29.9.11

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Cooley’s Gardens for ever

C’est fini ! L’archi-célèbre maison Cooley a fermé définitivement ces jours derniers. C’est un coup de tonnerre dans le monde des iris. Depuis la disparition prématurée de son animateur Richard Ernst, la maison était en sursis…

Elle a été créée en 1923 quand Rholin et Pauline Cooley ont planté leur premier iris dans leur jardin de Silverton. C’était une plante qu’ils avaient reçue en cadeau, mais elle a été le point de départ de ce qui fut l’une des plus importantes entreprises d’iris dans le monde, en compétition vive mais courtoise avec sa voisine Schreiner’s Gardens, pour obtenir la première place. On imagine mal qu’elle puisse cultiver plus de 7 millions de rhizomes de grands iris chaque année !

Son catalogue, remarquablement présenté, était une référence universelle depuis son apparition en 1928.

On ne sait pas encore ce que va devenir l’énorme collection de variétés et le stock impressionnant (la production annuelle étaient, ces temps derniers, supérieure à 7 millions de rhizomes !).

ECHOS DU MONDE DES IRIS




John Weiler

L’obtenteur californien John Weiler est décédé le 11 septembre 2011. Il avait 90 ans. Il s’est distingué au cours de sa longue carrière d’hybrideur par l’obtention de magnifiques SDB comme ‘Little Blue Eyes’ (1993), Médaille Cook-Douglas en 2002, et, chez les grands iris, notamment par des iris jaunes et orange (‘Jolt’, ‘Fame’, ‘Fresno Frolic’, ‘Throb’…) qui ont fait sa célébrité, ainsi que par ‘Navajo Jewel’ (1984) très connu et répandu partout dans le monde. Il s’est également

QUELQUES DÉFINITIONS






Intéressantes, proposées par la Société des Iris Remontants (Reblooming Iris Society) voici quelques définitions auxquelles j’ai ajouté quelques autres, de mon cru, ainsi que quelques commentaires et explications. Pour les illustrer : chaque semaine quelques jolies photos. Voici la première livraison :

SELF = pétales, bras du style et sépales sont de la même couleur, chez le self total les barbes sont aussi de la même couleur. En bon français on devrait dire « unicolore ».
· ‘Nicole Lassailly’ (F. Cayeux, 1937): un self tel qu’on les faisait dans les années 30.
· ‘Carolina Gold’ (L. Powell, 1970): la forme a un peu vieilli, mais la couleur reste lumineuse.
· ‘Cascade Pass’ (Cooper, 1970) : un blanc classique, mais superbe.
· ‘Blackout’ (Luihn, 1986): longtemps considéré comme le plus noir. A l’origine de bien des noirs actuels.

LES CLEFS DU ROYAUME





Nous allons évoquer cette fois certains de ces « key breeders », comme disent les auteurs américains, qu’on peut désigner en français par le nom de « variétés de base ». Il s’agit de ces iris qui ont été à l’origine d’un nouveau modèle de fleurs ou d’une avancée significative dans un modèle déterminé. Ces variétés-là sont des clefs du royaume des iris.

Parce que si l’on a quelque fois l’impression que les hybrideurs ne font que reproduire à l’infini un certain modèle, il arrive qu’ils mettent sur le marché des variétés franchement nouvelles ou qui apportent quelque changement dans un domaine qu’on estimait éculé.

Prenez le cas de ‘Sky Hooks’ (Osborne, 1980). Des iris à éperons, il y en a eu avant lui (il descend de toute une lignée de « space age » obtenus par Lloyd Austin), mais par ses qualités propres il a apporté un plus que les hybrideurs du monde entier ont exploité assidûment. On peut donc lui attribuer le qualificatif de « variété de base », même s’il n’est pas lui-même le premier de la lignée. Pourquoi a-t-il été aussi abondamment exploité en hybridation ? Je vois quatre raisons :
· La qualité et l’élégance de ses éperons (même s’ils ne sont pas vraiment spectaculaires) ;
· La forme parfaite de sa fleur ;
· Son coloris doux et agréable ;
· Sa grande fertilité, dans les deux sens.
Ces qualités, il les a transmises à ses descendants avec une grande régularité et dans leur liste on trouve ‘Conjuration’ (Byers, 1989 – DM 1998), ‘Mesmerizer’ (Byers, 1991 - DM 2002), et ‘Thornbird’ (Byers, 1989 – DM 1997) : rien que du beau monde ! On peut ajouter qu’à la génération suivante, descendant de ‘Conjuration’, il y a ‘Aurélie’ (R. Cayeux, 2002 – FO 2007).

La paternité du modèle « distallata » appartient à la fine équipe Ghio/Keppel. Ces deux vieux briscards, souvent complices, ont élaboré une savante salade génétique dont est issu ce nouveau modèle de fleur où le blanc pur des pétales, souvent bordé de jaune d’or, s’allie à des sépales également blancs mais lavés de rose ou de bleu et griffés de grenat ou de pourpre. La variété de base pourrait être ‘Prototype’ (Ghio, 2000), à moins que ce ne soit ‘Quandary’ (Keppel, 2001), même si ‘Puccini’ (Ghio, 1998) est apparu avant les autres bien qu’il soit un descendant du premier nommé. Votons pour ‘Prototype’ au nom si opportunément choisi. Ce qui singularise cette variété et en font une autre « variété de base », ce sont ces pétales blancs, très légèrement frisés, ces sépales, blanc rosé, qui sont finement veinés d’amarante sur le tiers inférieur, et ces épaules fortement marquées de jaune pêche. Ces traits qui proviendraient de ‘Fancy Tales’ (Shoop, 1980) ont déclenché un véritable engouement. A tel point qu’on a l’impression, aujourd’hui, qu’un hybrideur (surtout américain) se croirait déshonoré s’il ne mettait pas à son catalogue « son » distallata !

