31.7.20

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir. 

VI – 1970 

L'ère moderne a commencé. On découvre ce que seront les iris de la fin du XXe siècle. Une foule d'hybrideurs de talent sont apparus et ravissent les amateurs par leurs obtentions splendides.


'Surf Rider' (Tucker) 


'Rippling Rose' (J. Gibson) 


'Madeira Belle' (Moldovan) 


'Hey Looky' (W. Brown)

VOS PAPIERS, SVP !

L'identification des iris pose de multiples problèmes, tant à l'obtenteur qu'au jardinier. En effet ce n'est pas une question accessoire : chaque variété nouvelle est en effet taillée pour exister éternellement ; le nom qu'elle porte est donc quelque chose d'essentiel ; tout comme la conservation de celui-ci quels que soient les incidents qui peuvent contribuer à sa perte. Et un iris qui a perdu son nom risque de disparaître à tout jamais, dans un anonymat désespérant.

Dans les documents.

Un hybrideur qui a l'intention de donner une suite à son travail va commencer par donner à chaque semis une identité provisoire constituée d'un numéro, plus ou moins simple, dont il est le seul à savoir ce qu'il recouvre. Chacun établit sa propre numérotation et dans les documents qu'il conserve afin de se souvenir de ce qu'il a semé et planté, à chaque numéro correspond le pedigree du futur iris, l'année du semis, l'emplacement de la jeune plante dans le plan du jardin, ou tout autre renseignement permettant son identification sans erreur. Cette identification codée sera utile jusqu'au jour où le nouvel iris recevra son nom de baptême, un nom qui, très souvent, constitue un casse-tête pour l'obtenteur. Il le veut à la fois descriptif de la nouvelle variété, évocateur pour celui qui l'entend ou l'exprime, plaisant à l'oreille, original ; il faut qu'il n'ait pas encore été attribué, et qu'il réponde aux règles imposées au plan international pour éviter les insuffisances ou les excès. Autant de conditions quelque fois difficiles à remplir. Ce choix effectué, il faudra le rendre définitif en le faisant enregistrer dans les documents officiels tenus par l'American Iris Society pour le monde entier. Le « Registrar » de l'AIS vérifie que toutes les règles sont respectées, procède à l'inscription et délivre un certificat qui est envoyé à l'obtenteur et que celui-ci va conserver.

Certains hybrideurs considèrent que tout cela n'est pas nécessaire et qu'ils peuvent s'abstenir de tout ce formalisme. Ce raisonnement ne tient que si le nouvel iris ne doit pas sortir de limites cadastrales du jardin d'origine, ou si peu qu'aucune confusion ne peut survenir. Mais si le nouveau cultivar est commercialisé une certaine pagaille va s'installer nuisible aussi bien à l'obtenteur qu'à ceux qui en auront fait l 'achat. Prenons deux exemples récents :

'Rive Gauche'. Un iris de ce nom a été proposé à la vente par Iris en Provence en 1993. Mais pour diverses raisons il n'a pas été enregistré sur le champ. En 2012 Iris en Provence a décidé son enregistrement, mais dès 1979 Sterling Innerst avait fait enregistré une variété sous ce nom. De sorte que le nom attribué par la famille Anfosso n'a pas pu être retenu. Il a donc fallu ruser pour que les nombreux acquéreurs de son 'Rive Gauche' ne soient pas confronté à d'éventuelles confusions. Le nom de 'Rive Gauche Paris' a donc été choisi et retenu. C'est un moindre mal...

'Romance'. Un semis numéroté 99 159A a été proposé à la vente par le Maison Cayeux en 2007 sous le nom de 'Romance', mais n'était pas encore enregistré à ce moment-là. Quand son enregistrement a été lancé, on s'est aperçu que depuis 1937 existait un 'Romance' de la Britannique Olive Murrell. Même manœuvre que pour la variété précédente pour rattraper le coup. L'iris connu sous le nom d'usage de 'Romance' figure dans les documents officiels sous le nom de 'Douce Romance'...

C'est suffisant pour démontrer qu'un enregistrement préalable à la mise sur le marché est une démarche indispensable.

Au jardin. 

