25.11.10

LA COMPAGNIE DES PETITS






10. Bee Warburton

Mrs. Warburton, surnommée Bee, de Westboro dans la grande banlieue ouest de Boston, a été l’une des rédactrice du célêbre « World of Irises ». Ce fut aussi une spécialiste reconnue des iris nains dont elle a enregistré de nombreux cultivars. Pour donner une idée de son talent, voici cinq de ses obtentions.

  • Betsey Boo’ (1974) (Sweetie X Lenna M. Sib)
  • Dark Blizzard’ (1983) (Triple-Ripple X Gentle Air)
  • ‘Open Sky’ (1975) (((Blue Denim x (blue pumila x Spanish Peaks)) x (((Little Shadow x Zwanimir) x Blue Denim) x Truce)) X (((white TB x blue pumila) x sib) x (Love Affair x I. Cretica)) x (Knotty Pine x Truce)))
  • ‘Soft Air’ (1972) (((Snow Flurry x blue pumila) x Scot Cream) X Three Smokes)
  • ‘Stockholm’ (1971) ((((Great Lakes x blue pumila) x (blue pumila x Spanish Peaks)) x Blueberry Muffins) X (semis x Blueberry Muffins))

LA FLEUR DU MOIS






Une fleur dorée, pour le mois décembre, c’est un rayon de soleil dans l’eau froide (comme disait Françoise Sagan). Voici :

‘COROLLA’

(Bianco, circa 1995)

Faire l’apologie d’une plante qui n’a pas été enregistrée, est-ce bien correct de la part de quelqu’un qui clame de tous côtés qu’un iris non enregistré n’existe pas ? Pourtant, ce ‘Corolla’, j’y tiens ! Augusto Bianco me l’a envoyé en guise de cadeau, avec une commande passée en 2004 qui comprenait sept autres variétés. Depuis que je le connais, Augusto Bianco m’envoie régulièrement des iris dont il n’est pas sûr qu’ils valent la peine d’être conservés, mais sur lesquels il sollicite mon opinion. J’ai reçu comme ça une demi-douzaine de variétés dont certaines font maintenant les beaux jours de son catalogue, mais dont d’autres ont été écartées pour telle ou telle raison. J’ai conservé, ainsi, un iris blanc magnifique, doté de fleurs majestueuses, d’une nature épaisse et cireuse, mais assez capricieux pour fleurir et, surtout, dont les fleurs ont hérité d’une forme très traditionnelle, un peu raide, qui plairait, certes aux amateurs de fleurs « tailored » comme on dit en anglais, mais qui n’est plus du tout à la mode. Pour ma collection personnelle je lui ai donné le nom de ‘Fiordiligi’, parce que je trouve qu’il ferait merveille dans les cheveux de l’héroïne de « Cosi fan Tutte ».

‘Corolla’ est d’un tout autre aspect. C’est un bel iris jaune d’or, au cœur poudré de chocolat, ce qui en rehausse l’éclat. Les barbes sont couleur vieil or. C’est une plante hâtive, comme beaucoup de jaunes, qui met tout de suite une touche vive dans un jardin d’iris qui commence à peine sa floraison. Il a pour pedigree (Golden Icon X Jitterbug). ‘Golden Icon’ (Carr, 1986) est un jaune plus sombre au cœur, ‘Jitterbug’ (Keppel, 1988) est beaucoup plus connu et se présente avec des veines brunes sur un fond jaune. La couleur adoptée par ‘Corolla’ n’a donc rien de surprenant puisque c’est celle de ses parents, ou presque.

Le croisement à l’origine de ‘Golden Icon’ est constitué de (Daylight Splendor X Flamenco), et c’est à l’évidence de ‘Daylight Splendor’ (Carr, 1979) que viennent les couleurs de ses descendants. Il est lui-même issu d’une célèbre variété historique, ‘Radiant Apogee’ (Gibson, 1964), un des nombreux variegata-plicata dans Gibson c’était fait le champion, et qui a eu une carrière exceptionnelle aussi bien sur le plan commercial que sous les brucelles des hybrideurs. Il se trouve que ce ’Daylight Splendor’ figure aussi dans ma collection, ce qui m’a permis de constater l’amélioration apportée à son petit-fils.

