28.11.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Par ma photographe préférée, ‘Safari Sunset’ (Blyth 2001) une image rutilante, qui fait du bien par ces jours de grisaille.
ECHOS DU MONDE DES IRIS

Iris de table (MTB)
Il y a quelques temps j’écrivais à propos des amateurs de MTB : « Il leur faudra, pour combler leur désir d’originalité, se tourner vers les producteurs américains… ». Cette affirmation n’est plus exacte, Loïc Tasquier, lui-même amateur de MTB, me fait savoir que le Polonais Zdenek Krupka en propose sur son site www.kgardens.org. Il y en a aussi chez Marianne Joosten, aux Pays-Bas www.kwekerij-joosten.nl. Ces deux adresses, européennes, ne posent de problème ni de prix, ni de douane.

De nouveaux sites pour les amateurs d’iris
Voici deux adresses intéressantes, aux deux « bouts » du monde, certes, mais avec Internet, cela n’a pas d’importance !
www.le-jardin-des-deux-bons-diables.com le site de Loïc Tasquier, aux Pays-Bas.
www.historiciris.blogspot.com le blog de Iris Hunter, en Nouvelle Zélande.



NAINS MINIATURES : DES IRIS XS

Ce sont les plus petits des iris barbus. En anglais on parle de MDB (Miniature Dwarf Bearded) et en français d’iris barbus nains miniatures. Les critères du groupe sont les suivants :
- hauteur de floraison inférieure à 21 cm ;
- fleurs de 5 à 7.5 cm de diamètre ;
- hampe florale ne comportant pas de branches ;
- feuillage plus court que la hampe florale.

Les iris que l’on trouve actuellement dérivent d’un panel de dix-sept espèces croisées et recroisées depuis de nombreuses générations. La plupart des ces espèces ne présentent guère d’intérêt mais il en est trois qui méritent d’être décrites.

Iris chamaeiris est une petite plante qui varie entre 8 et 20 cm de haut et qui est originaire de notre pays. Mais elle se trouve aussi en Italie, en Suisse et en Espagne. C’est une espèce absolument rustique, facile à cultiver et qui pousse vigoureusement. Elle convient parfaitement à une rocaille où elle rencontrera les conditions qui lui conviennent : sol bien drainé et espace ensoleillé. On en trouve de plusieurs coloris, le plus souvent violet, gris-bleu, jaune ou blanc. L’idée de l’utiliser en croisements et dès 1914, en France Armand Millet introduisait des hybrides baptisés ‘Marocain’ et ‘Negus’. Peu après, en 1920, c’est son confrère Charles André qui a proposé deux variétés fort connues et toujours régulièrement cultivées : ‘Lieutenant de Chavagnac’ et ‘Jean Siret’, qui ont l’avantage de remonter. Ce fut ensuite au tour des obtenteurs des Etats-Unis de se lancer dans les croisements de chamaeiris, notamment Walter Welch et les frères Sass. Mais les Anglais – Carpane – et les Allemands – Goes & Koeneman – n’étaient pas en reste.

Une autre espèce importante, et même fondamentale, est I. pumila. C’est le plus petit iris de la bande. Il ne mesure qu’entre 2 et 10 cm de hauteur. C’est une espèce que l’on rencontre dans toute l’Europe de l’Est et jusqu’en Russie. Du fait de cette vaste distribution, elle est très variable tant dans sa forme que dans sa taille, ses coloris et bien d’autres traits. Mais il y a une constante, c’est le fait qu’elle ne porte qu’une seule tige florale, sans branchement. Elle fleurit tôt en saison, dès le début du printemps. Ces fleurs, plutôt grosses pour sa taille, on un aspect soyeux particulièrement joli, le plus souvent dans des tons tournant autour du violet. Mais on trouve de forme dans les types variegata, amoena ou bicolore. Et si la couleur dominante des barbes est le jaune, il y en a dans de nombreux coloris. Cette espèce à eu une influence prépondérante dans le développement des MDB, mais aussi dans celui des autres groupes d’iris nains, SDB et IB. Pourtant jusque dans les années 40 l’Iris pumila était pratiquement ignoré. Ce sont Robert Schreiner, puis Paul Cook, qui se sont aperçus de ces énormes possibilités et ont commencé à les exploiter. Surtout, ils se sont rendu compte que I. pumila avait la capacité de transférer les gènes des grands iris tétraploïdes aux petits iris nains. Par la suite, dans les années 50, des études ont montré qu’il porte quatre séries de huit chromosomes, ce qui lui confère ce pouvoir de transmission, comme le décrit très bien Richard Cayeux dans son ouvrage « L’Iris, une fleur royale ».

