26.6.20

SAUVÉE !

L'ancien président de la SFIB, Maurice Boussard, spécialiste mondialement réputé des iridacées, vient d'être atteint d'un grave accident vasculaire cérébral. Il possédait une collection exceptionnelle d'iridacées de toutes espèces et, puisqu'il n'est plus en mesure d'en prendre soin, elle était en grand danger. Mais une solution vient d'être trouvée pour sa sauvegarde. C'est une excellente nouvelle pour les iris et pour la botanique en général.

Quant à Maurice Boussard lui-même, je formule pour lui tous mes voeux pour que sa santé s'améliore, et je lui adresse toutes mes amitiés.

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir. 

II – 1930 

On est en plein dans les années Cayeux. La France est au firmament des iris, mais les USA ne sont pas loin, avec en tête les frères Sass !

'Dona Sol' (F. Cayeux) 

'Fandango' (F. Cayeux) 


'Brising' (Goos+Koenemann) 


'Wambliska' (J. Sass)

LE NOIR LEUR VA SI BIEN

Rares sont les fleurs vraiment noires. On s'est battu pour la tulipe noire. On prétend qu'il y des roses noires... Mais à ma connaissance aucune fleur n'atteint le noir profond des certains iris. L'un de ceux-ci s'appelle 'Black is Black' (Schreiner 2010) qui a déjà dix ans mais qui étale une splendeur sombre d'une rare intensité. Il m'a paru amusant de remonter la ligne génétique de cette belle variété pour comprendre quel est le cheminement qui a donné ce résultat. Cela n'a pas été difficile tant le parcours est limpide : en cinq ou sept générations (selon le chemin emprunté) on arrive à ce qu'on considère généralement comme le point de départ de la filière noire, à savoir 'Black Forest' (Schreiner, 1944). En route dans l'appareil à remonter le temps !

'Black is Black' (Schreiner 2010) ('Black Butte' x 'Dark Passion') X semis GG 390-1: ('Paint It Black' x 'Thunder Spirit'). Pétales et sépales noirs ; barbes noires. Wister Medal 2017. C'est l'iris qui marque le retour des fleurs de la famille Schreiner dans le haut de la gamme. Il est éligible pour la Médaille de Dykes cette année.

A partir d'ici plusieurs voies s'offrent à notre exploration :

'Black Butte' (Schreiner 1999) ((('Seven Leagues' x 'Sailor's Dance') x 'Virginia Squire') x 'Titan's Glory') X semis V 73-1: ((('Night Song' x ('Black Swan' x 'Tuxedo' sibling)) x 'Navy Strut') x 'Black Dragon'). Pétales violet foncé, sépales noir obsidienne profond ; barbes violet-noir, jaune dans la gorge. Une fleur ample et majestueuse qui n'a pas eu le succès auquel elle pouvait prétendre.

'Night Song' (Luihn, 1964) 'Dark Fury' X 'Black Taffeta'. Unicolore d'un violet-noir foncé ; barbes assorties. « Les boutons énormes sont bien dans le goût du jour ; pétales en dôme et sépales arqués ornés de barbes de la même teinte. » On est là chez Walter Luihn, un spécialistes des iris violet foncé.

Encore plusieurs voies possibles , dont :

'Black Taffeta' (G. Songer, 1964) 'Black Forest' x semis Muhlestein 47-33: ( 'Storm King'x 'Sable'). Unicolore violet foncé ; barbes identiques. Un unicolore inhabituel d'un riche violet foncé. « La forme est excellente, avec des pétales larges et légèrement ondulés et un fini brillant. »

'Black Forest' (Schreiner, 1944) 'Dymia' X 'Ethiop Queen'. Unicolore bleu foncé. On arrive à ce point à ce que « Le Monde des Iris » considère comme le début des iris noirs. On peut y parvenir par d'autres routes.

Ainsi :

'Dark Fury' (Luihn, 1961) 'Basin Street' X 'Total Eclipse'. Unicolore violet aconit ; barbes sombres. Un grand bleu-noir, de haute taille avec des sépales arqués et des pétales refermés.

