26.12.14

BONNE ANNÉE !

A tous les amateurs d'iris qui me font l'honneur de lire ce blog, je souhaite une bonne année 2015 !

AU BON VIEUX TEMPS

La « Historic Iris Préservation Society », dédiées aux variétés qualifiées de « historiques », c'est à dire, selon la terminologie américaine, enregistrées depuis plus de trente ans, publie deux fois l'an un bulletin tout en couleur rempli de remarquables photos de variétés anciennes. C'est de là, essentiellement, que viennent les illustration de ce feuilleton. Pendant quelques semaines nous passerons en revue des variétés peu ou pas du tout connues, classées par famille de coloris 

En rouge : 

On appelle rouge la couleur écarlate des iris. Mais chez les iris quand on parle de couleur rouge, c'est celle du vin rouge, pas celle de la voiture des pompiers !. C'est une couleur que l'on connaît depuis les années 1920, dont voici quelques exemplaires :


- 'Dauntless' (Connell, 1929) 


- 'The Red Douglas' (J. Sass, 1937) 


- 'Orelio' (Deforest, 1947) 


- 'Oriental Glory' (Salbach, 1952)

ŚWIATŁA

Le titre de cette chronique veut dire « lumière » en polonais. Cela peut surprendre. Mais pour parler de ce qui se passe en Pologne en matière d'iris, cela m'a paru tout trouvé.

Quelqu'un qui avait plus de cinquante ans au moment de la chute du rideau de fer, avait donc passé plus de la moitié de sa vie avec la notion de régime totalitaire ou communiste. Et pour moi l'image que j'avais de ce régime politique était celle de la grisaille, de l'obscurité et de la peur. J'écoutais la musique grinçante de Chostakovitch, oui celle, convenue, de Kabalewski et je me faisais des pays de l'Est une idée angoissante de contrainte et de tristesse. Cette idée était entretenue par les correspondances que j'avais avec des personnes habitant en Hongrie, en Bulgarie ou en Pologne, qui m'écrivaient sur du papier de cahier d'écolier plein de particules de paille qui étaient arrachées par la plume et donc plein de trous... Ce que je vois aujourd'hui de ces pays montre une transformation formidable. Et cette transformation se manifeste notamment dans le monde des iris, et particulièrement en Pologne. À l'obscurité (ciemność) a succédé la lumière (światła).

 Dès que les échanges internationaux ont été permis, les amateurs d'iris de l'Est, qui n'avaient pour s'exercer à l'hybridation que quelques variétés américaines des années 1950/60 parvenues là-bas on ne sait comment, ont fait des provisions d'iris modernes américains, mais aussi australiens et français. Le développement d'Internet a favorisé ces acquisitions ainsi que de nombreux échanges entre collectionneurs. En très peu d'années l'iridophilie a connu un développement incroyable, partout en Europe de l'Est et en Russie, mais surtout en République Tchèque, en Slovaquie et en Pologne. Il ne reste qu'un objectif qui ne soit pas atteint : pouvoir comparer les résultats obtenus avec ceux des confrères de l'Ouest, car les compétitions ne sont pas assez nombreuses en Europe. Mais on peut se dire que, les mêmes matériaux étant utilisés, il n'y a pas de raison pour que les obtentions ne soient pas de même valeur. D'ailleurs les variétés parvenues en France et qu'on commence à voir dans nos jardins semblent tout à fait rassurante sur ce sujet.

 Un hybrideur qui semble avoir atteint au moins le niveau de qualité des meilleurs spécialistes occidentaux s'appelle Robert Piatek (ou, plus exactement Piątek). Ce quadragénaire, garde-forestier de son état, enregistre chaque année depuis cinq ans une poignée de nouveautés qui ont l'air admirables. Ses premiers enregistrements étaient sans doute un peu timides : 'Dama Dworu' (2009), ambre lavé de blanc, 'Slonce Jazwinu' (2009), jaune pur, 'Uzwodziciel' (2009) amoena améthyste, manquent un peu d'originalité, mais les fleurs ont une belle forme, généreusement ondulée et élégante. Au fur et à mesure que l'expertise de l'hybrideur s'accroît, ses obtentions me paraissent en constante amélioration.

Son talent s'exerce, me semble-t-il, pour l'instant, dans trois directions : les iris gris, les bitones bleus, les bicolore orange/pourpre. Mais il lui arrive de nous offrir d'autre coloris, comme le ravissant rose deux tons 'Parysanka', vraiment irrésistible.

 À mon goût les iris gris dont j'ai les images sont un peu ternes, il s'agit d'un coloris difficile car ou bien on reste dans des teintes délicates et l'iris est peu attrayant, ou bien on accroît la saturation et le gris devient vite bleuté, donc va en s'éloignant du but.

