29.1.16

PRODUIT DE FRANCE

Depuis l'année 2000 nos compatriotes n'hésitent plus à enregistrer les produits de leurs hybridations. Cela nous vaut une abondance de nouvelles variétés dont la qualité progresse d'année en année. De nombreux nouveaux hybrideurs se font ainsi connaître et pendant quelques semaines nous allons leur rendre hommage en publiant les photos de leurs plus belles réalisations. 

L'année 2000 

Sans négliger les nouveautés remarquables de Richard Cayeux, dont on parlera une autre fois, faisons une place au travail d'obtenteurs moins connus.


'Arlette Dalvard' (G. Dalvard, 2000) - Chartreuse Ruffles X Warm Gold 


'Coeur d'Hiver' (M. Bersillon, 2000) - Edge of Winter X Pledge Allegiance 


'Gladys Clarke' (L. Ransom, 2000) - Desiris X Halo in Pink 


 'Tiphaine François' (J.J. François, 2000) - Jean Hoffmeister X inconnu

MORTEL IRIS

à la manière de Fred Vargas (une enquête du commissaire Adamsberg)

 Au lieu de marcher dans l'allée, comme tout le monde, Adamsberg avançait dans l'herbe du bas-côté. Sentir la terre sous ses pieds était un de ses plaisirs : cela lui rappelait les randonnées dans ses Pyrénées natales. Danglard, lui, traînant un peu les pieds, comme d'habitude, suivait l'allée cimentée. Ils avaient abandonné la voiture de service sur le parking, largement vide à cette heure matinale, et se dirigeaient vers le jardin d'iris en suivant le fléchage planté au bord des allées. Le parc floral de Vincennes était encore presque désert et on rencontrait plus d'employés en vélo que de visiteurs. Arrivés à une bifurcation, les deux policiers s'arrêtèrent, le cheminement n'était plus clairement indiqué. Danglard montra la direction de droite en tendant mollement son grand bras. « Par là, dit-il, j'aperçois des iris, là, à droite ». Toujours piétinant dans l'herbe, Adamsberg suivit son adjoint. Comme en bien d'autres matières, il admettait volontiers son ignorance de la botanique. C'est tout juste s'il était capable de distinguer un iris d'une giroflée. Mais si Danglard disait avoir vu des iris, il lui faisait confiance. Sur leur droite il y avait effectivement une plantation d'iris. Danglard s'approcha, se pencha vers une fleur pour déchiffrer l'étiquette disposée à son pied et se redressa en disant : « On n'est pas encore au bon endroit, ici ce sont des variétés anciennes et on est venu pour un concours de nouveautés. » Adamsberg restait toujours confondu devant l'érudition du commandant Danglard. Il s'attendait d'ailleurs à ce que son collaborateur lui explique la différence entre une variété ancienne et une nouveauté. Il avait l'habitude de ces longues digressions et, ce matin, n'écouterait que d'une oreille distraite les savantes explications. Il était là pour une suspicion de crime, et c'est cela qui occupait présentement son esprit.

Danglard fit signe à un agent du parc qui passait par là. L'homme en uniforme vert foncé lui montra, un peu plus loin, un petit attroupement qui s'était formé sous de grands arbres. Le commissaire Adamsberg prit la suite du commandant et ils s'approchèrent du petit groupe. Les ayant aperçu, un homme se détacha et vint à leur rencontre. On doit vraiment avoir des airs de flics, pensa Adamsberg, pour qu'on nous repère d'aussi loin.

Malgré sa tenue décontractée – bien qu'on soit en mai et que la température soit plutôt fraîche, il était vêtu d'un bermuda kaki et d'une chemisette à grosses fleurs bariolées – l'homme affichait une mine grave.
« Vous êtes de la police, demanda-t-il, dès qu'il fut à la portée des deux visiteurs ? Je suis le Président de la société qui organise le concours.
Oui, répondit Adamsberg, Police Nationale. Je suis le commissaire Adamsberg, et voici le commandant Danglard.
Je suis bouleversé, reprit le Président. Quelle affaire ! »
Il avait une voix profonde et un fort accent du Sud-Ouest, qui plut immédiatement à Adamsberg, le Pyrénéen.

Un autre personnage s'avançait à son tour, petit, rondouillard, on sentait en lui, dès le premier contact, l'homme jovial et bon vivant mais pas forcément très distingué. Il connaissait visiblement les deux arrivants, qu'il salua chaleureusement. Danglard eut même droit à une bourrade amicale dans l'épaule qui n'eut pas l'air de lui faire tellement plaisir.
« Salut, Coulomb, lui dit Adamsberg, raconte-nous ce que tu as appris.
Curieux ! répondit le dénommé Coulomb. Le mec qui est clamsé était un des membres du jury, le doyen, même, quatre-vingts balais, il paraît qu'il était fortiche en matière d'iris.
Tu m'expliques ce qu'il faisait là ?
Il y a un concours d'iris. Des gars qui cultivent des iris, de partout dans le monde, ont envoyé ici un certain nombre de leurs créations, et un jury de spécialistes les examine et va leur délivrer un prix à la fin de la semaine. C'est, parait-il, un concours très prisé, et des gens viennent de partout pour y assister.
Et ton client est mort dans quelles circonstances ?
Il faisait son boulot. A un moment, les juges doivent apprécier le parfum des fleurs. Il s'était penché sur l'une d'entre elles pour la sentir, et il s'est écroulé, le pif dans la glèbe !
Crise cardiaque ?
Ben non, justement, le légiste est affirmatif, il parle d'une mort par absorption d'un poison qui aurait été vaporisé sur les fleurs ! Il en a récupéré plusieurs, qu'il va faire analyser.
Les prix attribués valent le coup ? s'enquit Danglard.
Pas du tout ! intervint le président en bermuda. Il n'y a aucun argent à gagner. Il n'y a que du prestige à retirer de cette compétition. Et les juges sont tous bénévoles. Tenez, commissaire, voici d'ailleurs la Présidente du Jury. Elle est américaine et vient de l'Arizona. »