Je ne sais pas pourquoi Augusto Bianco n’a pas retenu ce ‘Corolla’ auquel il a tout de même fait une place dans son catalogue mais qu’il n’a pas jugé bon d’enregistrer. Pour ma part je ne lui connais pas de gros défaut. Il fleurit fidèlement tout au début de chaque mois de mai, il ne se couche pas sous le vent, il garde ses fleurs longtemps et, si elles ne sont pas des plus nombreuses, elles sont convenablement étagées le long de la tige. Est-ce parce qu’au début je l’ai bichonné avec soin pour pouvoir faire un rapport méticuleux à son obtenteur ? En tout cas je me suis attaché à cet iris et je tenais à lui rendre justice.

TÉPALES







Le mot ne figure pas au « Petit Robert », mais dans un vieux « Larousse » on en donne la définition suivante : « Chacune des pièces de l’enveloppe florale ou périgone ». Ainsi on appelle « tépales » les pièces, pétales et sépales, qui constituent la fleur. Chez l’iris, et particulièrement les iris des jardins (germanicas), ce sont des éléments d’une importance considérable car c’est essentiellement sur eux que repose le travail des hybrideurs : non seulement leurs couleurs, mais aussi leur forme et leur aspect général.

Commençons par attirer l’attention du lecteur sur une particularité. Chez la fleur d’iris, ce qui est visible, c’est d’une part l’extérieur des pétales, d’autre part l’intérieur des sépales. Alors que dans la plupart des fleurs le spectateur voit la face intérieure de tous les tépales. Et il se trouve aussi que la partie externe des pétales présente un choix de couleurs moins étendu que celui de l’intérieur des sépales. Cela n’est pas extraordinaire car c’est un trait commun à la plupart des fleurs : prenez n’importe laquelle et vous constaterez que la face externe, celle qui n’apparaît que si l’on retourne la fleur ou si on la regarde par en-dessous, est bien moins colorée que la face interne ; souvent même elle a peu de couleur et se trouve suffusée de chlorophylle, ce qui en rapproche l’aspect de celui des bractées quand celles-ci sont bien visibles. Chez l’iris la coloration de l’extérieur des pétales est un élément primordial et elle présente plusieurs traits importants : elle peut soit être semblable à celle de l’intérieur des sépales, donnant une fleur unicolore, soit évoluer vers une teinte qui est ou plus claire ou plus foncée que celle des sépales, tout en restant dans la même tonalité générale ; soit être plus ou moins différente, soit qu’elle tranche franchement avec celle de la partie inférieure de la fleur, soit qu’elle présente une teinte voisine dans le spectre. Elle peut quelquefois porter plusieurs couleurs, en mélange ou disposées côte à côte, fonçant ou s’éclaircissant en allant vers le cœur de la fleur, le même dégradé, ou son inverse, apparaissant sur les membrures qui donnent leur solidité et maintiennent la verticalité des pétales. Mais dire que l’extérieur des pétales est richement coloré ne veut pas dire que l’intérieur est incolore ou terne. Le plus souvent il est lui-même coloré comme l’extérieur, avec cependant un peu moins de brillant, comme si la fleur, sachant que cette partie d’elle-même n’allait pas être vue, ne se donnait pas la peine de lui accorder le même éclat.