 En matière de bitones bleus, cela commence par 'Allys' (2014), qui fait manifestement référence au travail d'Anton Mego ('Slovak Prince'), avec des pétales bleu pâle, liserés de brun, au-dessus de sépales d'un beau bleu. 'Divided Mist' (2014) est encore plus proche de ses cousins slovaques. 'Smoky Romance' (2013) en est une version « soft », tandis que 'Wichry Namietnosci' (2014) donne dans les teintes sombres. Tout cela semble bien beau. Il faudrait qu'on puisse juger sur pièce, et apprécier les qualités botaniques et végétatives des ces fleurs superbes à voir en photo.

La lignée qui m'a l'air la plus réussie est celle des bicolores orange et pourpre. Cela commence par 'Love for Peach' (2012), qui méritait d'être amélioré. Vient ensuite 'Secret of Love', qui reste dans les tons pastels, puis arrive 'Invitation to Poland' (2014), abricot/lavande, encore un peu clair, mais qui justifie bien son nom et donne envie d'aller sur place voir toute la production Piątek. Un pas en avant majeur est fait avec les variétés qui seront enregistrées en 2015 : 'Boskie Tango', vivement chargé en orange, puis 'Czarodziej', fortement contrasté (je ne connais pas le pedigree mais je suppose qu'il y a du 'Starring' là-dessous), et, pour finir, 'Mandarin Sky', superbe, ondulé, velouté et enrichi d'une grosse barbe mandarine vif.

Le travail de Robert Piątek fait beaucoup penser à celui d'Anton Mego. Non seulement dans la recherche de coloris originaux et agréables, mais aussi dans le choix de fleurs amples, majestueuses, ondulées sans excès. S'il continue comme cela, on peut parier que le nom de Piątek deviendra vite célèbre dans le petit monde des iris.

Illustrations : 


'Dama Dvoru' '


'Parysanka' 


'Divided Mist' 


'Mandarin Sky'

19.12.14

AU BON VIEUX TEMPS

La « Historic Iris Préservation Society », dédiées aux variétés qualifiées de « historiques », c'est à dire, selon la terminologie américaine, enregistrées depuis plus de trente ans, publie deux fois l'an un bulletin tout en couleur rempli de remarquables photos de variétés anciennes. C'est de là, essentiellement, que viennent les illustration de ce feuilleton. Pendant quelques semaines nous passerons en revue des variétés peu ou pas du tout connues, classées par famille de coloris. 

En bleu :

Le bleu est la couleur la plus proche de celle des espèces à l'origine de nos iris d'aujourd'hui. C'est donc celle de beaucoup d'anciennes variétés comme :


- 'Seathwaite' (H. Randall, 1955) 


- 'Harmony' (Dykes, 1923) 


- 'Floridor' (F. Cayeux, 1927) 

- 'Princess Beatrice' (Barr, 1898)

NOUS AVONS FAIT UN BEAU VOYAGE

Une interview de Roland Dejoux après son voyage en Australie 

 .Le Président de la SFIB, Roland Dejoux, a eu la chance et le plaisir d'aller passer en 2013 quelques semaines en Australie, au moment de la floraison des iris, dans la pépinière de Barry Blyth. Il a bien voulu répondre à quelques questions relatives à son séjour à l'autre bout du monde. 

 Comment se présente la pépinière Tempo Two : 
Situation géographique ; 
Environnement ; 
Surface cultivée
· Situation géographique : Tempo Two est situé à l’Est de MELBOURNE dans la grande banlieue à PEARCEDALE, au Sud de l’Australie avec un climat sub tropical.
 · Environnement :  PEARCEDALE est un village de maisons individuelles au sein d’une campagne verdoyante composée principalement de prairie. La pépinière est en périphérie du village entourée d’exploitations agricoles.
 · Surface cultivée La propriété est un rectangle de 100 mètres de large sur une profondeur de 400 mètres soit une surface de 4 hectares (au moins le double par le passé) dont 3 cultivés en iris et 1 hectare réservé à l’habitation et aux bâtiments agricoles.

 Comment est-elle organisée ? : 
Partie commerciale ; 
Partie « recherche ». 

· Partie commerciale A l’entrée de la propriété sur un hectare environ sont cultivés les iris du début du catalogue destinés à la vente. Au fond de la propriété un autre hectare est consacré à la culture d’iris plus anciens proposés au catalogue avec une réduction par commande de 10 variétés. Jusqu’à l’année dernière Tempo Two ouvrait sa pépinière aux visiteurs deux weekends pendant la floraison. Les iris du catalogue étaient présentés dans des vases à l’abri, en plus de la visite des iris plantés en terre. De nombreuses voitures et même autobus se pressaient, après parfois 1000 kilomètres de déplacement, pour cette visite.
  · Partie privée La deuxième partie de la propriété.
· Partie « recherche ». La troisième partie de la propriété sur un hectare où sont plantés chaque année les nouveaux semis et où sont conservés en observation les semis des 5 ou 6 dernières années.