Quand on reçoit des iris en provenance d'une pépinière, ils sont parfaitement identifiés (les erreurs sont très rares). Mais dès qu'on les plante ils risquent de perdre cette fameuse identité que les hybrideurs et les marchands se sont efforcé de sauvegarder. C'est un vrai défi que d'empêcher cette perte. Au jardin maints dangers menacent cette identification. Le premier provient du jardinier lui-même. Rien de plus facile en effet que de confondre une variété et une autre. Au cours des désherbages, les labelles peuvent être malencontreusement arrachés et en les remettant en place, rien de plus facile qu'une interversion ! Il faut aussi craindre les averses et le gel qui soulèvent la terre autour des rhizomes et font tomber les fameux labelles... Sans compter que les corbeaux ou les merles sont parfaitement capables de tout bouleverser en grattant le sol. Cela fait bien des risques, mais le plus à craindre c'est ce qui se passera quand il faudra déplacer les touffes devenues trop développées ou donnant des signes de vieillissement. On prend évidemment bien des précautions pour repérer chaque variété au moment de la floraison, mais il y en a un certain nombre qui auront décidé de ne pas fleurir l'année de la transplantation ! Et si l'on décide de transplanter c'est bien souvent parce que des touffes voisines commencent à s'en mêler. D'où la nécessité de choisir dans chaque touffe des rhizomes dont on est certain de l'identité et de placer sur celui-ci un repère solide et pérenne. Cependant, quelles que soient les précautions prises il y aura des interversions et des disparitions d'étiquettes. Au printemps suivant il faudra effectuer les rectifications indispensables, mais hélas des pertes d'identité irréversibles se produiront de temps en temps. C'est visible dans des collections comme celle du Parc Floral de Vincennes : il y a des variétés dont l'étiquetage est erroné et si l'on peut avec un bon taux de certitude dire qu'il y a erreur, il est souvent impossible de rétablir la véritable identité. C'est très souvent dans ces circonstances qu'une variété devient ce que les Américains appellent un « NOID ». Et plus le temps passe plus le risque de devenir un NOID devient grand ! C'est ce qui est arrivé par exemple à une très ancienne variété obtenue en 1854 par le pépiniériste belge Louis van Houtte qui portait le nom de 'Sans Souci' mais qu'une série de tribulations a fini par priver de toute identité certaine, laissant la place aux approximations voire aux impostures.

Aujourd'hui il existe un petit jeu qui consiste à demander à la cantonade, au vu d'une photo, de tenter d'identifier une variété devenue orpheline de son nom. Cela n'est pas très sérieux, d'une part parce que le choix des possibilités est souvent infini, d'autre part parce que la fidélité du rendu des couleurs sur les photos est très problématique.

Les iris ont donc la possibilité d'avoir été créés pour l'éternité, mais bien des dangers les guettent dont celui dont on vient de parler, qui leur laisse la vie sauve mais les expédie pour toujours dans l'anonymat de nos jardins.

Illustrations : 


'Rive Gauche' (ou 'Rive Gauche Paris') 


'Romance' 


'Douce Romance' 

'Sans Souci' (le vrai ?) 


'Sans Souci' (le faux?)

21.7.20

IRISENLIGNE PREND DES VACANCES

Pour deux semaines, il n'y a qu'une livraison de IRISENLIGNE. Prochain rendez-vous le vendredi 31 juillet.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Elisabeth Hemme 

La semaine dernière Elisabeth Hemme s'en est allée. Pendant « les années Jouy », elle fut vice-Présidente de la SFIB. C'était une personne charmante, délicate, attentionnée, serviable. Dans l'association elle s'occupait des « affaires extérieures », c'est à dire tout ce qui concernait les contacts avec les associations étrangères, l'organisation des voyages et l'accueil des hôtes étrangers, notamment des juges invités pour les concours FRANCIRIS©. Sa connaissance parfaite de l'anglais et de l'allemand lui était fort utile dans ces fonctions. Travailler avec elle était un plaisir dont j'ai profité pendant toutes ces années. Grande est la peine de tous ceux qui l'ont connue et côtoyée, à la SFIB, comme dans la ville de Jouy en Josas où elle continuait d'être active et où elle faisait profiter ses concitoyens de son savoir-faire et de ses talents.

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir. 

V – 1960 

En dix ans, que de progrès ! Le nombre des enregistrements a bondi et les européens font une timide réapparition. Cependant les hybrideurs américains restent les maîtres incontestables de l'irisdom.