Quelque chose de voisin était apparu au même moment chez un autre grand hybrideur, Richard Ernst. Il s’agit de ‘Ring Around Rosie’ (2000). Dans ce modèle on retrouve les pétales blancs, finement ourlés de jaune clair, et les sépales blancs bordés de jaune pêche. Mais au lieu des griffures propres au modèle ‘Prototype’, ce sont des picots façon plicata qui occupent le centre des sépales.

‘Prototype’ et ‘Ring Around Rosie’ sont cousins et cela se voit. Les obtenteurs n’ont pas tardé à réunir les deux lignées, de sorte que maintenant on peut dire qu’elles n’en forment plus qu’une. Voici donc un modèle, très populaire qui a une origine bifide très originale.

Une autre direction, qui rencontre un succès planétaire, est celle indiquée par ‘Decadence’ (B. Blyth, 2004). Mais peut-on dire que ce ‘Decadence’ soit une « variété de base » ? En fait il semble n’être que l’aboutissement d’une recherche en vue d’obtenir un iris aux pièces florales frisées et bouillonnées : en quelque sorte un faux iris double. Dans une récente chronique j’ai détaillé les origines de ce ’Décadence’ et remonté cinq générations, au fil desquelles les ondulations et les crêpelures se sont peu à peu accentuées. Néanmoins l’appellation « variété de base » peut lui être affectée puisque Blyth lui-même et un grand nombre d’hybrideurs – plus souvent amateurs que professionnels, il faut le reconnaître – se sont jetés à sa suite dans l’espoir de reproduire ces fameux bouillonnés. Malheureusement pour eux, cette abondance de frous-frous n’est pas le trait que ‘Décadence’ confie le plus généreusement à ses descendants, et sur la soixantaine de rejetons directs que je lui connais, à peine un tiers en sont dotés. Comme quoi on peut être chef de file et ne pas donner franchement l’exemple !

Au cours de l’histoire des iris il y a eu beaucoup d’autres « variétés de base », les exemples choisis aujourd’hui ne sont là que pour donner une idée de ce que sont ces iris dont on retiendra le nom au cours des temps car ils ouvrent certaines des portes du royaume.

Illustrations :
· ‘Sky Hooks’ (Osborne, 1980)
· ‘Prototype’ (Ghio, 2000)
· ‘Ring Around Rosie’ (Ernst, 2000)
· ‘Italian Master’ (Blyth, 2009) – descendant de ‘Decadence’.

23.9.11

AU BONHEUR DES DAMES




XI. Dames de France

Pour finir cette longue liste d’iris dédiés aux femmes, un dernier bouquet de quatre dédicaces :

· 1 ‘Arlette Dalvard’ (Georges Dalvard, 2000) (Chartreuse Ruffles x Warm Gold)
· 2 ‘Colette Thurillet’ (Jean Cayeux, 1989) (Gypsy Caravan x Ringo)
· 3 ‘Piroska’ (Jean Cayeux, 1976) (Marilyn C x Orange Chariot)
· 4 ‘Typhaine François’ (Jean-Jacques François, 2000) (Jean Hoffmeister X inconnu)

1 = Epouse de l’obtenteur ;
2 = Amie de la famille Cayeux ;
3 = Surnom de l’épouse hongroise de Roger Renard, amis des Cayeux.
4 = Fille de l’obtenteur.

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Les 100 préférés (des Américains).


Allez là pour voir les 100 variétés préférées des Américains en cette année 2011 : http://wiki.irises.org/bin/view/Main/InfoPopularityPoll2010Symposium

Beau panachage d’anciens et de modernes.

MON COUSIN DU CANADA




L’un des iris les plus fameux s’appelle tout simplement ‘Great Lakes’ (Cousins, 1938). Il a presque 75 ans mais on parle encore de lui comme si c’était une variété récente.

Voici ce que dit « The World of Irises » à propos de ses origines : « Le pedigree exact de ‘Great Lakes’ n’est pas connu. La fiche d’enregistrement indique qu’il vient de semis de ‘Dominion’ et de ‘Conquistador’. L’obtenteur a reconnu que ses renseignements étaient incomplets et que les parties non-enregistrées du pedigree pourraient être aussi bien des variétés enregistrées que des semis. Il se pourrait que ‘Crusader’ et/ou le bitone lavande ‘Lady Foster’ en fasse partie. » Nous voici donc en face d’une de ces nombreuses zones d’ombre qui dissimulent beaucoup de ces variétés basiques dont l’histoire des iris est jalonnée. Quoi qu’il en soit un mot des quatre parents possibles ne serait pas mal venu.

