12.12.14

LA REVANCHE DU PETIT MONDE

Voici ce que Jean G. Witt, la rédactrice du chapitre 5 - Median Irises – de « The World of Irises » , dit à propos des iris miniatures : « Les grands iris miniatures constituent la seule des quatre classes d'iris moyens concernée par les premiers iris diploïdes de l'origine. Bien qu'ils partagent avec eux un certain nombre des mêmes ancêtres, les miniatures en ont contourné certains aspects par l'injection de gènes des espèces du Moyen-Orient qui ont conduit au développement des grands iris barbus modernes. Leurs petites fleurs et leurs tiges délicates ont, en fait, été sélectionnées dans l'intention délibérée de s'opposer à l'idée d'un accroissement de la taille des plantes. Du coup ils ont beaucoup plus de points communs avec les iris de nos grand-mères, des années 1870, qu'avec les iris de haute taille et ondulés des années 1970. » La chose est dite : les créateurs de MTB (Miniature Tall Bearded) travaillent dans un sens contraire de celui des autres obtenteurs. A l'origine ils avaient décidé que les fleurs devaient être petites – pas plus de 8 cm de diamètre – avec des sépales fins mais sans ondulations ou presque ; les tiges devaient être minces et nombreuses – pas plus de 55 cm de hauteur - et s'élever nettement au-dessus du feuillage qui doit être étroit. Ces limites ont évolué par la suite. La destination des ces plantes est avant tout la constitution de charmants bouquets : ce n'est pas pour rien qu'on les appellent aussi iris de table.

Les premiers MTB sont apparus en 1934. Ils ont été sélectionnés par Ethel Peckham et Mary Williamson, dans l'Indiana. On ne sait pas très bien qui sont exactement leurs ancêtres directs, mais on devine que figurent dans leurs gènes ceux de I. variegata et I. cengialtii, additionnés à ceux de quelques grands iris du moment, comme 'Shekinah' ou 'Archevèque', comme le dit Jean Witt. Quoi qu'il en soit ces petits iris n'ont pas reçu, au départ, un accueil enthousiaste et leurs défenseurs ont du batailler ferme pour leur assurer un avenir. Ce n'est pas avant les années 1950 qu'ils ont réussi à s'imposer, et il a fallu attendre les années 2000 pour qu'ils prennent leur vrai place.

C'est à une Californienne, Alice White, que l'on doit la relance de cette classe. Les collectionneurs lui sont redevables de sa reconnaissance par l'AIS, en 1959, et d'une nouvelle définition des limites dans lesquelles les plantes doivent se situer pour être admises dans la classe. Aujourd'hui les MTB doivent officiellement avoir entre 41 cm et 70 cm de haut et les fleurs 15 cm maximum de diamètre ; elles doivent être portées par des tiges légères mais solides qui mesurent entre 3 et 5 mm sous la fleur et jusqu’à 16 mm à leur émergence du rhizome. La taille optimale de la plante se situe entre 53 et 56 cm, mais les hauteurs extrêmes sont de 41 cm pour les plus basses et de 70 cm pour les plus hautes. Cela en fait de petits iris bien proportionnés qui ne sont pas très spectaculaires au jardin mais qui sont ravissants en pots ou en vases. Cependant ces règles sont susceptibles d'évoluer dans les années à venir pour tenir compte des transformations que connaissent ces fleurs depuis quelques années. Elles sont en effet de plus en plus prisées (et nombreuses sur le marché). D'ailleurs l'attribution de la dernière Médaille de Dykes, pour la première fois, à un MTB, en est une preuve.

Cette récompense est une belle consécration pour des iris dont les progrès furent lents et difficiles. La faute en était d'une part au fait que les croisements nécessitaient bien souvent l'utilisation de pollen recueilli l'année précédente sur des variétés de TB plus tardives que les variétés choisies pour devenir les parents femelles, par ailleurs les graines obtenues étaient peu nombreuses et d'une germination capricieuse. C'est un peu ce qui s'était passé au moment de la « révolution tétraploïde » chez les grands iris, avec la même problématique des semis triploïdes stériles...

A l'heure actuelle ces problèmes sont résolus et les MTB s'obtiennent sans difficulté particulière et sont très souvent tétraploïdes et fertiles, même si les plus réussis restent, à mon avis, les diploïdes classiques mais enrichis par la sélection rigoureuse exercée par les hybrideurs contemporains.