Si les pétales peuvent être richement colorés, il semble toutefois que la nature a porté encore plus d’attention à la coloration des sépales. Tout au moins de leur partie exposée au regard, l’intérieur, car le plus souvent l’extérieur paraît amplement négligé. Tout l’effort de la plante porte sur ce qui se voit ! Et pour ce qui est de l’intérieur des sépales elle déploie l’essentiel de son génie. Essayer de citer tous les aspects, toutes les colorations et associations de couleurs que peut prendre la face interne des sépales est pratiquement impossible. Et personne n’a dit son dernier mot ! Régulièrement de nouvelles fantaisies font leur apparition, ce qui garantit que la fleur d’iris n’est pas près de paraître monotone aux yeux de ses admirateurs. Tout cela avec un nombre somme toute assez limité de pigments (1), mais avec un panel de gènes qui interviennent ici ou là, s’associent ou se contrarient de manière à multiplier les combinaisons possibles jusqu’à l’infini, ou presque.

De plus, aux sépales proprement dits viennent s’ajouter, sur les iris qualifiés de « barbus », ces appendices étranges que l’on appelle les barbes, qui viennent ajouter une autre source de fantaisie à une fleur qui n’est pas avare de diversités.

Voilà pour les couleurs, mais les tépales présentent encore bien d’autres sources d’intérêt. Arrêtons-nous un moment sur la forme. Par principe, pétales et sépales s’élèvent du nœud floral, à la base de la fleur et à partir d’un mince filet doté de nerfs robustes, se développent et s’évasent pour s’étaler largement en présentant tous leurs attraits. Beaucoup d’efforts ont été déployés par les hybrideurs pour hâter l’étalement des tépales de sorte que la fleur gagne en élégance et en rigidité. Essentiellement chez les grands iris, la moindre modification dans le sens recherché de l’apparence des tépales a été exploitée et favorisée : dès leur sortie du tube périanthique, les tépales ont été amenés à s’élargir très vite de manière à donner de l’ampleur et de la solidité à la fleur, non seulement en se raidissant par eux-même, mais encore en se chevauchant pour se soutenir entre eux ; l’apparition d’ondulations sur ces tépales a également été exploitée, dans le même but c’est à dire donner de la tenue aux fleurs, sans qu’elles s’alourdissent : un peu comme en ondulant la tôle métallique ont lui assure une meilleure rigidité. Le résultat est spectaculaire et il n’est pour s’en rendre compte que de comparer la fleur d’un iris ancien (depuis l’origine de l’horticulture des iris jusqu’aux années 1930/40) et celle d’une variété moderne. On arrive même aujourd’hui à ce qui peut être pris pour un excès : cet extrême bouillonné des tépales qui caractérise certaines variétés récentes. Comme pour toutes choses, le balancier, d’ailleurs, est reparti en sens inverse et des fleurs au dessin plus net sont maintenant développées, ce qui devient possible sans faire perdre de la tenue à la fleur grâce à un renforcement de l’épaisseur des tépales.

En deux cents ans d’hybridation, les tépales des iris –on parle toujours des grands iris des jardins et de leurs dérivés nains ou intermédiaires – ont subi d’autres transformations : augmentation du volume, augmentation de l’épaisseur, ajout de nouveaux caractères…

A propos de ce dernier point il faut évoquer l’apparition des extrémités laciniées ou crêpées ainsi que le développement des appendices pétaloïdes à la pointe des barbes. Les fines dentelures apparues dans les années 1940 ont été exploitées abondamment pour donner de la grâce aux fleurs. Parfois elles ont pris une telle densité qu’elles peuvent nuire à l’éclosion de la fleur à cause de l’imbrication des différents tépales, mais, bien maîtrisées, elle confèrent un charme indéniable. Quant aux pétaloïdes, leur extension ne remonte qu’aux années 70, mais ils se sont largement développés et les fleurs qui en comportent sont désormais suffisamment banales pour se rencontrer dans tous les catalogues. Là comme en toutes choses, les excès peuvent gâcher le spectacle : des appendices trop lourds ou trop extravagants arrivent à enlaidir la fleur plutôt qu’a accroître ses attraits. mais on peut compter sur la modération et le bon goût des grands hybrideurs pour s’arrêter à temps et rechercher de préférence l’effet « flore pleno » qui, s’il se produit, donnera un nouvel essor aux iris.