'Total Eclipse' (Fay, 1952) 'Black Hills' X semis Fay. Unicolore bleu violacé très soutenu, appelé « bleu-noir » ; barbes assorties. « Les fleurs sont de très bonne forme, avec des pétales clos, des sépales arqués, pas de marques sur les épaules et une très bonne substance. »

'Black Hills' (Fay 1950) 'Black Valor' x 'Gulf Stream') X 'Black Forest'. Unicolore bleu-noir (violet foncé) ; barbes noires. Un grand succès. On est revenu à l'origine.

Dès la première génération on trouve aussi -

'Paint It Black' (Schreiner, 1994) ('Black Dragon' x semis R 167-A: ((semis W 1107-BB: (('Dark Boatman' x semis N 364-1) x 'Black Swan') x semis D 232-3, frère de semis de 'Navy Strut') x 'Storm Flurry')) X semis N 273-A, frère de semis de 'Back In Black'. Pétales d'un riche violet rougeâtre, sépales violet noirâtre ; barbes noires. La complexité du pedigree cache une plante remarquable.

'Storm Flurry' (Schreiner, 1975) (semis S 500-B x 'Tuxedo') X (semis 1107-BB: (semis R 901- A: ('Dark Boatman' x semis N364-1: (semis L 492-A x semisL 474-J)) x Black Swan'). Unicolore bleu-noir velouté ; barbes violet-noir. Une variété maintenant en danger de disparition. 'Tuxedo' (Schreiner, 1964) 'Licorice Stick' X semis O-332-1. Unicolore bleu nuit ; barbes du même. On admire la profondeur de son coloris. Plante immensément répandue.

'Licorice Stick' (Schreiner, 1960) (('Blue Glow' x 'Black Belle') x 'Storm Warning')) X (('Velvet Dusk' x 'Black Valor') x 'Storm Warning')). Unicolore bleu-violet foncé. Variété très appréciée à son époque.

'Storm Warning' (Schreiner, 1952) 'Down East' X 'Black Forest'. D'un violet vineux foncé, sépales veloutés. Un enfant du fameux 'Black Forest' du tout début, décrit ci-dessus.

Quel que soit l'itinéraire que l'on choisisse on arrive nécessairement à 'Black Forest'. Le spécialistes ont bien raison de dire que ce petit gabarit que l'on hésite à classer parmi les grands iris de jardin, est bien l'ancêtre incontournable de la plupart des iris noirs d'aujourd'hui. Grâce à lui des fleurs de plus en plus noires, toutes plus belles les unes que les autres enrichissent nos jardin ; car c'est une couleur qui leur va si bien !

Illustrations : 


'Black is Black' 


'Black Butte' 

'Black Taffeta' 


'Tuxedo' 

'Black Forest'

19.6.20

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir. 

I – 1920 

C'est à partir de 1920 que le monde des iris s'est structuré et est passé du stade de l'artisanat à celui du professionnalisme. 1920 est l'année de la création de l'American Iris Society et l'attribution de la première Médaille de Dykes a eu lieu dans la décennie, en 1927 exactement.. A l'époque le monde des iris se limitait à une partie l'Europe de l'Ouest (France, Grande-Bretagne, Allemagne...) et aux Etats-Unis.

'Ambassadeur' (Vilmorin, 1920) 

'Rheintraube' (Goos+Koenemann) 

'Mrs. Andrist' (Fryer) 



'True Charm' (Sturtevant)

L'INACCESSIBLE ETOILE

Lorsqu'il a commencé ses recherches sur l'amoena rose, Barry Blyth n'imaginait certainement pas que soixante ans plus tard il serait encore à espérer d'atteindre cette fleur mythique. La recherche de l’amoena blanc et rose est la grande affaire de sa vie. C’est même en visant ce but qu’il a produit et offert au monde des iris son incomparable travail sur les iris bicolores. Car celui-ci est en quelque sorte un sous-produit de sa cible principale. Il a multiplié les croisements, souvent audacieux, obtenu une multitude de semis, parmi lesquels il a découvert un nombre incroyable de nouveautés qu’il a retenues et enregistrées, dans toutes les associations possibles de couleurs et de modèles. Des iris blanc/rose, il en a remarqué des quantités, dont il a sélectionné un certain nombre, mais il est toujours dans l’attente de ce qu’il imagine comme la perfection.