Une dame s'approchait, coiffée d'une capeline jaune, et serrée dans un pantalon de toile blanc. Elle portait des lunettes de soleil sur un visage rond et avenant : une silhouette typiquement américaine. Le Président à l'accent occitan fit les présentations. Adamsberg, nul en anglais, se contenta de saluer sobrement, mais Danglard montra tout de suite ses dons pour la langue de Shakespeare. La dame américaine, malgré la gravité de la situation, fut sensible à cette attention qui lui évitait la perspective de baragouiner dans un idiome dont elle ne connaissait que quelques mots.

Sitôt les mondanités terminées, Danglard, très à l'aise malgré son costume de flanelle gris souris un peu fatigué, se chargea d'interroger les juges étrangers, à commencer par la Présidente. Adamsberg se contentait de circuler parmi les rangées de fleurs. Les iris étaient plantés deux par deux, sur de longues plate-bandes sinueuses. La plupart se trouvaient en fleur, mais certains, qui avaient mal poussé, restaient à l'état de plantes chétives, quelques-uns étaient morts et laissaient un espace vide parmi leurs frères, exubérants. Consigne avait été donnée de ne pas se pencher pour humer les fleurs et plusieurs membres de l'association, reconnaissables au badge qu'ils arboraient, répétaient l'interdiction aux amateurs qui s'approchaient sans être au courant du drame qui s'était déroulé là il y a moins de deux heures. Alors qu'à chaque fois qu'il retournait dans la vallée d'Aspe, Adamsberg parcourait des kilomètres à pied dans les prairies pyrénéennes, appréciant avec volupté la nature autour de lui, dans ce parc apprêté, méticuleusement tondu et ratissé, il n'éprouvait rien. Les grandes fleurs somptueuses qu’il côtoyait à cet instant le laissaient absolument indifférent. Il lui était arrivé tant de fois de faire face à des situations extravagantes, de côtoyer des individus tellement étranges, que la mort d'un renifleur de fleurs ne lui faisait ni chaud ni froid. Il s'intéressait, en fait, à la physionomie des personnes présentes, à leur accoutrement, à leur démarche, à leur attitude... Dans le carnet qu'il avait tiré de sa poche il griffonnait de temps en temps un mot, une courte phrase, une réflexion, sans ordre apparent. C'est dans son esprit que les éléments allaient prendre leur place, leur inscription n'était qu'un aide-mémoire.

 Il s'arrêta un instant pour croquer d'un coup de crayon acéré le portrait d'un gros monsieur à l'air extrêmement affairé, qui prenait cliché sur cliché de la fleur fatale au vieux juge. Il revint auprès du Président et lui demanda :
« Vous connaissez ce personnage, là-bas ? Le gros homme armé d'un appareil -photo de professionnel. »
 (…)

Illustrations : 


le vainqueur du concours ; 


Tout est prêt pour le concours.

22.1.16

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Cook-Lapham Bowl. 

Voilà une récompense bien oubliée. Ayant eu connaissance de son existence dans les années 1960, j'ai demandé à Keith Keppel, avec qui je correspond assez régulièrement, de me renseigner à son sujet. Voici ce qu'il m'a répondu : « Il fut un temps (dans les années 1960, semble-t-il) où furent créés de nouvelles récompenses basées sur les groupes de couleurs. Il y avait le Cook-Lapham Bowl pour les iris rouges, la Clara B. Rees Cup pour les meilleurs blancs. Il est apparu qu'il aurait fallu créer d'autres récompenses spéciales pour honorer d'autres cas particuliers, c'est pourquoi le Bureau des Directeurs a décidé d'abandonner ces récompenses-là.(1) »


 La Maison Schreiner a trusté cette récompense :
1964 = 'Jungle Fires' (1960)*
1966 = 'Gypsy Jewels' (1963)*
1967 = 'Frontier Marshall' (1965)*
1968 = 'Jewel Tone' (1966)*
1969 = 'War Lord' (1968)
1970 = 'Fireball' (1967)*
1972 = 'Post Time' (1971)*

(1) Texte original :
At one time (back in the 1960's?) there were new awards initiated based on color groups.  There was the Cook-Lapham Bowl for reds, the Clara B. Rees Cup for the best white.  It appeared that more special awards might be proposed  to honor other individuals, and the Board of Directors decided it would get out of hand.  So, these "special" awards were discontinued.