‘Dominion’ est régulièrement cité quand on aborde la question de la transition diploïde/tétraploïde. Le grand hybrideur anglais Arthur Bliss est l’obtenteur de cet iris fameux entre tous. Il a croisé pour l’obtenir ‘Cordelia’ (Parker, circa 1880), bitone diploïde lilas/prune et l’un de ces iris du Moyen-Orient dont à l’époque on admirait les fortes proportions, ‘Macrantha’ (qu’en France on appelle ‘Amas’). Et Dominion a hérité de la tétraploïdie de son parent mâle. ‘Dominion’, nous dit encore « The World of Irises », est « un riche violet bitone de substance épaisse avec des sépales ondulés d’une texture veloutée » qui « est considéré par beaucoup de gens comme le plus important des nouveaux iris tétraploïdes ». Voilà pour ce phénomène.

Avec ‘Conquistador’ on franchit l’Atlantique et même le continent américain pour atteindre la Californie où William Mohr était installé. C’est en 1923 qu’il a obtenu le bleu clair ‘Conquistador’. Une nouvelle fois il s’agit d’un croisement entre diploïde et tétraploïde, et une nouvelle fois le résultat fut tétraploïde. A ce sujet, Clarence Mahan a écrit ceci : « Mohr a réussi en croisant le diploïde ‘Juniata’ avec le species I. mesopotamica. ‘Conquistador en fut le résultat, et les exceptionnels descendants de ce dernier sont légion et comprennent le premier iris à remporter la Médaille de Dykes – ‘San Francisco’. »

On se perd un peu entre toutes ces espèces qui ont apporté en Occident cette fameuse tétraploïdie. En Grande Bretagne, Michael Foster, Arthur Bliss et les autres ont parlé de ‘Macrantha’, donnant ainsi un nom d’hybride à une espèce qu’en France, commettant la même erreur, on a appelée ‘Amas’. Aux Etats-Unis on a conservé une dénomination propre aux espèces, et, au gré des lieux où ces espèces ont été prélevées, on leur a donné le nom de I. cypriana, I. trojana, I. kashmiriana ou I. mesopotamica. En fait on est aujourd’hui a peu près convaincu que sous ces diverses appellations se cache une seule véritable espèce, avec des variantes d’aspect purement régionales.

‘Crusader’ et ‘Lady Foster’, les deux autres géniteurs possibles de ‘Great Lakes’ sont anglais. Ils ont été obtenus en 1913 par sir Michael Foster par croisement d’une de ces soi-disant espèces, I. cypriana, avec l’antique diploïde européen I. pallida. Tous les deux sont de belles fleurs, dans les tons de mauve, de bleu violet ou d’indigo.

‘Great Lakes’ se trouve donc être un « bleu de bleu ». Il n’est pas américain, mais canadien, ce qui fait de lui le seul iris titulaire de la DM qui ne soit pas né aux Etats Unis. Cette médaille, décrochée en 1942, a fait de lui une vedette dans le continent nord-américain. En Europe, à l’époque, on avait d’autres sujets de préoccupation que les iris, et quand on a recommencé à s’intéresser à cette fleur, ‘Great Lakes’ n’était plus d’actualité. C’est la raison pour laquelle c’est exclusivement en Amérique que sont apparus les innombrables descendants de ce monument. Croisé à un autre médaillé, ‘Missouri’ (Grinter, 1932, DM 1937), il a donné naissance à ‘Chivalry’ (Wills, 1943, DM 1947), lequel est à l’origine de ‘Blue Sapphire’ (Schreiner, 1953, DM 1958). Par une autre ligne ‘Great Lakes’ est également dans le pedigree de ‘Helen McGregor’ (Graves, 1943, DM 1949). Par la suite, toutes les lignées se sont plus ou moins mélangées entre elles, de sorte qu’on peut affirmer que les variétés actuelles d’ iris bleus comportent une part de l’ADN de ‘Great Lakes’. Et voilà pourquoi ‘Great Lakes’ est un élément fondamental de l’iridophilie.

16.9.11

AU BONHEUR DES DAMES




X. Signore e signorine


Nos voisins du sud-est ont aussi leurs iris dédiées à des dames, ceux-ci en font partie :

· 1 ‘Mary Senni’ (Armand Millet, 1930) (non précisé)
· 2 ‘Bianca Micheletta’ (Augusto Bianco, 2004) ((Hannover Red x Skyship)x Raspberry Fudge)
· 3 ‘Zia Ida’ (Augusto Bianco, 2003) (de Color Brite, Sunrise Sunset, Shenanigan, Planned Treasure, Olympiad...)
· 4 ‘Sorriso di Alice’ (Roberto Marucchi, 2008) (Alizés X Romantic Evening)


1 = Obtentrice et bienfaitrice du monde des iris ;
2 = Journaliste, auteur de livres sur le jardinage ;
3 = Professeur, amatrice d’iris ;
4 = variété baptisée en souvenir de la petite fille de l’obtenteur.

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Record du monde ?

J’ai compté ! Entre 1997 et 2001 l’obtenteur russe Viatcheslaw Gavrilin a enregistré quatorze variétés de TB issues du même croisement ! Cette prolifique lignée a pour pedigree (Fiesta Time X Starcrest). Dans ce choix, il y en a pour tous les goûts, mais combien valaient vraiment la peine d’être enregistrés ?

Francesca THOOLEN

Dans le dernier bulletin de l’AIS, j’ai lu la chronique obituaire de Franesca Thoolen. Je ne l’ai jamais rencontrée, mais nous avons correspondu plusieurs fois, en français, qui plus est, et j’avais beaucoup de sympathie pour cette vieille dame.