Ne passons pas sous silence le rôle de I. reichenbachii dans l’hybridation des MDB. Cette espèce des Balkans, plus grande que les deux autres et dans la couleur dominante de jaune, fleurit un peu après les pumilas ; elle porte habituellement deux fleurs par hampe. Surtout son intérêt est dans le port du gène qui permet d’inhiber la couleur dans les pétales des plantes où elle apparaît, ce qui permet de varier énormément les couleurs des hybrides.

Ces espèces, et les autres, ont donné naissance à un groupe de plantes naines, quelquefois même minuscules, mais très agréables et variées. Aussi agréables, au printemps, que peuvent l’être, en automne, les cyclamens qui égaient nos pelouses. Ils donnent d’ailleurs la même impression, celle de plantes vigoureuses qui se développent en larges touffes rases, couvertes de fleurs multicolores. Ces indéniables qualités ne font pas pour autant leur succès commercial. Car il faut préciser que ce n’est pas la catégorie qui attire le plus ni les amateurs ni les hybrideurs ! Dans les cinq dernières années le nombre de nouvelles variétés enregistrées a été de 15 en 2003, 17 en 2004, 11 en 2005, 7 en 2006 et 14 en 2007. Soit à peu près 1% l’an du nombre total des variétés enregistrées… Nous sommes donc là dans le domaine du confidentiel.

Après Walter Welch (1) dans les années 50, c’est Ben Hager, dans les années 70/80 qui a porté le plus d’intérêt aux MDB. ‘Prodigy’ (73) est un bleu lavande rosé, ondulé, très agréable ; ‘Ditto’ (81) est un bicolore blanc/acajou. De nos jours les obtenteurs de MDB les plus connus s’appellent T. Aitken, P. Black, Ch. Chapman, T. Johnson, B. Kasperek, G. Sutton ou A & D. Willott. Des iris comme ‘Tiny Titan’ (Aitken 2002), en orange un peu rosé, ‘Tickle Me’ (Chapman 98), rose corail intense, ‘Mighty Mouse’ (G. Sutton 2003), chartreuse et bleu ciel, ‘Little Drummer Boy’ (Willott 97), blanc avec spot violet sur les sépales, ou ‘Wee Viking’ (Willott 2004), blanc et spot grenat avec de grosses barbes bleu ciel, devraient retenir notre attention. Mais il faut aller les chercher dans leur pays d’origine parce que chez nous personne ne les propose à la vente. Heureusement que l’on peut profiter des très originales obtentions de Lawrence Ransom et de Jean Peyrard, les seules commercialisées en France. ‘Passion Bleue’ (Peyrard 95) apporte au jardin une note fraîche tout à fait plaisante. Quant à ‘Enfant Terrible’ (Ransom 2008), en violet améthyste, il ajoute des éperons surprenants dans ce genre de fleurs.

(1) Qui partage depuis 1984 avec le Britannique William-John Carpane le nom de baptême de la médaille spécifique attribuée chaque année à un MDB, la Carpane-Welch Medal. Pour les cinq dernières années, voici les lauréats de cette distinction :
2004 = ‘Dinky Circus’ (P. Black 98) – plicata pourpre
2005 = ‘Little Drummer Boy’ (Willott 97) – voir ci-dessus
2006 = ‘African Wine’ (Kasperek 98) – grenat
2007 = ‘Wise’ (T. Johnson 2000) – violet foncé
2008 = ‘Yak Attack’ (Kasperek 97) – blanc, spot jaune sur sépales

20.11.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Les iris « verts » ne sont pas nombreux. Chez Schreiner il y a déjà eu ‘Pink n’ Mint’ (77) dont les sépales étaient légèrement teintés de vert, mais ‘County Cork’ (2006), dont le nom est une allusion à l’Irlande, traditionnellement verte, semble fortement coloré à la chlorophylle. Et Margie Valenzuela, avec une de ses photos particulièrement nettes, a bien mis cette couleur en évidence.