* = illustré

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Luigi Mostosi 

Voici le message posté cette semaine par Augusto Bianco :
« Una lacrima e un ricordo affettuoso per Luigi Mostosi che ci ha lasciati nel 2015. »
Une larme et un souvenir affectueux pour Luigi Mostosi qui nous a quitté en 2015.

Luigi Mostosi a participé au concours Franciris 2007 et où son iris 'Arcobaleno' a obtenu le prix de la variété la plus parfumée, et était inscrit pour le concours de 2013 (qui n'a pas pu avoir lieu). Il a enregistré 26 variétés de grands iris.

Il demeurait dans la petite ville de Torre Boldone, commune voisine de Bergame, au pied des Alpes, à l'est de Milan.

'Arcobaleno' (Mostosi, 2003) - Sky Hooks X Conjuration. 

'Villa Monastero' (Mostosi 2008) - (Conjuration x Cabaret Royale) X (Conjuration x Cabaret Royale).

HONNEUR À JOË GHIO

Terminons aujourd'hui notre hommage à Joë Ghio.

 Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous.

Douzième épisode : de toutes les couleurs.
Sans doute le domaine de prédilection de notre héros. Toujours richement colorés ses iris polychromes sont particulièrement originaux.
Pour terminer ce large tour d'horizon qui dure depuis douze semaines, offrons-nous le plaisir d'admirer six superbes iris :


'Act of Kindness' (2000) - Mandela X (Lanai sib, x Fashion Designer) 


 'Engagement Ring' (2010) - (Marching Band sib, x Pop Idol sib) X (((Brave Face x (Impulsive sib, x Dear Jean)) x (semis x Seakist)) x Comfortable sib) 


'Expect Wonders' (2008) – Parents inconnus 


'Photogenic' (2005) - Chasing Rainbows X pollen parent of Novel Idea 


 'Plot Line' (2010) - (((Pennant Fever x inconnu) x Gilt Trip) x (Peaches and Dreams x (Tropical Magic x Natural Blond sib))) X ((((Impulsive x Ocelot) x Revere sib) x (semis x Original Art)) x Decadence) 


 'Super Hero' (2011) - (((Pennant Fever x inconnu) x (Dear Jean x Revere)) x (Halloween Trick pollen parent sib, x ((Night Game x (inconnu x Connection sib)) x (((Affaire x Romantic Evening) x Connection) x Starring)))) X (semis x ((Novel Idea sib, x Exposé) x Decadence))

CEUX QUI L'ONT RATÉE

Deuxième partie 

 Perry Dyer trouve toutes les qualités à 'Going my Way ' (J. Gibson, 1972) et déplore vivement son éviction. Il est vrai que c'est un splendide plicata violet sur fond blanc, tout à fait classique, mais robuste et florifère. La cause de sa relativement modeste performance dans la course aux honneurs proviendrait de l'ombre que lui aurait fait un autre iris de Jim Gibson, 'Kilt Lilt', de deux ans son aîné, et sacré DM en 1976. Notre auteur trouve à cette variété tous les défauts possibles, et considère que c'est la DM de tous les temps la plus injustement attribuée ! La vrai raison de l'échec de 'Going my Way' est-elle celle-là ? Il est bien difficile de le dire, mais on note que quelques années plus tard, deux plicatas non moins traditionnels, 'Jesse's Song' (Williamson, 1983), puis 'Everything Plus' (Niswonger, 1984) seront successivement couronnés.

 'Joyce Terry' (Muhlestein, 1974) est le malchanceux suivant de la liste de Perry Dyer. Il n'attribue pas son échec au fait que Muhlestein ait précédemment obtenu la DM, avec 'Swan Ballet' (1953) – mais, vingt ans après, aurait-ce été possible ? -. Il vante les mérites de 'Joyce Terry' en ces termes : « Vision de santé, ce brillant jaune aux sépales blancs largement bordés de jaune, demeure populaire aujourd'hui, quarante ans après son introduction. » C'est absolument vrai, mais le fait que de très nombreuses variétés présentent ce modèle n'aurait-il pas fait une contre-publicité à cet iris au demeurant tout à fait digne de la médaille ?

Plus surprenant est le choix de 'Holy Night' (Ken Mohr, 1983) parmi les variétés qui ont loupé la dernière marche. Aux USA il a connu un éclatant succès, mais chez nous, cet iris est presque inconnu, je ne suis même pas certain qu'il ait été commercialisé en France. Cela ne veut pas dire qu'il ne s'agit pas d'un excellent iris, mais de là à le considérer comme injustement écarté, il y a une ligne que je ne franchirai pas !

L'absence de 'Touche' (Hamblen, 1969)est beaucoup plus regrettable. Dyer a raison de dire : « Pour moi, je considère que 'Touche' est la plus belle contribution (de Melba Hamblen) au domaine des grands iris, avec cette brillante combinaison de pétales d'un rose abricot doux et de sépales lavande lilacé, complétée de barbes rose crevette. » J'ajouterai que, d'une façon générale, le travail de Melba Hamblen a été largement sous-apprécié par les juges, et les places d'honneur de 'Orange Parade' (1959) dans les années 1960, puis de 'Extravagant' (1983) en 1991 ne sont pas suffisantes.

