26.7.19

VACANCES (bis)

Pas d'Irisenligne la semaine prochaine. Vacances, vacances!...

SAGA PLICATA

Chacun s'accorde à dire que le modèle plicata est celui qui a le plus grand avenir dans la recherche de renouvellement des iris de collection. C'est aussi celui qui est apparu le premier il y a maintenant deux siècles, quand a débuté l'hybridation des iris. Une rétrospective de l'évolution du modèle de ses origines à nos jours va nous faire parcourir l'intégralité du monde des iris plicatas. 

VI – Les seventies 

Les années 1970 sont d'une incroyable richesse dans tous les modèles d'iris et particulièrement chez les plicatas. Les grands hybrideurs, connus de tous à travers le monde, sont dans la force d' l'âge et en pleine possession de leurs moyens.



'Decolletage' (Hager, 1970) 


'Kona Coast' (Plough, 1973) 


'Loop the Loop' (Schreiner, 1975) 


'Blue Staccato' (Gibson J., 1977)

ATAGEIRAV

Ce titre énigmatique cache une chose bien simple. Le but aujourd’hui est en effet de parler des grands iris « variegata inversé », c'est à dire dont les pétales sont dans les tons de bleu et les sépales dans les tons de jaune soit l'inverse de la disposition traditionnelle. Alors, inverser le mot  « variegata », cela donne « atageirav » ! L'apparition du modèle variegata inversé est tout à fait récente. A ma connaissance le premier iris du modèle devrait être 'Wonderful to See' (Kerr, 2000), qui a la particularité, pour nous français, d'être un descendant direct de 'Echo de France' (Anfosso, 1984). Cependant c'est à Duane Meek que l'on doit l'émergence de ce modèle, avec deux frères de semis, 'Dancing on Air' (2004) et 'Party's Over' (2005). L'un et l'autre proviennent de 'Champagne Frost' (Keppel, 1997) qui, avec des pétales légèrement bleutés et des sépales crème rosé (ou pêche), présente les prémices de ce que l'on a découvert avec les deux frères de la famille Meek.

Il a fallu attendre une dizaine d'années pour voir de nouveau apparaître un variegata inversé, et c'est l'inépuisable Barry Blyth qui a repris le flambeau. Avec 'Pirate Queen' (2012) une véritable lignée de variegatas inversés fait son apparition. Elle comprend toute une série de variétés qui se retrouvent pour la plupart dans le catalogue de Midamerica Iris Garden :
'Butterfly Affair' (2013) – de 'Stay Stylish' et 'Dancing on Air' ;
'Stay Stylish' (2013) – descendant de 'Pirate Queen' et d'un frère de semis de 'I'm Dreaming'
''Valley of Dreams' (2013) – aux mêmes origines que le précédent.
Ajoutons à cette liste 'Olive Windows' (2015) qui est lui aussi issu de 'Pirate Queen'. Avec ce dernier l'aventure australienne risque de prendre fin puisque Barry Blyth a rangé ses brucelles en transmettant ses précieux semis à Thomas Johnson, dans l'Oregon.

Ce Tom Johnson s'est à son tour lancé dans la bataille. A son compte on trouve 'Sergey' (2016), hommage au passionné russe Sergey Loktev, qui est en quelque sorte une inversion en plus clair de 'First Avenue' (Blyth, 2011), son géniteur. S'est ajouté en 2018 'Just a Crush' qui a de commun avec les variétés australiennes une lointaine parenté avec le fameux 'Adoree', le joyau de Barry Blyth.

Pour terminer la revue des variétés américaines, citons 'Secret Storm' (Richardson, 2009) et son descendant à éperons 'Angler Fish' (2013), 'Jungle Mist' (Black, 2016) et 'Let Evening Come' (Schreiner, 2018). On a ainsi fait à peu près le tour de la production américaine dans le domaine des variegatas inversés. Il semble que ce modèle soit maintenant devenu là-bas sinon banal, du moins relativement fréquent.

En Italie Augusto Bianco a eu la main heureuse avec un semis au pedigree passablement compliqué qui lui a donné deux variétés intéressantes : 'George Smith' (2006), qui est une amorce du modèle, et surtout 'Paso Doble' (2005) au contraste plus net : une belle avancée.