Si elle prenait plaisir à manier notre langue, c’est qu’elle avait été élevée en France, du temps que son père avait travaillé à l’ambassade américaine à Paris. Elle avait conservé un indéfectible amour de notre pays et, avait profité de cela et de sa facilité d’expression dans notre langue pour représenter l’AIS au congrès des iris d’Orléans, en 1978.

C’était une passionnée d’iris arils et aribreds. Elle a d’ailleurs exercé des responsabilités dans la American Aril Society, en même temps qu’à l’AIS où elle a laissé le souvenir d’une personne énergique et intelligente. Ces qualités se reflétait dans ses correspondances.

Sa disparition m’a fait de la peine, c’est pourquoi j’en parle ici.

UNE HISTOIRE DE FEUILLES




Après les rhizomes, les racines et les sexes, abordons maintenant la question des feuilles.

Les iris ne sont pas réputés pour la beauté de leur feuillage. Dans un pastiche de « Pour un herbier » de madame Colette, j’ai dit : « L’iris, au demeurant, n’est pas une fleur discrète : c’est un chevalier, un souverain. Observons avec quel dédain se dresse sa fleur, au sommet de la hampe. Il est fier et dominateur, et ses feuilles acérées et dressées lui font une garde rapprochée raide et menaçante. » Oui, les feuilles d’iris, avec leur rigidité de glaive, n’ont guère de grâce ! Mais cette apparence rébarbative n’est que la résultante du rôle qu’elles jouent dans l’écologie de la plante.

L’iris, du moins l’iris des jardins, est un cocktail d’espèces presque toutes issues de régions où l’eau est rare. Que ce soit l’Europe méditerranéenne ou les collines arides du Moyen-Orient. Il s’est donc adapté aux conditions de l’endroit où il pousse. Car les plantes ne peuvent pas faire autrement. Elles ont choisi, à l’aube des temps, de vivre sans se déplacer. Elles ont donc l’impérative nécessité de développer des stratégies qui leur permettent de croître et de prospérer là où le hasard les a fait naître. Au fil des millénaires elles se sont transformées dans le seul but de survivre. L’iris a choisi des régions sèches et souvent brûlantes : il a fait son affaire de ces conditions.

Il a concentré ses forces vives dans un rhizome charnu où il entrepose ses réserves alimentaires, pour les longues périodes où il a l’obligation de s’économiser et pour celle où il va devoir fournir un effort important qu’une alimentation par les seules racines n’est pas en mesure de soutenir (pousse printanière, floraison, formation des graines…). Il a néanmoins besoin d’eau et, là où il y en a peu, et rarement, il a créé un appareil capable de recueillir la moindre goutte d’une ressource vitale. Une feuille d’iris est un capteur d’eau. Se dressant verticalement, il tend vers le ciel ses lames plates et nervurées longitudinalement pour canaliser le liquide. La moindre humidité de l’air poussée par le vent est arrêtée par cet obstacle. A son contact elle se condense et forme de minuscules gouttes qui vont glisser, entraînées par la gravité, vers la base de la plante. Les aiguilles des conifères ou les feuilles minuscules des autres plantes des milieux arides jouent le même rôle.

L’eau ainsi arrêtée va abreuver le rhizome quand les racines peinent à trouver dans le sol desséché ce qu’il faut d’humidité pour que vive l’iris. C’est pourquoi cet iris si frugal va se plaire sur les talus et les surfaces pentues. Il en est même venu à redouter l’eau quand elle s’attarde sur le sol : gare, alors, à la pourriture !

Le rôle de la feuille d’iris ne se résume pas à récupérer l’eau du ciel. Il est essentiellement, de permettre la photosynthèse et, par conséquent, l’alimentation de la plante en carbone transformé ensuite en glucides lesquels constituent l’élément principal de la chair du rhizome. Sans feuilles l’iris ne peut pas vivre, c’est pourquoi il est inutile, et même déconseillé, de les couper ou de les enlever avant leur complet dessèchement ou la fin de leur période de végétation active.

En effet, comme tout élément vivant, une feuille d’iris ne dure qu’un temps. Un temps relativement long, marqué par une croissance ultra rapide, une existence de quelques mois, puis une fin programmée au moment où la plante s’installe pour l’hiver. Au début du printemps la feuille n’est qu’une amorce de feuillage, haute de quelques centimètres, qui se met à grandir d’environ un centimètre par jour, jusqu’à atteindre une taille de 60 cm environ pour les grands iris. Cette croissance s’effectue à partir de la base de la feuille, comme chez les poacées, ce qui fait que celle-ci peut être épointée sans que la pousse soit interrompue. D’un vert moyen, plutôt clair, elle conserve sa fraîcheur pendant toute la durée de la période de floraison (l’anthèse comme disent les savants), puis elle commence son déclin. Bien souvent celui-ci se manifeste par l’apparition de piqûres virales qui lui font perdre de sa superbe sans affecter la plante elle-même. Pour en finir, elle se dessèche en commençant par la pointe, mais la dessiccation atteint peu à peu tout le limbe. Elle ne se détache pas facilement du rhizome auquel elle tient fortement ; ce n’est que lorsqu’elle est totalement ratatinée qu’elle s’enlève en laissant la cicatrice de sa présence sur le dessus du rhizome.