Voici ce que Perry Dyer dit de son dernier grand iris mal noté. « (Ron Mullin) a pratiqué l'hybridation pendant plusieurs années, mais il a été si critique vis-à-vis de son travail qu'il lui a fallu un iris du calibre de 'Rhonda Fleming' (1993) pour se convaincre lui-même de ce qu'il devait commencer à partager ses remarquables créations avec le reste du monde des iris. Totalement différent des autres plicatas, c'est un plicata blanc marqué de lilas avec une forme impeccable, de larges pétales et de gracieuses ondulations. » Il est parvenu jusqu'à la Wister Medal (en 1999), mais n'a pas pu aller plus loin : 'Stairway to Heaven' (Lauer, 1993), puis 'Yaquina Blue' (Schreiner, 1992) lui ont barré la route.

Quelques iris autres que des TB figurent aussi dans la liste de Dyer. Parmi ceux qu'il cite, je retiens 'Rare Edition' IB (Gatty 1980), plicata splendide, parce que j'apprécie particulièrement le travail de Joseph Gatty et que, comme dans le cas de Melba Hamblen, je considère qu'il n'a pas été récompensé à sa juste valeur. Il y a aussi le cas de 'Bumblebee Delite' MTB (Norrick, 1986) qui est arrivé par trois fois en seconde position pour la DM (1994, 1995 et 1996) mais n'est pas allé plus loin du fait, à mon avis, de l'ostracisme des juges à l'égard des iris autres que TB. Enfin, bien que je ne connaisse pas bien le sujet, je regrette l'exclusion de 'Ann Chowning' LA (F. Chowning, 1976) parce que cette sorte d'iris, la plus populaire après les TB, aurait dû depuis longtemps être distinguée au plus haut niveau.

J'ajouterai trois variétés qui, à mes yeux, auraient mérité de recevoir la DM. Je pense à 'Batik' (Ensminger, 1981) qui fait partie de ceux qui ont buté sur le dernier degré. Parce que c'est une plante excellente au jardin, parce que le modèle « broken color » n'a encore jamais été honoré, et parce que 'Honky Tonk Blues', sacré en 1995, tout valeureux qu'il soit, n'a rien apporté à la gloire de la maison Schreiner. Je pense aussi à 'Clarence' (Zurbrigg, 1991) qui est une variété formidable à tous points de vue (qualités horticoles, originalité et intérêt génétique), et parce qu'il eut été dans l'ordre des choses qu'un obtenteur comme Lloyd Zurbrigg, infatigable chercheur en matière de remontance, ne soit pas oublié lors de la distribution des prix. Enfin je pense à 'Starring' (Ghio, 2009) qui constitue une avancée majeure dans un coloris difficile et qui fait partie des obtentions de Joë Ghio les plus fiables. N'oublions pas que, malgré leur réputation de délicatesse, les iris de Ghio sont des fleurs de forme parfaite qui s'imposent dans toute une série de coloris.


Tout ce qui précède démontre qu'une compétition, quelle qu'elle soit, n'est pas à l'abri d'une injustice ou d'un malencontreux oubli. Car, si l'on n'a qu'une place à attribuer, le choix ultime relève souvent du hasard, ou d'infimes concours de circonstances qui vont faire nécessairement des malheureux.

Illustrations : 


 'Holy Night' 


'Rare Edition' 


'Ann Chowning' 


'Clarence'

15.1.16

HONNEUR À JOË GHIO

Continuons notre hommage à Joë Ghio.

Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous. 

Onzième épisode : vous voulez des variegatas ? 
 On en trouve chez Ghio, et de très beaux, souvent avec une richesse de contraste saisissante. Témoins :

 'Explicit' (2004) - Pennant Fever X inconnu 


'Latte' (2008) - New Day Dawning X ((((Affaire x Romantic Evening) x Connection) x Starring) x inconnu) 


'Spectacle' (2010) - Accessible sib, X ((Novel Idea sib, x Exposé) x Decadence) 


'Upper Hand' (2004) - Ransom Note X Lenten Prayer

CEUX QUI L'ONT RATÉE

Dans toute compétition il y a des gagnants et des perdants. La bataille pour la Médaille de Dykes n’échappe pas à cette règle. Et puisqu'il ne faut qu'un vainqueur chaque année, on rencontre forcément des variétés qui auraient mérité d'être distinguées, mais qui sont restées sur le carreau. L'hybrideur – et juge – américain Perry Dyer, qui prend part à la compétition depuis maintenant quarante-trois ans, en a fait la constatation et a rapporté ses commentaires dans le numéro 94/4 (quatrième trimestre 2013) du Bulletin de l'AIS. À la traduction de certains de ses propos, j'ai ajouté mes propres opinions sur le sujet.

 Il a commencé son analyse avec 'Snow Flurry' (C. Rees, 1939). Cette variété exceptionnelle n'a, en effet jamais dépassé le stade de l'Award of Merit dans la course aux honneurs. Aujourd'hui tout le monde s'accorde à dire qu'il s'agit d'une injustice criante car : « À y regarder de nos jours, c'est difficile de croire que c'est cette variété qui a accompli une révolution chez les iris grâce à l'adjonction des ondulations. Si un cultivar, aujourd'hui, présente de riches ondulations, il y a des chances pour que son lignage remonte jusqu'à 'Snow Flurry'. » Alors, pourquoi les juges lui ont-ils préféré, dans le début des années 1940, des variétés comme 'Prairie Sunset' (H. Sass, 1939 – DM 1943) ou 'Spun Gold' (Glutzbeck, 1940 – DM 1944) qui n'ont apporté aucun progrès sensible dans l'hybridation ? Et puisqu'il n'y a pas eu de DM en 1946, était-il trop tard pour distinguer alors ce 'Snow Flurry', à la fois joli et important ?

