23.2.02

EARLY LIGHT

Cette variété anglaise est décrite de la façon suivante dans l’Iris Check List des années 80 :
« N. Scopes 1983 – TB 97cm – MT – Pétales crème, infus de citron ; sépales légèrement plus sombres ; barbes jaunes. – Cup Race x Lemon Brocade. »

Il s’agit donc d’un iris bitone crème ; cette fleur doucement ondulée, mais pas frisée a la particularité d’avoir été obtenue par une femme. Elle assez de mérites pour avoir obtenu la médaille de Dykes anglaise en 1989 (c’est d’ailleurs la seule BDM obtenue jusqu’à ce jour par un iris de Nora Scopes) et pour avoir été utilisée en hybridation par le champion britannique Barry Dodsworth. L’un de ses descendants, DARLEY DALE, a d’ailleurs été honoré de la BDM en 2001.

Sa « mère », CUP RACE (Buttrick 63), est un célèbre iris blanc issu de bleus, son « père », LEMON BROCADE (Rudolph 74), fait partie des superbes iris jaunes dont Nate Rudolph s’est fait une spécialité, comme ses ascendants CREAM TAFFETA (70) et YELLOW CHIFFON (65). CREAM TAFFETA, de plus a pour autre parent ARCTIC FLAME (Fay 60), un de ces blancs à barbes mandarine issu de SNOW FLURRY – tout blanc- et de CHERIE et NEW HORIZON – roses- qui sont à l’origine des blancs à barbes rouges.

Nora Scopes est bien connue des amateurs d’iris de Grande Bretagne, un peu moins chez nous. Elle est à l’œuvre depuis les années 70. Ses plus belles réalisations sont sans doute le pourpre DARK ROSALEEN (76), MATCHPOINT (80), blanc entièrement liseré de cuivre, et LAMORNA (90), un joli bitone lavande, issu de FOCUS et enfant de SONG OF NORWAY, comme celui-ci doté d’une belle barbe bleue, MAID OF NORWAY.

EARLY LIGHT nous permet de parler de la Médaille de Dykes anglaise, cette distinction qui, comme l’américaine, a commencé à être attribuée en 1927 et continue de couronner les meilleures variétés britanniques. Son existence démontre que nos voisins sont restés de grands obtenteurs d’iris. Elle a malgré tout le défaut de ne s’adresser qu’à un panel de fleurs assez restreint. Cette particularité explique qu’au fil des ans elle a surtout concerné les produits d’un obtenteur dominant son époque. Dans les années 50/60 ce sont L.W. Brummitt et H.J. Randall qui ont trusté les récompenses. Le premier en a eu trois (GOLDEN ALPS – 57, HEADLINES – 59, PRIMROSE DRIFT – 64), le second quatre (SEATHWAITE – 52, TARN HOWS – 58, PATTERDALE – 61, MARY TODD -65). La décennie 70 a vu la suprématie de H. Fothergill et de Marjorie Brummitt (l’épouse de L.W.) : Fothergill avec SHEPHERD’S DELIGHT en 72 et MURIEL NEVILLE en 73, s’ajoutant à ARCADY –62- et ANCIENT EGYPT –66-, M. Brummitt avec CAMBRIDGE (71), NO NAME (76) et ANNIVERSARY (79). Depuis, Barry Dodsworth n’a pas laissé beaucoup de place aux autres : ANNABEL JANE (77), KILDONIAN (80), JILL ROSALIND (81), DOVEDALE (83), BEWICK SWAN (84), ROMAN EMPEROR (85), BUCKDEN PIKE (87), WENSLEYDALE (88), HIGH PEAK (90), WHARFEDALE (91), ORINOCO FLOW (94) et WHOOPER SWAN (97).

A noter qu’en Europe, il n’y a guère, jusqu’à présent qu’en Grande Bretagne où les dames se soient distinguées dans l’hybridation. Non seulement on peut compter avec Nora SCOPES qui a travaillé dans de nombreuses familles d’iris, mais aussi avec Maureen FOSTER-PROBERT dont certaines variétés, comme CREGRINA (90) ou GALLIARD (96) ont été particulièrement remarquées.

17.2.02

BALLADE DES DAMES DU TEMPS JADIS

Si l’on demande à l’un ou à l’autre de citer le nom d’obtenteurs célèbres des années passées, on aura pour réponse les frères SASS, Paul COOK, Orville FAY, et, bien sûr mais plus récemment, Robert SCHREINER, Ben HAGER, Joe GATTY ou Jim GIBSON. Cependant il ne faut pas oublier combien les femmes ont contribué à l’expansion du monde des iris.