Certains obtenteurs d’iris, peut être à court d’idées dans leur travail de créateurs, s’intéressent aux feuilles en tant qu’élément esthétique. D’où certaines recherches orientées vers la couleur ou la persistance du feuillage. On voit donc des iris dont on vante les feuilles dont la base se colore de violet ou de pourpre, et d’autres dans les teintes dorées sont mises en avant, à moins qu’on ne parle de feuilles panachées… Quoi qu’on fasse, panachées, dorées ou pourprées, les feuilles vont vite devenir brunâtres ou grisâtres peu après la fin de la floraison, période pendant laquelle on regarde évidemment les fleurs et non les feuilles ! On peut avoir des doutes quant à l’intérêt d’une recherche sur la couleur du feuillage. En revanche chercher à obtenir une plante avec un feuillage sain, vigoureux, assez touffu fait partie des obligations du bon hybrideur !

Mais, même si le système foliaire est primordial, il est bien rare qu’on cultive un iris pour ses feuilles !

10.9.11

DIX ANS DÉJÀ !

Voici ce que j’écrivais sur ce blog le 9 août 2001 quand j’ai commencé à le rédiger :

« SI J’AVAIS VOULU FAIRE BRANCHÉ


Si j’avais voulu faire branché, j’aurais intitulé ce carnet de note «Irisonline» et j’y écrirais en américain. Cela m’aurait garanti un auditoire
bien plus vaste, composé de centaines d’Américains fans d’iris, ceux qui discutent de tout et de rien sur « iris-Talk ». Mais je vais devoir me contenter d’un public français, étique, sans doute, mais qui m’intéresse bien plus, en fin de compte.


Que vais-je raconter dans ce carnet de notes ? Ce que j’aurais voulu dire dans « Iris et Bulbeuses », du temps où je m’occupais de cette revue. Je voulais en faire une référence en matière d’iridophilie, avec des articles de tous genres, certains tout simples destinés aux débutants, certains beaucoup plus élaborés, pour répondre aux désirs des amateurs plus éclairés. Cela n’a pas été possible, parce qu’il fallait faire de la place à autre chose qu’aux iris, et parce que les lecteurs d’I&B souhaitaient plutôt qu’on leur décrive des jardins et des voyages, même si il n’y avait pas d’iris (ni de bulbeuses non plus d’ailleurs) dans ces jardins ou ces pays…


Je voudrais que les lecteurs d’ « Irisenligne » trouvent sur ce « weblog » ce qu’ils ne trouvent pas dans les revues francophones. J’y publierai des adaptations des textes intéressants trouvés dans les revues anglophones ou germanophones, des informations sur le monde des iris, sur les hybrideurs, sur les cultivars, sur les nouveautés touchant à notre fleur préférée et sur les gens qui les cultivent qui les connaissent ou qui les créent. Je dispose pour cela de ma propre documentation, des revues étrangères que je reçois, des contacts que j’ai à travers le monde par l’écrit ou par le « net ».

Aujourd’hui je n’ajoute ni n’enlève quoi que ce soit à cette introduction. J’ai toujours les mêmes ambitions, toujours envie d’écrire sur ce que j’aime. La seule chose qui ne soit pas exacte, c’est le nombre des visiteurs du blog : 300 par mois en moyenne ! Ces lecteurs proviennent majoritairement de France, mais on en trouve aux quatre coins du monde. Cela me vaut une certaine notoriété, mais elle est sans doute un peu surfaite. Ce que je préfère c’est l’amitié de ceux qui me lisent et dont j’ai souvent fait physiquement la connaissance. Parce que le monde des iris est peuplé de gens délicieux, aimables, généreux, fidèles, attachants…

Comme a dit Keith Keppel dans un des commentaires qu’il publie avec ses catalogues : « Tant de choses à faire, et si peu de temps pour les faire ! » Car à 75 ans, doit-on compter en mois ou en années ? En tout cas je crois que « Irisenligne » durera aussi longtemps que j’aurai la force de rédiger ces chroniques.

AU BONHEUR DES DAMES




IX. Frauen von Deutschland

L’obtenteur allemand Manfred Beer a enregistré un grand nombre de variétés dédiées à des femmes de son pays. En voici quatre :

· 1 ‘Barbara Müller’ (Manfred Beer, 2006) (Edith Wolford X Condottiere)
· 2 ‘Lydia Schimpf’ (Manfred Beer, 2006) (Best Bet X Habit)
· 3 ‘Melanie Steurnagel’ (Manfred Beer, 1999) (Edith Wolford x Condottiere)
· 4 ‘Renate Leitmeyer’ (Manfred Beer, 2001) (Gypsy Woman x Colortart)

Aucune information sur ces dédicataires.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

N° 19

L’iris est une senteur à la mode et de plus en plus de parfums en font usage. Le dernier est CHANEL N° 19, pour lequel la fameuse maison a fait planter des iris pallida dans la région de Grasse.


Payer pour enregistrer

Désormais, pour enregistrer une nouvelle variété d’iris, il faut payer 15 $ (soit 10.50 €) à payer par chèque à l’ordre de Jean Peyrard.
Les fiches d’enregistrement sont transmises à l’AIS par mail, obligatoirement avant le 1er novembre pour une inscription dans l’année en cours.

LOUISIANA STORY





Si je ne m’étais pas intéressé aux grands iris, je crois que j’aurais fait le choix des iris de Louisiane. J’aurais peut-être du naître australien ! En effet les « aussies » comme on les appelle aux Etats Unis, se partagent entre amoureux des grands iris (Blyth, Grosvenor, et leurs confrères) et fans des LA (Taylor, Pryor, etc.).