 La seconde variété dont Perry Dyer déplore l'échec s'appelle 'Ballerina' (Hall, 1951). Il dit, à son sujet :  « Dave Hall était réputé pour son travail sur les « rose flamand », et ses iris étaient bien distribués et recevaient une bonne publicité de leur distributeur Cooley's Gardens (Oregon). 'Ballerina' était un descendant de 'Cherie' (Hall, 1948 – DM 1951). Pour moi c'était le meilleur. Quand vous voyez ces roses voluptueux, abondamment ondulés que propose Joë Ghio aujourd'hui, dans la plupart des cas leur héritage vient du travail de Hall. » Cependant les bénéficiaires de la DM au moment où 'Ballerina' est entré dans la compétition n'ont pas démérité et on ne peut pas contester le choix des juges. 'Ballerina' s'est heurté à de valeureux concurrents, il a perdu, c'est malheureux pour lui...

 Le troisième malchanceux (les variétés sont classées par ordre chronologique) est 'Emma Cook' (Cook, 1959). Dans son cas on ne peut que constater qu'à cette époque le niveau des candidats à la DM était très élevé. Pour en juger, voici la liste des lauréats :
1962 = 'Whole Cloth'
1963 = 'Amethyst Flame'
1964 = 'Allegiance'
1965 = 'Pacific Panorama'
1966 = 'Rippling Waters'.

Quand il y a trop de candidats, il y a forcément des déceptions et des injustices. 'Emma Cook' fait effectivement partie de ceux qui sont dans ce cas. « Avec une base de couleur claire et, sur les sépales, un fin filet de couleur contrastante plus sombre, 'Emma Cook', en blanc liseré de bleu, se retrouve aujourd'hui chez 'Queen's Circle' (Kerr, 2000), » médaillé de Dykes en 2007 ». Comme dit Perry Dyer, « Ce modèle qui fut très populaire au moment de l'apparition de 'Emma Cook', a connu une accalmie mais est revenu maintenant sur le devant avec une multitude de bordures et de halos de toutes sortes de couleurs. »

 'Cup Race' (Buttrick, 1963) est la quatrième variété classée parmi les oubliés de la DM. Dyer le décrit comme une victime de la compétition entre la côte Ouest et la côte Est des USA. 'Cup Race ' est originaire de la côte Est – de Concord, Massachusetts exactement – mais il a été enregistré la même année que 'Winter Olympics' (O. Brown, 1963), qui est également une superbe fleur blanche. Pour son malheur, il se trouve que 'Winter Olympics' provient de la côte Ouest – de l'Oregon -, et que de ce fait, au pays des plus grands producteurs, il a pu être beaucoup plus largement distribué que son concurrent. Ce qui lui a valu plus de votes... Le commerce fait partie des éléments de la course aux honneurs. Quoi qu'il en soit 'Cup Race' n'a pas démérité. Il a terminé la compétition à la seconde place, mais « il n'a jamais pu franchir la dernière haie. »

Le cas de 'Lemon Mist' (Rudolph, 1972) est un peu différent. Perry Dyer explique que Nathan Rudolph fait partie des hybrideurs de la région de Chicago, tout comme Paul Cook ou David Hall, et qu'il y a tenu sa partie dans l'expansion du monde des iris. Il attribue l'échec de 'Lemon Mist' non pas à la qualité et la beauté de la fleur, mais au fait que la plante est un peu capricieuse et souffre de souvent s'éteindre après sa floraison (bloom-out). Cette réputation lui aurait été fatale.

 L'histoire de 'Country Manor' (Eleanor Kegerise, 1973), le suivant dans la liste de Perry Dyer, vaut la peine d'être reprise telle que ce dernier la décrit. « L'histoire des sœurs Kegerise est fascinante. Toutes les deux (Evelyn et Eleanor) ont épousé deux frères, en Pennsylvanie. Toutes les deux hybridaient les iris, vivaient à quelques kilomètres l'une de l'autre, est avaient l’œil pour sélectionner les meilleures variétés. 'Country Manor' en est une, d'une teinte crème vraiment élégante, issue de 'Cup Race' croisé avec deux vainqueurs de la DM ('Swan Ballet' (Muhlestein, 1955) et 'Rippling Waters' (Fay, 1961). Avec un tel royal lignage vous pouvez espérer le meilleur. Et c'est ce qui s'est produit. » Le parcours de 'Cup Race' a été un sans faute jusqu'au niveau de l'AM, mais il n'a pas réussi à aller plus loin... Encore une victime de la lutte Est/Ouest ?
(à suivre)

Illustrations :


- 'Ballerina'


- 'Cup Race'


- 'Country Manor'


- 'Lemon Mist' 

10.1.16

UN PEU DE RETARD

Un peu de retard, cette semaine. Et pas d'excuses !

HONNEUR À JOË GHIO

Continuons notre hommage à Joë Ghio. Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous. 