'Danse du Feu' (J. Cayeux) 


'Black Swan' (Fay) 


'Brasilia' (Schreiner) 


'One Desire' (Shoop)

QUAND LE CIEL EST GRIS

Il y a peu j'ai écrit ceci : « Parce que j'aime bien ce qui sort de l'ordinaire je me suis intéressé très vite aux iris gris. J'en conviens ce n'est certainement pas le coloris le plus commercial ! C'est d'ailleurs certainement, au moins en partie la raison pour laquelle les iris gris sont d'une relative rareté. Il faut une certaine dose d'audace pour mettre à son catalogue une fleur de cette couleur. C'est pourtant ce qu'à fait la Maison Cayeux avec 'Ciel Gris sur Poilly' (2011), une variété qui a été saluée à sa juste valeur par les collectionneurs, mais dont j'ignore le succès auprès des clients non spécialistes. » A la suite de ça j'ai voulu en savoir plus sur ce 'Ciel Gris sur Poilly' qui a tout pour me plaire. A commencer par le nom, qui change radicalement des appellations plutôt banales affectées aux créations Cayeux de ces dernières années. Cette fois le nom est en parfaite adéquation avec la plante qui le porte. En quatre mots, à la fois évocateur et descriptif... La plante quant à elle se présente comme un amoena aux pétales bien blancs au-dessus de sépales où domine un gris profond, largement marqué de jaune sous les barbes et s’éclaircissant vers les bords, tandis que les barbes jaune vif réveillent le tout. On comprend que son obtenteur ait hésité à la proposer, non seulement pour le côté peu commercial de la couleur, mais aussi parce que le nombre de boutons n'est pas tout à fait suffisant. Quoi qu'il en soit cet iris est là et semble être à l'origine d'une succession de variétés intéressantes.

 Dans le livre des enregistrements de l'AIS on relève la liste ci-dessous :
CIEL GRIS SUR POILLY (Cayeux, R. 2011) ((World Premier x 9648C) x (Fabuleux x Aurelie)) X ((Moon Journey x Deltaplane) x (96174 x Chateau d'Auvers sur Oise sib)) ;
DIGNE FILS (Richard Cayeux, R. 2017) (Aurélie x unknown) x Noctambule sib) X Ciel Gris sur Poilly – amoena gris-bleu ;
JE VOLE (Richard Cayeux, R. 2015) Ciel Gris sur Poilly X Macaron – variegata classique ; PESSELIÈRES (Richard Cayeux, R. 2015) Magnétisme sib X Ciel Gris sur Poilly – amoena pourpre ;
PISTES BLEUES (Richard Cayeux, R. 2015) Ciel Gris sur Poilly X Quelle Classe – amoena-plicata à éperons ;
PLUME BLEUE (Richard Cayeux, R. 2016) (Bel Avenir x Faïence de Gien) X (Ciel Gris sur Poilly x (Noctambule x (Aurélie x Futuriste))) – amoena-plicata bleu ;
PROFOND MYSTÈRE (Richard Cayeux, R. 2016) Ciel Gris sur Poilly X Magnétisme – amoena violet très contrasté ;
SORCELLERIE (Richard Cayeux, R. 2017) Macaron X Ciel Gris sur Poilly – variegata-plicata ; SULFUREUX (Richard Cayeux, R. 2018) Changing Seasons X Ciel Gris sur Poilly – bitone jaune veiné de vert olive ;
SUR LA PLAGE (Richard Cayeux, R. 2016) Ciel Gris sur Poilly X (Ciel et Mer x Starring) – bitone mauve grisé, fortement infus de jaune.

Autant de croisements différents que de nouvelles variétés. Cela signifie que non seulement 'Ciel Gris sur Poilly' est fertile dans les deux sens, mais que ses rejetons présentent souvent des caractéristiques intéressantes. Cependant les traits caractéristiques de 'Ciel Gris sur Poilly' ne se retrouvent pas toujours ! En particulier 'Je Vole', 'Pesselières' et 'Profond Mystère' cachent bien leur origine. Ce n'est pas étonnant car chacun sait que dans un semis il y a souvent autant de modèles que de graines !

 Richard Cayeux doit sans doute se féliciter d'avoir eu « le nez creux » en retenant ce semis. Cela dit, quand on connaît le personnage, on sait combien remarquable est son professionnalisme.