Comment fonctionne-t-elle ? : 
Mode de culture ; 
Assolement ; 
Méthode d'hybridation ; 
Personnel affecté à ces tâches.

Le sol de Tempo Two est un sol très sableux. Barry fait des bordures de 1 mètre de large et plante dessus trois rangées d’iris. Il utilise un antigerminatif à la préparation des bordures. Jusqu’à ces deux dernières années tous les iris de la pépinière étaient replantés chaque année. Depuis deux ans ils ne replantent qu’environ la moitié chaque année. Ils pensent faire un peu plus de la moitié cette année. Aujourd’hui ils ne sont que trois pour réaliser tous les travaux (plantation, administratif, préparation et expédition des commandes) : Lesley Blyth son ex épouse et associée, leur fille Heidi et Barry. A l’époque où ils produisaient hémérocalles, iris de Louisiane, iris spurias, espèces d’iris et hostas ils avaient de trois à cinq employés.

 Les croisements : 
Lignes générales de création ; 
Buts visés ; 
Choix des parents. 

Barry a deux périodes pour faire ces croisements, chez lui à Tempo Two en Octobre/Novembre et chez son ami Keith Keppel en Oregon en Mai/Juin. Il plante donc tous les ans un grand nombre de semis (de 10000 à 15000 suivant les années). Depuis le début de son activité, il est à la recherche de l’amoena rose parfait et donc refait tous les ans des croisements en ce sens. Il obtient également de nombreux amoenas aux couleurs variées et innovantes. Je crois que la plus grande qualité de Barry est la découverte de nouvelles couleurs et de nouvelles associations de couleurs en restant très attaché à la forme des fleurs et au branchement. Depuis et grâce à ‘Adorée’ il obtient d’excellents résultats dans les bicolores reverses. Il a également une grande réserve de magnifiques plicatas grâce à son semis R41-4 et des semis de Keith Keppel. Quand il a un iris ou un semis qui présente un maximum de qualité il multiplie les croisements avec cet iris ; par exemple, en 2009, treize croisements avec ‘Reckless Abandon’ comme mère et cinq comme père. Même méthode pour ‘Decadence’, Adorée’, ‘Another Woman’ etc…

 Les choix : 
Etapes de la sélection. 
Qui décide ? 
A quel moment ?

Pendant la floraison, tous les matins Barry visite les nouveaux semis pour voir les premières floraisons. Il marque les fleurs qu’il trouve intéressantes par un piquet auquel il attache la tige et une étiquette qui mentionne les caractéristiques de la plante. Les critères retenus sont le branchement, le nombre de boutons, la texture, forme et originalité de la fleur. A la fin de la saison il repique les semis marqués et les semis non fleuris du même croisement. Les croisements dont aucun semis n’a été retenu sont éliminés. Au cours des saisons suivantes les semis sont conservés en fonction de la confirmation des critères de départ et du développement des rhizomes. Une variété, même très belle, qui ne se multiplie pas rapidement est éliminée systématiquement après utilisation pour de nouveaux croisements. C’est bien sûr Barry et Lesley qui décident de l’introduction des nouvelles variétés. La mise en vente est fonction du nombre de rhizomes disponibles de la variété choisie : au minimum 50 mais habituellement 100 rhizomes disponibles.

Politique de sélection : 
Nombre de variétés nouvelles retenues chaque année ; 
Durée de présence au catalogue des variétés inscrites ; 
Nombre de variétés commercialisées : 
Variétés « maison » ; 
Autres origines : Autochtones ; Étrangères. 

Le catalogue est divisé en trois parties pour les TB : · 1) Les nouveautés : de 30 à 40 en général ; · 2) Les iris récents de Tempo Two des 3 ou 4 dernières années et les iris récents des hybrideurs américains au total environ 180 variétés moitié Tempo Two, moitié USA ; · 3) Les iris un peu plus anciens de Tempo Two et américains proposés à un prix fixe (15 ou 20 $) avec réduction pour achat en nombre : environ 200 variétés. Le même principe est appliqué pour environ une centaine de variétés de médians et autant de miniatures.

 L'irisdom australien : 
Relations entre les obtenteurs australiens ; Camaraderie ou concurrence ? 

 Je ne sais pas s’il y a beaucoup d’hybrideurs en Australie. Barry a des relations cordiales avec Grosvenor et Taylor. Barry n’est pas dans la concurrence avec quiconque, il est au contraire dans le partage aussi bien de son expérience que de ses semis (visite de collègues américains, d’amis français ou de jeunes australiens).

