31.5.20

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un grand honneur 

Le Président de la SFIB, Roland Dejoux, a reçu cette année de la part de l'AIS la Bee Warburton Medal. Cette décoration est la plus haute distinction que l'American Iris Society peut attribuer à un de ses membres étrangers. Depuis 1999, année de sa création, elle n'a été attribuée que 15 fois, toujours à des personnages éminents du monde des iris. Roland Dejoux est le second français à être ainsi honoré, après Richard Cayeux, en 2008.


Palmarès. 

Voici le palmarès complet du Concorso Firenze de 2020.


GROS SUCCÈS (la suite)

Certaines dispositions des coloris rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , et elles peuvent devenir si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de celles-ci que l'on va s'attarder pendant quelques temps. Il s'agit des iris bicolores beige/poupre. 

V – Made in USA (suite) 

'Prague' (T. Johnson, 2004)  


'Scottish Warrior' (G. Sutton, 2001) 


'Halloween Trick' (Ghio, 2006)  


'Impostor' (T. Johnson, 2006)

TOM CRAIG : UN ARTISTE AUX BRUCELLES

Ce n'est pas la première fois que je dis ça : on voit de tout dans le monde des iris. Cette fois c'est à propos de Tom Craig, une personnalité originale mais qui est restée assez méconnue. Voici ce qu'on dit de lui dans la chronique nécrologique qui lui est consacrée dans le bulletin de l'AIS de juillet 1969 : « Tom Craig est décédé d'une crise cardiaque le 8 février 1969. Il avait déjà enregistré ses nouvelles variétés pour 1969. Les plantes avaient été établies sélectionnées et mises en culture au préalable. Son épouse Frances et leurs cinq enfants ont terminé le travail sur le catalogue et veilleront à ce que tout se passe bien pour l'année entière. L'hybridation et la culture des fleurs étaient la deuxième carrière de Tom Craig. C'est en tant qu'artiste que le magazine Life l'avait envoyé pour couvrir la campagne d'Italie des Alliés pendant la deuxième guerre mondiale. Sa mission: retrouver les grandes œuvres d'art non détruites par la guerre. Il avait traversé l'Arno et était entré dans Florence avant que l'armée alliée ne libère cette Fleur de la Renaissance, obstinément tenue par les Allemands. » Il avait commencé une carrière d'artiste peintre, d'ailleurs prometteuse, dans le début des années 1940, mais cela avait été interrompu par la guerre. A son retour, après la guerre, alors que sa réputation d'artiste et de professeur d'art prenait des proportions qui dépassaient le cadre régional, il a tourné le dos à ses succès et commencé à hybrider comme passe-temps sur un lopin de terre acheté près d'Escondido dans les faubourgs de Los Angeles. Il lui a peut-être fallu pour cela plus de courage que pour traverser au milieu de la nuit le fleuve Arno rougi de sang.