Dixième épisode : vers les amoenas. 

En matière d'amoena, Joë Ghio donne essentiellement dans les teintes contrastées ; mais il a obtenu aussi d'excellents amoenas inversés. Quatre exemples :

'Applause Line' (2004) - (Starring x About Town) X ((Vizier x (Regimen pollen parent, x sib to Different Flavors pollen parent) x Starring)) 


'Glimpse' (2011) - Discovered Treasure X (((((Impulsive sib, x Dear Jean) x Revere sib) x (Brave Face x semis)) x Pop Idol sib) x (Pop Idol x ((semis x ((Affaire x Romantic Evening) x Ocelot)) x Novel Idea sib))) 


'Perfect Couple' (1983) - (Surf Rider x (Sea Venture x Mystique)) X (Crushed Velvet x Intuition) 


'Starring' (1999) - (Notorious x ((Success Story x (Fancy Tales x Alpine Castle)) x ((Persian Smoke x Entourage) x ((Strawberry Sundae x (Artiste x Tupelo Honey)) x Borderline sib)))) X Romantic Evening 

LE MOIS DU BLANC

Il fut un temps où, pour succéder à la période des fêtes en attirant les clients vers un autre sujet, les maisons de vente par correspondance, comme La Redoute ou Les Trois Suisses, proclamaient le mois de janvier « mois du blanc » et faisaient la promotion des draps et des serviettes. Psychologiquement cela correspondait aussi à ce que l'on imagine pour un mois d'hiver comme janvier : le givre et la neige. De nos jours le blanc a pris des couleurs, comme si le réchauffement climatique et l'absence de gel avait une influence sur le linge de maison.

Chez les créateurs d'iris aussi le blanc a une connotation hivernale. Nombre de variétés de couleur blanche portent des noms où apparaissent les mots Noël (ou Christmas), Neige (ou Snow) et Hiver (ou Winter) et tout ce qui s'en rapproche ou s'y rapporte. Puisque l'on est en janvier, il peut être intéressant de faire un tour chez les iris immaculés.

Si l'on veut connaître la genèse des iris blancs il faut se référer à ce qu'en dit « The World of Irises » de Keppel et Hamblen, ouvrage qui n'a toujours pas de remplaçant plus moderne. Voici ce qui est dit à ce sujet : « Ce n'est qu'après l'introduction en Europe des tétraploïdes asiatiques que sont apparus les iris blancs dominants. » Leur beauté et leur vigueur a eu tôt fait de leur faire prendre la place des anciens diploïdes (et récessifs) autochtones. On peut situer l'origine de la plupart des iris blancs contemporains à la variété anglaise, issue de l'espèce I. mesopotamica, 'Kashmir White' (Foster, 1912), à l'un de ses descendants immédiats, 'Argentina' (William Mohr, 1923), et plus encore au fils de celui-ci, 'Purissima' (Mohr-Mitchell, 1927). L'arbre généalogique établi à partir de ces plantes fait apparaître presque tout ce que le monde des iris compte de variétés blanches. On y trouve tout d'abord 'Madeira Belle' (Quadros, 1970), 'Cup Race' (Buttrick, 1963) et 'Patricia Craig' (Tom Craig, 1962). Les variétés suivantes descendent toutes, en plus, de l'illustrissime 'Snow Flurry' (Rees, 1939) qui est un enfant de 'Purissima' : 'Arctic Fury' (Benson, 1964), 'Winter Olympics' (Opal Brown, 1963), 'Angel Choir' (Schliefert, 1970), 'Flight of Angels' (Terrell, 1968), 'Angel Unawares' (Terrell, 1970), 'Wedding Bouquet' (Buttrick, 1951) ainsi qu'une multitude d'autres moins célèbres.

A peu près tous les iris blancs proviennent de croisements entre deux blancs ou entre un blanc et un bleu. C'est le cas de toutes les variétés citées ci-dessus. Mais on trouve aussi des blancs issus d'iris jaunes ou roses. Ce sont cependant ce qu'on pourrait appeler des cas particuliers, et il en est ainsi de 'Christmas Angel' (DeForest, 1959) ou de 'White Lightning' (Gatty, 1974) qui vient du jaune 'New Moon'.

« The World of Irises » consacre un paragraphe à une sorte d'iris blancs très intéressante, ceux qui portent une barbe rouge (ou orangée). Il est vrai que la présence de cette barbe vivement colorée apporte une touche de piquant que n'ont pas les variétés entièrement blanches. Le point de départ de cette lignée se trouve chez Orville Fay, dans les années 1950/1960 et concerne 'Lipstick' (1957) et surtout 'Arctic Flame' (1960).