Ces informations donnent une idée de ce que peut être une pépinière moderne. Elles intéresseront tous les hybrideurs qui, à l'heure actuelle, envisagent (ou ont déjà décidé) de se lancer dans le commerce des iris. 

12.12.14

RICHARD ERNST

Vingt-cinq ans sans médailles 

Richard Ernst, est décédé prématurément en 2011. Il était universellement connu et généralement apprécié, cependant ses très nombreux iris n'ont été que très parcimonieusement récompensés. Pourquoi ? Les avis sont partagés à ce sujet, mais quoi qu'il en soit, il faut reconnaître qu'il a marqué de son empreinte le monde des iris. C'est aujourd'hui le dernier volet de ce feuilleton, en guise d'hommage à cet obtenteur remarquable.

 Distallata : 

Ernst c'est engouffré dans la voie tracée par Keppel et Ghio. Il y a ajouté une évolution notable, plus riche en couleur, à laquelle il doit son meilleur succès. Mais il n'a pas eu le temps d'en tirer véritablement profit...


'Calamity Carol' (2009) 


'Whispering Spirits' (2001) 


'Carnival Ride' (2002) 


'Sassy Tart' (2007)

LA REVANCHE DU PETIT MONDE

Voici ce que Jean G. Witt, la rédactrice du chapitre 5 - Median Irises – de « The World of Irises » , dit à propos des iris miniatures : « Les grands iris miniatures constituent la seule des quatre classes d'iris moyens concernée par les premiers iris diploïdes de l'origine. Bien qu'ils partagent avec eux un certain nombre des mêmes ancêtres, les miniatures en ont contourné certains aspects par l'injection de gènes des espèces du Moyen-Orient qui ont conduit au développement des grands iris barbus modernes. Leurs petites fleurs et leurs tiges délicates ont, en fait, été sélectionnées dans l'intention délibérée de s'opposer à l'idée d'un accroissement de la taille des plantes. Du coup ils ont beaucoup plus de points communs avec les iris de nos grand-mères, des années 1870, qu'avec les iris de haute taille et ondulés des années 1970. » La chose est dite : les créateurs de MTB (Miniature Tall Bearded) travaillent dans un sens contraire de celui des autres obtenteurs. A l'origine ils avaient décidé que les fleurs devaient être petites – pas plus de 8 cm de diamètre – avec des sépales fins mais sans ondulations ou presque ; les tiges devaient être minces et nombreuses – pas plus de 55 cm de hauteur - et s'élever nettement au-dessus du feuillage qui doit être étroit. Ces limites ont évolué par la suite. La destination des ces plantes est avant tout la constitution de charmants bouquets : ce n'est pas pour rien qu'on les appellent aussi iris de table.

Les premiers MTB sont apparus en 1934. Ils ont été sélectionnés par Ethel Peckham et Mary Williamson, dans l'Indiana. On ne sait pas très bien qui sont exactement leurs ancêtres directs, mais on devine que figurent dans leurs gènes ceux de I. variegata et I. cengialtii, additionnés à ceux de quelques grands iris du moment, comme 'Shekinah' ou 'Archevèque', comme le dit Jean Witt. Quoi qu'il en soit ces petits iris n'ont pas reçu, au départ, un accueil enthousiaste et leurs défenseurs ont du batailler ferme pour leur assurer un avenir. Ce n'est pas avant les années 1950 qu'ils ont réussi à s'imposer, et il a fallu attendre les années 2000 pour qu'ils prennent leur vrai place.

C'est à une Californienne, Alice White, que l'on doit la relance de cette classe. Les collectionneurs lui sont redevables de sa reconnaissance par l'AIS, en 1959, et d'une nouvelle définition des limites dans lesquelles les plantes doivent se situer pour être admises dans la classe. Aujourd'hui les MTB doivent officiellement avoir entre 41 cm et 70 cm de haut et les fleurs 15 cm maximum de diamètre ; elles doivent être portées par des tiges légères mais solides qui mesurent entre 3 et 5 mm sous la fleur et jusqu’à 16 mm à leur émergence du rhizome. La taille optimale de la plante se situe entre 53 et 56 cm, mais les hauteurs extrêmes sont de 41 cm pour les plus basses et de 70 cm pour les plus hautes. Cela en fait de petits iris bien proportionnés qui ne sont pas très spectaculaires au jardin mais qui sont ravissants en pots ou en vases. Cependant ces règles sont susceptibles d'évoluer dans les années à venir pour tenir compte des transformations que connaissent ces fleurs depuis quelques années. Elles sont en effet de plus en plus prisées (et nombreuses sur le marché). D'ailleurs l'attribution de la dernière Médaille de Dykes, pour la première fois, à un MTB, en est une preuve.

