31.10.08

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un iris pour 25 centimes

On peut rêver d’un iris à 25 centimes. Mais pour en obtenir à ce prix-là, il faut en acheter 20000 d’un coup ! Evidemment cela n’est pas à la dimension de nos jardins !

C’est le prix pratiqué aux Pays-Bas, à l’intention des collectivités, des entreprises paysagistes et des sociétés de vente par catalogue. Il ne faut pas toujours être exigeant sur la variété, mais quelquefois on a la surprise, dans un catalogue VPC, de trouver des variétés assez récentes et originales. Cependant le prix de vente n’est plus de 0.25 € !










IRIS EN UKRAINE





L’Ukraine a fait une entrée remarquée dans le monde des iris lorsque Nina Miroshnichenko a remporté le concours FRANCIRIS© 2007 avec son ‘Solovinyiaya Noch’. Mais elle n’est pas la seule à s’être lancée dans l’hybridation dans ce pays en voie d’émergence. Pour ce qui concerne les grands iris hybrides, au moins deux noms sont apparus ces temps derniers : Aleksandr Trotsky et Igor Khorosh. Madame Miroshnichenko, qui vit à Jitomir près de la Crimée, et cultive les iris depuis de nombreuses années, s’est contentée de pratiquer l’hybridation en amatrice, sans chercher à tirer profit de son hobby. En revanche les deux autres se sont lancés dans le commerce des iris, avec les moyens que la technologie moderne leur propose pour se faire connaître, et en particulier Internet.
Par opposition à la situation des irisariens de Russie, et surtout ceux qui habitent dans la partie nord, les Ukrainiens bénéficient, à proximité de la Mer Noire, d’un climat plutôt méditerranéen, propice aux iris. Ils en profitent, et leurs entreprises ont l’air prospère. A la base il y a des variétés américaines et australiennes, comme partout. En tant qu’hybrideurs, ils les utilisent avec soin et une évidente compétence. De sorte qu’ils peuvent présenter sur leurs sites et dans les forums internationaux des plantes qui ont tout à fait bonne allure. Les fleurs sont jolies, modernes, apparemment en mesure de se confronter aux productions des hybrideurs occidentaux. Mais cet avis n’est basé que sur l’examen de photographies et aurait besoin d’être vérifié sur le terrain. Malheureusement, jusqu’à présent, ces variétés n’ont pas fait leur apparition dans les concours français ou italiens, et conservent donc tout leur mystère. Elles n’apparaissent pas non plus dans les catalogues, nos producteurs restant obnubilés par les variétés américaines ou australiennes.
Aleksandr Trotsky porte un nom qui évoque bien des choses chez les gens de mon âge. Il n’a pas l’air d’en souffrir ! Sa pépinière, qui se trouve à Nikolaev, située à 150 km à l’est d’Odessa, à 50 km de la mer, est constituée de variétés classiques auxquelles s’ajoutent les produits maison. Pour faire sa connaissance, il faut se rendre sur son site Internet, malheureusement celui-ci n’est pour l’instant qu’en ukrainien, ce qui ne facilite pas la compréhension pour un occidental, mais on arrive tout de même à y naviguer suffisamment pour découvrir tout ce qu’il contient et notamment les photos des variétés commercialisées. ‘Rusich’ (2005) et ‘Shatior Sultana’ (2006) sont des exemples de ses dernières obtentions.
Il est plus facile de faire connaissance avec Igor Khorosh puisque son site est accessible en anglais. Cet ancien médecin est installé depuis 1989 à Ternopol, ville située à 400 km à l’ouest de Kiev, une région qui doit être beaucoup plus continentale que celle de Nikolaev. Il s’est lancé dans la culture des iris dès que les variétés occidentales ont pu être importées facilement dans son pays, et a présenté ses premières hybridations en 1999. Peu à peu il s’est perfectionné, utilisant les variétés les plus récentes et les plus réputées, jusqu’à obtenir de nouveaux iris qui, d’apparence, n’ont rien à envier à ceux que proposent les obtenteurs des autres pays. Les photos ci-dessus de ‘Illiuzionist’ (99) et ‘Sertse Okeanu’ (2005) donnent une idée de son travail.