LE MEUNIER DE KERVIN

Pour Gérard Madoré, cela marche. Le monde français des iris a eu l’occasion d’apprécier son travail lorsque ‘Gwennaden’ (2001) a été remarqué au concours FRANCIRIS ® 2005 et classé 5eme (et premier français). Il a eu de nouveau son attention attirée quand ‘Morgat’ (2005) a obtenu en 2008 au même concours la mention « Meilleure variété bleu, blanc, rouge ». Dans les mêmes moments, est apparu un nouveau producteur d’iris, en Bretagne cette fois, sous le nom, plutôt évident, d’ « Iris de Bretagne ». C’est son fils aîné qui a créé cette pépinière où l’on trouve, à côté des iris obtenus par son père, un grand nombre de variétés internationales.

Au fil du temps, « Iris de Bretagne » est devenu « Les Iris du Moulin de Kervin », ce qui a un charme indéniable, sûrement de nature à attirer les acheteurs qui y voient un côté rural et pittoresque. Le site Internet est élégant, agréable à parcourir, joliment illustré : Il y a toutes les raisons pour que cela marche !

Mais ce qui retient notre attention pour le moment, ce sont les iris obtenus par Gérard Madoré.

Il hybride depuis longtemps, et il semble qu’il ait acquis une solide expérience et un sens aigu des bons croisements. Parce que ce n’est pas sans raisons que les bons résultats évoqués ci-dessus sont apparus. Le meunier de Kervin ne prend pas de risques génétiques inconsidérés et ses iris, au pedigree sans excès de raffinement, font essentiellement appel à des géniteurs confirmés.

A l’heure actuelle la liste des variétés Madoré dépasse les cents unités, accumulées en un peu plus de dix ans. Les thèmes favoris tournent autour des fleurs bleues, roses et oranges, avec, a l’occasion, des diverticules dans bien d’autres coloris, et en particulier dans l’association bleu, blanc, rouge.

Dans ce domaine spécifique comme dans les autres, Gérard Madoré a joué avec des moyens éprouvés et des associations pleines de bon sens. Deux croisements de base ont été mis en œuvre :
1) (Conjuration X Skyblaze). ‘Conjuration’ (Byers 89 – DM 98) est une amorce de tricolore. Les pétales sont blancs lavés d’indigo clair, les sépales, indigo aux bords, vont en s’éclaircissant jusqu’au blanc, sous les barbes, qui sont oranges pointées de courts éperons blancs. ‘Skyblaze’ (Keppel 87) est un bleu léger, orné de barbes minium. Associer ces deux variétés, c’est tenter d’introduire les vives barbes minium de l’un, sans altérer le coloris réussi de l’autre. Je ne sais pas ce que cet assemblage a donné puisqu ‘il n’a été ni enregistré ni décrit. Mais en association avec le suivant il a abouti au résultat souhaité.
2) (Rebecca Perret X In Town). C’est un croisement original et astucieux. ‘Rebecca Perret’ (Cayeux 92) fait partie de la grande lignée Cayeux d’iris tricolores issus de ‘Condottiere’ (Cayeux 78) et de ‘Delphi’ (Shoop 79). C’est le moins coloré de la famille, mais les trois couleurs sont bien là. ‘In Town’ est aussi tricolore, mais il lui manque le blanc car ses pétales sont bleu tendre, alors que ses sépales montrent un riche bleu sombre sur lequel tranche le rouge minium des barbes. En additionnant les qualités et les aptitudes de ces deux variétés, Gérard Madoré a obtenu deux frères de semis, ‘Loctudy’ (2005) et ‘Paimpol’ (2005). L’un et l’autre peuvent être classés dans la famille des bleu, blanc, rouge (1).
Il était tentant et raisonnable d’associer les deux croisements ci-dessus. Cela a été fait et cela a marché, dans un sens comme dans l’autre. (Loctudy X (Conjuration x Skyblaze)) a donné naissance à ‘Morgat’, récompensé à Jouy en Josas en 2008 ; un croisement peut-être identique – ((Rebecca Perret x In Town) X (Conjuration x Skyblaze)) - est à l’origine de ‘Pont-Aven’ (2007) ; et la combinaison inverse – ((Conjuration x Skyblaze) X ( Rebecca Perret x In Town)) – a abouti à ‘Moustoir’ (2005). Tous sont de vrais bleu, blanc, rouge.