Illustrations : 


 'Ciel Gris sur Poilly' 

'Digne Fils' 

'Sulfureux' 

'Sur la Plage'

FINALITÉS DIFFÉRENTES (complément d'information)

Dans la chronique de la dernière livraison, il était écrit : « En Grande-Bretagne, pays qui finance les Médailles de Dykes, il existe une compétition un peu semblable à celle des Etats-Unis, basée sur l'exposition dans quelques jardins sélectionnés d'iris de toutes catégories, qui aboutit à l'attribution par les juges anglais, d'une BDM (British Dykes Medal). La finalité de la compétition est la même que pour les USA, mais le manque actuel de candidats fait que depuis quelques années il arrive souvent que la médaille ne soit pas décernée... ». Un lecteur britannique a fait remarquer que cela lui semblait un peu court et inexact. Il n'a pas tout à fait tort ! Voici ce qu'on peut lire sur le site de la BIS (British Iris Society) :

« La BIS organise deux compétitions, l'Award of Garden Commendantion (AGC) et le concours pour la Médaille de Dykes. L'une et l'autre sont accueillies par des membres de la BIS (qui sont juges), soit dans leurs propres jardins, soit sur un terrain autre mais présentant toutes garanties, au choix de l'hôte. (1)

La compétition AGC se déroule sur trois ans et est jugée la troisième année. Chaque iris en compétition jugé comme présentant suffisamment de mérite recevra l'AGC. Le meilleur des iris ainsi récompensé est habilité à recevoir le trophée « Souvenir de M. Lemon ». La compétition pour la Médaille de Dykes se déroule aussi sur trois ans et est jugée lors de la troisième saison. Le meilleur iris en compétition est habilité à recevoir la Médaille de Dykes, s'il est considéré comme d'un niveau suffisant. (...) »

(1) Quatre jardins sont retenus pour recevoir les plantes en compétition et celles-ci doivent pouvoir être jugées dans au moins trois jardins.

10.7.20

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir.

IV – 1950 

L'Europe n'est pas encore revenue au premier plan. Aux USA de grands noms apparaissent. C'est le début de l'âge d'or des iris.

'Sable Night' (Cook)


'Thotmes III' (Kleinsorge) 

'Vanity Fair' (D. Hall) 


'Mary Randall' (Fay)

FINALITÉS DIFFÉRENTES

On a coutume de dire qu'il existe deux sortes de compétitions dans le monde des iris : les concours à la mode européenne et la course aux honneurs telle qu'elle est pratiquée aux Etats-Unis. A bien y regarder je crois qu'on peut en comptabiliser quatre. Trois pour le modèle dit européen, et, en parallèle, l'incomparable course aux honneurs américaine. Pourquoi ces différences ? C'est ce que nous allons voir maintenant.

La course aux honneurs. 

Commençons par cette compétition que l'American Iris Society a organisée dès les années 1920, en fait dès sa création-même. Les années ont passé, plusieurs modifications dans le règlement sont intervenues au cours du siècle passé, mais le principe demeure. Elle est basée sur une épreuve par élimination, un peu sur le même principe que la coupe de France de football.

Toutes les variétés nouvelles enregistrées « introduites », c'est à dire mises sur le marché américain soit par inscription au catalogue d'une pépinière, soit par déclaration de mise en vente par une annonce dans le bulletin trimestriel de l'AIS, entrent automatiquement dans la compétition. Dès ce moment les nombreux juges agréés par l'AIS, lorsqu'ils auront l'occasion de voir ces variétés dans les jardins qu'ils visiteront leur attribueront une note d'appréciation. Toutes ces notes seront compilées par les membres du bureau de l'AIS chargés de cette mission et les récompenses attribuées en fonction des règles de la compétition. Avec quatre niveaux atteints par éliminations successives : HM (Honorable Mention), AM (Award of Merit), Médailles Catégorielles (une par catégorie d'iris) et DM (Dykes Medal), récompense suprême décernée chaque année à une seule variété non seulement mise sur le marché américain mais encore obtenue sur le sol américain (ce qui exclut tous les iris importés).

Le but de cette compétition est à la fois horticole (les qualités physiques de la plante sont primordiales), commercial (une variété primée jouit d'un surcroît de notoriété synonyme de meilleures ventes) et honorifique. C'est aussi un moteur certain pour l'amélioration des iris hybrides. Les récompenses sont scrutées par tous les amateurs d'iris de par le monde et considérées par les pépiniéristes comme signes de qualité et vantées comme telles auprès de leur clientèle.