Quand aurons-nous la possibilité de juger sur pièce ? J’espère que ces messieurs auront la bonne idée d’envoyer leurs plantes aux concours internationaux. Mais peut-être pourrions-nous leur passer commande ? Les prix, exprimés en USD, vont de 20 à 30 pour les dernières nouveautés. L’expérience pourrait être tentée. Elle deviendra peut-être une nécessité si l’on veut renouveler nos collections, puisque les importations des USA deviennent de plus en plus problématiques et onéreuses avec les restrictions phytosanitaires imposées à l’heure actuelle.

Chez les iris la mondialisation est vraiment en marche, et ceci est une bonne nouvelle.

24.10.08

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Concours FRANCIRIS®2011

Le concours FRANCIRIS®2011 se présente plutôt mieux que les organisateurs le craignaient en raison du boycott des envois en UE de la part de la plupart des obtenteurs américains, du fait des exigences douanières et sanitaires. L’affaire avait pris un mauvais départ avec la non-inscription, au printemps, des hybrideurs de l’hémisphère sud. Mais elle s’est améliorée grâce au dynamisme des Européens. En fin de compte il y aura 112 variétés en compétition, soit 2 de plus que pour le concours de 2007, présentées par 18 hybrideurs, dont 8 Français, 3 Américains, 2 Allemands, 2 Italiens, 1 Canadien, 1 Tchèque et 1 Russe.



CARRÉS ROUGES

Pour ceux qui aiment les casse-tête, les obtentions de Joë Ghio constituent pour la plupart un exercice exceptionnel. L’analyse du pedigree de quelques-unes de ses dernières est particulièrement significative, et je crois qu’il faut avoir le métier de Joë Ghio pour arriver à établir sans erreur ce genre de tableau.

Prenons l’exemple des variétés « rouges » qu’il a introduites ces dernières années. J’en ai relevé huit qui constituent deux remarquables carrés rouges illustrés ci-dessus.

‘Cover Page’ (2001) et ‘Ransom Note’ (2000) sont frères de semis. Leur pedigree est le suivant :
(Battle Royal x ((((Lady Friend x (Flareup x (Capitation x Coffee House))) x Battle Hymn sib) x (Cafe Society x (Cinnamon x (((Malaysia x Carolina Honey) x (Hi-Top x ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering sib))) x (Anointed x San Jose))))) x Heat Pump)) X (Battle Royal x ((((Homecoming Queen x 76-110BB) x Esmeralda sib)) x (( Romantic Mood sib x ((Paris Original sib x ((Princess x (Pink Sleigh x (Opening Round x Champagne Music))) x (Louise Watts x (Ghost Story x Ponderosa)))) x (((Louise Watts sib x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Crystal Dawn) x (Preface sib x Crystal Dawn)))) x Lightning Bolt))).

Quelques variétés un peu plus anciennes se présentent avec une complexité pratiquement semblable :

‘Rogue’ (94) = Caracas X ((((Cream Taffeta x (Ponderosa x New Moon)) x (Ballet in Orange x 73-122Z)) x (Blaze of Fire x 76-37F)) x ((((Flareup x (Hi-Top X ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering))) x 76-37F) x (Preface sib x (Old Flame x Pink Angel))) x (((Malaysia x Carolina Honey) x 73-122Z) x Toastmaster)))

‘Star Quality’ (95) = ((Romantic Mood sib x ((Paris Original sib x ((Princess (Pink Sleigh x (Opening Round x Champagne Music))) x (Louise Watts x (Ghost Story x Ponderosa)))) x (((Louise Watt sib x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Crystal Dawn) x (Preface sib x Crystal Dawn)))) x Lightning Bolt) X ((Caption x (Classico x ((Preface sib x Crystal Dawn) x ((Datebook x (Ponderosa x (Ponderosa x New Moon))) x Actress)))) x Lightning Bolt).

‘Ritual’ (98) = Engaging X ((((Lady Friend x (Flareup x (Capitation x Coffee House))) x Battle Hymn sib) x Court Martial) x ((((Praline x Lady Friend) x ((((Ponderosa x Honey Rae) x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Homecoming Queen) x (Entourage x Homecoming Queen))) x ((((Crème de Crème x Financier) x ((Ballet in Orange x Coffee House) x Cinnamon sib)) x Café Society)))))

Le pompon revient sans doute à ‘Regimen’ (99) : jugez un peu = (((Stratagem x Bygone Era) x (Caracas x (Fortunata x ((((Flareup x 73-122Z) x (Ballet in Orange x 73-122Z)) x (Preface sib x (Old Flame x Pink Angel))) x (((Ponderosa x Honey Rae) x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Homecoming Queen) x Orangerie))))) x ((((Lady Friend x (Flareup x (Capitation x Coffee House))) x Battle Hymn sib) x (((Praline x Lady Friend) x 76-181J x (Entourage x Homecoming Queen))) x (((Creme de Creme x Financier) x ((Ballet in Orange x Coffee House) x Cinnamon sib)) x Café Society))) x Quito)) X (Enhancement x ((Romantic Mood sib x (Designer Gown x (78-221U x ((Artiste x Tupelo Honey) x ((Malaysia x Carolina Honey) x (Hi-Top x ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering sib))))))) x Winning Smile)) !