Cette récompense est une belle consécration pour des iris dont les progrès furent lents et difficiles. La faute en était d'une part au fait que les croisements nécessitaient bien souvent l'utilisation de pollen recueilli l'année précédente sur des variétés de TB plus tardives que les variétés choisies pour devenir les parents femelles, par ailleurs les graines obtenues étaient peu nombreuses et d'une germination capricieuse. C'est un peu ce qui s'était passé au moment de la « révolution tétraploïde » chez les grands iris, avec la même problématique des semis triploïdes stériles...

A l'heure actuelle ces problèmes sont résolus et les MTB s'obtiennent sans difficulté particulière et sont très souvent tétraploïdes et fertiles, même si les plus réussis restent, à mon avis, les diploïdes classiques mais enrichis par la sélection rigoureuse exercée par les hybrideurs contemporains.

Les modèles plicata et variégata se partagent les premières variétés. Le plicata bleu 'Widget' (Williamson, 1943) est, parmi ces variétés anciennes, l'une de celles qui ont eu la descendance le plus nombreuse. C'est un peu l'équivalent de 'San Francisco' chez les grands iris. Mais aujourd'hui presque tous les coloris rencontrés chez les grands iris se retrouvent chez les iris miniatures. Les plus tardives à avoir été obtenues doivent être le jaune et l'orangé. 'Yellow Flirt' (K. Fisher, 1997) est une des plus grandes réussites dans les tons de jaune, de même que son descendant récent 'Yellow Challenger' (du modèle « Joyce Terry ») (K. Fisher, 2011). Quant à la couleur orange, elle est bien représentée par 'Apricot Drops' (Aitken, 1995) vainqueur de la Médaille de Williamson-White (1) en 2003. Un coloris qu'on ne voit plus chez les grands iris est fréquent chez les MTB, il s'agit du modèle « variegata de base », celui de l'espèce éponyme, c'est à dire avec des pétales jaunes et des sépales d'un fond plus clair, presque blanc, mais rayé et veiné de violet. 'Madam President' (Thurman, 1998) en est une belle illustration, alors que 'Persona' (Keppel, 2004) en est une déclinaison moderne. 'Bumblebee Deelite' (Norrick, 1993) est un variegata moderne, très contrasté, qui a eu un énorme succès commercial confirmé par deux Médailles de Williamson-White, en 1991 et 1993 ! Les MTB brun-rouge sont assez nombreux et parmi les plus jolis on trouve 'Billie the Brownie' (Burton, 1991), et 'Red Trooper' (K. Fisher, 2006). Il reste que les coloris les plus courants sont le bleu et le violet, avec de nombreux bitones très élégants, comme le maintenant fameux 'Dividing Line' (Bunnell, 2004, - DM 2014). Enfin, pour en terminer avec la palette des coloris, on dira deux mots des variétés bicolores ou vivement rayées. Le déjà ancien 'Bangles' ( Lynda Miller, 1993) donnait dans les tons rose/mauve tandis que le plus récent 'Rayos Adentro' (Morgan, 2004) allie un rouge sombre et un violet presque noir.

En dehors des États-Unis la classe des iris miniature n'a pas beaucoup de succès auprès des hybrideurs. Ce sont peut-être les Français qui ont le plus travaillé sur cette question, de plus en faisant preuve d'inventivité, avec 'Psy' (Ransom, 1994), amoena jaune inversé provenant de l'espèce I. astrachanica, ou 'Quagga' (Tasquier 2010), d'un modèle indéfinissable mais très joli et original, issu de I. variegata reginae. En Grande-Bretagne, Olga Wells mène des recherches sur les MTB, essentiellement dans le modèle « variegata à l'ancienne » ; une de ses plus intéressantes réalisations s'appelle 'Teasaucer' (2004) : pétales jaune primevère, sépales blancs veinés lilas.

Longtemps négligés, en quatre-vingts ans d'existence les MTB ont eu du mal à s'imposer malgré leurs indéniables qualités. Mais aujourd'hui ils prennent leur revanche et, en s'imposant au sommet de la compétition américaine, ils atteignent un niveau que toutes les classes d'iris n'ont pas encore atteint.

 (1) La Médaille de Williamson-White est la récompense suprême pour les MTB. Elle honore Mary Williamson et Alice White qui ont lié leur nom à celui de cette classe d'iris. 

Illustrations : 


'Apricot Drops'


'Dividing Line' 


'Bumblebee Deelite' 


'Persona' 

'Psy' 


'Quagga'

6.12.14

RICHARD ERNST

Vingt-cinq ans sans médailles.