En matière horticole la course aux honneurs peut se glorifier d'avoir été (et d'être toujours) un moteur pour l'amélioration des iris. C'était officiellement son but principal, dès sa création, et elle a effectivement joué ce rôle. Il n'y a pas de comparaison possible, au plan du développement de la plante, entre un iris des années 1920/30 et un iris contemporain. Solidité de la tige, nombre et disposition des boutons floraux, consistance et résistance des fleurs au vieillissement sont autant de thèmes qui illustrent les perfectionnements apportés au fil du temps.

En Grande-Bretagne, pays qui finance les Médailles de Dykes, il existe une compétition un peu semblable à celle des Etats-Unis, basée sur l'exposition dans quelques jardins sélectionnés d'iris de toutes catégories, qui aboutit à l'attribution par les juges anglais, d'une BDM (British Dykes Medal). La finalité de la compétition est la même que pour les USA, mais le manque actuel de candidats fait que depuis quelques années il arrive souvent que la médaille ne soit pas décernée...

Dans la partie de l'hémisphère sud de culture anglo-saxonne (Australie, Nouvelle-Zélande) les compétitions pour les Médailles de Dykes qui leur sont propres se déroulent à la manière britannique. Mais il n'est pas certain qu'elles reflètent l'abondance et la qualité de la création d'iris dans ces pays.

Les concours « à l'européenne ». 

Pendant de nombreuses années il n'y eut qu'un seul concours en Europe : le « Concorso » de Florence et son prestigieux « Fiorino d'Oro ». Son principe est le suivant : les variétés que leurs obtenteurs entendent faire concourir sont mises en culture pendant trois ans et jugées anonymement lors de la floraison de la troisième année. Le jugement est effectué par un panel de juges internationaux choisis par les organisateurs en fonction de leur compétence en matière d'iris. Le prix est attribué après un examen sévère des qualités (ou des défauts) de chaque plante, en gardant à l'esprit qu'il doit être décerné à un cultivar qui, au moment de la compétition, fait montre à la fois de qualités horticulturelles et esthétiques remarquables.

Ces principes ont fait leur preuve et les récipiendaires du « Fiorino d'Oro » ont toujours été d'excellentes plantes de jardin ; qui plus est, nombre d'entre elles obtenues aux U.S.A. ont également été couronnées par la Dykes Medal américaine.

Avec l'extension de l'intérêt pour les iris en Europe, d'autres concours ont vu le jour. Le plus apprécié est le concours FRANCIRIS©, organisé par la SFIB depuis l'année 2000, avec des fortunes diverses. Les deux premiers concours se sont déroulés en Bretagne, puis, à partir de 2005 les suivants eu lieu en région parisienne. Il fonctionne exactement sur le modèle de celui de Florence, à ceci près que la période de culture n'est aujourd'hui que de deux ans.

Un système un peu différent régit les autres concours européens. Le jugement des variétés en compétition n'y est pas le fait de juges internationaux, mais ce sont des jurys populaires qui expriment leur avis. La conséquence est un choix porté davantage vers la beauté et le coloris de la fleur plutôt que vers ses qualités horticoles. L'avantage est que les frais d'organisation du concours sont nettement plus réduits et mieux à la portée de sociétés organisatrices aux ressources modestes. Les concours de Munich, en Allemagne, Moscou et Krasnodar en Russie sont les plus appréciés.

En 2020, à l'occasion de son centenaire, l'AIS avait mis en chantier un concours à l'européenne, avec jury international, qui devait se dérouler dans le cadre du célèbre Presby National Garden situé à Montclair, dans le New Jersey, à environ soixante kilomètres à l'ouest de New York. Les événements sanitaires actuels ont stoppé cette initiative qui aurait eu l'intérêt de permettre aux Américains de juger d'une forme de compétition inconnue chez eux. Peut-être cet événement se tiendra-t-il l'année prochaine ?

Ce type de compétition est très adapté à la structure européenne du monde des iris. Il est en effet inconcevable, compte tenu des diversités géographiques, politiques, culturelles et linguistiques, de mettre en place une compétition où ce sont des juges agréés (par qui?) qui notent les variétés sur une très longue période. Quoiqu'il en soit, les amateurs d'iris ont acquis la conviction que les variétés mises à l'honneur dans ces concours méritent à tous points de vue leur récompense.

Les expositions en lien avec les « Conventions » de l'AIS.