On n'en est pas encore là chez les hybrideurs français. Dans leurs catalogues de 2019, les variegatas inversés sont rares sinon absents. A l'exception de la maison Cayeux qui s'y intéresse vraiment. Cela a commencé avec 'Saphir Jaune' (2012), une variété un peu décevante à cause d'une forme désuète, mais dès l'année suivante 'Grande Coquette' et 'Infusion Tilleul' ont relevé le niveau. Le premier est un descendant de 'Wonderful to See', alors que le second provient de 'Terre de Couleur', un amoena jaune bronzé qui compte parmi ses ancêtres 'Echo de France' (Anfosso, 1984) que l'on a vu au tout début de l'énumération d'aujourd'hui parmi les antécédents de 'Wonderful to See' ! Ainsi la boucle est bouclée...

Un caractère commun à toutes ces variétés tient à leurs couleurs qui restent un peu fades, le bleu n'étant qu'un bleu lavande pâle, voire un simple blanc bleuté, alors que le jaune est soit un jaune primevère tendre soit un jaune moutarde assombri par la présence de pigments anthocyaniques. Il ne faut pas désespérer. Au fil des ans et des croisements il est vraisemblable que l'on verra à l'avenir le bleu se renforcer et le jaune s'épurer. C'est l'évolution habituelle et elle se manifeste dès maintenant comme en témoigne 'Instant Attraction' (P. Black, 2019). Un grand pas en avant à été accompli ! Au demeurant, en l'état actuel des choses, le modèle variegata inversé apporte une réelle nouveauté au jardin, et les différents cultivars que l'on trouve sur le marché sont des variétés de belle venue, avec des fleurs tout à fait dans l'air du temps. Les illustrations ci-dessous en donnent une idée très plaisante.

Illustrations : 


'Wonderful to See' 


'Party's Over' 


'Paso Doble' 

'Angler Fish' 

'Grande Coquette' 

'Stay Stylish' 

'Instant Attraction'

22.7.19

VACANCES !

L'art d'être grand-père, aujourd'hui, consiste peut-être à laisser ses petits-enfants disposer de l'ordinateur familial. C'est en tout cas ce qui nous vaut l'important retard constaté cette semaine dans la publication d'Irisenligne !

SAGA PLICATA

Chacun s'accorde à dire que le modèle plicata est celui qui a le plus grand avenir dans la recherche de renouvellement des iris de collection. C'est aussi celui qui est apparu le premier il y a maintenant deux siècles, quand a débuté l'hybridation des iris. Une rétrospective de l'évolution du modèle de ses origines à nos jours va nous faire parcourir l'intégralité du monde des iris plicatas. 

V – L'âge d'or 

Après la guerre l'hybridation des iris a repris de plus belle. Des obtenteurs talentueux et prolixes ont fait leur apparition, et des variétés magnifiques ontété mises sur le marché.

'My Honeycomb' (Gibson J., 1958) 


'Port Wine' (H. Sass, 1950) 


'Coraband' (Hamblen, 1963) 


'Foggy Dew' (Keppel, 1969)

LES DIX-NEUF FILS DE 'CONDOTTIERE'

Ce ne sont pas les fils Aymon – ils n'étaient que quatre – mais les descendants de 'Condottiere' enregistrés par Monty Byers dans les années 1980/90. Dix-neuf ! Je ne pense pas qu'un autre hybrideur ait jamais enregistré autant de frères ou de cousins de semis.

On ne présente plus 'Condottiere' (Jean Cayeux 1978), qui est très certainement l’iris français le plus utilisé en hybridation partout dans le monde, et qui fait maintenant partie du petit cercle des variétés basique. Il est issu du croisement 'Falbala' X ('Triton' x semis 6507A). C’est une grosse fleur en deux tons de bleu-mauve, avec une barbe rouge minium. Cette barbe, il la tient de sa « mère», 'Falbala' (Cayeux 1978), qui la tient lui-même de ses grand-parent, 'Christmas Time' (Schreiner 1966), et arrière grand-parent, 'Arctic Flame' (Fay 1960). Quant à la teinte bleu-mauve, elle provient à la fois de 'Falbala' et de 'Triton' (Julander 1962), une de ses « grands-mères ». Richard Cayeux, dans son livre « L’iris, une fleur royale » explique que 'Condottiere' résulte de « l'utilisation de 'Emma Cook' et de 'Whole Cloth' pour le caractère amoena et de roses à barbe mandarine pour le transfert de cette barbe sur du bleu (la variété rose étant 'Tahiti Sunrise'). »