Comme point de départ il y a eu 'Sunset Snows' (Stevens, 1965). Cet iris est très certainement le produit d'un incroyable coup de chance dont les prémices se trouvent dans un autre amoena néo-zélandais, 'Youthful Charm' (Stevens, 1961), dont on ne connaît pas le pedigree exact mais dont son obtentrice a écrit qu'il « provient d'iris roses croisés avec des amoenas jaunes, puis recroisés sur de nombreuses générations ». Autrement dit le début du travail ne date pas d'aujourd'hui ! Pourtant, de 'Youthful Charm' et de 'Sunset Snows' on ne peut pas vraiment dire que ce sont des amoenas roses. Plutôt des amoenas abricot ou rose saumon. Blyth y a vu néanmoins le présage d'un iris franchement blanc aux pétales et rose aux sépales. Il a tout essayé. Il a multiplié les croisements, avec une science consommée et une maîtrise achevée de l'hybridation. Son cheminement est passé par ' Outer Limits' (1972) et son frère de semis 'Twist and Shout' (1973), descendants directs de 'Sunset Snows', puis ‘Love Chant’ (1979), ‘Beachgirl’ (1983), ‘Amber Snow’ (1987). La récolte a continué encore pendant 15 ans avant d'aboutir à ce que Blyth considère comme un premier achèvement, 'Adoree' (2009).

Jusqu'à cet 'Adoree', les variétés obtenues, de plus en plus contrastées, étaient des variétés aux pétales blancs surmontant des sépales orangés ou rosés hérités de 'Sunset' Snows' et de ses premiers descendants, que ceux-ci soit australiens comme ceux qui viennent d'être cités et américains comme 'Java Dove' (Plough, 1962) ou 'Festive Skirt' (Hutchings, 1973). Mais en aucun cas on n'était en présence d'un véritable rose.

Dans la langue anglaise il existe deux mots pour qualifier la couleur rose : le mot « rose » qui désigne un rose où se devine un fond de jaune, et le mot »pink » pour le rose sous-tendu de bleu. Le premier dérive vers une teinte saumonée, le second tend vers le rose orchidée... Disons que jusqu'à 'Adorée' nous étions dans les tons de « rose » et qu'à partir de cette variété, on trouvait aussi du « pink ». Pendant les trente premières années de sa recherche, Blyth a buté sur les teintes saumonées. Pour arriver à 'Adorée' il a ajouté à son panel des teintes bleutées qui se devinent dans la couleur des pétales et font que ceux-ci ne sont pas franchement blancs, mais qui, sur les sépales, en recouvrant légèrement le rose saumon sous-jacent, aboutissent à un « pink » de belle apparence.

Pour obtenir enfin ce blanc/rose parfait dont il est toujours à la recherche, Blyth a du laver le bleu des pétales et, si possible, approfondir le rose des sépales.Ce n'est pas une tâche facile et l'on peut se demander si il sera un jour possible d'y parvenir. Mais la patience et la ténacité sont des traits de caractère que l'on rencontre très souvent chez les hybrideurs d'iris.

A partir de 'Adoree', donc, Blyth est parti pour de nouvelles aventures. Et ses efforts ont abouti à des choses qui ne sont pas loin de son but : 'More Please' (2015), où le rose est assez vif – et même plus magenta que rose – mais avec des pétales encore lilacés, et 'Bashful Love' (2014), qui est décrit comme : « Pétales blancs, légère trace de rose au bord ; sépales rose doux, plus clair au centre, plus foncé vers les bords. » Celui-là approche vraiment de la perfection, même si le rose, cette fois, est un peu trop pâle et plus proche du rose de 'Java Dove', mais sur une fleur moderne et copieusement ondulée.