Par exemple il ne faut pas oublier qu’en douze ans (65/77) la Médaille de Dykes a été attribuée cinq fois à des iris obtenus par des dames !
- 1965 PACIFIC PANORAMA, de Neva SEXTON ;
- 1967 WINTER OLYMPICS, d’Opal BROWN ;
- 1971 DEBBY RAIRDON, de L. KUNTZ ;
- 1973 NEW MOON, de Neva SEXTON, pour une deuxième fois ;
- 1977 DREAM LOVER, d’Esther TAMS.
Dans le même temps SUNSET SKY, de Bernice ROE s’emparait du Florin d’Or à Florence en 74.

Mais les récompenses ne font pas tout. Il existe un nombre considérable de grandes dames des iris qui se sont illustrées au cours des cinquante dernières années. Je ne parlerai que des plus connues, qui nous ont quittées après avoir offert aux amateurs la quintessence de leur travail et de leur sensibilité.

Opal BROWN
De toutes ces dames c’est sûrement celle qui a eu la carrière la plus longue et la plus féconde. Domiciliée dans l’est de l’Oregon, à proximité du grand bassin de la Columbia, elle a obtenu des iris dans toutes les catégories et toutes les couleurs.. Elle a enregistré ses premières variétés dans les années 50 et ses dernières obtentions datent de 1998. Dès le début, ses iris ont été remarqués et des variétés comme FALL PRIMROSE (56) ou CELESTIAL SNOW (57) ont fait le tour du monde. Son plus parfait succès a été, bien sûr, WINTER OLYMPICS (63) et la prestigieuse DM de 67 pour ce blanc qui a eu une descendance innombrable. Des variétés comme BUFFY (69), FULL TIDE (72), BIG DIPPER (81), COZY AND WARM (82), PERSIAN GOWN (85) ou ADORABLE ROSE (98) ont eu un succès mérité et fait de Mme Brown une des plus grandes obtentrices du siècle.

Melba HAMBLEN
Celle-ci a fait preuve, tout au long d’une carrière prolongée et remarquable, d’un goût et d’une sensibilité qui en font ma préférée. Elle n’a cependant jamais obtenu la récompense suprême, ce qui peut paraître injuste tant ces iris sont réussis. Elle aussi a commencé dans les années 50, et dès ses premiers enregistrements le monde des iris a su qu’il possédait une nouvelle « pointure ». PRETTY CAROL et VALIMAR (56) ont frappé un grand coup. Ensuite ce fut un enchaînement de réussites : CHARMAINE (67), TOUCHE (69), COSMOPOLITAN (72), GYPSY PRINCE (74), BETTY SIMON (76), EVENING ECHO (77), LOVELY KAY (80), CAPRICIOUS (81), EXTRAVAGANT (83), ADVENTURESS (85), DANCE AWAY (88) et WINE DINASTY (92) sont là pour témoigner de son éclectisme et de son talent. Elle a été la première à exploiter les barbes foncées, les bicolores rose/mauve et les pourpres fumés. Tous ces iris ont poussé à proximité du Grand Lac Salé, en Utah, là où elle a vécu.

Neva SEXTON
de Wasco en Californie, tout au fond de la vallée de San Joaquin, est la plus titrée des dames des iris. Deux DM ont confirmé qu’elle obtenait des variétés populaires et de qualité. De PACIFIC PANORAMA (60) à SPICED CIDER (89), il y a toute une kyrielle d’iris que nous connaissons tous : NEW MOON (68), HAPPY BRIDE (73), JACK R. DEE (74), SKYLAB (74), HOMECOMING QUEEN (78), GOOD MORNING AMERICA (79) en font partie.

Mary DUNN
Est une autre grande dame, à la production prolifique, disparue récemment. Cette autre californienne n’est pas près d’être oubliée, grâce à MOMENTUM (86), CRUZIN (87), DIVINE (88), VIBRATIONS (89), CITY LIGHTS (91) ou TANQUERAY (93).

Lily GARTMAN
Avait un indéniable talent pour les iris impeccablement coiffés, aux couleurs délicates. Elle a disparu trop tôt, mais nous a laissé FEMINIST (81), CLASSICO (84), STATUS SEEKER (90), FROSTICO (92), A L’ORANGE (94).