Les transformations des tépales n’ont pas fini de nous surprendre ; d’une part parce que la nature est riche de possibilités que l’on ne soupçonne même pas, d’autre part parce que les obtenteurs sauront toujours mettre en valeur ce qui peut ajouter quelque chose à nos fleurs préférées. En ce domaine, pétales et sépales – ou tépales – ont encore quelque chose à dire.

(1) Sans oublier que des recherches se poursuivent pour tenter d’obtenir, un jour, ce fameux iris rouge qui attire la convoitise de tant d’hybrideurs !

19.11.10

LA COMPAGNIE DES PETITS






9. Paul Black

Paul Black est l’un des plus importants obtenteurs américains du moment. Depuis qu’il est installé en Oregon, la quantité et la qualité de ses obtentions a explosé. A travers les photos ci-jointes, on peut se faire une idée de la variété et de la richesse de son travail.

  • ‘Cat’s Eye’ (2002) (Snugglebug X Buddy Boy)
  • ‘Intergalactic’ (2008) ((Frugal x (Trajectory x Midnight Mist)) X Amusing)
  • ‘Nine Lives’ (2007) (Puddy Tat X Puddy Tat sib)
  • ‘Patacake’ (1988) ((Melon Honey x Velvet Pride) X Bright Vision
  • ‘Zooboomafoo’ (2007) (Fingertips X Marksman)

ECHOS DU MONDE DES IRIS



New look

Le Bulletin de l’AIS fait peau neuve depuis le début de cette année et l’entrée en fonction comme rédacteur en chef de Kelly D. Norris. Le numéro de janvier 2010 est passé au format 21.7X28, le numéro de juillet s’est enrichi d’un nom, « IRISES ». Ci-dessus la couverture de numéro d’octobre que nous, les Européens, ne recevrons qu’à la fin de ce mois de novembre. A partir de janvier 2011, le bulletin sera entièrement en couleur comme annoncé la semaine dernière.

LES LIGNES BROUILLÉES




Tous les donneurs de leçon, moi le premier, conseillent à ceux qui veulent se lancer dans l’hybridation de choisir une ligne et de s’y tenir. Même des hybrideurs chevronnés, comme Keith Keppel ou Richard Cayeux, répètent cette consigne. Mais on peut se demander si ce conseil est encore judicieux au point où est parvenue la recherche d’amélioration des iris.

Si l’on veut apprendre quelque chose à propos des iris, il faut lire et relire « The World of Irises » de Bee Warburton et Melba Hamblen, et en particulier les chapitres 3 et 4 intitulés « The Drama of Iris Development » et « Tall Beardeds ». On y découvre un résumé de l’histoire de l’iridophilie des origines à nos jours et, surtout, une analyse couleur par couleur et modèle par modèle des progrès de l’hybridation. C’est là qu’on comprend comment, pour progresser dans chaque domaine, les hybrideurs des années passées ont suivi avec constance et même acharnement une « ligne » dont ils avaient choisi de s’occuper. Ces différentes lignes ont donné naissance à des « lignées », c’est à dire une suite de variétés issues les unes des autres (avec des apports extérieurs divers, néanmoins) tendant à l’obtention d’une plante et d’une fleur parfaite dans sa spécificité, au point que l’obtenteur juge qu’il n’y a plus d’amélioration à apporter, ou que l’amélioration ne peut plus venir que de la fusion de cette lignée avec une ou plusieurs autres. L’application de cette règle est particulièrement caractéristique pour ce qui est des iris bleus.