De simple hobby, le travail d'hybrideur est devenu une passion et une occupation à temps complet. Il y a mis tout son cœur et ses qualités d'artiste. Ses iris sont toujours des variétés où l'on sent que l'on a affaire à un homme de goût. Un homme éclectique également, car les documents de l'AIS contiennent de lui la trace de variétés obtenues dans toutes les catégories d'iris, principalement dans les Arilbred et les grands TB. Dans ses premières recherches on note un attrait particulier pour les plicatas et le choix de 'Mme Louis Aureau' (F. Cayeux, 1934) pour base, ce qui donne des variétés dans les tons de pourpre. C'est le cas de 'Burgundy Splash' (1948) et de 'Royal Band' (1950). Mais très vite il s'est particulièrement intéressé aux iris bruns (ou brun-rouge). Ses meilleurs résultats sont sans doute dans cette couleur. Cela commence dès 1948 avec 'Joseph's Mantle', puis est venu 'Ball Gown' (1950), qui fait penser au célèbre 'Burnt Toffee' (Schreiner, 19) en mieux formé, et cela continue tout au long de la carrière avec 'Crimson Glaze' (1950), 'Tabasco' (1951), très apprécié en Californie et ailleurs aux USA, puis est venu ''War Dance' (1952), Bang' (1955), 'Zombie' (1957) ou 'Red Polish' (1967). Autre particularité du travail de Tom Craig, il est un des rares à avoir utilisé dans ses croisements l'un des plicatas « jumeaux » de William Mohr, 'Los Angeles' (Mohr, 1927). Il en a obtenu toute uns série de plicatas , dont certains tout à fait originaux comme 'Novelty' (1951) ou 'Bright Veil' (1968) l'un de ses derniers enregistrements. Mais au gré de ses croisements il a aussi obtenu de belles réussites dans d'autres modèles. C'est le cas du bleu charmant 'Mrs. Douglas Pattison' (1950), du blanc pur 'Patricia Craig' (1962) et de l'immense – 1,25 m. - 'Mary McClellan' (1952), dont on ne sait pas si l'on doit le classer parmi les TB ou parmi les AB, puisque descendant d'un Oncobred.

Car l'autre spécialité de Tom Craig c'est les Arilbred. Dans cette catégorie ont été classés certains descendants de 'Los Angeles', associé au superbe et fameux 'Capitola' (Reinett, 1940). C'est le cas de 'Fancy Work' (1951) ou de 'Frances Craig' (1952) qui réunit 'Snow Flurry' et 'Capitola'.

 On est étonné de constater que tant de jolies choses aient à peu près disparu aujourd'hui. La faute en est à une distribution insuffisante. En effet Tom Craig éditait son propre catalogue (en très petite quantité et avec des moyens « rustiques ») et ne pouvait pas lutter avec les maisons considérables et ayant pignon sur rue à l'époque. Il en est résulté que seuls de grands amateurs se sont procuré ces variétés confidentielles et que maintenant la plus grande partie d'entre elles s'est perdue...

 Le nom de Tom Craig (et celui de la famille Craig dans son ensemble puisque le virus de l'hybridation a infecté épouse et enfants) reste bien connu dans le monde des iris,mais il est devenu difficile de trouver ses fleurs. C'est une grande perte pour l'histoire des iris.

Illustrations : 


 'Ball Gown' 

'Mrs. Douglas Pattison' 


'Novelty' 


'Patricia Craig' 


'Red Polish' 


'Tabasco'

22.5.20

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Florin d'or et confinement 

En ces temps troublés, le Concorso Firenze n'a pas pu se dérouler normalement. Les juges étrangers, notamment, n'ont pas pu se déplacer. Le jury a donc été constitué uniquement de juges italiens. Les variétés distinguées cette année sont :

Fiorino d'Oro : 'Dali' (A. Bianco, 2015) ('Polar Seas' X ('Terra Del Fuoco' x 'Warranty')).

2d prix : 'In Rosa per Caso' (V. Negri, non enregistré à ce jour)

3e prix : 'Idle Rich' (K. Keppel, 2015) (('Secret Rites' x 'House Arrest') X ( ('Wintry Sky' x 'Mango Daiquiri' sibling) x ('Romancer x 'Opposing Forces'))).

4e prix : 'Raffaello' (S. Luconi, non enregistré à ce jour )

à noter que seules des variétés Keppel représentent la production non italienne...


 Festival et confinement 

Comme toutes les autres festivités publiques, le Festival « Iris & Patrimoine » de Champigny sur Veude, dont ce devait être la troisième célébration, a été annulé. La précocité des floraisons aurait nui à l'aspect des iris à la date retenue (17 mai), les conditions atmosphériques de la semaine précédente n'auraient fait qu'empirer la situation ! Et l'on peut même se dire que, compte tenu de tout cela, la fête n'aurait pas été aussi belle qu'elle aurait pu l'être ! C'est tout de même une maigre consolation.