Mais d’autres croisements à base de (Conjuration x Skyblaze) (2) ont également donné de beaux résultats. C’est le cas de ‘Doléan’ (2005), qui joue sur du velours puisqu’il allie le couple fétiche et un autre bleu, blanc, rouge, ‘American Beauty’ (Shoop 85), très proche de ‘Rebecca Perret’, tant pour son coloris un peu pâle que pour son pedigree. Le couple ((Conjuration x Skyblaze) X Stately Art) fait appel à une variété proche de ‘Skyblaze’. Le résultat est quelque peu éloigné du but, puisque ‘Trégor’ (2007) a des sépales plus mauves que bleu, mais bien agréable quand même.

Une des couleurs préférées de Gérard Madoré semble être l’orange. Il est vrai qu’il a trouvé une croisement qui a été particulièrement prolifique (9 frères de semis). Il s’agit de (Good Show X Feu du Ciel). L’association de ces deux iris oranges a donné naissance à des variétés très voisines dont la sélection, en masse, aurait peut-être pu être plus sévère… ‘Arzano’ (2007) est un exemple qui se présente sous un aspect très classique, mais au coloris bien saturé.

La recette qui a si bien réussi pour les orange, a été utilisée dans la recherche du noir sous la forme (Hello Darkness x Before the Storm) à laquelle a été ajouté à deux reprises ‘Night Ruler’ (Schreiner 90). Le résultat le plus sombre est pour le simple croisement (Hello Darkness x Before the Storm)qui s’appelle ‘Pen-Hir’ (2001).

Pour finir, un coup d’œil aux iris roses, qui font partie des meilleurs produits de Gérard Madoré. Les géniteurs sont plus nombreux mais les produits généralement réussis. Le croisement (Pond Lily x Helene C.), qui unit deux roses bleutés, a produit entre autres ‘Penmach’ (2005). (Social Event X Bubble Up), un croisement également utilisé par K. Keppel pour ‘Broken Dreams’ (98) ou ‘Lotus Land’ (99) est à l’origine de ‘Ploumanach’ (2005). Mais la plus jolie chose qu’on puisse trouver dans le genre rose est sûrement ‘Rosmalo’ (2007) qui a pour parents ((Pagan Pink x Cherub's Smile) X Pretty in Pink) qui ajoute une touche de plicata – ‘Pretty in Pink’ (Williamson 87) – à un couple bien rose.

Il faudra désormais compter avec Gérard Madoré quand on voudra de beaux iris. L’émergence de cet obtenteur qui a su faire son trou était à souligner.

(1) Le croisement inverse (In Town X Rebecca Perret) a donné ‘Belle de Nuit’ (Cayeux 99).
(2) A noter que l’idée d’utiliser ‘Skyblaze’ pour un bleu, blanc, rouge a été reprise par R. Cayeux qui en a tiré ‘Réussite’ (2005), un des derniers de sa longue série (mais dont le pedigree tel qu’il a été donné pour l’enregistrement laisse le chercheur d’identité sur sa faim).

14.11.08


ECHOS DU MONDE DES IRIS

In Memoriam

Le dernier bulletin de l’American iris Society nous apprend la disparition d’une vieille dame, Esther Tams. Ce nom ne dit sans doute rien aux jeunes générations, mais il est celui d’une des personnes non professionnelles à avoir eu une de leurs obtentions couronnées par la Dykes Medal. Elles ne sont pas si nombreuses !