Mais n’oublions pas l’addition de ‘Regimen’ et ‘Ritual’ qui a donné naissance à ‘House Afire’ (2002) ! Quant à ‘Infrared’ (2002), déclaré de « parents inconnus », on peut parier que ces parents, plus perdus qu’inconnus, ne donnent pas davantage dans la simplicité.

Tous ces iris, d’aspect splendide, ont pour caractéristique commune d’être d’un rouge sombre rutilant, parfois imprégné d’un peu de violet. Ils ont évidemment un air de famille et, de fait, on retrouve dans le pedigree de chacun des séquences identiques, par exemple les semis 73-122Z = Hi-Top X ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering) ou 76-181J = (Ponderosa x Honey Rae) X ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon)). Mais il y en a d’autres comme (Louise Watts x (Ghost Story x Ponderosa)), et vous pouvez vous amuser à en chercher plusieurs. En tout cas, presque chez chacun on trouve quelque part la trace de ‘Lady Friend’ (Ghio 81), que l’on peut qualifier d’ancêtre commun.

Cette variété constitue la base « rouge » des nouveaux iris. Mais pour renforcer le coloris, lui donner plus de profondeur, Ghio a ajouté une foule d’ingrédients en utilisant un panel de fleurs considérable puisqu’il n’y a pas moins de soixante noms de variétés cités dans les pedigrees ! Il y a dans cet ensemble essentiellement des variétés « rouges » (en fait grenat, amarante ou magenta), roses, oranges, et brunes. Dans le première couleur, j’ai relevé les noms de ‘Battle Royal’ (Ghio 94), ‘Battle Hymn’ (Ghio 89), ‘Heat Pump’ (Stevens 81), ‘Paris Original’ (Ghio 81), ‘Lightning Bolt’ (Ghio 93) et ‘Court Martial’ (Ghio 91). Les roses sont représentés par ‘Romantic Mood’ (Ghio 88), ‘Princess’ (Gatty 72), ‘Pink Sleigh’ (Rudolph 70), ‘Claudia Rene’ (Gaulter 63), ‘Preface’ (Ghio 79), ‘Pink Angel’ (Rudolph 73), ‘Caption’ (Ghio 86), ‘Datebook’ (Corlew 72), ‘Entourage’ (Ghio 77), ‘Bygone Era’ (Ghio 90) et ‘Designer Gown’ (Ghio 85). Les « bruns », du jaune miel au brun café, sont ‘Flareup’ (Ghio 78), ‘Cafe Society’ (Ghio 85), ‘Cinnamon’ (Ghio 82), ‘Malaysia’ (Ghio 76), ‘Carolina Honey’ (Powell 72), ‘Hi-Top’ (Knocke 72), ‘Anointed’ (Boushay 75), ‘Toastmaster’ (Ghio 84), ‘Praline’ (Ghio 83), ‘Honey Rae (DeForest 68), ‘Stratagem (Ghio 88) et ‘Tupelo Honey’ (Gaulter 75). Enfin les oranges ont pour nom ‘Homecoming Queen’ (Sexton 78), ‘Esmeralda’ (Ghio 88), ‘Caracas’ (Ghio 95), Ballet in Orange’ (Smith C. 74), ‘Blaze of Fire’ (Christensen 73), ‘Orangerie’ (Keppel 82) et ‘Quito’ (Ghio 93). Ajoutez à cela un peu de jaune, quelques bicolores, mais très peu de mauve – ‘Engaging’ (Ghio 97)- ou de bleu – Actress (Keppel 76) – et encore est-ce plus en raison des barbes rouges que de la couleur générale.