Il était à prévoir que ce 'Bashful Love' allait être exploité sans attendre. Ce fut le cas et cela a donné 'Choose a Dream' (2017). « Pétales blanc pur, légère trace de lavande à l'ouverture ; sépales rose léger sur fond crème s'éclaircissant vers le centre, barbes mandarine vif. » Cette fois c'est le rose qui, à mon avis, tire trop vers le magenta, mais les couleurs sont bien contrastées.

Y aura-t-il une suite à cette interminable saga ? Pas pour l'instant, parmi les variétés récupérées par Thomas Johnson depuis la retraite de leur obtenteur, mais le réservoir n'est pas encore vide et l'on peut toujours espérer. Ce serait vraiment merveilleux si, parmi ces tous derniers semis, se trouvait la merveille des merveilles, celle qui couronnerait le travail de toute une vie et qui ferait mentir ceux qui disent que l'amoena rose n'est qu'une inaccessible étoile...

Illustrations : 


'Java Dove' 

'Beachgirl' 


'Bashful Love' 

'Choose a Dream'

14.6.20

GROS SUCCÈS (la fin)

Certaines dispositions des coloris rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , et elles peuvent devenir si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de celles-ci que l'on va s'attarder pendant quelques temps. Il s'agit des iris bicolores beige/pourpre. 

VII – Ailleurs... 

'Chachar' (Seidl, 2013) 

'Planeta Gloriya' (Krutchenko, 2011)

ROIS DU MONDE (DES IRIS)

Pour ceux qui s'intéressent d'un peu près au monde des iris, il y a un phénomène surprenant. En vingt ans, entre 1984 et 2003, la famille Schreiner a remporté huit fois la Médaille de Dykes américaine (1). Auparavant, depuis les origines, elle ne l'avait obtenue que trois fois (1958 avec 'Blue Sapphire', 1963 avec 'Amethyst Flame', et 1968 avec 'Stepping Out'). Depuis 2003, aucune médaille... Les meilleures choses ont une fin, soit, mais dans le cas présent quelles ont été la ou les raisons qui ont abouti à cette interruption brutale ? Je vais donner ici mon interprétation personnelle.

Dans les années 1980, c'est à dire au moment j'ai commencé à m'interesser aux iris, ceux de la maison Schreiner étaient ce qui se faisait de mieux au monde. C'est ce que j'ai compris en analysant les catalogues des pépinières françaises spécialisées. Une grande partie du fond de commerce de ces fins connaisseurs était constitué par les iris signés Schreiner.

Le travail exceptionnel de la famille Schreiner, avec un souci de la beauté, de la qualité des plantes, avait fait faire un bond en avant à l'hybridation des iris et propulsé l'entreprise au premier rang mondial. En y mettant les moyens, les Schreiner frères et sœur étaient devenus les champions du monde de leur spécialité. Au plan horticole, en réalisant chaque année un très grand nombre de croisements et en cultivant des hectares de semis, il leur était possible de pratiquer une sélection rigoureuse mais aussi de retenir un grand nombre de cultivars dignes de triompher dans tous les concours et de donner satisfaction à une multitude de clients à la recherche de plantes superbes robustes et prolifiques. Avec une régularité d'horloge, le catalogue annuel, somptueux, proposait une quinzaine de variétés nouvelles, de différents modèles, capables de donner satisfaction à tous les types de clients. On peut faire rapprochement flatteur avec la politique de la firme automobile Daimler-Mercedes : des voitures de série de grande classe, et des modèles de compétition pour la Formule I.

Et voilà qu'au tournant du siècle les iris Schreiner, toujours d'aussi belle qualité, n'ont plus été trouvé dignes des plus hautes récompenses. Les iris Schreiner ont plus ou moins disparu des listes des récompenses. Cela n'est pas le résultat d'un boycott organisé, ni celui d'un caprice de gens blasés, mais simplement les juges ont considéré que ces plantes ne sortaient plus des sentiers battus et n'apportaient plus au monde des iris la nouveauté et l'originalité qui déclenchent l'enthousiasme des grands amateurs et font progresser ce domaine de l'horticulture. Pourtant l'équipe dirigeante de l'entreprise, et les spécialistes chevronnés qui avaient créés huit fois les plus beaux iris étaient toujours là. Que s'était-il passé ?