Native de l’Utah, où elle a vécu le plus clair de sa vie, Esther Tams était une amis de deux grands hybrideurs du XXeme siècle, Melba Hamblen et Tell Muhlestein. Passionnée d’horticulture, elle avait appris auprès d’eux l’art et la technique de l’hybridation des iris et, dans les années 60/70, s’était elle-même lancée dans ce loisir. Elle se prit au jeu et enregistra ses plus intéressantes obtentions, soit seize variétés. Seulement. Cela n’en fait pas une championne des brucelles, mais la réussite et la chance sont venues lui tenir compagnie et, alors que son amie Melba Hamblen, à l’origine de quelque centaines de nouveaux iris, dont certains très importants, n’y est jamais parvenue, elle eut le plaisir de voir son ‘Dream Lover’ (71) décrocher la DM en 1977, devant le grand favori du moment, ‘Grand Waltz’ (Schreiner 70). Issu de trois nobles variétés, ‘Dream Lover’ a un pedigree flatteur : (Miss Indiana X (Melodrama x Rippling Waters)). Cela explique son coloris : pétales bleu glacier, sépales bleu soutenu, et la qualité de la fleur, avec des sépales très larges, se tenant bien horizontaux, comme chez son parent ‘Miss Indiana’.

Esther Tams a continué sa modeste existence et gardé son goût pour les beaux iris. Elle fut le professeur de Brad Kasperek, autre ressortissant de l’Utah, et spécialiste avéré des iris maculosas. Elle s’est éteinte à 95 ans, le 3 août 2008.















LE DEUXIÈME PROCÉDÉ

Dans le dialogue « Phèdre » Platon fait dire à Socrate qu’il existe deux procédés pour composer des beaux discours. Ces procédés sont la division et le rassemblement. Dans le premier les arguments du discours sont pris un à un, développés et explicités. Dans le second, au contraire, ils sont réunis pour obtenir la cohérence et emporter la conviction des auditeurs ou des lecteurs. J’ai trouvé qu’on pouvait établir un parallèle entre ces deux procédés et ce qui se passe en matière d’hybridation, en particulier celle des iris.

Chez les hybrideurs, les deux procédés cher à Socrate pourraient être, à l’instar de ce que celui-ci appelle la division, l’exogamie (ou outcrossing), et pour ce qui est du rassemblement, l’endogamie (ou inbreeding). A propos de l’exogamie, voici ce qu’écrit Richard Cayeux : « Son but est d’obtenir plus vite quelque chose d’inédit ou des améliorations dans le branchement, le nombre de boutons, la substance… Il s’agit donc de croiser des iris aux origines bien différentes mais répondant aux critères de sélection précédemment définis. » L’hybrideur a une idée, mais en divisant les sources, il va à l’aveuglette : les résultats sont aléatoires, même si les grands hybrideurs férus de génétique parviennent à limiter les risques de dispersion. Le deuxième procédé, celui qui va nous intéresser aujourd’hui, va rassembler, comme écrit Richard Cayeux : « (des) semis frères, éventuellement génération après génération, pour éradiquer certains défauts et réunir ou accentuer leurs qualités. »

L’endogamie, ou plus exactement l’inbreeding, peut aller jusqu’à croiser non pas des frères de semis, mais des variétés simplement apparentées, qui présentent des caractéristiques génétiques voisines mais des qualités différentes qui peuvent se trouver améliorées en les réunissant dans un même semis. Ce procédé exige de la patience parce que les progrès sont lents et qu’il faut le plus souvent aligner les années et les croisements pour arriver à ses fins. C’est un procédé de rassemblement, qui accumule les petits progrès pour aller, chaque fois un peu plus loin dans cette recherche du Graal qui est la fleur parfaite dans son domaine. Il y faut de la ténacité et de la persévérance. Ce sont des qualités dont David Hall, le père des iris roses à barbes mandarine, a fait montre tout au cours de sa vie. Ses premiers semis en vue d’obtenir du rose furent particulièrement décevants. A l’époque il pratiquait aussi l’élevage des chevaux et il s’était rendu compte qu’en cette matière les résultats tangibles n’apparaissaient guère avant la troisième génération. C’est pourquoi il en a déduit que les lois génétiques applicables aux animaux devaient valoir aussi pour les plantes. Il a donc repris son travail sur les iris à zéro et ses premiers résultats appréciables sont apparus en 1927. Il a poursuivi ses travaux d’amélioration de générations en générations. C’est seulement en 1942, après 17 ans de persévérance et d’acharnement, que sont apparus les premiers iris valables en rose à barbe orange, et l’amélioration a continué : d’ ‘Overture’ (42) à Fashion Fling’ (65) ce sont 23 années de progrès.