Richard Ernst, est décédé prématurément en 2011. Il était universellement connu et généralement apprécié, cependant ses très nombreux iris n'ont été que très parcimonieusement récompensés. Pourquoi ? Les avis sont partagés à ce sujet, mais quoi qu'il en soit, il faut reconnaître qu'il a marqué de son empreinte le monde des iris. Rendons-lui un certain hommage en publiant ici, pendant quelques semaines des images choisies de ses obtentions. 

 Bicolore :
Les associations de couleurs constituent un grand pan de l'activité d'hybrideur « généraliste » de Rick Ernst. Particulièrement remarquables sont ses bicolores inversés, peut-être ses meilleures réalisations.


'Finishing School' (2005)

'Granddaughter's Grin' (2003)

'Quiet Riot' (1884)

'Rose Princess' (1989)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Les compétiteurs 

 Vous voulez savoir entre quelles variétés va se disputer la prochaine Médaille de Dykes ? En voici la liste. Mais n'oubliez pas que des candidats non TB sont aussi en lice et que l'hégémonie des grands iris est maintenant souvent remise en question. Par exemple le BB multiflore 'Bundle of Love' (Black, 2007) ou l'un des trois petits MTB alignés dans la course, très à la mode actuellement.


'Absolute Treasure' (Tasco, 2006)
'Black Magic Woman' (Tasco, 2008)
'Chief John Jolly' (Parkhill, 2002)

'Elizabethan Age' (Baumunk, 2005)
'Gypsy Lord' (Keppel, 2005)
'Ink Patterns' (Johnson T., 2007)

 'Kathy Chilton' (Kerr, 2005)
 'Magical' (Ghio, 2007)
 'Montmartre' (Keppel, 2007)

 Mes favoris ? 'Absolute Treasure' ou 'Ink Patterns'.


Munich : résultats du concours de 2014

Avec beaucoup de retard et de difficulté (1), j'ai obtenu les résultats du concours d'iris de Munich. Rappelons que cette compétition se juge en deux fois : un premier jugement au bout de deux années de culture, un résultat final après trois ans. Les iris sont divisés en deux lots : le premier concerne les iris des obtenteurs d'Allemagne, le second est réservé aux variétés d'une autre nationalité.

A. Variétés allemandes (trois ans de culture) : 

 1. 'Leipzig Beautiful' / Manfred Beer
 2. 'Beate' / Manfred Beer
 3. 'Natalie Wieland' / Manfred Beer

B. Variétés allemandes (deux ans de culture) : 

1. 'Azurwolke' /Günter Diedrich
2. 'Tanja' / Manfred Beer
3. Slg. 21-05-1 / Günter Diedrich

C. Variétés internationales (trois ans de culture) :

1. Slg. 0764J / Michèle Bersillon, France
2. Slg. B 13.2 / Zdenek Seidl, Rep. Tchèque
3. Slg. 0714 C / Michèle Bersillon, France

D. Variétés internationales (deux ans de culture) : 

1. Slg. 07-2825/2 / Anton Mego, Slovaquie
2. Slg. 06-09 TD / Tiziano Dotto, Italie
3. Slg. 177-05 / Augusto Bianco, Italie

 Je n'ai pas de photographies.

(1) Les organisateurs eux-même ont éprouvé de nombreuses difficultés.

LIKE A CHARM

(FLEUR DU MOIS)

Ce fut le premier iris intermédiaire dont je fis l'acquisition, dès qu'il apparut au catalogue de Lawrence Ransom. Jusqu'à ce moment je n'avais acheté que des grands iris, par lesquels j'avais été subjugué dès le début. J'hésitais à me tourner vers des iris plus petits. Mais j'ai eu envie d'essayer. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi de commencer par celui-ci, mais je n'ai pas regretté mon choix.

J'ai écrit quelque part que les intermédiaires étaient aux iris ce que les mulets sont aux équidés. Mais en fait rien n'est comparable, car si les mulets n’ont ni l’élégance des chevaux, ni l’air bonhomme des ânes, les iris intermédiaires sont de très jolies plantes, bien proportionnées, florifères et, maintenant, fertiles et donc intéressantes pour qui veut effectuer des croisements. Et 'Like a Charm' (Byers, 1988) entre dans cette définition. Il est décrit comme : « Pétales jaune citron, sépales blancs, jaune brillant aux épaules et autour de la barbe ; barbe bleue pointée jaune, éperons bleu-violet ; légèrement ondulé, parfum doux et prononcé. » Une fleur originale, donc, qui éclaire le jardin, du haut de ses 55 centimètres, et qui ouvre le bal de la floraison des iris. Son pedigree est le suivant : Thrice Blessed X (Actress x Sky Hooks). Il est donc le produit du petit SDB 'Thrice Blessed' (Weiler 1981) qui est jaune à barbe blanche, et d'un grand iris, non dénommé, mais qui est issu du croisement de deux variétés célèbres : 'Actress' (Keppel 1976) et 'Sky Hooks' (Osborne 1980). J'aime beaucoup l'un et l'autre. 'Actress' est un bleu à barbe rouge, d'aspect un peu frippé, et 'Sky Hooks', un iris à éperons des plus fameux, décrit comme jaune doux mais que je trouve plutôt jaune anisé, à l’origine d'environ trois cents cultivars de toutes sortes. Son arbre généalogique est assez compliqué, mais il faut savoir qu’on y découvre deux variétés incontournables, 'Mary Randall' (Fay 1950, DM 54) et 'Fleeta' (Fay 1956) qui ont largement contribué au panel génétique des iris d'aujourd'hui.