Sans remonter jusqu’au 19eme siècle, où des iris bleus magnifiques avaient été obtenus, le plus souvent par hasard, une première étape s’est déroulée en France, dans les années 1920. Ferdinand Cayeux avait compris que l’amélioration nécessitait de la suite dans les idées, et il en a eu ! Ainsi avec ‘Sensation’ (Cayeux F. 1925), qui est l’équivalent des meilleurs bleus américains du moment, comme ‘Conquistador’ (Mohr 1920) ou l’incontournable ‘Santa Barbara’ (Mohr-Mitchell 1925). ‘Sensation’ a été précédé par une variété très belle bien que beaucoup moins connue : ‘Idéal’ (Cayeux F. 1923) puis suivi, dans la même lignée, par le magnifique ‘Zampa’ (Cayeux F. 1926), qui se présente avec des qualités identiques mais une approche de la perfection qui est sensible quand on regarde les photos de ces diverses variétés. Au même moment, aux Etats-Unis, d’autres hybrideurs appliquaient le même principe. Chacun avait sa « ligne » et s’y tenait. On considère qu’il y a eu quatre lignes de bleus au cours des années 1930, et qu’elles ont été améliorées sur de nombreuses générations. Mais ce qui devait arriver arriva et, peu à peu, ces quatre lignes se sont alliées, mélangées pour ne plus laisser apparaître qu’une famille où les pedigrees laissent poindre la diversité des origines et montrent les divers croisements interlinéaires.

Ce qui est vrai pour les iris bleus l’est également pour ceux des autres couleurs. On parle des roses de Fay, des roses de Hall, des bruns de Kleinsorge… La séparation par lignées a duré jusqu’aux années 70, avec des confluences de plus en plus fréquentes. Chaque couleur ou modèle est une sorte de fleuve constitué des eaux de multiples rivières, elles-même enrichies de multiples ruisseaux…

Mais si les fleuves peuvent être immenses, leurs eaux sont un puissant mélange où les apports des uns et des autres se sont peu à peu fondus, au point qu’il n’est plus possible dans le grand brassage, de retrouver la part de chacun. Il en est de même pour les iris (et pour toutes les fleurs hybrides, évidemment). Nous ne sommes plus au sommet de montagnes d’où partent différents cours d’eau mais dans de larges vallées où coulent des fleuves majestueux. L’hybrideur d’aujourd’hui ne peut pas dire qu’il va créer et suivre une ligne personnelle. Il doit se contenter de projeter, simplement, d’approfondir le travail de ses prédécesseurs. D’une certaine façon son travail est facilité, un peu mâché par les progrès accomplis par les autres. D’une autre il est compliqué car apporter un plus à quelque chose qui est déjà presque parfait est une âpre gageure.

Heureusement des routes nouvelles apparaissent encore ; les hasards des croisements donnent naissance régulièrement à des modèles ou des associations de couleurs inédits, des voies de recherche nouvelles deviennent intéressantes. L’hybrideur moderne doit être à l’affût de ces « néologismes ». C’est là qu’il pourra exercer avec le plus de succès son talent d’innovateur et son goût pour les belles choses. Si les lignes anciennes se sont brouillées, de nouvelles se dessinent qu’il va falloir surligner.

12.11.10

LA COMPAGNIE DES PETITS





8. D’Australie

On connaît parfaitement Barry Blyth pour ses grands iris bicolores. Ils sont si nombreux qu’on oublie qu’il obtient aussi de remarquables iris nains. En voici cinq, parmi ses plus jolies réussites :

  • ‘Chanted’ (1990) (Oladi X (Peach Eyes x Kandi Moon)
  • ‘Fling’ (2000) (Blissed Out X Rumours sib)
  • ‘Fusspot’ (2000) (Flirting X Lore)
  • ‘Taja’ (1990) (Yipee X Royal Magician)
  • ‘Zounds’ (1984) (Helter Skelter X Real Coquette)

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Bulletin de l’AIS

A partir du numéro de janvier 2011, le bulletin de l’AIS sera entièrement en couleur ! Ce changement va apporter un plus à un organe qui s’est déjà modernisé en passant au format 21/29, mais dont les rubriques mériteraient d’être débarrassées de tout un tas d’informations récurrentes et sans intérêt.