Il ne faut pas oublier ce qui se passe chaque année à l'occasion de la « Convention », c'est à dire l'assemblée générale, de l'AIS. Chaque fois dans un Etat différent, cette assemblée générale donne lieu à un vaste rassemblement de grands amateurs d'iris. Les participants rendent visite à un certain nombre de jardins où sont rassemblés des iris envoyés par les hybrideurs de tout le pays. Ils sont appelés à voter pour désigner ce qui leur semble être les meilleures de ces variétés et de sacrer quatre d'entre elles : une pour un iris obtenu sur le territoire de la Région (1) organisatrice de la Convention, la « President's Cup » ; une pour un iris provenant d'une Région autre, la « Franklin-Cook Cup » ; une spécialement pour un iris médian, c'est à dire autre que TB, quelle que soit sa Région d'origine, la « Ben Hager Cup », et une quatrième pour distinguer un semis, non encore enregistré mais présenté à la Convention, la « Lloyd Zurbrigg-Clarence Mahan Seedling Cup ».

Ces coupes font partie de ces récompenses dont les Américains sont particulièrement friands (2). Leur caractère national leur confère une grande notoriété, gage de satisfaction pour les obtenteurs qui sont ainsi distingués, mais aussi constituant un petit plus, commercialement parlant.

Tel qu'il est, le système des récompenses tant américaines qu'européennes, malgré ses imperfections, fournit à tous ceux qui s'intéressent aux iris des références de qualité et aux hybrideurs des sujets d'émulation propices au perfectionnement des plantes et à l'apparition de nouveaux coloris et de nouveaux modèles.

Illustrations : 

'Chivalry' (J. Wills, 1943) – première Médaille de Dykes des temps modernes (1947). 


'Rehobeth' (F. deForest, 1953) – premier Fiorino d'Oro (1957). 


'Zantha' (O. Fay, 1947) – première Franklin-Cook Cup (1947). 


'Lestnitsa V Nebo' (S. Loktev, 2003) - vainqueur du Concours de Moscou de 2006. 


 (1) Pour l'AIS, une Région est un ensemble d'Etats géographiquement voisins qui constitue la base fédérale de l'association. Il existe 24 Régions qui regroupent les 50 Etats de l'Union et les 18 Provinces canadiennes. Quelques Etats forment une Région à eux seuls ; la Californie est scindée en deux Régions.

(2) Les très nombreux clubs locaux d'amateurs d'iris organisent le plus souvent une ou plusieurs compétitions locales très prisées, généralement jugées sur des plantes coupées.

3.7.20

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Publicité rédactionnelle 

Dans son numéro du 1er juillet 2020 le journal LA CROIX consacre une page entière à l'entreprise Cayeux – magnifique - et son propriétaire Richard Cayeux. Article fort bien écrit et très bien documenté. Néanmoins il y est dit que seulement deux autres entreprises se partagent en France le marché de l'iris. C'est oublier tout de même qu'une douzaine d'artisans y interviennent également et touchent non seulement une clientèle régionale mais, grâce à Internet, s'ouvrent au marché national et même international. Il est vrai que leur part doit rester faible, mais elle n'est pas négligeable.

1920/2020 : UN SIÈCLE D'ÉVOLUTION

En un siècle, nos chers iris ont connu une évolution considérable, que l'on peut constater photographiquement. C'est ce que notre feuilleton hebdomadaire va tenter de faire pendant les semaines à venir. 

III – 1940 

Les Français et les Allemands s'affrontent dans un conflit qui ne laisse pas de place aux fleurs ! Les Américains en profitent...

'The Red Douglas' (J. Sass) 



'Spun Gold' (Glutzbeck)

'Extravaganza' (Douglas) 


'Winter Carnival' (Schreiner)

LA FLEUR DU MOIS

‘LA BELLE AUDE’ 
(Jean Ségui, 1998) 
'Orinda' X 'One Desire' 

Il ne faut passe fier à la date d'enregistrement. Comme quelques autres, Jean Ségui « oubliait » de faire enregistrer ses obtentions. Celle-ci date plutôt du début des années 1980 et a été commercialisée en 1982.

Du temps où j'étais responsable de iris & Bulbeuses, le bulletin de la SFIB, j'avais fait un sondage auprès des différentes pépinières françaises pour savoir quels étaient leurs meilleures ventes. D'une manière générale en tête se trouvaient des variétés roses et chez Iris de Thau, la pépinière créée par Jean Ségui et dirigée par sa belle-fille, la variété la plus vendue était 'La Belle Aude'. Cela ne s'est pas apaisé : aujourd'hui encore les iris roses continuent d'avoir la faveur du public. 'La Belle Aude' doit toujours se trouver dans un grand nombre de jardins français. Sans doute, souvent a-t-elle perdu son étiquette et donc son nom, mais elle doit être toujours là : il n'y a pas beaucoup de domaines où l'anonymat est synonyme de célébrité !