Ces pedigrees si difficiles à déchiffrer ont un gros défaut : les plantes consanguines à ce point sont fragiles et poussent difficilement ailleurs qu’en Californie. Mais ils ont au moins un avantage, celui de permettre de découvrir qu’un grand maître des iris sait merveilleusement jouer avec les couleurs pour obtenir ce qu’il veut.

PS : Verra-t-on en Europe ces iris exceptionnels ? On peut craindre que non puisque actuellement Joë Ghio a renoncé à envoyer des iris vers l’Union Européenne, pour cause de tracasseries douanières et phytosanitaires.

20.10.08

RETARD OU OMMISSION ?

Quoi ? Pas de blog la semaine dernière ?
Retard, oui, mais pas ommission !
Voici la livraison prévue et différée par étourderie !






EN AVANT, CALME ET DROIT

Cette devise de cavalier a été choisie comme titre d’un de ses livres par l’écrivain François Nourissier. Même si les éperons dont il va être question sont plutôt ceux des antiques nefs guerrières que ceux destinés à aiguillonner les chevaux, c’est cette phrase qui m’est venue à l’esprit quand il s’est agi de donner un titre à une nouvelle chronique sur les iris à éperons.

Dans la précédente, publiée ici fin juillet dernier, une certaine confusion avait été notée à propos du rôle des hybrideurs français dans l’historique des iris rostratas. D’ailleurs Lawrence Ransom, puis Jean Peyrard, tous deux artisans des rostratas à la française, m’en ont fait la remarque. Je vais essayer aujourd’hui de faire le point sur la façon dont nos compatriotes ont abordé le sujet.

Le premier Français à s’être intéressé aux iris à éperons semble avoir été, en effet, Jean Peyrard. Son ‘Ostrogoth’ est apparu en 1993. C’est un croisement Sky Hooks x Golden Encore. Avec de petits éperons blancs à l’extrémité des barbes orange, plus apparents sur les fleurs du haut de la tige que sur le reste. En 2000, ‘Messire Benoit’ renouvelle l’expérience. C’est un iris issu de ‘Horned Flare’ (Austin 63), via ‘Flag of Truce’ (Rowlan 86). La même année, l’IB ‘Messire Florian’, avec ses éperons bleus, rappelle son « père » ‘Sky Hooks’.

Lawrence Ransom, de son côté, s’est lancé dans les éperons dès l’enregistrement de ‘Psy’ (94), qui cumule les originalités : c’est un Iris de Table (MTB) et il présente un soupçon d’éperons ! Par la suite c’est surtout sur ses SDB que les éperons apparaissent, plus ou moins volumineux, notamment grâce à l’apport d’un semis de J. Peyrard, (Planet Iris X I. pumila) qui a transmis à ses descendants les appendices qu’il a lui-même reçus de ‘Spooned Blaze’ (Austin 64). Quant au TB ‘Jet-Setter’ (2004), il fait partie de la lignée lancée par Monty Byers, par ‘Rockstar’ (Byers 91).

Dans la famille Anfosso, à Hyères, il faut choisir la fille, Laure, pour ouvrir une autre page de l’histoire qui nous intéresse aujourd’hui. Car elle a enregistré, entre 90 et 94, quatre variétés à éperons, issues de ‘Sky Hooks’ : ‘Luciole’ (90), ‘Antigua Soleil’ (90), ‘Flûte Enchantée’ (91) puis ‘Papillon d’Automne’ (94).

Pour respecter la chronologie, c’est mon ami Bernard Laporte qui s’est ensuite lancé dans cette expérience, avec la passion qu’on lui connaît. Il a enregistré au moins cinq variétés à éperons, dont ‘Messire Lancelot’ (2004), qui est un bel exemple de son travail, mais qui descend de ‘Snow Spoon’ (Hager 82) alors que les autres proviennent de ‘Sky Hooks’.

D’autres hybrideurs français ont suivi le chemin : Christian Lanthelme, Michèle Bersillon, puis, plus récemment, Jean-Claude Jacob ou Linda Vasquez-Poupin. Luc Bourdillon est également sur les rangs, mais ses obtentions n’ont pas été enregistrées, ce qui est bien dommage.

Quant à Richard Cayeux, longtemps hésitant, il s’est mis lui aussi aux rostratas avec, à l’heure actuelle, au moins cinq réalisations enregistrées, toutes descendantes de ‘Conjuration’, via un croisement exceptionnel : Chevalier de Malte X Conjuration.