AMOENA = CHARMANT






Mon dictionnaire latin/français m’apprend que « amoena » se traduit par « charmant » ou « agréable ». Ainsi un iris amoena serait un iris charmant ? Qui aurait pu en douter ?

De nos jours, obtenir un iris aux pétales blancs et aux sépales colorés est à la portée de tous ceux qui hybrident, mais il n’en a pas toujours été ainsi, et si le travail est maintenant facile, il fut un temps où cette disposition des couleurs était exceptionnelle.

Dans les années 30, obtenir un amoena était un événement. En effet, pour des raisons que l’on ne s’expliquait pas, alors que de très nombreux bicolors voyaient le jour, les iris blanc sur bleu restaient exceptionnels. On attribuait ce peu de résultats à une relative rareté des parents potentiels et au faible pouvoir germinatif des graines. Le défi d’obtenir des amoenas a provoqué une certaine émulation chez les obtenteurs de l’époque. De grands noms comme Geddes Douglas, Paul Cook ou Robert Schreiner l’ont relevé. C’est cependant Jesse Wills qui, le premier, a fourni une explication basée sur sa propre expérience et sur les travaux de ses confrères. Il a fait le point dans un article publié en 1946 dont Richard Cayeux a donné une excellente traduction dans son livre « L’iris, une fleur royale » : « Les croisements entre amoenas, et même entre amoenas et les autres bicolores sont difficiles à réussir ; de plus le taux de germination des graines ainsi obtenues est inférieur à la moyenne. Quant au développement des plantules, il est lent, surtout la première année, ce qui retarde encore la floraison, de sorte que l’on doit souvent attendre la seconde, voire la troisième année, pour porter un jugement sur les iris provenant de ces hybridations. » Il ajoute, d’après ces constatations, que le blanc des pétales est un caractère récessif, et que « si les chances d’obtenir un amoena sont d’une sur trente-cinq, combien petite sont-elles quand seulement cinq ou six semis provenant d’un croisement peuvent pousser et fleurir ». Ces conclusions peu encourageantes ont incité l’AIS, sous la houlette de L.F. Randolph, d’inclure les amoenas dans une étude génétique sur la couleur des fleurs.

‘Wabash’ (E. B. Williamson 36) a marqué le début d’une longue histoire. Cet iris aux pétales blancs et aux sépales bleu pourpré liserés de blanc, est point de départ des iris amoenas. Il est le résultat du croisement de deux autres produits du même obtenteur, ‘Dorothy Dietz’ (Williamson 30) et ‘Cantabile’ (Williamson 31). Il est aussi à l’origine de ‘Bright Hour’, une obtention qui a profité des études lancées par l’AIS.

Cependant la lignée de ‘Wabash’ n’a pas eu de suite. C’est en grande partie à cause des travaux de Paul Cook et de ce qui est advenu à partir de l’apparition de ‘Progenitor’. De cette plante insignifiante sont venus ‘Melodrama’ (Cook, 1956), ‘Whole Cloth’ (Cook, 1957), ‘Emma Cook’ (Cook, 1957), ‘Miss Indiana’ (Cook, 1961) et d'autres d'immense valeur qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores. Cependant ce n'est pas Paul Cook qui a poursuivi dans la direction ainsi tracée. D’autres ont pris le relais et ont multiplié à l’infini le modèle amoena. Leur travail est parti essentiellement de ‘Whole Cloth’, celui des trois principaux descendants de ‘Progenitor’ qui est le plus franchement du modèle.