Pour expliquer ce changement on peut avancer une double argumentation. Après huit victoires au plus haut niveau, les Schreiner ont peut-être pensé qu'ils n'avaient plus grand' chose à prouver, qu'ils pouvaient donc passer à un autre sujet et continuer le développement de leur entreprise déjà florissante, mais talonnée par celle d'une autre grande famille du monde des iris : les Cooley/Ernst. En effet cette autre entreprise, d'excellente réputation, avait choisi, sous la direction de Richard Ernst, de donner la priorité à la croissance de leur affaire. En produisant des iris de qualité, au goût du jour, mis très vite sur le marché parce qu'en stock du moindre quantité compte tenu du fait que plusieurs variétés proches les unes des autres offraient un choix plus vaste. Une politique que respectent désormais de nombreux hybrideurs de par le monde. Le catalogue Cooley ne courait pas plusieurs lièvres à la fois, mais séduisait la clientèle par une présentation riche et moderne. C'est sans doute cela qui a conduit l'entreprise au premier rang, devant la maison Schreiner ! Celle-ci, à mon avis, se devait de réagir, et elle l'a fait avec succès. Mais ce fut au détriment de la recherche en vue d'améliorer les iris hybrides. Les variétés proposées chaque année à un public conservateur mais néanmoins attiré par les nouveautés, se sont contenté de renouveler les modèles bien connus. Pendant ce temps des hybrideurs inventifs et talentueux ont pris le relais et raflé les récompenses. Avec un champion hors pairs, Keith Keppel, et quelques autres, moins puissants que les deux entreprises leaders, mais déterminés à montrer leur compétence et à se faire connaître d'une autre manière.

La compétition entre les deux familles a duré plusieurs années. Mais le destin a choisi son camp. En 2011 Richard Ernst a été emporté par un cancer de l'intestin et aucun autre membre du clan n'était en mesure de prendre la succession. L'entreprise a été démembrée, vendue « par appartements », et a laissé le champ libre aux Schreiner qui, entre temps, avaient changé de génération. Est-ce que cette dramatique péripétie a contribué au changement de stratégie des Schreiner ? On peut le penser. Toujours est-il que peu à peu les iris Schreiner sont revenus au premier plan dans les compétitions internes comme internationales. Aux USA, le renouveau a été pour 'High Chaparral' (2006), en 2012, où il s'est glissé parmi les concurrents pour la Wister Medal après avoir remporté le concours de Moscou en 2010. En 2015 ce fut le tour de 'Blueberry Parfait' (2009) et de 'Dracula's Kiss'(2009), lequel a remis ça en 2016, année où 'Black Is Black' (2010) a fait son entrée avant de recevoir la médaille en 2017 ; à Florence où ils ont souvent eu les honneurs, les Schreiner ont triomphé en 2000 avec 'Diabolique' (1997). Puis l'éclipse a duré jusqu'en 2014 où 'Drifting' (2011) a reçu le Florin d'Or, suivi en 2017 par 'Spirit Rider' (2013) ; enfin en 2019 à Munich ils se sont placés aux eux premières marches du podium avec 'Enraptured' (2016) en n° 1, 'Cybergrape' (2016) en n° 2.

De nouveau les iris Schreiner postulent pour être les rois du monde des iris.

Illustrations :

'Celebration Song' 

'Dracula's Kiss' 

'Black is Black' 

'Spirit Rider' 

(1) liste des iris Schreiner ayant obtenu la Médaille de Dykes entre 1984 et 2003 :

- 1984 = 'Victoria Falls' (Schreiner, 1977) ;

- 1988 = 'Titan's Glory' (Schreiner, 1981) ;

- 1992 = 'Dusky Challenger' (Schreiner, 1981) ;

- 1994 = 'Silverado' (Schreiner, 1987) ;

- 1995 = 'Honky Tonk Blues' (Schreiner, 1988) ;

- 1999 = 'Hello Darkness' (Schreiner, 1992) ;

- 2001 = 'Yaquina Blue' (Schreiner, 1992) ;

- 2003 = 'Celebration Song' (Schreiner, 1993).