Pas facile, cependant de faire pousser des iris de Louisiane en France. Ce sont des plantes dont les origines se situent dans les bayous, à l’ouest et au nord de la Novelle Orléans, là où le climat est exactement l’inverse de celui de l’Europe Occidentale : hivers doux mais secs, étés chauds et humides. Ici, en Touraine, il pleut (en principe) pendant l’hiver, alors que l’été, c’est chaud, voire torride souvent, mais sec (en principe). De plus ces iris de Louisiane sont de gros gourmands qui vivent dans un sol profond et riche. Je les vois mal dans ma terre argilo-calcaire, bonne pour la vigne, mais à part ça, tout juste acceptable par la prairie sèche proche de la steppe. Avant la seconde moitié du XIXeme siècle, d’ailleurs, la Touraine des plateaux était terriblement pauvre, peuplée seulement de chèvres que les bergères laissaient paître auprès de buissons de ronces. Il a fallu l’arrivée du chemin de fer pour que l’on puisse faire venir des trains entiers d’amendement dont une fine couche a été étendue sur le socle calcaire de manière à transformer le paysage en riche terre à blé. Mais revenons à nos iris.

Comme les TB, les LA sont des plantes créées par l‘homme. Les croisements de base ont été effectués entre des espèces de la série des iris hexagonae, originaires de l’embouchure du Mississipi et des régions environnantes, dans le sud des USA : I. brevicaulis, I. fulva et I. giganticaerulea, essentiellement. Le premier, comme son nom l’indique, présente des tiges courtes, plus basses que le feuillage, de sorte que les fleurs, d’un bleu ciel remarquable, sont difficilement visibles. Le second, en revanche, offre des hampes de 70 à 80 cm, et des fleurs qui vont du jaune fauve au rose et au brun. Le dernier a également une dénomination parlante puisqu’il s’agit d’une espèce qui dépasse largement le mètre en hauteur, et qui est en général d’un joli bleu. Plus tard, I. nelsonii est venu apporter aux hybrides des coloris jusqu’alors inconnus dans le groupe. Mais leur culture est, somme toute, récente, si on la compare à celle des grands iris de jardin. Ceux-là sont hybridés depuis 150 ans au moins, les premiers ne sont apparus qu’il y a un peu plus de cinquante ans.

Sans doute des hybrides sont-ils apparus spontanément dans les bayous du Mississipi, mais ce sont des dames, de Louisiane et du Texas voisin, Mary Swords-DeBaillon et Mary Caillet, qui ont voué leur vie au développement des iris de Louisiane dont elles pressentaient sans doute les énormes possibilités.

Au début, le développement des iris de Louisiane a été bien lent. Ce n’est que dans les années 50 et 60 que les efforts de deux grands hybrideurs ont commencé à donner des résultats intéressants. Le premier s’appelle Charles W. Arny. En quarante ans de carrière il a enregistré plus de cent variétés. Il est à l’origine de gros progrès comme les ondulations aux bords des pétales et l’élargissement de la base des sépales qui donne à la fleur son aspect horizontal. Sa plus intéressante contribution à l’hybridation des LA a été la variété baptisée ‘Clara Goula’, un iris blanc, qui est un peu aux iris de Louisiane ce qu’est ‘Snow Flurry’ aux grands iris. L’autre nom à ne pas oublier est celui de Joseph K. Merzweiller, de Baton Rouge. Lui, c’est l’introducteur des iris tétraploïdes fertiles. Obtenir des louisianas tétraploïdes fertiles n’a pas été une affaire facile et Merzweiller y a consacré vingt ans de sa vie. Mais avec la tétraploïdie il a apporté des couleurs nouvelles et ses successeurs ont relevé le défi de transférer à des iris tétraploïdes les autres qualités des anciens diploïdes.

Cependant ces iris tétraploïdes sont, malheureusement, rarement fertiles. On a donc continué avec les diploïdes, et avec de beaux succès. Aux USA, de très grands hybrideurs, comme Mary Dunn, Joë Ghio, George Shoop ou Vernon Wood, connus pour leur travail avec les grands iris, ont obtenu des variétés de LA superbes. Il en est de même pour d’autres hybrideurs plus spécialisés, comme Dorman Haymon, Richard Goula, Neil Bertinot, Lois Belardi ou Richard Morgan. Parallèlement, en Australie, où les conditions climatiques sont bien adaptées à la culture des LA, ces hybrides-là ont pris une extension remarquable. Au point qu’aujourd’hui la production australienne dépasse celle des USA. Avec John Taylor, et les époux Pryor, on dispose là-bas d’obtenteurs de premier plan, souvent récompensés aux Etats-Unis même.

Quel dommage que je n’aie pas la possibilité de planter dans mon jardin les merveilles d’Australie ! Mais en fait le regret n’est qu’apparent puisque j’ai mes chers grands iris…

Illustrations :

‘Clara Goula’ (Charles Arny, 1975)
‘Professor Neil’ (Joseph Mertzweiller, 1990)
‘Renée Fleming’ (Heather Pryor, 2001)
‘Royal Gala’ (Heather Pryor, 2006)

3.9.11

AU BONHEUR DES DAMES





VIII. Dans l’Histoire


Il n’y a pas que les dames d’aujourd’hui qui ont droit à une variété d’iriq à leur nom. Certains hybrideurs s’intéressent à l’Histoire, avec un grand H.