Aujourd'hui, dans le coloris blanc comme dans tous les autres, toutes les origines sont confondues car des croisements sont intervenus dans tous les sens. Cela complique évidemment le travail de l'hybrideur qui doit, lorsqu'il veut travailler dans une direction précise, effectuer des recherches généalogiques approfondies. Les variétés qui sont citées ci-dessus datent pour la plupart des années 1960/1970. Elles constituent le socle de l'hybridation contemporaine et quand on établit l'arbre généalogique d'une variété actuelle en particulier on aboutit nécessairement à l'une au l'autre des variétés de ce qu'on peut appeler l'époque classique (les sixties et seventies). Prenons le cas du blanc 'Christmas' (Gatty, 1990). Deux générations auparavant on découvre 'Social Whirl' (Ghio, 1974) qui est un fils de 'Patricia Craig'. Autre exemple : 'Christmas Eve' (Bob van Liere, 2009), blanc à barbe rouge, à la première génération il y a 'Jersey Bounce' (Keppel, 2000), à la génération précédente (c'est à dire dans le pedigree de 'Jersey Bounce') se situe 'Lyrical' (Gatty, 1977) qui est un descendant de 'White Lightning'. 'Gwennaden' (Madoré, 2001) est une variété à laquelle je tiens beaucoup. 'Scandia Delight' (Schreiner, 1989) est son géniteur. Il a pour origine 'Cup Race'. Dernier exemple : 'Christmas Ice' (Schick, 2006). Il ne faut pas chercher bien loin pour découvrir qu'il descend de 'Crystal Flame' (Bennett Jones, 1967) qui est lui même un blanc à barbe rouge de l'époque que j'ai qualifiée de classique.

On pourrait multiplier les exemples. Mais point trop n'en faut ! Pour ne pas déroger à la tradition du mois du blanc, contentons-nous de ces agréables cultivars blancs comme un linge qui font le bonheur de ceux qui les possèdent.

Illustrations : 


 'Winter Olympics' 


'Christmas' 


'Christmas Eve' 


'Christmas Ice'

1.1.16

BONNE ANNÉE !

À tous les lecteurs de Irisenligne je souhaite une bonne année 2016.

HONNEUR À JOË GHIO

Continuons de rendre un hommage à Joë Ghio. Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous. 

Neuvième épisode : plicatas.

Sans être son domaine de prédilection, les plicatas ont toujours intéressé Joë Ghio, surtout ceux qui tournent autour des tons grenat ou amarante.


'Bubble Bubble' (2004) - ((Select Circle x Laugh Lines) x (Rocket Master x Baltic Star)) X ((Rocket Master x Baltic Star) x (Select Circle x Epicenter)) 


'Double Vision' (1998) - ((((((Handiwork x (Gay Parasol x Mystique)) x Goddess) x (Gem of Sierra x ((((Ponderosa x Honey Rae) x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Osage Buff) x (Vanity x Anon)))) x (Indiscreet x Columbia the Gem)) x Filibuster sib) x Epicenter) X (Spirit World x (Chatter sib x (semis x (Desert Fox x Shenanigan)))) 


'Indiscreet' (1987) - Gigolo X (((((Ponderosa x Honey Rae) x (((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x (New Moon x Ponderosa))) x Osage Buff) x (Vanity x Anon)) x ((Flareup x Osage Buff) x (Vanity x Anon))) 


'Wedding Night' (2008) - Inside Track X Bubble Bubble

OMBRE ET LUMIÈRE

On parle abondamment de nos jours des variétés dites "luminata", un peu moins de celles qualifiées de "umbrata". Dans les deux cas on est en présence d'une forme particulière de répartition des pigments anthocyaniques sur les sépales. Le premier type désigne une fleur où ces pigments s’étalent sur le plat des sépales, en laissant vierges les barbes, les épaules ainsi qu’une zone plus ou moins vaste sous les barbes, et vont en s’estompant plus ou moins autour des veines, en fonction de la virulence des gènes inhibiteurs du développement de l’anthocyanine. Le second type désigne des iris dont la couleur générale est claire, essentiellement aux pétales, mais aussi sur la partie extérieure des sépales, avec au centre de ces derniers une large tache de couleur sombre; un peu comme ce que l'on voit sur les iris arils oncocyclus qui ont pour caractéristique de porter à cet endroit un "signal" plus ou moins large tirant sur le noir, ou tout au moins sur le marron foncé.

Keith Keppel, dans un article dont la traduction a été publiée ici en 2004, écrit ceci: "Chez les luminatas il y a un étalement de couleurs (celles qui sont solubles dans l’eau comme chez les plicatas), sur le plat des sépales. Il y a une tendance à ce que cet étalement soit plus léger, voire absent dans les parties veinées. Il y a une tendance à ce que le bord des pétales soit dépourvu de pigments hydro-solubles. C’est tout à fait évident chez des variétés comme 'Spirit World', très difficile à distinguer chez d’autres. Il y a toujours une surface bien déterminée autour des barbes où il n’y a pas un seul pigment hydro-soluble, pas un seul point, et les barbes n’ont aucune trace de bleu ou de pourpre." A propos des "luminatas" moderne Keppel ajoute : "Les veines claires sur des sépales presque complètement colorés se transforment en larges bandes ou veines, avec des îlots de pigment plutôt qu’une véritable pigmentation."

C'est là la description très précise d'un maître en la matière. Un autre exégète de l'irisdom, Chuck Chapman, sur son site, donne cette autre définition, plus concise, mais qui va dans le même sens : "(...) la couleur du fond, des styles et des barbes est la même ; une surface aux épaules et autour des barbes doit être exempt de toute marque plicata."

 C'est effectivement un modèle que l'on rencontre souvent parmi les dernières obtentions, parce qu'il est devenu à la mode, même si j'ai constaté que de nombreux pépiniéristes, dans leurs catalogues, qualifient de "luminata" des variétés qui n'en ont point les caractères.