5.6.20

ECHOS DU MONDE DES IRIS

'Bottle Rocket' et son sosie 

La variété qui a obtenu la Médaille de Dykes en 2019 est 'Bottle Rocket' (M. Sutton, 2009). Cette année Roger Duncan, décédé en janvier dernier, est l'obtenteur de 'Outside the Lines' (2020). Les deux photos ci-dessous montrent l'incroyable ressemblance de ces deux variétés, dans une association de coloris qui n'est pourtant pas fréquente. Le pedigree de 'Outside the Lines' , ('Center Line' X 'Cotillion Gown') indique une origine distallata, celui de 'Bottle Rocket', ((Connie Sue x Let's Boogie) X (Return Address' x Tropical Delight')) est beaucoup plus traditionnel et penche du côté des bicolores, en particulier des rose/bleu, mais aucun lien de parenté ne relie l'un à l'autre, au moins sur le quatre précédents niveaux. Quelqu'un est-il en mesure d'expliquer cette curieuse similitude ?



Photos d'art 

Pour qui veut admirer de superbes photos d'iris il faut visiter le site d'Iris en Périgord. Christine Cosi y a rassemblé une masse de superbes fleurs et d'excellentes photos. Ce ne sont pas de banales photos d'identité comme on en voit le plus souvent mais de véritables photos d'art. C'est le studio Hartcourt des iris !
 https://www.iris-en-perigord.com/

GROS SUCCÈS (la suite)

Certaines dispositions des coloris rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , et elles peuvent devenir si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de celles-ci que l'on va s'attarder pendant quelques temps. Il s'agit des iris bicolores beige/poupre. 

VI – Aux USA (suite et fin) 

'Razzleberry Pie' (M. Sutton, 2006) 


'Toronto' (T. Johnson, 2011) 


'Fancy Lover' (Meininger, 2010) 


'Priceless Memories' (Tasco, 2017) 


'Mosey Along' (Burseen, 2017)

LA FLEUR DU MOIS

‘Copper Classic' (Elvan Roderick, 1979)
(West Coast X New Moon)

Lorsque cette variété est apparue sur le marché, elle a fait l'effet d'une bombe. Non pas parce que la fleur était exceptionnelle d'une façon ou d'une autre, mais parce qu'elle avait une couleur éminemment originale. La description officielle est : « Late bloom. Spanish orange self ; tangerine beard.» (1) Cela ne dit pas grand' chose. Les premiers à l'avoir admiré n'en revenaient pas de la teinte à la fois franche et saturée : un orange un peu rosé, vec des reflets bruns. Mary Dunn, une amie de l'obtenteur, l'a décrit comme « toasted melon » ou « melon grillé » !

 Quelle que soit cette description, Elvan Roderick pouvait se targuer d'avoir obtenu une fleur d'une couleur inhabituelle et très séduisante. Les clients se sont précipité et la plante a connu une vie commerciale flatteuse et un parcours des honneurs tout à fait appréciable : HC en 1977 (avant d'être enregistré) ; President's Cup en 1981 ; e sur le podium de la DM en 1985, et 2e en 1986, dépassé par deux « pointures » : 'Beverly Sills' en 1985 et 'Song of Norway' en 1986.

 Les parents de ce 'Copper Classic' ne sont pas d'illustres inconnus. Côté paternel, c'est le grand iris jaune 'New Moon' qui a été utilisé, une variété qui a eu une abondante descendance avec de grands noms parmi celle-ci, comme le bel orange 'Montevideo' (Ghio, 1986). Côté maternel, 'West Coast' (Knopf, 1966), a apporté ses qualités : fleur solide, coloris jaune vif impeccable.