 'Like a Charm' ne donne aucun souci. C'est une variété fidèle (du moins ici, en Touraine), qui pousse bien et qui n'est jamais tombée malade depuis que je l'ai. J'ai été un peu déçu par son coloris, que je trouve plutôt terne, et qui a peut-être nui à sa diffusion car il n'est pas, comme on dit, vendeur. Néanmoins je lui accorde toujours ma confiance car son rôle de signal avancé de la floraison met l'eau à la bouche de l'amateur. Dans le calendrier des floraisons il sera d'ailleurs suivi à distance par un autre produit de Monty Byers, 'Lichen', enregistré la même année, qui donne dans les mêmes teintes, mais qui provient d'une autre lignée, et qui a la particularité d'être une sorte d'iris semperflorens puisqu'il remonte régulièrement, dès le mois de juin et jusqu'aux gelées. Par exemple, cette année, il a encore trois tiges fleuries au début du mois d'octobre.

 'Thrice Blessed', le parent femelle de 'Like a Charm', est un SDB de 25cm, jaune à barbes bleues, qui a eu une descendance variée et heureuse. En plus de 'Like a Charm' on y trouve : un SDB jaune à barbes bleutées, 'Golden Child' (Byers, 1988) ; un tout petit MDB bleu, bien français, 'Mister Sam' (Peyrard, 2001) ; un autre SDB, 'Leprechaun's Delight' (Weiler, 1986), génétiquement intéressant et utilisé, entre autres, par Lawrence Ransom pour son IB 'Zeblouz', d'un bleu si tendre et si délicat.

 Tel qu'il est, 'Like a Charm' n'est certainement pas le plus bel iris de sa génération, mais il a, comme son nom l'indique, bien du charme. C'est pour cela qu'il fait l'objet de cette chronique.

 Illustrations :

'Like a Charm'

'Thrice Blessed'

'Actress'

'Zeblouz'

A CHACUN SON DISTALLATA

Dans ces chroniques il a déjà été plusieurs fois questions de ce modèle d’iris que ses créateurs ont baptisé « distallata ». C’est un modèle qui rencontre un succès considérable auprès des hybrideurs et que ne dédaignent pas les collectionneurs, si bien que maintenant chaque catalogue comporte au moins un, sinon plusieurs, distallatas. Rappelons en quoi consiste ce modèle. Les pétales sont blancs (ou légèrement touché de pigments caroténoïdes), de même que les sépales, mais ceux-ci s’agrémentent d’une couche centrale de couleur, qui peut être du jaune ou de l’orangé clair, à laquelle s’ajoutent de fines rayures bleues ou violacées, partant de la barbe et s’étirant plus ou moins vers le bord. Les inventeurs de ce modèle (on parle d’inventeurs comme s’il s’agissait d’un trésor mis au jour par quelque Indiana Jones du monde des iris) sont deux briscards de l’hybridation et amis de longue date, Joë Ghio, de Californie, et Keith Keppel, de l’Oregon.

Aujourd'hui il est temps de faire le point sur la diffusion de ce modèle. Les deux maîtres Ghio et Keppel, un nouvelle fois complices, ont élaboré une savante salade génétique dont est issu ce modèle de fleur. Comme à chaque fois qu'apparaît quelque chose de nouveau, ou que se perfectionne quelque chose de plus ancien, il y a immédiatement chez tous ceux qui ne sont pas à l'origine du changement, une émulation qui les pousse à mettre au plus vite sur le marché leurs propres cultivars du modèle en question. C'est à la fois une question d' honneur et de business. A partir des trois variétés maîtresses que sont ‘Fancy Tales’ (Shoop 80), ‘Strawberry Sundae’ (Schmelzer 77) et ‘Cinnamon Sun’ (Hamner 93), Ghio et Keppel ont sélectionné des iris qui ont donné naissance à un nouveau modèle de fleur, qui tient à la fois du bicolore et du plicata. Chez Ghio la progression s’écrit comme suit : ‘Puccini’ (1998) → ‘Prototype’ (2000) -> ‘Exposé’ (2003) -> ‘Magic Happens’ (2005). Keppel a commencé par ‘Quandary’ (2001), puis a attendu quelques temps avant de profiter des aptitudes des obtentions de Barry Blyth dont il va être question plus loin.