Jeannette NELSON
GONDOLIER (71), OUTREACH (71), FANTASY FAIRE (78), FOXY LADY (87) nous expliquent pourquoi Jeannette NELSON, de Cœur d’Alene, au milieu des montagnes de l’Idaho, est devenue célèbre.

Luella NOYD, de Wenatchee, au cœur de l’Etat de Washington, dans le grand bassin de la Columbia, a non seulement été une obtentrice inspirée, mais également une femme d’affaire habile. C’est elle qui a racheté à Mme KUNTZ, une simple amatrice chanceuse, les droits de DEBBY RAIRDON, qui est devenu une variété universelle et un grand succès commercial. Elle est l’autrice de variétés comme FLUTED LIME (66), SYMPHONETTE (66) et PRIDE OF IRELAND (71), et l’une des premières à hybrider des iris « verts ».

Dorothy PALMER est connue chez nous pour STARRING ROLE (73), SHEER PETRY (79), GOLD BURST (80) et TWIST OF FATE (80).

Merle DALING, quant à elle, s’est fait une renommée avec PIUTE PASS (75) et surtout ECSTATIC ECHO, une des variétés les plus originales et hautes en couleurs.

Georgia HINKLE, une dame de l’Illinois, nous a laissé des variétés aussi différentes que BRAVE VIKING (62), SOUTHERN COMFORT (65) ou ROYAL EGYPTIAN (70).

Citons encore Louise BELLAGAMBA, de St Louis (Missouri) pour AN-JAN (79) qui a obtenu le florin d’argent en 82, Lura ROACH (SONG OF ERIN –71-), Bernice ROE (SUNSET SKY – 69 – florin d’or en 74), Esther TAMS qui a peu produit, mais qui a eu la chance de sa vie avec DREAM LOVER (71) et sa DM de 77, Caroline DeFOREST (BAYBERRY CANDLE –69 -), et Tena BERNDT (MICHIGAN PRIDE –76- ).

Mais l’inventaire ne serait pas complet sans le nom de Clara REES, celle qui a eu la chance improbable d’obtenir l’incontournable SNOW FLURRY, dont on retrouve les gènes dans presque tous les iris d’aujourd’hui. Mais là, on aborde une autre histoire.

9.2.02

TIGER HONEY

Nous voici en présence de ce que l’on appelle un iris « broken color ». Cette catégorie est apparue relativement récemment. Elle n’a conquis sa place dans la grande famille des variétés nobles seulement dans les années 80. Auparavant elle était considérée comme une anomalie curieuse mais plutôt laide, que l’on détruisait quand on la voyait apparaître dans un semis de plicatas. Le premier à avoir commercialisé ces chimères est Allan Ensminger, un obtenteur du Nebraska qui, au début des eighties, les a proposés, sans oser les enregistrer ! Ce n’était que des curiosités sans avenir. Peu à peu cependant il a fait progresser la qualité des cultivars obtenus et considéré, eu égard à la stabilité de la mutation constatée, qu’il pouvait faire enregistrer ses semis au même titre que les variétés traditionnelles. Depuis, plusieurs autres obtenteurs se sont lancés dans l’aventure, notamment Brad Kasperek, qui leur a fait franchir le pas entre la confidentialité et le succès commercial. C’est lui qui, en 94, a proposé TIGER HONEY, une variété réussie à tous points de vue, issue d’un croisement entre MARIA TORMENA (Ensminger 87), un autre « broken color », et DESERT REALM (Schreiner 85). Du premier il tient sont caractère « broken color », de l’autre sa couleur de base.

TIGER HONEY se présente comme un iris dans les tons de brun caramel, taché de projections aléatoires or et blanc huître. En quelque sorte, un plicata chez qui les couleurs, au lieu d’être sagement et harmonieusement réparties, se mélangent n’importe comment. C’est cette absence de respect de l’harmonie qui constitue la caractéristique des iris « broken color ». Il y a autant de différence entre un « broken color » et un plicata qu’entre une symphonie de Mozart et une œuvre de Charles Ives. On ne peut cependant pas dire que quelque chose de désordonné et forcément déplaisant. « On dit qu’un beau désordre est un effet de l’art » : cet alexandrin peut exactement s’appliquer aux iris « broken color ».