GROS SUCCÈS (la suite)

Certaines dispositions des coloris rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , et elles peuvent devenir si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de celles-ci que l'on va s'attarder pendant quelques temps. Il s'agit des iris bicolores beige/poupre. 

IV – Aux USA (fin du XXe siècle) 


'Ocelot' (Ghio, 1997) 

'Naples' (T. Johnson, 2000)  

'Braggadocio' (Keppel, 1996)  

'Foreign Legion' (Keppel, 2000)

HISTOIRE DES TREIZE (deuxième partie)

Les couleurs mélangées 

Jusqu'à présent on s'est penché sur les iris dont les couleurs se limitent à deux, et se présentent de façon ordonnée. Mais il existe bien d'autres combinaisons, à commencer par celle de plusieurs couleurs qui se mêlent de manière diffuse. Les Américains les appellent « blend ». Cela donne un aspect proche de ce qu'obtiennent les peintres spécialistes du pastel. Inutile de dire combien ces combinaisons peuvent être variées ! Le plus souvent deux couleurs sont intimement mêlées, une troisième n'intervenant qu'en bordure des sépales sous forme d'un petit galon plus sombre ou tout au moins plus foncé que le reste de la fleur. La troisième couleur peut aussi se concentrer soit sur les épaules des sépales, soit sous les barbes, soit encore au cœur des pétales...

 Illustration : 


- 'Burnt Toffee' (Schreiner, 1977) – un « blend » très traditionnel, mais d'un coloris original

Les couleurs brouillées (ou rubanées) 

A ne pas confondre avec les précédentes. Cette fois il s'agit de fleurs où domine une couleur – très souvent une couleur sombre – sur laquelle une autre couleur, contrastée, est répandue de façon aléatoire, sous forme de rubans ou de taches, un peu comme si un pinceau chargé de couleur avait été agité au-dessus de la fleur. Les Américains, qui ont le chic pour créer des mots suggestifs propres à chaque situation, ont désigné ce modèle du nom de « broken color » - couleurs brisées - . Cette disposition des couleurs est assez rare dans le monde végétal, à ma connaissance seuls le œillets et les roses peuvent se présenter ainsi.

Illustration : 


- 'Brindled Beauty' (Ensminger, 1993) – un BC de la première heure

Les couleurs irrégulièrement réparties

On aborde maintenant des modèles de fleur très complexes, chez lesquels le jeu des pigments est en conflit avec différents gènes qui s'opposent en tout ou partie à leur apparition, et de façon très ciblée. On commence par le modèle emblématique que l'on appelle « plicata ». Emblématique parce que c'est celui du premier iris hybride sélectionné pour ses qualités spécifiques. Il s'appelait 'Iris Buriensis' et avait été choisi par M. de Bure parmi les semis obtenus à partir de fleurs pollinisées par les bourdons, afin d'être commercialisé. D'autres plicatas sont apparus au milieu du XIXe siècle et ils ont dominé le monde des iris avant que les autres dispositions de couleurs, considérées comme moins originales, ne soient aussi mises sur le marché. D'après Keith Keppel, le maître en la matière, un iris plicata se définit ainsi : « un modèle avec un fond blanc ou coloré par des pigments caroténoïdes (jaune, rose, orange) et des bords piquetés ou pointillés, voire entièrement teintés d'une couleur sombre et contrastée d'origine anthocyanique. » La disposition des couleurs peut être très variée et peut prendre des formes très différentes suivant l'implication des gènes inhibiteurs des pigments anthocyaniques : pétales presque entièrement colorés et sépales clairs piquetés et liserés de la couleur des pétales ; pétales clairs, couleurs présentes seulement sur les sépales sous forme de pointillés et de bordure ; pétales et sépales presque entièrement revêtus de plumetis plus ou moins denses... C'est un modèle toujours amplement répandu et apprécié, qui connait des extensions spectaculaires ces temps derniers.