 L’une des aptitudes de 'Condottiere' est de transmettre à ses descendants ses deux caractéristiques essentielles : le modèle amoena (pétales blancs, sépales bleus), et la barbe mandarine. En France, la famille Cayeux a abondamment utilisé 'Condottiere' dans ses croisements. Pas seulement dans sa recherche de variétés « Bleu-Blanc-Rouge », mais aussi pour obtenir des néglectas ou bicolores à barbes rouges ( 'Béatrice Cherbuy' –1987 -, 'Feu De Bengale' –1989 -, 'Tourbillon' –1990 -, 'Virevolte' –1990 -, 'Hortense C.' –1993 -, 'Val De Loire' –1998 -, 'Volute' –1996 -) ainsi que d'autres variétés comme l’inclassable 'Sixtine C.' –1994-, 'Starlette Rose' –1996- ou 'Alizés' –1987- qui n’a pas hérité de la barbe rouge, qui font assurément partie des belles réussites des années 1980.

 Preuve que 'Condottiere' est une variété de premier plan, il a connu aux USA un succès exceptionnel. On compte plus de soixante-dix variétés qui en descendent à la première génération. Au total dix-huit hybrideurs américains se sont servis de 'Condottiere'. Monty Byers est sans aucun doute le plus actifs de ses utilisateurs. Il a enregistré en effet dix-neuf de ses descendants presque tous obtenus à partir d'un croisement (Sky Hooks X Condottiere) dont on regrette de ne pas disposer d'image, et les deux champions de la série sont 'Conjuration' (1988) ('Sky Hooks' x 'Condottiere') X 'Alpine Castle' et 'Mesmerizer' (1990) ('Sky Hooks' x 'Condottiere') X 'Branching Out', tous les deux honorés d'une Médaille de Dykes. Mais il en reste dix-sept autres,que voici :
- 'Blowing Bubbles' (1988),blanc à barbe jaune et éperons blancs, descendant aussi de 'Leda's Lover' ; - 'Dance for Joy' (1991), amoena rose pâle, avec de long éperons roses ;
- 'Glass Wings' (1989), en deux tons de rose pâle et avec des éperons argentés ; issu de 'Vanity' ;
- 'Hand Up' (1987), amoena inversé avec des pétales jaunes, grands éperons blanc argenté ;
- 'Heart of Ice' (1988), un autre enfant de 'Leda's Lover' en blanc bleuté avec un cœur plus foncé ;
- 'Imagine That' (1989), un néglecta blanc/bleu clair doté d'une barbe mandarine et d'éperons bleu pâle ;
- 'Let's Pretend' (1989), bleu ciel clair muni de barbes assorties ;
- 'Loch Ness' (1984), une variété de la première génération, variegata bleu ;
- 'Magic Kingdom' (1988), après les deux DM, c'est certainement le plus connu des descendants de 'Sky Hooks' X 'Condottiere', en orangé clair, centré de blanc bleuté et rehaussé de longs éperons argentés ;
- 'Mauvelous' (1987), une autre variété bien connue ; rose orchidée clair et courts éperons bleutés ;
- 'Passion Flower'(1989), en jaune un peu rosé, avec de longe éperons raides, blancs et chevelus ; un genre de fleur passablement démodé ;
- 'Spirit' (1986), blanc à barbes orange et longs éperons blancs ;
- 'St. Petersburg' (1989), encore un descendant de 'Leda's Lover', blanc bleuté très agréable et très apprécié ;
- 'Stars and Stripes' (1992), issu de quatre grandes variétés, 'Vanity', 'Sky Hooks', 'Condottiere' et 'Conjuration', cela aurait pu être une fleur intéressante, mais ce n'est qu'un amoena bleu, pas très contrasté ;
- 'Starship' (1988), voisin de 'Imagine That', avec une pointe de jaune aux épaules ;
- 'Waterspout' (1985), frère de semis de 'Loch Ness', blanc bleuté, barbes orange, éperons bleus ;
- 'Weldon Gibbs' (1989), violet tout ordinaire, frère de semis de 'St Petersburg'. 

Cela fait beaucoup de cultivars, dont la plupart sont des iris à éperons et dont certains sont remontants, mais ils sont loin de tous avoir eu une carrière brillante, et d'ailleurs tous ne présentent pas un intérêt de premier plan. Mais les quatre ou cinq variétés majeures sont connues dans le monde entier, ce qui contribue, évidemment, par contre-coup, à la notoriété de 'Condottiere'.