J’espère n’avoir oublié personne dans ce tableau. Car les hybrideurs français n’hésitent plus à faire enregistrer leurs cultivars et le nombre des nouveautés peu laisser la place à une omission. En tout cas, comme on dit d’habitude, si oubli il y a, il serait tout à fait involontaire !

En avant, les obtenteurs français y vont, calme et droit, aussi, car ils ont compris l’intérêt des ces iris, et les réticences constatées il y a vingt ans sont maintenant dépassées.

10.10.08

SÉNÈQUE … ET LES HYBRIDEURS

Au premier paragraphe de « La Vie Heureuse », Sénèque, le philosophe stoïcien du premier siècle, écrit : « Il faut donc établir d’abord ce que nous devons rechercher ; puis il faut examiner en détail comment nous pouvons l’atteindre le plus rapidement, avec le souci de comprendre une fois que nous serons en chemin, si, du moins, c’est le bon, combien chaque jours nous abattons de besogne et dans quelle mesure nous sommes plus près de ce vers quoi nous pousse un désir naturel. »

Je réfléchissais à cette phrase et je me disais qu’elle est exactement la description de ce que doit être l’attitude de l’hybrideur (d’iris ou de toute autre plante) dans son travail de recherche. Un but, s’y tenir, et chercher à l’atteindre le plus rapidement possible et avec les meilleurs moyens. Prendre aussi un peu de temps pour faire le point sur l’avancement de la recherche et s’assurer que la route suivie est la bonne.

Parce que ce qui s’applique au comportement de tout être humain en quête du bien s’applique évidemment à l’hybrideur à la recherche de l’iris parfait.










MTB : DE PLUS EN PLUS DE SUCCÈS

En américain on dit MTB, qui signifie Miniature Tall Bearded. En français on traduit soit par Grand Iris Miniature (ce qui est plutôt antinomique) ou Iris de Table. On considère que ces iris sont issus principalement d’I. variegata et d’espèces assez voisines, notamment I. rudskyi.

On ne s’attardera pas sur I. variegata, ce petit iris jaune clair et violacé, aux sépales fortement striés qui, par ailleurs, a servi de point de départ à plusieurs autres groupes ou modèles d’iris hybrides. Mais on peut dire un mot de I. rudskyi Horvat 1947.

Certains s’interrogent à son sujet : s’agit-il vraiment d’une nouvelle espèce ou plutôt d’une sous-espèce de I. variegata ? Voici ce que Claire Austin, dans son livre « Irises, a Gardener’s Encyclopedia », écrit à son sujet : « Cette espèce est semblable à I. variegata mais a des fleurs d’un coloris plus soutenu. Les pétales sont caramel et, à bien y regarder, marqués d’un ton plus sombre. Les sépales blancs, très étroits, sont richement veinés de pourpre. Les barbes, plutôt petites, sont blanc pointé de jaune vers l’arrière. Hauteur : 30 cm. » La photo ci-dessus confirme cette description.

Le cocktail MTB contient aussi, selon « The World of Irises », quelques autres espèces :
Iris cengialtii, petit iris diploïde (45cm), bleu à barbes blanches, souvent considéré comme une sous-espèce de Iris pallida ;
Iris illirica, très voisin du précédent, originaire de la côte dalmate ;
Iris perrieri, voisin d’Iris aphylla, mais diploïde, d’un bleu profond, que l’on trouve encore dans les Alpes, dont la description a été faite par Marc Simonet en 1935 ;
Iris reginae, petit iris plicata, voisin de Iris variegata dont il est souvent considéré comme une sous-espèce.
Mais, avec le temps, d’autres espèces ont été ajoutées.

Ces iris ont donné naissance à des hybrides somme toute discrets mais qui ne manquent cependant pas d’intérêt pour les collectionneurs comme pour les fleuristes.

Bien qu’ils soient apparus très tôt dans l’histoire des iris, il fallut attendre les années 50 pour que soient définis leurs traits spécifiques. On parlait déjà d’iris de table dans les années 30, mais la désignation MTB n’est apparue qu’avec la définition du groupe. Ce sont Mary Williamson, au début, puis Alice White, dans les années 50, qui ont misé sur les iris de table, en faisant valoir leur intérêt décoratif tant pour le jardin que pour la fleur coupée. C’est d’ailleurs pourquoi la médaille catégorielle qui est dédiée aux MTB se nomme la Williamson-White Medal.