 La mode ainsi lancée, plusieurs hybrideurs confirmés vont commercialiser des distallatas de leur cru. A commencer par Paul Black qui présente en 2005 'Conjuring Cat', un vrai distallata qu’on peut qualifier de classique, descendant de ‘Fancy Tales’. Viendra ensuite 'Carnival of Color' (2009), avec des pétales blanc rosé ourlés d’abricot, et des sépales blanc rosé, largement bordés d’abricot et veinés de violet, avec de belles barbes orange vif : le modèle a un peu évolué et offre des couleurs plus tranchées. Tom Johnson, n'est pas en reste, il propose ‘Painter’s Touch’ (2009), lui aussi plus riche en couleur : pétales blancs finement liserés d’or, sépales blancs également, marqués d’orange aux épaules et largement lavés et veinés d’indigo.

En Australie, Barry Blyth a lui-même obtenu des distallatas en partant de 'Kissable You' (2010), un distallata pur jus dont les antécédents ne laissent apparemment pas supposer l'apparition du modèle. Il provient en effet de deux classiques bicolores rose/lavande, 'Poem of Ecstasy' (Hager, 1995), d'une part et 'Cameo Dawn' (Blyth, 2003) d'autre part, associés à 'Decadence'. 'Are we in Love' (Blyth, 2010) est aussi un distallata, mais sur fond rose, ce qui est une nouveauté. Là non plus, le pedigree ne conduit pas, a priori, vers le modèle distallata, mais avec ces deux origines Blyth peut espérer enrichir rapidement le modèle. Il a d'ailleurs commencé avec 'Matters of the Heart' (2011), sur fond rose pêche. Il est rejoint par son ami Keppel qui s'est servi de 'Are we in Love' pour proposer 'Cotillion Gown (2012), lequel, cette fois, est sur fond jaune.

A Salem (Oregon) le modèle distallata a excité bien des obtenteurs. À commencer par Paul Black, le voisin de K. Keppel qui, après ses débuts de 2005, avec 'Bargain Hunter' (2010) est arrivé à quelque chose de nouveau, à partir d'une association d'amoenas blanc/violet. Il a aussi découvert que 'Goldkist' (1993) – ancêtre indirect de 'Bargain Hunter' - pouvait être considéré comme une amorce de distallata. Mais c'est Tom Johnson qui a travaillé sur cette base. 'Wild Angel' (2006) en est le premier résultat et cette variété a obtenu un immense succès dès sa mise sur le marché. C'est une sorte de distallata, du genre diffus, variante, donc, du modèle original. 'Stir it up' (2010) continue sur cette lancée. 'Insaniac' (2012), fils de 'Painter's Touch', en accentue les caractères. Joë Ghio, l'un des inventeurs du modèle, a poursuivi son travail. 'Expect Wonders' (2008) est bien dans la même lignée, même si son pedigree a été perdu. Quant à 'Smart Money' (2009), les traces violettes y sont ténues et quelquefois absentes, mais en général il présente bien les traits du modèle. Son descendant 'Spiral Galaxy' (2013) les montre sur fond jaune, un peu comme chez 'Cotillion Gown'. Bruce Filardi, autre hybrideur de la côte ouest, n'a pas hésité à utiliser 'Quandary' et 'Puccini' pour se fabriquer un panel de distallatas dans lequel on trouve des « purs » distallatas comme 'Quizotic' (2008) ou des dérivés comme 'Queen Empress' (2005) ou 'Quizzical' (2008). Plus au sud, en Californie, Roger Duncan n'est pas en reste. Avec 'Arctic Burst' (2008), enfant de 'Puccini', et 'Brainstorm' (2012), il a rejoint le cercle des « distallateurs ». Le texan Burseen y a également pris sa place dès 2006 avec 'Serious Sighs'. Son 'Tropical Cooler' (2005), qui vient de 'Puccini' et 'Goldkist' peut être classé parmi les distallatas (version vivement colorée), de même que 'Sammies Jammies' (2009), sur fond orangé.

On pourrait trouver d'autres exemple de la multiplication des distallatas. Ils font partie intégrante, maintenant, de la panoplie des hybrideurs. On peut être assuré que les Européens ne tarderont pas à se joindre à ceux qui ont déjà mis ce modèle à leur curriculum vitae.

Illustrations : 


- 'Kissable You' 


- 'Insaniac' 

- 'Smart Money' 


- 'Serious Sighs'