Aujourd’hui les amoenas sont innombrables et on en trouve dans tous les coloris. Avec des sépales bleus –ou violet – bien entendu, comme l’inaltérable ‘Alizés’ (Cayeux, 1991) ou son petit cousin ‘Deltaplane’ (Cayeux, 1993) ; en jaune comme ce qu’en un temps obtenait Barry Blyth, en Australie, et qui nous vaut ‘Alpine Journey’ (1983) ou ‘Aura Light’ (1996) ; en rose, ce dont Dave Niswonger s’est fait une spécialité qui a abouti à ‘Champagne Elegance’ (1987) ou ‘Coral Chalice’ (1983) ; en mauve (voir l’exemplaire ‘Cumulus’ – Cayeux, 2000) ; en magenta (voir ‘Calypso Beat’ – Schreiner, 2002) ; en grenat (dans le genre j’aime bien ‘Bristo Magic’ (Schreiner, 1982) ou ‘Amity Estate’ – Schreiner 2003), en orange où se distinguent ‘Fondation Van Gogh’ (M. Anfosso, 1990) ou ‘Château d’Auvers’ (Cayeux, 2003), et même en noir (ou presque) comme le montrent le fameux ‘Starring’ (Ghio, 1999) ou l’excellent ‘Midnight Moonlight’ (Baumunk, 1999).

On n’a pas fini de parler des amoenas car c’est un modèle qui plait à tout le monde. Son succès dure parce que l’association du blanc des pétales, au coloris vif des sépales, par son contraste, attire l’œil tout en générant une impression de douceur et de calme. Les amoenas sont effectivement charmants.

5.11.10

LA COMPAGNIE DES PETITS







7. ‘Chubby Cheeks’

Avant même qu’il ait transféré en Oregon son entreprise « Mid-America Iris Gardens », Paul Black s’était distingué par la qualité de ses obtentions. Cela concerne aussi bien les grands iris que les iris nains. Voici ce qu’écrivait il y a quelques années à son sujet son compère Tom Johnson : « Paul a rapidement compris que sa classe d’iris de prédilection était les SDB. Ce fut un grand succès que de voir, en 82, la première fleur d’un semis numéroté 824 E. Paul a su tout de suite qu’il y avait quelque chose de spécial quand il a vu ces fleurs aux formes amples et bien arrondies. Cet iris a par la suite été nommé ‘Chubby Cheeks’ et été introduit en 85. ‘Chubby Cheeks’ est devenu l’une des variétés de tous les temps les plus utilisées comme parent. Il a permis à Paul d’obtenir sa première Médaille de Cook-Douglas. »

A côté du fameux ‘Chubby Cheeks’, trois parmi ses descendants français.

· ‘Farniente’ (2007) (Chubby Cheeks X Rock Star)

· ‘Gouzi-Gouzi’ (2008) (Chubby Cheeks X Rosie Lulu)

· ‘Mafflu’ (2004) ((Pigeon x Trescols) X Chubby Cheeks)

TOUT UN MONDE LOINTAIN





Sans doute y a-t-il des ressemblances entre le climat du Nebraska, aux USA, et celui de l’Ouzbékistan, en Asie : l’altitude, l’éloignement de la mer, les grands espaces… Sans doute ces mêmes ressemblances se rencontrent-elles quand on compare le climat de l’Oregon et celui de la Nouvelle Zélande. Cette fois se sont la proximité de la mer, la fraîcheur de l’air et l’abondance de l’eau qui sont les traits communs. La distance ne fait pas la différence et les iris qui se plaisent dans un certain monde se plairont aussi dans un monde lointain où ils retrouveront les mêmes conditions de vie.

Partis de ce berceau de l’humanité que constitue le Moyen Orient, les iris ont peu a peu conquis le monde occidental, en profitant de leur proximité parentale avec les espèces proprement européennes. Ils étaient présents dans toute l’Europe bien avant le 15eme siècle, moment où l’on a commencé à s’intéresser à eux. Et c’est d’Europe de l’Ouest qu’ils sont partis à partir du moment où ils ont été volontairement hybridés et commercialement cultivés c’est à dire à partir des années 1830.