· 1 ‘Alienor d’Aquitaine’ (Lawrence Ransom, 1992) (I Do x Baby Blessed)
· 2 ‘Maid of Orleans’ (Griffin Crump, 2006) ((Champagne Elegance x Ringo) X (Ringo x Fringe of Gold))
· 3 ‘Polynesian Queen’ (Thomas Johnson, 2010) (
· 4 ‘Landgräfin Elizabeth’ (Wolfgang Landgraf, 2007) ((Rustler x Sweet Musette) X Honky Tonk Blues)

1 = épouse du Roi d’Angleterre Henry II Plantagenet, mère de Richard « Cœur de lion » et de Jean « Sans terre » ;
2 = Jeanne d’Arc honorée par un pieux hybrideur américain ;
3 = L’obtenteur a-t-il songé à Pomaré, la reine de Tahiti ?
4 = La dédicataire est, semble-t-il, la comtesse Elizabeth de Hesse, épouse du comte Otto, au 14eme siècle.

LA FLEUR DU MOIS





‘DRAMA QUEEN’
(Keppel, 2002)


Cette variété vient de remporter la Médaille de Dykes pour 2011. Une médaille qui, outre qu’elle récompense l’indéniablement meilleur hybrideur du moment, reconnaît un nouveau modèle d’iris plicata.

Cela fait un certain temps que Keith Keppel a dans l’idée de développer et améliorer un modèle de plicata sur fond jaune, le plus contrasté possible.

Faut-il remonter jusqu’à ‘Roundup’ (1974) pour trouver l’origine de ce projet ? Toujours est-il que cette variété se trouve au premier rang dans le pedigree de ‘Gigolo’ (1982) qui présente un fond couleur abricot. Couleur qui apparaît aussi chez ‘Rosarita’ (1984), plus visiblement sur les sépales, une variété où le côté plicata provient du célèbre ‘Queen in Calico’. ‘Rosarita’ et ‘Gigolo’ sont associés dans ‘Tangled Web’ (1999) qui, croisé avec ‘Epicenter’ (Ghio, 1994), autre variété de plicata lie de vin sur fond crème, a donné naissance aux deux frères ‘Dark Drama’ (2004) et ‘Drama Queen’ (2002). ‘Dark Drama’ est peut-être un peu moins typé que son frère ‘Drama Queen’ et c’est sans doute la raison de son moindre succès.

La lignée amorcée de cette façon ne va pas s’arrêter là et Keppel va utiliser une variété issue d’une autre branche de la même famille, ‘Foolish Dreamer’ (2011) pour continuer l’aventure. Cet iris a été enregistré après certains de ses enfants, ce qui jette un peu de confusion dans les esprits, mais sans doute était-il un peu plus lent à pousser. Keppel, en tout cas, l’a immédiatement utilisé dans son programme de plicatas noir/jaune. Croisé avec ‘Drama Queen’, il a fourni deux variétés remarquables, ‘Tuscan Summer’ (Keppel, 2010) et ‘Sorbonne’ (Keppel, 2009) qui marquent une avancée vers le but recherché. Le premier, avec ses pétales d’un grenat aubergine presque noir sur une base jaune vif, ses sépales ourlés du même grenat cernant un large centre jaune d’or intense, et ses barbes brun moutarde sombre, offre un contraste extraordinaire. Le second, plus roux et plus crémeux, est une version soft de son frère. Ajoutons que, associé au couple (Storm Track x Drama Queen), ce ‘Foolish Dreamer’ a donné naissance au plus avancé de la bande : ‘Tunnel Vision’ (2010). Lequel est décrit comme « pétales sombres, d’un pourpre presque noir, couleur qui constitue le large bord des sépales, autour d’un cœur allant du jaune crémeux au blanc. C’est comme dans un tunnel, et qu’on voit l’extrémité en forme d’un demi-cercle clair. » D’où le nom.

‘Drama Queen’ non content d’être l’heureux bénéficiaire de la plus prestigieuse décoration qu’un iris puisse espérer, a trouvé un partenaire exceptionnel pour se créer une descendance qui promet. Je trouve quelque fois que les noms donnés aux iris se rapprochent de ceux que portent les chevaux de course. En l’occurrence ‘Drama Queen’ ajoute une ressemblance supplémentaire avec les cracks des hippodromes : après une brillante carrière sur le terrain, il s’est reconverti en étalon (ou en jument !) pour une famille dont les rejetons vaudront de l’or. Et dans le haras Keppel il n’est pas le seul !


ECHOS DU MONDE DES IRIS



De Russie


Les compétitions propres à la Russie ont donné les résultats suivants en 2011 :

- Compétition Internationale

‘Money in your Pocket’ (Paul Black, 2007) ;

- Compétition Nationale

‘Maks Stirner’ (Sergeï Loktev, 2008).

UNE HISTOIRE DE SEXES




Une fleur d’iris, ce n’est pas un appareil sexuel, mais deux ! Comme de nombreuses plantes, l’iris réunit dans un seul ensemble les sexes mâle et femelle nécessaire à sa reproduction. Mais il ne mélange pas les genres et ne s’auto-féconde pas (ou pas spontanément). Si les deux appareils logent dans le même appartement, ils ne copulent pas entre eux ! Pour filer la métaphore on peut dire que chacun occupe un étage de la même maison.