Ils se présentent avec des tiges fines et flexueuses, atteignant au maximum 70cm de haut (le mieux est de s’en tenir aux alentours de 55cm), portant des fleurs gracieuses ne dépassant pas 15cm de large, et fleurissant en même temps que les grands iris. Beaucoup moins spectaculaires que ces derniers, ils ont longtemps été un peu dédaignés par les hybrideurs. Mais depuis quelques années ils connaissent un regain d’intérêt sensible, surtout depuis qu’ils ne sont plus simplement diploïdes. En effet on trouve de plus en plus de tétraploïdes, plus riches en coloris et plus ondulés ou frisés, obtenus par l’apport de gènes d’iris de bordure (BB). En particulier aux USA, parce qu’en Europe, on n’en voit pas encore beaucoup. Cependant leur vigueur, leurs faibles besoins en surface de jardin, qui autorise leur culture sur un balcon, une terrasse ou une rocaille devrait leur valoir d’apparaître enfin dans les catalogues.

Dans la catégorie des MTB on trouve désormais toutes les couleurs et associations qui existent chez les grands barbus (TB) sur de mignonnes petites fleurs, qui s’épanouissent en grand nombre sur des touffes qui prennent vite de l’importance.

Cette année, la Williamson-White Medal est revenue à ‘Maslon’ (D. Spoon 2002), variegata classique, devant ‘Somewhat Quirky’ (R. Probst 97) amoena bleu tendre, et ‘Yellow Flirt’ (K. Fischer 97), jaune vif à barbes mandarine. Ce dernier obtenteur est accoutumé des récompenses : ses iris ont remporté déjà six fois la Williamson-White Medal ! Par ailleurs ‘Dividing Line’ (Bunnell 2005), amoena violet joli et original, s’est classé troisième pour la Ben Hager Cup.

Les MTB ne semblent guère inspirer les Européens. D’après Lawrence Ransom : « En Grande-Bretagne, à ma connaissance, Olga Wells est la seule personne / hybrideur qui s’est intéressée aux MTB. En France, Jean Peyrard a enregistré ‘Petite Celia’ (2005) ». On ne trouve qu’une autre variété française qualifiée de MTB. Il s’agit de ‘Psy’ (Ransom 94) qui présente la particularité d’être l’enfant d’un couple russo-britannique, puisque sa « mère » est I. astrachanica (une espèce rare, seulement décrite en 1961 par Rodionenko, qui est voisine de I. scariosa c’est à dire un petit iris barbu, proche de I. pumila, de couleur variable mais le plus souvent jaune) et son « père » le MTB ‘Welch’s Reward’ (Welch 87).

Selon L. Ransom, qui en a eu jusqu’à 22 variétés à la vente, les MTB « sont très rapidement suffoqués par les mauvaises herbes, contrairement aux SDB, IB et TB qui eux peuvent survivre même quand très envahis sur quelques années ». C’est peut-être là une des raisons de l’indifférence constatée à leur sujet, alliée au fait que, peu connus, ils ne présentent pas pour l’instant de véritable intérêt commercial. Les Américains règnent donc pratiquement sans partage en ce domaine.

NB : Aux Pays-Bas, le franco-hollandais Loïc Tasquier se fait le champion de ce qu’il faut bien appeler une nouvelle catégorie d’iris qui a été créée par Paul Black. Les fleurs sont petites mais très nombreuses grâce à la multiplicité des tiges florales. Issus de grands iris classiques, d’iris de table (MTB) et de l’espèce I. aphylla, ils allient les traits particuliers de chacun de ces géniteurs pour donner quelque chose de nouveau qui présente des qualités intéressantes pour le jardin et qui pourraient avoir plus de succès que les véritables MTB.

4.10.08
















SALADE LOUISIANAISE

Dans le bulletin n° 350 (July 2008) de l’AIS, j’ai trouvé un article signé Robert Treadway (vice-président de l’AIS pour l’Arkansas) qui fait le point sur les origines des iris de Louisiane. Le présent article est largement inspiré de ce texte.

En matière d’iris, la salade louisianaise se compose de cinq ingrédients :
I. I. hexagona – Walter 1788
II. I. fulva – Ker-Gawler 1812
III. I. giganticaerulea – Small 1929
IV. I. brevicaulis- Rafinesque 1817
V. I. nelsonii – Randolf 1966
Ils constituent la série HEXAGONAE de la section Limniris, du genre IRIS selon la classification Rodionenko.

Ils sont classés ci-dessus dans l’ordre de leur découverte en milieu naturel.