Le nom donné à cette variété est un jeu de mot sur « Aude » car il fait allusion à la fois à la rivière qui arrose Carcassonne là où la famille Ségui était installée et où très certainement le croisement à l'origine de l'iris a été réalisé, et à la « belle » Aude aux bras blancs, la fiancée de Roland dans la Légende des Siècles de Victor Hugo.C'est un joli nom qui convient parfaitement à la fleur qui le porte.

'La Belle Aude' est issue de deux variétés américaines des années 1960, 'Orinda' (Larry Gaulter, 1968), descendant du fameux amoena 'Melodrama', et 'One Desire' (George Shoop, 1960), l'un des iris du rose le plus vif que l'on connaisse, descendant lui même de 'June Meredith', qui fait partie de la lignée d'iris roses de Tell Muhlestein. 'La Belle Aude' a bien mérité le succès qu'elle a connu. C'est une jolie fleur, modédée en tous points. Ondulations modérées mais gracieuses, nombre de boutons modéré mais suffisant, teinte modérée mais charmante, parfum modéré mais délicat. Une fleur typique de son époque. De quoi satisfaire bien des jardiniers.

Ni Jean Ségui ni quelqu'un d'autre n'ont utilisé 'La Belle Aude' en hybridation. Ce n'est pas le cas de ses parents et en particulier de 'One Desire' qui est à l'origine d'une vaste descendance où l'on trouve plein de variétés très plaisantes qui ont constitué l'ossature des collections de fleurs roses des années 1980 :

 'Cherub Choir' (G. Corlew, 1966)
'Elizabeth Stuart' (B. Jones, 1970)
'Gypsy Dream' (G. Shoop, 1970)
'Lullaby of Love' (B. Williamson, 1978)
'Pharaoh's Daughter' (J. Boushay, 1973)
'Pretty Poise' (G. Shoop, 1964)
'Schiaparelli' (S. Moldovan, 1974)

Ses rejetons apparaissaient encore bien des années plus tard. C'est le cas de :

'Magic Wish' (B. Hager, 1989), l'un des premiers roses à barbes bleues, ou
 'Mystic's Muse' (Schreiner, 1993)

Quant à 'Orinda', il se trouve à l'origine de quelques variétés bien connues, dans les tons de brun violacé, comme :

'Drury Lane (L. Gaulter, 1976)
 'Prancing Pony' (L. Gaulter, 1978) ou
'Penny Lover' (L. Gaulter, 1988).

Voilà une riche famille qui n'a pas à rougir de la présence dans ses rangs de cette 'La Belle Aude', l'une des réussites du docteur Ségui.

Illustrations : 

'La Belle Aude' 


'Orinda' 


'One Desire' 


'Schiaparelli' 

'Drury Lane'

LES QUATRE FRÈRES

Parce que j'aime bien ce qui sort de l'ordinaire je me suis intéressé très vite aux iris gris. J'en conviens ce n'est certainement pas le coloris le plus commercial ! C'est d'ailleurs certainement, au moins en partie la raison pour laquelle les iris gris sont d'une relative rareté. Il faut une certaine dose d'audace pour mettre à son catalogue une fleur de cette couleur. C'est pourtant ce qu'à fait la Maison Cayeux avec 'Ciel Gris sur Poilly' (2011), une variété qui a été saluée à sa juste valeur par les collectionneurs, mais dont j'ignore le succès auprès des clients non spécialistes. Sachant mon intérêt pour cette sorte d'iris, Bernard Laporte m'a fait parvenir en 2010 quatre de ses obtentions. Quatre frères de semis issus d'un croisement (Honky Tonk Blues x Decadence). Tous les quatre ont remarquablement poussé et fleuri dès 2011. Ce sont des plantes de grande taille, robustes et florifères. Elles portent les numéros de semis suivant : 06 -33 -14, 06 -33 – 26, 06 -33 – 30 et 06 – 33 – 36. Mais comme je n'aime pas trop les chiffres et qu'un numéro ne me parle pas, je leur ai attribué des noms qui n'ont rien d'officiel bien sûr mais qui pour moi sont évocateurs et rattachent ces plantes à mon autre sujet d'intérêt, la musique classique. Voici pourquoi ils s'appellent chez moi :