La plante a commencé par hisser la demeure commune au sommet d’une sorte de gratte-ciel ou de mât qui s’appelle la hampe florale. Pour que la maison ait la place de s’étaler. Elle a ensuite installé les deux parties dans l’espace aménagé là-haut. Au niveau inférieur elle a situé l’essentiel de la partie femelle, au-dessus elle a placé la partie mâle.

Rendons d’abord visite à la partie femelle. Elle prend place à l’extrémité de la hampe à laquelle elle est rattachée par un court élément qui se nomme le pédicelle. Ce pédicelle est surmonté par l’ovaire, un corps en forme de quenouille fait pour abriter les graines en développement qui prendra à ce moment le nom de capsule. C’est dans cet ovaire que se trouvent les cellules reproductrices ou gamètes femelles de la fleur. Il est prêt à fonctionner et, en l’occurrence il est subdivisé en trois éléments correspondant chacun à une des trois parties mâles de la fleur, mais qui communiquent entre eux. C’est le creuset où tout va se jouer : c’est fonctionnel, solide, mais discret, presque secret. Le spectacle, c’est pour ce qui se situe au-dessus.

Dans le prolongement vertical de l’appareil se trouve un court élément de liaison qu’on appelle le périanthe qui va en s’évasant et qui se termine par une sorte de nœud qui est la zone d’attache des pétales et des sépales et le point d’ancrage de la partie attractive de la fleur. A partir de là l’apparence des choses change totalement : on quitte les éléments discrets, d’une couleur verte anonyme, pour les éléments vivement colorés destinés à attirer les vecteurs animés de la fécondation que sont les insectes à la recherche de nectar. Cette zone d’attache a une importance considérable. Au-dessus rien ne sera plus comme en dessous. Les six pièces florales vont jaillir de là, de même que les trois supports des parties accessibles aux insectes. Trois pétales, amplement développés, richement colorés sur leur face extérieure qui vont s’étaler comme des ailes et constituer l’étendard de la fleur, bien visible et bien attrayant. Trois sépales fabuleusement colorés sur leur face interne, celle qui va se voir et qui est montrée de façon assez ostentatoire, qui vont servir de piste d’atterrissage pour les insectes choisis par la nature pour assurer la pollinisation et sur lesquels se développe un leurre, une barbe à longs poils qui fait croire aux visiteurs qu’ils vont trouver là le nectar qu’ils viennent chercher mais qui n’est qu’un guide vers le cœur sucré où on veut les entraîner. Trois ensembles génialement constitués où va se jouer l’acte sexuel. D’abord l’étamine, avec un filament portant l’anthère, partie mâle proprement dite, où se sont développés les petits sacs polliniques qui contiennent les gamètes mâles. Puis une languette un peu rigide, terminée par une étroite lame cornée, gluante, où vont venir se coller les grains de pollen et qui s’appelle le stigmate. Enfin une élégante crête, colorée, qui sert à la fois de bouclier protecteur pour le stigmate et de complément décoratif de la fleur.

Quand la fleur s’ouvre, tout l’appareil est en place. La seule part d’inconnu est de savoir quand et par qui va s’opérer l’acte sexuel proprement dit. La fleur attend. Cette attente est quelque fois vaine : aucun bourdon ne vient ou tout au moins aucun bourdon porteur de pollen. Mais très souvent l’attente est couronnée de succès : chacun va jouer son rôle, de façon involontaire et mécanique, mais en application d’une sorte de contrat. La fleur, qui dans la définition primaire du statut de chaque être vivant a choisi l’immobilité, avec les avantages et les inconvénients de cette situation, va tout faire pour tirer profit des éléments mobiles de la nature que sont les insectes. Elle va manigancer un stratagème pour les attirer, et pour leur faire accomplir les mouvements qu’elle ne peut pas exécuter elle-même. Mais elle va les récompenser en leur offrant un bonbon : le nectar. Les insectes, en l’occurrence les gros bombyles bleus, vont voler de fleur en fleur à la recherche de ce nectar qui est leur carburant. Les brillantes couleurs des iris, de même que la délicieuse odeur que certains d’entre eux exhalent, vont les attirer. Ils vont utiliser la piste d’atterrissage que constitue le sépale. La barbe va leur montrer le chemin qu’ils doivent emprunter pour parvenir à la source de nectar. Ils vont se glisser dans l’entonnoir et, parvenir là où ils veulent aller, puis, repus, ils vont faire marche arrière pour repartir vers une autre fleur. Leur dos velu ressemble à certaine brosse à vêtement : quand on la passe dans un sens elle se charge des poussières, quand on la manipule dans l’autre sens, tout se dépose. Les bombyles vont le frotter sur les étamines que leur passage à fait s’incliner, et récolter le pollen. Les voilà, embarrassés de cette charge génétique, qui volent vers une autre fleur. Ils se posent et recommencent leur manège. Mais cette fois leur dos va effleurer la lèvre collante du stigmate et les grains de pollen vont y être déposés. Le tour est joué ! L’acte sexuel s’est déroulé en deux temps, mais il est parfait et correspond tout à fait à ce que la plante souhaitait : les gènes mâles d’une fleur ont été portés vers les gènes féminins d’une autre.

Aussitôt va commencer le deuxième acte de la reproduction, celui de la fabrication des graines. Mais, comme disait Rudyard Kipling, ceci est une autre histoire.