 Au jardin, du moins chez moi, 'Copper Classic' a été une plante de tout repos, fidèle et poussant bien, sans aucune maladie. S'épanouissant en fin de saison, elle attirait l’œil et étonnait toujours, même en étant devenue « historique » comme on dit en Amérique. Ce sont des iris comme ça qui réjouissent le collectionneur.

 En matière de descendance, 'Copper Classic' n'est pas très riche. Seulement 24 variétés portent ses gènes, et parmi les hybrideurs de renom, seuls Elvan Roderick, Mary Dunn et Joë Ghio en ont fait usage, essentiellement en vue d'obtenir des iris dans les tons de brun. Parmi ces 24 il faut retenir : 'Caliph' (Ghio, 1986) ;
'Copper Bell' (Roderick, 1989) ;
'Notable' (Ghio,1990) ;
'Scotch' (M. Dunn, 1991).
J'ajouterai pour faire bonne mesure et sortir des frontières du monde classique des iris, 'Diuna' (2009), couleur terre cuite, de la moscovite Marina Volovik.

 De nos jours ce 'Copper Classic' est devenu une variété rare. Il se trouve toujours dans la collection que j'ai transmise à l'association « Iris & Campanule » de Champigny sur Veude et en constitue une des originalités.

Illustrations : 




 'Copper Classic' 


'New Moon' 


'West Coast'


'Caliph'


'Copper Bell'

'Notable'

 'Scotch'

'CAPITOLA' ET LES ARILBREDS

Si les iris arils et arilbreds ne rencontrent pas davantage de succès, c'est uniquement parce que leur culture n'est pas à la portée des jardiniers ordinaires. Originaires de l'Asie Centrale les arils vont fleurir très tôt dans la saison et, n'étant pas ou peu résistants au gel, vot être confrontés à des conditions climatiques peu favorables. Il leur faut ensuite un été particulièrement sec et chaud. Les arilbreds sont obtenus par croisement d'espèces arils et d'autres iris barbus. C'est en espérant apporter la résistance et la facilité de culture des iris barbus aux fragiles espèces asiatiques que ces croisements ont été réalisés. On peut admettre que le stratagème à plutôt réussi. Les arilbreds ont gagné en rusticité. Un autre espoir consistait à introduire chez les iris barbus les caractères spécifiques des fleurs d'arils et en particulier leur étrange signal sombre sur les sépales, sous les barbes. Mais en l’occurrence, la greffe n'a pas complètement réussi : le fameux signal apparaît bien, dans la plupart des croisements, sur les variétés de la première génération, mais s 'estompe jusqu'à disparaître dès la seconde...

Les premières tentatives pour apprivoiser les arils et leur donner les habitudes des iris occidentaux datent de la fin du 19e siècle. C'est l'Anglais Sir Michael Foster qui s'y risqua le premier. Il fut suivi par la Maison van Tubergen, aux Pays-Bas. Malheureusement ces premiers hybrides se sont révélés stériles (en cause : un nombre impair de chromosomes) et donc sans intérêt pour le développement de l'expérience. Il a fallu attendre le début des années 1920 pour qu'apparaissent des arilbreds plus ou moins fertiles. On les appelle les iris de Mohr du fait que leur créateur fut l'hybrideur William Mohr, en Californie. Le point de départ de cette nouveauté est la variété 'William Mohr ' (Mitchell, 1923). C'est cette variété qui a donné naissance à la seule variété d'arilbreds qui ait été couronnée d'une Médaille de Dykes, le célèbre 'Elmohr' (Loomis, 1942). Elle a aussi été choisie comme parent femelle par l'Américain Frank Reinelt pour le croisement qui a donné naissance à 'Capitola' (1940) : (William Mohr X (I. iberica x I. macrantha) ).Il est amusant de constater que ce Frank Reinelt n'a enregistré que deux iris, deux arilbreds, 'Soquel' (1940) et ce fameux 'Capitola' (1940), qui porte le nom de la localité où résidait Reinelt.