Illustrations : 


 'Rococo' (Schreiner, 1959) – un parmi les plus classiques des plicatas

 'Hold the Line' ( Keppel, 2020) – ce qui se fait de plus moderne chez les plicatas

Une de ses variantes est le modèle baptisé « glaciata ». On peut le considérer comme un plicata dont les dessins ont été effacés. Génétiquement, il ne peut pas fabriquer les pigments anthocyaniques qui, autrement, formeraient les dessins. Des surfaces pures apparaissent de chaque côté de la barbe, avec des zones colorées de jaune, rose, orange (des pigments caroténoïdes) – mais pas d'anthocyanine – sur les épaules. Cette absence de pigments bleus ou violacés donne à la fleur l'impression d'une certaine froideur, d'où le nom ! C'est le modèle le plus difficile à identifier car pour être certain de la classification il faut analyser le pedigree de la plante. Mais ce travail est-il bien nécessaire quand on se contente d'apprécier la fleur ?

Illustration : 


 - 'Sun Shine In' (Keppel, 2009) – un pur éclat de soleil

Une autre variante est dénommée « luminata ». C'est en quelque sorte l'inverse d'un plicata : on remarque l’aspect lumineux de la fleur dont le cœur se trouve éclairé, en opposition au reste, plutôt sombre. Un luminata présente les mêmes dessins qu’un plicata, sur les mêmes fonds légèrement colorés, mais en disposition inversée. Ces fonds tiennent leur couleur, plus ou moins prononcée, de la présence dans leurs cellules d’un pigment caroténoïde – donc plus ou moins rouge ou orangé – à concentration variable. Les dessins, eux, sont constitués par les pigments anthocyaniques – bleus ou violet – et leur application a été faite sur les sépales ( et d’habitude aussi sur les pétales). Une caractéristique du modèle luminata est que la pigmentation anthocyanique tend à s’éclaircir notablement au fur et à mesure qu’elle approche des bords. Mais ce qui définit absolument le modèle luminata, c’est une zone claire absolument pure de part et d’autre de la barbe. Pas une seule trace de la couleur de couverture. Au cœur de la fleur les pigments ont été totalement inhibés et par conséquent la surface apparaît dans son exacte teinte de base.

Illustration : 

 - 'Noces de Diamant' (Dejoux, 2020) – un luminata d'anthologie

 Les fleurs rayées 

 Parmi les façons dont les couleurs peuvent être disposées, il y a les rayures. On appelle « distallata » une fleur dont les pétales sont blancs (ou tout au moins très clairs), de même que les sépales, mais ceux-ci s’agrémentent d’une couche centrale de couleur, qui peut être du jaune ou de l’orangé clair, à laquelle s’ajoutent de fines rayures sombres qui suivent les veines du tissu floral, partant de la barbe et s’étirant plus ou moins vers le bord. Mais le modèle distallata tel qu'il vient d'être défini évolue vers un modèle qui n’a pas encore de nom mais qui se rattache à la variété ‘Ring Around Rosie’ apparue en 2000. Le modèle distallata et le modèle ‘Ring Around Rosie’ ont des traits communs qui sautent aux yeux, comme les pétales bien blancs mais légèrement infus de jaune sur les côtes et les sépales poudrés de pourpre. Mais ils diffèrent par les barbes et surtout la densité des dessins qui agrémentent les sépales.

 Illustration : 