Le travail d’Allan Ensminger avec les iris « broken color » a commencé dès 1968et les iris qu’il a obtenus et enregistrés peuvent être classés en trois sous-catégories, c’est du moins ainsi que les classe Brad Kasperek dans un article paru dans le n° 303 du Bulletin de l’AIS, les iris rayés, comme PURPLE STREAKER et BATIK, les iris éclaboussés, comme MARIA TORMENA et BRINDLED BEAUTY, et les iris barbouillés, comme PAINTED PLIC. Mais ces distinctions sont peut-être un peu trop simplificatrices. En tout cas ils proviennent tous d’iris plicatas et Kasperek démontre qu’il s’agit d’iris au ¾ plicatas.

Certains ont affirmé que ces plantes étaient malades et même atteintes de virose, ce qui serait à l’origine de leur aspect « anormal ». Mais d’autres, comme Kasperek et Komarnicki ont expliqué qu’il n’en était rien, mais qu’on était plutôt en face d’une mutation. Disons, pour rester simple, que ce sont des descendants de plicatas dont l’ordonnance dans la répartition des couleurs se trouve bouleversée.

Aujourd’hui les « broken color » ne font plus peur. Le grand public commence à les apprécier. La preuve en est que parmi les 100 variétés les plus populaires de cette année, quatre « broken color » sont classés : notre TIGER HONEY, à la 43eme place, BEWILDERBEAST à la 47eme, SPICED TIGER étant 98eme et NIGERIAN RASPBERRY 100eme. Enfin à la 106eme place on trouve encore GNU’S FLASH. On n’est plus loin du jour où un « broken color » le disputera pour une médaille honorifique avec un iris classique, comme le fit THORNBIRD, un autre iris « anormal », quand il emporta la Dykes Medal en 1997.

2.2.02


SAMSARA

Lawrence Ransom, l’obtenteur de SAMSARA (96), a créé une variété qui a été remarquée dès son apparition et qui a été consacrée comme le meilleur iris français, au Pommeret, en 2000.

SAMSARA, jaune moyen, plus clair sous les barbes, résulte du croisement de CAROLINE PENVENON (Nichol 89), par CATALYST (Keppel 80). Le premier est un iris mauve de deux tons, moyennement ondulé, mais très élégant. Le second, un magnifique jaune moyen, avec tous les atours d’une fleur moderne. L’un et l’autre ont un pedigree très compliqué (c’est souvent le cas chez Keith Keppel), mais on y trouve tous les ingrédients pour obtenir une belle fleur, parmi lesquels ANNABEL JANE (Dodsworth 74 – BDM 77), MYSTIQUE (Ghio 75 – DM 80), MARY FRANCES (Gaulter 73 – DM 79), AUTUMN LEAVES (Keppel 74 – FA 76), STERLING SILVER (Moldovan 61), RADIANT APOGEE (Gibson 66), MARY RANDALL (Fay 50 – DM 54), DENVER MINT (Knopf 63), TECHNY CHIMES (Reckamp 55)… Ce TECHNY CHIMES est le premier iris jaune clair à barbes mandarines, barbes qui proviennent de MARY RANDALL. On voit qu’il n’y a rien que du beau monde là-dedans !

SAMSARA n’est pas le seul iris de qualité obtenu par Lawrence Ransom. Cet obtenteur discret, plus attiré par le travail d’hybridation que les honneurs ou l’argent, nous a donné des merveilles depuis OPERA BOUFFE (92), jusqu’à ULTIMATUM (94), DESIRIS (94), CLAUDE LOUIS GAYRARD (96), DAMOISELLE (97), NEBBIOLO et GLADYS F. CLARKE (2000), pour n’en citer que quelques-uns.

Cependant ce ne sont pas les grands iris qui retiennent le plus son attention, mais les iris nains pour lesquels il a créé des variétés extrêmement originales, et les croisements interspécifiques à base d’arils, avec qui il a obtenu des résultats stupéfiants.

Il est certainement dommage que le travail de Lawrence Ransom ne soit pas plus connu. Cela provient du caractère exclusivement artisanal qu’il entend conserver à son entreprise, et de son désir de se consacrer intensément à l’hybridation, sans se soucier du reste. Connaissez-vous un hybrideur qui refuse de faire visiter son exploitation au moment de la floraison, pour ne pas être dérangé par ceux qui prendraient un peu trop de son temps au moment où il donne sans répit de la pince à étamines ?