Ils ont traversé l’Atlantique avec les colons s’en allant peupler l’Amérique du Nord. Ils y ont trouvé des conditions de vie qui leur convenaient. D’abord, comme les hommes, sur la côte Est, en Nouvelle-Angleterre et un peu plus au sud, en Virginie, puis, avançant avec les pionniers, ils sont partis vers l’Ouest. Ils se sont installés dans l’Ohio, puis ils se sont approchés du Missouri et du Mississipi. Ils ont atteint la Grande Prairie, puis les Montagnes Rocheuses, et un jour ils ont embarqué sur les blancs chariots de ceux qui partaient toujours plus à l’ouest. C’est ainsi qu’ils sont arrivés dans les douces contrées du Nord-Ouest, la Californie et l’Oregon. Ah ! l’Oregon ! Pour les iris le paradis était atteint.

Mais ils ont toujours fait partie du bagage des émigrants, et quand il s’est agi de s’installer en Australie, où le climat pouvait par endroit rappeler celui de leur Europe natale, ils ont pris place sur les terres de Victoria et de Nouvelle Galles du Sud. Pouvaient-ils aller plus loin ? Encore une traversée et c’était la Nouvelle Zélande. Un pays tout à fait à leur mesure, tout au moins dans sa partie centrale, le long du bras de mer séparant l’île du Nord et l’île du Sud. Plus loin encore ? Non, continuer, c’était déjà revenir…

S’ils sont partis vers l’ouest, puis vers l’hémisphère sud, ils ont aussi pris la route de l’est. Plus tardivement, certes, même si les premiers arrivés se sont installés autour des isbas d’Ukraine ou du sud de la Russie puisque la chaleur de l’été et la rudesse mesurée de l’hiver leur convenaient. Ils occupaient un petit coin dans les jardinets des cosaques implantés dans la basse vallée du Don. Ce n’est que bien plus tard, au cours du 20eme siècle, qu’ils sont remontés vers le nord, jusqu’à la région de Moscou. Mais les hommes quels qu’ils soient leur ont toujours montré un tel attachement, qu’ils les ont emportés avec eux lorsqu’ils sont partis vers les steppes de l’Asie Centrale, vers ces régions arides où ils ont retrouvé quelques cousins capricieux mais magnifiques. C’est ainsi qu’ils ont été cultivés par des Russes émigrés, fonctionnaires de l’Etat Soviétique, autour de villes aussi éloignées de leurs origines que Tashkent, Duchanbé ou Oust-Kamenogorsk.

Après l’Ouzbékistan, ils ont continué, toujours plus loin, toujours plus près de la Chine, de sorte qu’on en trouve aujourd’hui au fin fond du Kazakhstan, tellement loin, tellement isolés que c’est à peine si on en entend parler malgré les formidables moyens de communication actuels.

Tout un monde lointain s’est ouvert aux iris d’Europe. C’est ainsi qu’ils sont allés rejoindre leurs cousins d’Extrême Orient, les ensatas du Japon. Là-bas ils n’ont pas encore trouvé véritablement une place. Le climat, d’ailleurs, ne les favorise pas : ils aiment des étés chauds et secs et des hivers frais et humides et ils trouvent tout le contraire. Cependant de hardis horticulteurs essaient de les acclimater. Peut-être vont-ils y parvenir car les iris sont accommodants. Reste un domaine où ils pourraient trouver des conditions qui leur seraient favorables : autour de Pékin et dans le Nord-Ouest de la Chine. Pour l’instant la volonté des Chinois de singer les mœurs occidentales, que l’on constate dans leur habillement et dans leurs comportements de consommateurs, n’a pas encore absorbé leurs habitudes de jardinage. Mais il faut s’attendre à ce qu’un jour prochain, pour les iris des jardins, il n’y ait plus de terra incognita.

Et l’Amérique du Sud, alors ? Mais ils y sont parvenus ! Il existe même, au sud du Brésil et en Argentine des pépinières qui proposent des grands iris et je crois bien qu’il y a déjà des semis qui pourraient bientôt déboucher sur des variétés proprement sud-américaines ! Les iris auront bientôt conquis tout le monde des humains.