Iris hexagona, a été décrit par Walter dès 1788. Il présente des fleurs allant du bleu pâle au rose, voire pourpre, rarement blanches. Les sépales retombants s’étalent largement. A noter, le signal jaune, très visible. Les pétales, redressés, sont plus petits et plus étroits que les sépales. Les fleurs s’élèvent au-dessus du feuillage, persistant. Les touffes deviennent rapidement volumineuses. Elles poussent dans les prairies humides ou les marécages, spécialement en Louisiane, mais aussi dans tout le sud des USA, remontant vers le nord le long des cours d’eau. C’est la plante emblématique du Sud, c’est pourquoi cet iris est surnommé « Dixie Iris ».

Iris fulva a été décrit en 1812. Avec ses délicates fleurs d’un brun-rouge cuivré, rarement jaunes, c’est lui aussi une espèce originaire du sud des Etats-Unis que l’on trouve dans les parties humides, tout du long de la vallée du Mississipi et de ses affluents jusqu’aux portes de Chicago, dans l’Illinois. Ses larges sépales arqués vers le bas, sont marqués d’un signal jaune, tandis que ses pétales, également incurvés, sont un peu plus étroits que les sépales. Il n’y a guère plus de deux fleurs par tige. Elles s’élèvent au-dessus d’un feuillage falciforme qui provient de touffes généralement volumineuses.

Iris brevicaulis est plus discret, mais il pousse dans une aire très vaste allant du Golfe de Mexique à la frontière du Canada. On le surnomme « Zigzag iris » en raison de ses tiges qui ne se dressent pas mais se courbent à 45° pour laisser de l’espace aux fleurs qui naissent à chaque aisselle. Il se distingue des autres iris de la série par des sortes de fausses barbes jaunes sur les sépales. C’est l’espèce naine des HEXAGONAE : il ne dépasse pas 50cm de haut. Dans la description des fleurs qu’il en donne dans le n° 132 d’Iris & Bulbeuses, Jean Louis Latil écrit : « largement ouvertes, à pétales étalés et sépales retombant, diamètre 6 - 10 cm, de couleur variable allant du bleu-pourpre au bleu-violet pâle. Les fleurs sont généralement à l'intérieur du feuillage. »

Iris giganticaerulea, comme son nom le laisse à penser, est le plus grand des iris de Louisiane. C’est aussi l’espèce la plus commune. Il peut dépasser 1 mètre de hauteur et les feuilles elles-mêmes atteignent plus de 90cm de longueur. Il se trouve en abondance le long du Golfe du Mexique, tout autour de New Orleans. Même si chaque tige ne porte qu’une ou deux fleurs, il arrive à former une vaste étendue bleue là où il s’étale, dans un milieu humide et dans un climat doux. Ses larges sépales, ses pétales dressés vers le ciel, en font une des merveilles des bayous de Louisiane.


Iris nelsonii est la dernière espèce à avoir été découverte, dans le marais de la paroisse (c’est ainsi qu’en Louisiane on appelle ce qui ailleurs aux USA est dénommé un comté) de Vermilion, près de la petite ville d’Abbeville (d’où le surnom de « rouge d’Abbeville »). Mais s’agit-il vraiment d’une espèce ? Beaucoup pensent qu’il s’agit d’un ménage à trois entre I. fulva, I. brevicaulis, et I. giganticaerulea. Peut-être un hybride, donc, mais un hybride stabilisé à qui on peut attribuer le statut d’espèce. C’est L.E. Randolph, qui en a fait la description précise en 1966, et l’a baptisée du nom de Iris nelsonii, en hommage à Ira S. Nelson, un universitaire qui, à partir de 1941, a développé l’hybridation des iris de Louisiane. Il constitue de vigoureuses touffes d’un feuillage étroit, très vert, couronné au moment de la floraison par de jolies fleurs dans les tons de rouge vineux.

La recette de la salade louisianaise s’est élaborée à partir des quatre premières espèces, la cinquième est venue plus tard l’enrichir et lui apporter le coloris rouge qui n’existait pas au début. Peu à peu s’est constituée la catégorie des iris hybrides de Louisiane, ou Louisianas, qui est devenue la plus populaire et la plus riche après celle des grands iris (TB). C’est même la catégorie majoritaire en Australie. C’est une belle aventure qui mérite d’être contée, mais, comme dit Rudyard Kipling, « ceci est une autre histoire ».