Les modèles plicata et variégata se partagent les premières variétés. Le plicata bleu 'Widget' (Williamson, 1943) est, parmi ces variétés anciennes, l'une de celles qui ont eu la descendance le plus nombreuse. C'est un peu l'équivalent de 'San Francisco' chez les grands iris. Mais aujourd'hui presque tous les coloris rencontrés chez les grands iris se retrouvent chez les iris miniatures. Les plus tardives à avoir été obtenues doivent être le jaune et l'orangé. 'Yellow Flirt' (K. Fisher, 1997) est une des plus grandes réussites dans les tons de jaune, de même que son descendant récent 'Yellow Challenger' (du modèle « Joyce Terry ») (K. Fisher, 2011). Quant à la couleur orange, elle est bien représentée par 'Apricot Drops' (Aitken, 1995) vainqueur de la Médaille de Williamson-White (1) en 2003. Un coloris qu'on ne voit plus chez les grands iris est fréquent chez les MTB, il s'agit du modèle « variegata de base », celui de l'espèce éponyme, c'est à dire avec des pétales jaunes et des sépales d'un fond plus clair, presque blanc, mais rayé et veiné de violet. 'Madam President' (Thurman, 1998) en est une belle illustration, alors que 'Persona' (Keppel, 2004) en est une déclinaison moderne. 'Bumblebee Deelite' (Norrick, 1993) est un variegata moderne, très contrasté, qui a eu un énorme succès commercial confirmé par deux Médailles de Williamson-White, en 1991 et 1993 ! Les MTB brun-rouge sont assez nombreux et parmi les plus jolis on trouve 'Billie the Brownie' (Burton, 1991), et 'Red Trooper' (K. Fisher, 2006). Il reste que les coloris les plus courants sont le bleu et le violet, avec de nombreux bitones très élégants, comme le maintenant fameux 'Dividing Line' (Bunnell, 2004, - DM 2014). Enfin, pour en terminer avec la palette des coloris, on dira deux mots des variétés bicolores ou vivement rayées. Le déjà ancien 'Bangles' ( Lynda Miller, 1993) donnait dans les tons rose/mauve tandis que le plus récent 'Rayos Adentro' (Morgan, 2004) allie un rouge sombre et un violet presque noir.

En dehors des États-Unis la classe des iris miniature n'a pas beaucoup de succès auprès des hybrideurs. Ce sont peut-être les Français qui ont le plus travaillé sur cette question, de plus en faisant preuve d'inventivité, avec 'Psy' (Ransom, 1994), amoena jaune inversé provenant de l'espèce I. astrachanica, ou 'Quagga' (Tasquier 2010), d'un modèle indéfinissable mais très joli et original, issu de I. variegata reginae. En Grande-Bretagne, Olga Wells mène des recherches sur les MTB, essentiellement dans le modèle « variegata à l'ancienne » ; une de ses plus intéressantes réalisations s'appelle 'Teasaucer' (2004) : pétales jaune primevère, sépales blancs veinés lilas.

Longtemps négligés, en quatre-vingts ans d'existence les MTB ont eu du mal à s'imposer malgré leurs indéniables qualités. Mais aujourd'hui ils prennent leur revanche et, en s'imposant au sommet de la compétition américaine, ils atteignent un niveau que toutes les classes d'iris n'ont pas encore atteint.

 (1) La Médaille de Williamson-White est la récompense suprême pour les MTB. Elle honore Mary Williamson et Alice White qui ont lié leur nom à celui de cette classe d'iris. 

Illustrations : 


'Apricot Drops'


'Dividing Line' 


'Bumblebee Deelite' 


'Persona' 

'Psy' 


'Quagga'

1 commentaire:

gerard a dit…

Ces iris peuvent quand même constituer au jardin de très belles touffes qui attirent l'œil grâce, pour certains, à la vivacité du contratse ou du veinage. Mais ceci, à deux conditions: ne pas les installer à proximité de grands iris qui les écraseraient. Ne pas les mettre en contrebas d'un massif, ce qui contribuerait à les rapetisser. L'idéal c'est une tache dans une rocaille, un peu en surplomb, où ils donneront toute leur mesure.
J'attends avec quelque impatience la floraison de 'Dividing Line' acquis l'an dernier.