- 'Gloriafied Glenn' ( Burseen, 2010) – un distallata de la dernière génération

Les fleurs tachées

Puisque l'on a dit qu'il existait treize modèles, il nous en manque encore un. Ce sera le petit dernier, celui qui est apparu tout récemment, et simultanément, dans quelques pépinières. On peut l'appeler « maculosa » mais cette dénomination n'a rien encore d'officiel. Il s'agit de variétés aux sépales marqués d'un gros signal sombre sur fond clair ou d'une traînée vivement colorée s'écoulant sous les barbes comme l'eau s'échappant d'une bouche de fontaine. Le signal sombre sur les sépales, sous les barbes, est un trait qui existe naturellement chez certains iris d'Asie Centrale et leurs hybrides. Il leur confère un air exotique très séduisant et il y a longtemps que les obtenteurs souhaitaient le transposer sur les grands iris à barbes, mais jusqu'à présent leurs tentatives avaient échoué. On n'est pour l'instant sûr de rien, mais il semble bien que les variétés qui en portent les symptômes aient toutes dans leur pedigree des iris en provenance d'Australie, de chez l'obtenteur Barry Blyth. Les fleurs ainsi maculées sont encore rares, mais l'émulation entre obtenteurs va certainement faire en sorte qu'elles se multiplient et trouvent leur place dans de nombreux catalogues.

Illustration : 

- 'Painted Sky' (Johnson, 2020) – ce qui se fait de plus récent dans ce modèle

 On en est pour l'instant à treize différents modèles de disposition des couleurs sur les fleurs d'iris. Ce n'est sans doute qu'une étape, et il est vraisemblables que d'autres dispositions feront leur apparition dans l 'avenir, car la nature nous réserve certainement encore bien des surprises. Et n'oublions pas qu'à cet éventail de modèles il faut ajouter les innombrables variations dans la coloration des barbes, ce qui multiplie les combinaisons et ajoute de la fantaisie ou de l'originalité ! La couleur des iris est absolument sans limites.

 Illustrations : 


'Collusion' ( Keppel, 2020) – variegata inversé de la dernière heure

'Artifacto' (Burseen, 2016)– ce qu'on appelle un amoena inversé

'Superhero' ( Ghio, 2012) – exemple de variété moderne aux multiples couleurs

16.5.20

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Enfin l'inaccessible ? 

Tom Johnson, le génial hybrideur américain, a publié ces jours-ci la photo d'une variété de grand iris amoena rose qui a l'air pleine de qualités. Serait-il parvenu, enfin, à ce qui fut la quête de toute la vie de Barry Blyth ? Cet iris ne devrait pas venir sur le marché avant un an ou deux (le temps de constituer un stock suffisant de rhizomes pour pouvoir honorer les commandes). Il nous faudra donc attendre encore un peu pour juger sur pièce des qualités de cette merveille, mais tout semble indiquer que le but est en voie d'être atteint, même si le rose des sépales semble encore un peu trop violacé.

GROS SUCCÈS

Certaines dispositions des coloris rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , et elles peuvent devenir si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de celles-ci que l'on va s'attarder pendant quelques temps. Il s'agit des iris bicolores beige/poupre. 

III – En France (suite) 

'Myre' (P.C. Anfosso, 1996) 


'Samarcande' (P.C. Anfosso, 1992) 


'Shantala (Chapelle, 2007)

HISTOIRE DES TREIZE (première partie)