On fera la même remarque avec le travail de Joë Gatty. Ce dernier a longuement hybridé les iris roses ; et avec une économie de moyens remarquable. Pour tout l’éventail de ses incomparables variétés il n’a utilisé qu’un nombre restreint de cultivars, parmi lesquels, ‘Liz’ (72), ‘Princess’ (72), frère de semis du précédent, ‘Playgirl’ (77), ‘Bonbon’ (77), et ‘Paradise’ (80). Tous sont proches parents, tous ont été croisés entre eux, jusqu’à obtenir le fameux ‘Coming Up Roses’ (92), qui provient du croisement (Playgirl x Bonbon) X Pink Swan.

De nos jours, on peut aussi regarder ce qu’a fait Joë Ghio avec les iris « rouges » (il en a été question ici il y a peu de temps). Dans ce cas les moyens ont été plus importants et l’opération s’est étalée dans le temps : combien d’années se sont écoulées entre ‘Lady Friend’ et ‘Cover Page’ ? Vingt ans ! Et l’aventure n’est sans doute pas finie. Ghio est un habitué de ces recherches au long cours.

Si Division et Rassemblement, sont deux manières de tourner un discours, il y a à l’évidence une analogie avec les processus d’hybridation. Dans les deux cas on est en présence de façons de s’exprimer et d’obtenir le meilleur.

7.11.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Pour se rafraîchir les yeux, cette magnifique photo d’iris, où la rosée du matin ajoute sa note poétique.
ECHOS DU MONDE DES IRIS

L’iris à 25 centimes (suite)

Pour vendre un rhizome d’iris à 25 centimes et gagner néanmoins sa vie, il faut utiliser des moyens particuliers. D’abord une production de masse ne peut se concevoir qu’avec des variétés relativement anciennes, ne serait-ce que parce que ce n’est pas en une année qu’on produit des dizaines de milliers de rhizomes. Ensuite il faut une terre riche, un climat tempéré frais et des hectares de plantation. Il faut enfin mécaniser au maximum la production pour réduire les frais. C’est ainsi qu’aux Pays-Bas, où l’on commercialise ce genre de production, la préparation du terrain, la multiplication, la transplantation, l’arrachage sont effectués avec d’énormes machines avec une main d’œuvre réduite au minimum. Cette culture de masse s’apparente en fait à celle des poireaux : adieu le côté artistique de l’iris !






MORGAN WOOD MEDAL

La Morgan Wood Medal est l’une des moins connues des récompenses attribuées chaque année par l’American Iris Society. Elle est destinée aux iris de Sibérie. Elle a été créée en 1952 et, à l’époque s’appelait simplement la Morgan Medal. Ce n’est qu’à partir de 1986 qu’elle a pris son nom actuel. Il lui a été donné en l’honneur de deux personnages fort dissemblables, mais tous deux amateurs d’iris de Sibérie.

