des accidents de la circulation, à plus de 80 ans d’intervalle ! Quand sa mère s’est remariée, il a été pris en charge par ses grands-parents maternels qui l’ont élevé jusqu’à ses quinze ans. Son grand-père a eu sur lui une influence prépondérante et il semble que ce soit de lui qu’il tenait son caractère rustique mais carré, aux convictions bien ancrées, tempéré par un humour solide et ravageur.

A 21 ans, David Hall est entré à la compagnie de téléphone ATT, dans laquelle il a fait toute sa carrière, notamment en charge de ce qu’on appellerait de nos jours le service après vente, jusqu’à la retraite, en 1940. La passion pour les iris remonte chez lui au début des années 20 et il y a consacré, dès lors, une bonne partie de ses loisirs. Mais ce n’est qu’après sa vie professionnelle qu’il s’y soit entièrement investi.

Il s’est intéressé en priorité aux iris roses. Mais ses premiers semis furent particulièrement décevants. A l’époque il pratiquait aussi l’élevage des chevaux et du bétail dans une ferme du côté de Calgary, au Canada. Il se rendait compte qu’en cette matière les résultats tangibles n’apparaissaient guère avant la troisième génération. C’est pourquoi il en a déduit que les lois génétiques applicables aux animaux devaient valoir aussi pour les plantes. Il a donc repris son travail sur les iris à zéro et ses premiers résultats appréciables sont apparus en 1927. Il a poursuivi ses travaux d’amélioration de générations en générations et on peut sans se tromper lui attribuer le titre de père de l’endogamie. En 1942, après 17 ans de persévérance et d’acharnement, sont apparus les premiers iris valables en rose à barbe orange. Ce furent le bien nommé OVERTURE, qui est aussi le plus clair, DREAM GIRL, le plus vif de ton, mais le moins costaud, et FANTASY, plus nettement teinté de mauve. A ce nouveau coloris d’iris, Dave Hall donna le nom général de « Flamingo Pink ». De FANTASY descend CHERIE (48), qui fut le premier rose à obtenir la Médaille de Dykes, en 1951. Jusqu’à la fin Dave Hall introduisit de nouveaux roses : parmi les plus remarquables figurent VANITY FAIR (50), BALLERINA (50), HAPPY BIRTHDAY (52) et MAY HALL (52), puis LYNN HALL (56) et FASHION FLING (65), l’un des tout derniers.

Au gré des croisements, cette lignée a donné naissance à des variétés d’autre coloris qui ont été à leur tour des étapes décisives de l’hybridation :
RADIATION, dans les tons de violet, à l’origine de ENCHANTED VIOLET (Hamblen 57), rose violacé ;
FROST AND FLAME (56), célèbre blanc à barbes rouges ;
LIMELIGHT (52), jaune teinté chartreuse, premier d’une longue lignée de jaunes ;
PALOMINO (51), aux pétales roses sur des sépales blancs bordés de rose, avec barbe orange, très utilisé par la suite ;
WINE AND ROSES (63) bitone rose sur pourpre.
Les roses de Hall ont très vite acquis une renommée mondiale, grâce, en particulier, aux photos en couleur reproduites dans le catalogue Cooley.

Cependant ce n’est pas seulement dans les iris roses que David Hall s’est illustré. C’est ainsi qu’avec GOLDEN GARLAND (56), il a été le premier à présenter un iris aux pétales or, au-dessus de sépales blancs liserés d’or, un modèle qui a, depuis, fait florès et qui est celui de JOYCE TERRY (Muhlestein 74), universellement connu, et de DEBBY RAIRDON (Kuntz 65), premier du genre à décrocher la D.M., en 1971. Notons encore l’apparition de MELODY LANE (49), premier iris abricot digne de recevoir un A.M. Dave Hall n’a pas négligé non plus le modèle plicata, à commencer par FIRECRACKER (43), marqué d’acajou, jusqu’à DOT AND DASH (59), richement violacé.

Enfin il faut rendre hommage à David F. Hall pour avoir introduit dans nos fleurs favorites cette dentelle qui frise si joliment les bords des pétales d’un grand nombre des variétés d’aujourd’hui. Le précurseur s’appelle CHANTILLY, et il est apparu en 1940 ! C’était tout au début de la seconde vie de son obtenteur, celle qu’il a vouée aux iris et aux hémérocalles, et qu’il devait mener jusqu’à son dernier jour, sous les roues d’une locomotive aveugle.