Les treize dont il s'agit ici ne doivent rien à Honoré de Balzac, ces personnages qui font basculer La Comédie Humaine dans l'étrange et même le fantastique. Cette chronique va aborder les différentes façon dont les couleurs se trouvent réparties sur les fleurs d'iris. Ce sont donc les treize modèles de fleur qui sont actuellement répertoriés. Il y a quelques années ils n'étaient encore que onze, mais ils se sont enrichis et sans doute continueront-ils à s'enrichir dans les années à venir car le monde des iris reste en permanente évolution. J'ai essayé de classer logiquement tout cela et de donner quelques exemples de chaque modèle, avec quelques mots d'explication à propos de leur origine et de leur évolution. Sur les catalogues des pépiniéristes spécialisés, les différents motifs et coloris sont en fait classés parmi treize modèles :
I - Self (en français « unicolore ») : pétales et sépales de couleurs identiques.
II – Bitone : deux tons dans les mêmes couleurs. Ce modèle comporte une variante :
III – Neglecta : deux tons de couleur bleue.
IV - Bicolore : pétales et sépales de couleurs différentes. Ce modèle est lui-même subdivisé en plusieurs sous-modèles :
    V - Amoena : pétales blancs et sépales de couleur.
    VI- Variegata : bicolore dans les tons jaunes (pétales) et bruns ou bleus (sépales).
    VII - Blend (en français couleurs mélangées) : combinaison de deux (ou plusieurs) couleurs, réparties sur la fleur de façon ordonnée.
    VIII - « Broken Color » (couleurs brouillées) : sur un fond uni, couleurs disposées de manière aléatoire.
    IX - Plicata : bordure ou stries colorées par des pigments anthocyaniques sur fond clair.
    X – Glaciata : variante de Plicata où la fleur n'a aucun pigment anthocyanique (bleu ou violet) et est d'un blanc, jaune ou rose très pur.
    XI - Luminata : variante de Plicata qui donne l'impression d'une lumière émanant de l'intérieur de la fleur. Modèle caractérisé par une bordure claire et l'absence de coloration au cœur de la fleur avec sous les barbes un veinage rayonnant sur les sépales.
    XII – Distallata : sur fond blanc ou clair, bordure dans les tons de jaune et, sous les barbes, veines sombres plus ou moins développées.
    XIII – Maculosa (ou « spot ») : sur fond de sépales blanc ou clair, nette et grosse tache sombre.

- Reverse (en français « couleurs inversées »): ce qualificatif concerne les modèles bicolores quand les couleurs se présentent à l'inverse de la disposition courante. Par exemple, un iris à pétales de couleur et sépales blancs est un Amoena Reverse ou Inversé.

A partir de ces définitions sommaires, voyons plus précisément de quoi il s'agit. Et commençons par expliquer d'où viennent les différentes couleurs qui font de l'iris l'un des plantes les plus diversement colorées.

 Pour nous proposer presque toutes les couleurs possibles, les iris ne disposent que de deux sources. Les pigments caroténoïdes, qui se logent dans les cellules et donnent naissance aux coloris jaunes, roses ou orangés, et les pigments anthocyaniques, qui règnent dans le liquide intercellulaire et assurent les colorations bleues ou violacées. Mais du fait de leurs localisations différentes, les pigments ne se mélangent pas ; ils peuvent tout au plus se superposer, et c'est, pure illusion optique, ce qui nous fait croire qu'il y a plein de couleurs différentes. Et si l'on ajoute d'une part les effets de la concentration des pigments et de l'autre des gènes qui se manifestent avec plus ou moins de vigueur, dans les pétales ou dans les sépales – voire dans les deux – on conçoit que la palette des couleurs que nous percevons peut être infinie.

 Les fleurs unicolores 

C'est évidemment le modèle le plus simple et sans doute le plus répandu. Une seule couleur est présente dans les pétales comme dans les sépales, et avec une même intensité (ou, à la rigueur, avec une faible différence de saturation). Mais l'arc-en-ciel ne se trouve pas totalement représenté : en effet il n'y a pas de rouge pompier et pas davantage de vert franc. La faute en est à l'absence du pigment donnant naissance au rouge vif, que la plante ne synthétise que dans les barbes, et à celle de la chlorophylle, la substance qui colore en vert. Celle-ci, qui en principe n'affecte que les feuilles, peut cependant se trouver en faible quantité dans les tépales ; dans ce cas une vague teinte verdâtre affecte les autres couleurs. En dehors de ces deux exceptions, par le jeu des superpositions de pigments, on perçoit toutes les autres couleurs.

Illustration : - 'Mer du Sud' (R. Cayeux, 1997) – un unicolore de référence


 Les fleurs en deux tons 

 Ils sont franchement innombrables les iris qui se présentent en deux tons d'une même couleur. Très souvent la couleur des pétales est légèrement plus claire que celle des sépales, mais il arrive, et c'est une originalité intéressante, que ce soit les sépales qui soient les plus clairs, on dit que les couleurs sont inversées. Pour je ne sais quelle raison lorsque le phénomène de différence de tons concerne un iris bleu ou violacé, on dit qu'il s'agit d'un iris neglecta. L'intérêt de cette distinction est de mettre à part le modèle le plus courant et le plus ancien.