Keith Keppel prend pour modèle de base sa variété 'Spirit World' (1992) dont il donne, officiellement, une description quelque peu ésotérique, et dont le pedigree est difficile à déchiffrer. Cet iris remarquable a eu une importante descendance, et Keppel lui-même ne s'est pas privé de l'exploiter. Ainsi on trouve parmi ses obtentions 'Moonlit Water' (2004) et 'Teenybopper' (2008). Le premier cité est au pedigree de 'Fancy Ideas' (2012), tandis que le célèbre 'Monmartre' (2007), descend d'un de ses frères de semis. De son côté, 'Teenybopper' est le père du tout récent 'Celtic Tartan' (2014). Un frère de semis de 'Spirit World', 'Mind Reader' (1992), lui-même vrai luminata, est à l'origine de 'Fancy Dress' (1997).

Du même tonneau que 'Spirit World' est sorti une variété qui a eu encore plus de succès en hybridation : 'Fancy Woman' (1994).En effet, si Keppel lui-même n'en a retenu que des IB (au demeurant magnifiques), un grand nombre d'obtenteurs s'en sont servi, et notamment plusieurs hybrideurs d'Europe de l'Est et de Russie, notamment le génial Anton Mego ('Song for Fatima' – 2014).

On a regardé, là et en partie seulement, du côté de Keith Keppel – parce que c'est mon hybrideur favori ! - , mais il ne faut pas négliger l'excellent travail de Joë Ghio ('Stage Lights' -1998, 'Double Click' – 2000), Donald Spoon ('Daughter of Stars' – 2000), Larry Lauer ('Making Time – 2013), Lowell Baumunk ('Elizabethan Age' - 2005) et de bien d'autres.

Aujourd'hui le modèle luminata fait partie des classiques.

Le modèle "umbrata" fait encore discussion, même s'il a des origines fort lointaines. Roberto Marucchi, dans un commentaire su le blog de son compatriote Angelo Garanzini, en donne une définition sobre mais convaincante : "Le gène "umbrata" (ou les gènes "umbrata" car je ne suis pas sûr que cela dépende d'un seul gène) provoque la réduction partielle ou totale de l'anthocyanine sur les pétales et sur les bords des sépales. La réduction peut être partielle parce que le gène "umbrata" peut être en compétition avec le gène qui accroît l'anthocyanine. Le bord décoloré peut être plus mince ou plus ample en fonction des divers types de gènes ou des interférences avec d'autres gènes." Dit comme cela, malgré tout, on ne voit pas très bien ce que cela donne. On peut résumer en disant que c'est en quelque sorte le contraire du modèle luminata, mais ce n'est pas tout à fait exact. Il faut voir une photo pour bien se rendre compte : par exemple celle de 'Yosemite Sam' (Spoon, 1999).

C’est Barry Blyth qui a développé avec le plus de bonheur une souche d’iris umbrata. Il y est parvenu tout d’abord avec ‘Magharee’ (1983), même si le côté obscur n’est pas absolument convaincant car trop clair, à mon avis. Ce ‘Magharee’ a eu une certaine descendance, mais dans celle-ci seuls ‘Exclusivity’ (Innerst, 1999) et ‘Opal Brown’ (Duane Meek, 1996) ont retrouvé (ou à peu près) les traits du modèle. Deux descendants de ‘About Town’ (Blyth, 1996), lui-même mauve avec gros spot prune, méritent d’être cités : ‘Lily my Love’ (Blyth, 1999), un peu terne, et ‘Coffee Whispers’ (Blyth, 1999) lui, bien dans la ligne. Mais c’est sans doute ‘Mastery’ (Blyth, 2000) et ses descendants 'Indulgence' (2002), 'Gypsy Lady' (T. Johnson, 2012) ou 'Skirting the Issue' (Schreiner, 2014), qui renouent le mieux avec le modèle. 'Hold my Hand' (Blyth, 2003), d'une autre origine, présente tout à fait les traits du modèle, et c'est encore plus vrai pour son descendant 'Strawberry Freeze' (T. Johnson, 2012).

D'autres hybrideurs ont eu la bonne surprise d'obtenir des umbratas sans que cela ait certainement été le but de la recherche. C'est, semble-t-il, le cas pour 'Yosemite Sam' déjà cité, mais aussi, chez le même obtenteur, 'Plum Pretty Whiskers' (2003) ou 'Mary Adele' (2013). Enfin, pour terminer ce bref tour d'horizon, saluons l'obtention de Luc Bourdillon qui s'appelle 'Splendeur des Tropiques', qui vient seulement d'être enregistrée, mais qui le mérite depuis longtemps.

En entreprenant cette étude, je m'attendais à trouver une trace d'iris aril dans les pedigrees des umbratas, mais je n'ai rien découvert de tel. Il est vrai que l'apport des arils dans les grands iris actuels est, pourrait-on dire, imperceptible. Quoi qu'il en soit le modèle umbrata est intéressant en ce qu'il apporte au jardin une note colorée tout à fait originale.

 Illustrations : 


 'Spirit World' 


'Song of Fatima' 


'Yosemite Sam' 


'Strawberry Freeze' 


'Splendeur des Tropiques'