06-33-14 = 'Kullervo'
06-33-26 = 'Honorine' (oui, parce que celui-ci a été enregistré sous ce nom et que par conséquent il a pris sa dénomination officielle)
06-33-30 = 'Tapiola'
06-33-36 = 'Tuonela'

Les trois noms provisoires méritent quelques explications. Il s'agit du nom de poëmes symphoniques du compositeur finlandais Jan Sibelius. Des morceaux que j'aime particulièrement et qui se rapportent à des légendes finlandaises de caractère héroïque et sombre. Voici ce qu'on lit à leur propos dans l'encyclopédie Wikipedia :

- Kullervo « l'une des premières œuvres symphoniques du musicien » qui « décrit les aventures de Kullervo, personnage des légendes et des épopées finlandaises » ; celui-ci « tombe amoureux d'une belle jeune fille, qu'il séduit avant d'apprendre qu'elle est sa sœur. Celle-ci, désespérée, se donne la mort, et Kullervo (…), rongé de remords » se suicide à son tour en se jetant sur son épée.

- Tapiola « dépeint Tapio, le dieu de la forêt mentionné dans la mythologie finlandaise . Ce dieu se cache derrière les denses forêts finlandaises, (...) anciennes, mystérieuses, grosses de rêves sauvages ».

- Tuonela est « le royaume des morts de la mythologie finlandaise ». C'est là que se rend le héros Leminkainen pour apprendre les secrets de la mort et être lui-même accidentellement tué.

Tout cela n'a rien de gai, mais la musique est belle et les couleurs des fleurs ainsi dénommées tout à fait en harmonie. Mais revenons à notre sujet !

'Kullervo' (ou 06-33-14) peut être décrit comme : « pétales gris bleuté plus sombre au cœur et sur les côtes ; sépales au centre gris-bleu, devenant blanc grisé, légèrement teinté de jaune pâle vers les bords ; barbes jaune primevère. »

'Tapiola' (ou 06-33-30), plus sombre, a des pétales gris violacé, plus foncés au cœur et sur les côtes ; des crêtes de styles jaune primevère ; le haut des sépales est violet marqué de brun, couleur qui s'efface en allant vers les bords pour laisser place à un gris clair jaunâtre.

'Tuonela' (ou 06-33-36) présente des pétales lavande grisé, des crêtes de styles jaune primevère, des sépales gris jaunâtre, devenant brun grisé sur les épaules, avec une flamme violacée sous la barbe jaune vif.

Quant à 'Honorine', enregistré en 2013, dédié apparemment à un personnage du « Marius » de Marcel Pagnol, la description officielle dit qu'il a des « pétales blancs infus de bleu-violet à la base, styles violet clair et crêtes crème, sépales crème, infus de bleu-violacé au centre ; barbes jaunes pointées de bleu.

Ils ont tous les quatre un indéniable air de famille.

L'association de 'Honky Tonk Blues' (Schreiner, 1988), et de 'Decadence' (Blyth, 2001) n'a officiellement pas été réalisée par d'autres obtenteurs que Bernard Laporte. Elle réunit deux variétés infiniment célèbres et dotées d'une énorme descendance (plus de 200 variétés de part et d'autre !). C'est un mariage heureux car il en a résulté des plantes valeureuses et originales. Du côté végétatif il n'y a rien à dire, ce sont ds iris qui poussent généreusement. Du coté de l'horticulture on ne peut que constater que les fleurs présentent des caractères de couleur pour le moins peu courants ! Les quatre frères méritaient d'être enregistrés. Ils seraient apparus chez Ton Johnson, par exemple, il est probable qu'ils l'auraient été, en application de la politique actuelle qui veut que l'on multiplie les offres similaires pour hâter la mise sur le marché, mais à mon point de vue Bernard Laporte a eu raison de limiter ses enregistrements à une seule de ces variétés. Même si la variété choisie pour cette consécration n'est pas celle qui aurait été retenue par moi si j'avais été amené à prendre la décision.

Quoi qu'il en soit, et pour mon plaisir personnel, ces quatre frères de semis sont des iris qui me plaisent tout à fait et qui méritent bien le petit hommage que je viens de leur rendre.

Illustrations : 


 'Honorine' (06-33-26) 


(06-33-14) dit 'Kullervo' 


(06-33-30) dit 'Tapiola' 

(06-33-36) dit 'Tuonela' 


'Honky Tonk Blues' 


'Decadence'