F. Cleveland Morgan (1881/1962) fait partie de ces personnages extraordinaires qui peuplent le monde des iris. C’est un membre de la grande famille canadienne des Morgan, dont l’aîné, Henry, fut le fondateur de la société Henry Morgan and Co, l’équivalent pour le Canada à la fois des Galeries Lafayette et de la Manufacture de St Etienne. Ce fut à partir de 1845 un grand magasin, connu pour la variété et la qualité des produits proposés, puis à partir de 1891, une entreprise de vente par correspondance dont la renommée s’est répandue dans tout le Canada et où l’on pouvait tout trouver, y compris des automobiles ! La Henry Morgan and Co poursuivit son développement et ouvrit en 1900 une Galerie d’Art. C’est peut-être là, d’ailleurs, qu’il faut voir la vocation de F. Cleveland Morgan, lequel était appelé à devenir une immense personnalité dans le monde de l’art en Amérique du Nord en même temps qu’un des patrons de l’entreprise familiale. Il devint, dès 1917, le Conservateur du Musée des Beaux-Arts de Montréal, fonction qu’il conserva jusqu’à sa mort ! Son importante fortune lui permit d’acquérir une foule d’œuvres en tous genres et de posséder une collection exceptionnelle dont il fit donation au MBAM. En 1961, le MBAM organisa une exposition de plus de six cents œuvres données par Cleveland Morgan. Son activité de Conservateur et de collectionneur ne l’empêchait pas de s’intéresser vivement aux iris, et tout particulièrement aux iris de Sibérie. Ce fut l’un des pionniers de la culture de cette plante au Canada et aussi l’un des fondateurs de l’AIS ! Il pratiquait l’hybridation et plusieurs de ses obtentions, selon Clarence Mahan à qui j’ai largement emprunté pour la rédaction de cette chronique, se trouvent encore dans les jardins un peu partout dans le monde. Notamment les variétés ‘Caesar’ (Morgan 1930), ‘Caesar’s Brother’ (Morgan 1932) et ‘Tropic Night’ (Morgan 1937). D’ailleurs ‘Caesar’s Brother’ a obtenu la Morgan Medal en 53 et ‘Tropic Night’ en 54.

La vie d’Ira E. Wood (1903/1977) est toute différente. C’était un scientifique qui travaillait à la société de téléphonie Bell. Lui et sa femme s’intéressaient particulièrement aux iris de Sibérie et prenaient une part active à la vie de l’AIS et de la Society for Siberian Irises. Il hybridait un peu les SIB, mais c’était plus par plaisir ou distraction que dans un but professionnel. Ce n’est pas dans ce domaine que Ira E. Wood s’est fait un nom, mais plutôt pour son engagement au service de l’AIS.

La Morgan Wood Medal, et son prédécesseur la Morgan Medal, ont récompensé les meilleurs iris de Sibérie depuis plus de cinquante ans. Un cas particulier : certaines variétés ont été récompensées deux fois ! ‘Butter and Sugar’ (McEwen 76), 1981 et 1986 ; ‘Steve Varner’ (Briscoe 76), 1982 et 1987 ; ‘Pink Haze’ (McGarvey 69 mais introduit seulement en 80), 1983 et 1988. Les trois premières récompenses ont été attribuées au titre de la Morgan Medal qui a eu cours de 1952 à 1984, les trois autres au titre de la nouvelle Morgan Wood Medal. Un certain nombre des iris médaillés se trouvent aujourd’hui dans les catalogues de nos producteurs.

Les iris de Sibérie ne sont pas bien nombreux à être enregistrés chaque année : environ 30. D’où le nombre restreint des obtenteurs titulaires de la médaille. Dans les années 70 ce sont essentiellement William McGarvey et Currier McEwen qui ont été honoré (ce dernier a acquis la célébrité en étant à l’origine du passage des SIB de la diploïdie à la tétraploïdie par traitement à la colchicine). Depuis l’apparition de la Morgan Wood Medal, en 1986, ce sont Robert Hollingworth (7 succès) puis le couple Marty Schafer/Jan Sacks (5 succès) qui trustent les médailles.

Aujourd’hui où la création de jardins d’eau est à la mode, la Morgan Wood Medal va présenter de plus en plus d’intérêt pour guider le choix de ceux qui veulent orner leurs mares de plantes agréables et sans difficultés de culture. Le très sérieux F. Cleveland Morgan ne s’attendait sûrement pas à ce que son nom soit ainsi connu du monde entier pour autre chose que ce qui fit sa gloire : les œuvres d’art qu’il collectionnait avec une passion encore plus grande que celle qu’il accordait aux iris de Sibérie.
Voici la liste des vainqueurs de la Morgan Wood Medal depuis 2000 :
2000 Over in Gloryland (Hollingworth 92)
2001 Strawberry Fair (Hollingworth 92)
2002 Lake Keuka (Borglum 91)
2003 Careless Sally (Schafer/Sacks 96)
2004 Blueberry Fair( Hollingworth 96)
2005 Where Eagles Dare (Helsley 93)
2006 Riverdance (Schafer/Sacks 97)
2007 Ships are Sailing (Schafer/Sacks 98)
2008 Fond Kiss (Schafer/Sacks 99)