Illustration :  'All the Talk' (T. Johnson 2016) – un neglecta somptueux

 Les fleurs bicolores

Le mariage de deux couleurs sur une fleur d'iris est une situation courante. Les associations de couleur sont infinies et se présentent avec une multitude de variantes. Deux associations ont reçu une dénomination particulière : l'association blanc (pétales) / bleu (sépales) a été baptisée il y a plus d'un siècle « amoena » ; elle résulte de l'intervention – plus ou moins active – d'un gène qui inhibe le développement des pigments anthocyaniques dans les pétales et parfois jusque dans la plus grande partie des sépales. Cette dénomination a été progressivement étendue à toutes les associations blanc/ couleur ; lorsque la couleur des pétales est le jaune (ou une autre couleur proche du jaune comme le beige) et celle des sépales une déclinaison de brun ou de brun-rouge, voire de bleu, on parle de « variegata ». Là encore, d'une façon de plus en plus fréquente, les obtenteurs nous proposent des fleurs bicolores inversées. Un modèle relativement courant, qui intéresse des fleurs où domine le jaune, est désigné sous le nom d'une variété exemplaire et très connue des spécialistes : le modèle 'Joyce Terry'. Uniformément jaune, la fleur comporte au centre des sépales une large tache blanche qui laisse le jaune réapparaître en lisière. Ce modèle reste partie des bicolores. Il existe d'autres manifestations distinctes des deux types de pigments, par exemple une coloration générale à base de caroténoïdes, avec une tache ou un filet violacé sous les barbes, mais cela n'a pas de dénomination particulière.

Illustrations : 'Legal Eagle' (Burseen 2014) – un nouvel amoena

                       'Rise Like a Phoenix' (P. Black 2017) – ce qui se fait de mieux en matière de variegata

(à suivre)

9.5.20

GROS SUCCÈS (la suite)

Certaines dispositions des coloris rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , et elles peuvent devenir si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de celles-ci que l'on va s'attarder pendant quelques temps. Il s'agit des iris bicolores beige/poupre. 

II – La famille Cayeux 

'Coquetterie' (J. Cayeux, 1986) 

'Double Espoir' (J. Cayeux, 1994) 

'Frimousse' (R. Cayeux, 1999) 


'Marie-José Nat' (R. Cayeux, 2000)

LA FLEUR DU MOIS

'New Moon' (Neva Sexton, 1968)
('Moon River' X 'New Frontier' )

Dans mon jardin 'New Moon' a figuré pendant une dizaine d'années, avec une fidèlité relative et une mutiplication lente. Si bien qu'un jour qu'il me fallut trouver de la place pour des variétés plus récentes, je l'ai sacrifié. Et je le regrette car je n'ai pas retrouvé de jaune qui me plaise autant. Vous me direz que, tout de même, il y a des masses d'iris jaunes et qu'il faut être bien difficile pourne pas trouver quelque chose de plaisant dans cette foule. Eh bien, oui, je dois être difficile, à moins que je ne sois attiré par les iris cinquantenaires, ce qui n'est d'ailleurs pas une faute de goût ! Qui plus est, ce 'New Moon' fait partie des rares élus à qui l'on a attribué une Médaille de Dykes,ce qui en fait un membre de cette élite, et c'est aussi une variété suivie d'une abondante descendance. Voilà des lettres de noblesse qui peuvent bien lui valoir une place parmi ces « Fleurs du Mois ».