 'Capitola' constitue à son tour un point de départ pour une longue et fructueuse descendance. Non pas qu'il soit fertile en tous sens, mais en tant que « pollen parent » il est exceptionnel. Un peu plus de dix croisements, réalisés par une poignée d'hybrideurs, constituent l'essentiel de sa descendance. Passons en revue les principaux :
(Pink Formal X Capitola) = 'Deep Crimson' (L. Austin, 1959), en grenat profond et barbe bronze ; (Acropolis X Capitola) = 'King David' (T. Craig, 1951), violet profond abondamment veiné de blanc ; (Cherie X Capitola) = 'Pink Mohr' (L. Austin, 1955), violet clair avec un net signal noir ; 'Pink Marble' (L. Austin, 1955), rose orchidée, sans signal ;
(Gay Senorita X Capitola) = 'Bamboo' (T. Craig,1953), mordoré veiné de rouge bourgogne ;
((Tiffany x Los Angeles) X Capitola = 'Fancy Work' (T. Craig, 1951), plicata améthyste veiné de blanc ;
(Golden Majesty X Capitola) = 'Persian Mohr' (L. Austin, 1953), superbe violet sombre marqué de brun ; 'Miss Mohr' (L. Austin, 1953), étrange fleur aux pétales lavande clair veinés de jaune et aux sépale chartreuse marqués de brun  ' Real Gold' (L. Austin, 1952), beige veiné de grenat ;
(Mariposa Mia X Capitola) = 'Engraved' (T. Craig, 1952), plicata lavande avec signal et barbes violet-noir ; 'Etching' (T. Craig, 1952), gris veiné de violet sombre ; 'Mourning Dove' (T. Craig, 1953), Gris tourterelle, veines grenat fumé ;
(Purissima x Joppa Parrot) X Capitola = 'Flairmohr' (T. Craig, 1954) , plicata à peine teinté de mauve ;
(Snow Flurry X Capitola) = 'Appian Way' (G. Plough, 1957), violet léger devenant plus sombre sous les barbes ; 'Eastmont', (G . Plough, 1955), rare violet pur, même les barbes ; 'Clementina' (L. Austin, 1954), bleu lavande veiné de sombre ; 'Mohr Elegance' (L. Austin, 1953), lavande uni ; 'Frances Craig' (T. Craig, 1952), bleu lavande uni, l'un des plus jolis ; 'Puff' (T. Craig, 1952), blanc grisé uni ; (Purissima X Capitola) = 'Bluing' (T. Craig, 1951), bleu pur ; 'Bonita Blue' (L. Crosby, 1952), bleu turquoise, veiné de sombre ; 'Cerulean' (T. Craig, 1950), unicolore bleu ciel ; 'Crystal Clear' (T. Craig, 1951), bitone bleu turquoise ; 'Glacier Mohr' (L. Crosby, 1956), unicolore bleu-gris ; 'Mary Valentine' (T. Craig, 1952), plicata léger dans les tons de bleu-gris : 'Nevermohr' (T. Craig, 1955), indigo profond, veiné de noir.

Cette liste n'est pas exhaustive mais elle concerne les variétés les plus remarquables et les hybrideurs les plus connus. On constate d'abord que le même croisement a été réalisé par plusieurs hybrideurs, ce qui n'est pas fréquent, ensuite que la période au cours de laquelle ces croisements ont eu lieu est très brève, à peine une décennie. L'engouement a donc été certain mais de courte durée. L'explication en est que les cultivars obtenus se sont révélés stériles ; poursuivre des efforts sans espoir manque par trop de réalisme...

Quoi qu'il en soit, l'épisode 'Capitola' est un fait marquant de l'histoire de l'hybridation. Tom Craig, Lloyd Austin et les quelques autres qui se sont lancé dans l'aventure n'auront pas vraiment été récompensés de leurs efforts, mais du moins les variétés qu'ils ont sélectionnées sont-elles de beaux iris, avec les qualités et les défauts de leurs origines. Aujourd'hui, presque soixante-dix ans après leur création la plupart de ces variétés ont à peu près disparu, vaincues par le faible intérêt qu'elles ont suscité chez les amateurs d'iris autant que par leur stérilité.

 Illustrations :

'Capitola'

'William Mohr'

'Frances Craig'

'Persian Mohr'