A propos de 'Homecoming Queen' la Fleur du Mois dernier, dont 'New Moon' partage le côté maternel, je disais : « 'Moon River' (Sexton, 1962) est un jaune doré très classique mais issu lui-même d'une variété particulièrement intéressante, 'Mixed Emotions' (Sexton, 1959). » On ne fera pas une nouvelle fois le portrait de ce 'Mixed Emotions', mais il convient de rappeler que c'est une variété qui a attiré particulièrement l'attention et l'intérêt des hybrideurs de son temps. Côté paternel, 'New Moon' est issu de 'New Frontier' (Sexton, 1960), un iris blanc légèrement rosé, orné d'une barbe mandarine également légèrement rosée, lui-même ayant pour origine une variété très prisée dans les années 1960, 'June's Sister' (Muhlestein, 1958), dont on lit ceci dans le catalogue de son obtenteur : « C'est un frère de semis de 'June Meredith, 'First Curtain' et 'Late Apricot' et c'est un des parents de 'Glittering Amber',de Mme Hamblen. Quand vous voyez 'June's Sister' vous savez de qui 'Glittering Amber' tient ses ondulations et ses pétales ouverts de même que son coloris. » 'June's Sister' est en effet une fleur d'un rose pêche assez rare, sans doute fort proche de 'June Meredith' (Muhlestein, 1954) dont on trouve facilement des photos, alors qu'il n'y en a guère (voire pas) de 'June's Sister'.

'New Moon' est sobrement décrit comme « unicolore jaune citron, barbes citron ». C'est bref mais complet ! En effet c'est ce jaune acide qui fait le charme de cette variété à la fois fraîche et riche. Il est probable que la fraîcheur de ce coloris n'est pas pour rien dans la distinction qu'en ont fait les juges américains au moment d'attribuer la DM de 1973.

La qualité et l'originalité de ses origines, la beauté de la plante et le joli coloris des fleurs ont fait que 'New Moon' est une des variétés qui ont la plus vaste descendance : 185 d'après les livres de l'AIS ! C'est Joë Ghio qui en a fait le plus vaste usage, en particulier par l'intermédiaire d'un croisement remarquable (Ponderosa X New Moon) qui n'a pas été enregistré, mais qui a été utilisé un très grand nombre de fois, soit tel quel, soit en composition avec d'autres variétés. On compte jusqu'à présent quarante-sept variétés qui comportent ce « cluster » dans leur pedigree ! Sur une quarantaine d'années ! Les coloris sont évidemment assez variés. Cela va du blanc à barbe rouge au rouge grenat, en passant par le jaune, l'orange, le rose et plusieurs sortes de plicatas bruns. Tout un éventail de couleurs toutes plus réussies les unes que les autres. Quelques exemples ?

en rose : 'Bursting Bubbles' (Ghio 2000)
en orange : 'Montevideo' (Ghio, 1986)
en pourpre : 'Ennoble' (Ghio, 1998)
en jaune : 'Lanai' (ghio, 1987)
en « plicata » : 'Double Vision' (Ghio, 1998)
en « inclassable » : 'Soap Opera' (Ghio, 1981)

Beaucoup d'autres hybrideurs on suivi le même chemin. Je citerai ainsi Elvan Roderick : 'Copper Classic' (1977) ; Joë Gatty : 'White Lightning' (1973) ; Schreiner's : 'First Interstate' (1990)...

Avec de tels descendants 'New Moon' n'est pas près de disparaître des gênes de nos iris. On peut même affirmer qu'il y est maintenant tellement présent qu'il y figurera éternellement. Cela me confirme que j'ai eu bien tort de le retirer de ma collection.

Illustrations : 


'New Moon' (Sexton, 1968) 


'Bursting Bubbles' (Ghio 2000) 


'Montevideo' (Ghio, 1986) 


'Ennoble' (Ghio, 1998) 


'Lanai' (Ghio, 1987) 


'Double Vision' (Ghio, 1998) 


'Soap Opera' (Ghio, 1981) 


'Copper Classic' (Roderick, 1977)  


'White Lightning' (Gatty, 1973)


'First Interstate' (Schreiner, 1990)