 Illustrations : 


'Dance for Joy' 


'Magic Kingdom' 

'Mauvelous' 


'St Petersburg'

13.7.19

SAGA PLICATA

Chacun s'accorde à dire que le modèle plicata est celui qui a le plus grand avenir dans la recherche de renouvellement des iris de collection. C'est aussi celui qui est apparu le premier il y a maintenant deux siècles, quand a débuté l'hybridation des iris. Une rétrospective de l'évolution du modèle de ses origines à nos jours va nous faire parcourir l'intégralité du monde des iris plicatas. 

IV – L'entre-deux-guerres, en Europe 

Les plicatas ne sont pas les chevaux de bataille des obtenteurs européens de l'entre-deux-guerres. Pourtant une variété comme 'Madame Louis Aureau' a eu une importance majeure dans le développement du modèle.


'Heliane' (Millet, 1931) 


'Rheinfels' (Goos et Koenemann, 1928) 


'Madame Louis Aureau' (F. Cayeux, 1934) 


'Princess Osra' (Bliss, 1921)

PETITE FILLE TRISTE

Ecouter France-Musique peut avoir des conséquences surprenantes. Par exemple une chanson de Nina Simone ou de Janis Joplin peut enclencher une réflexion, bien éloignée de l'écoute en cours. C'est ce qui s'est produit il y a quelques semaines.

« Little Girl Blue » n'est pas seulement le titre d'une mélodie touchante magnifiée par la voix inoubliable de Nina Simone, ce pourrait être aussi le nom d'une variété d'iris. Par exemple un iris bleu, avec une pointe de mauve. Ça tombe bien, dans les bleus c'est ce qu'il y a de plus fréquent. Le jeu va donc consister à rechercher, parmi les variétés récentes, quelles sont celles qui auraient pu, à mon avis, porter le nom de 'Petite Fille Triste'.

Commençons par définir quelles pourraient être les caractéristiques d'un iris auquel le nom de 'Petite Fille Triste' pourrait convenir. Cela ne peut pas être une variété richement colorée, du genre variegata avec les pétales jaune vif et des sépales mordorés. Le blanc non plus ne conviendrait pas. Du moins un blanc pur et éclatant. Il faut une couleur un peut froide, avec du bleu de préférence, ou du mauve. C'est pour coller avec le qualificatif de « triste ». Mais cela concerne une petite fille, donc la tristesse doit rapidement laisser la place sinon à la joie, du moins à un sentiment plus apaisé. Le bleu doit donc contenir une petite flamme d'espoir, une petite touche un peu plus vive. Même si elle passe par un moment douloureux qu'elle exprimera par des larmes (je vois passer devant mes yeux cette photo récemment primée où une petite mexicaine en pleurs assiste à la fouille sans ménagement de sa mère par des garde-frontière américains) l'enfant retrouvera très vite sa joie de vivre et son besoin de jouer et de sourire. Notre iris doit exprimer cela. Mais il n'y a pas que la couleur. Il me semble que seul un iris médian (SDB, IB) serait adapté à ce nom et à ce qu'il véhicule. Un grand iris, avec sa fleur majestueuse, correspond mieux à une personne adulte. Voilà donc les critères à retenir : un iris nain ou intermédiaire, avec une fleur bleu clair, teintée de mauve ou de gris, mais aussi avec quelque chose qui l'égaie. Voulez-vous venir avec moi chercher 'Petite fille Triste' dans les catalogues 2019 ?

Sans vouloir faire un tour complet dans la production mondiale – trop long et fastidieux – on peut se contenter de rechercher parmi les variétés que l'on trouve chez nos producteurs nationaux. Tenez, feuilletons le catalogue de l'excellente maison Cayeux. Les iris médians ne sont pas sa spécialité mais en cherchant bien on va trouver 'Ere Glaciaire' qui pourrait faire l'affaire.

'Ere Glaciaire' (R. Cayeux, 2017) ('Wishful Thinking' X 'Forever Blue'). Un amoena inversé, caractère qu'il tient de son côté maternel ('Wishful Thinking'), avec ce qu'il faut de fraîcheur et de force enfantine.

Les Iris du Grand Barbu, de Daniel Boris, présentent un peu plus de richesse en iris nains. On y découvre en particulier deux variétés intéressantes pour notre sujet:

'Blue Flirt' (Blyth, 2002) (('In Jest' x 'Little Best') X 'Navy Blues'), bleu glacier à grosse barbe bleu vif, est un Intermédiaire de haute taille (65cm) dont la barbe à elle seule présente le côté mélancolique qui nous intéresse aujourd'hui.

'Breathtaking' (P. Black, 2016) provient d'un croisement complexe mais astucieux, bien dans la veine de Paul Black. Il se présente en mauve argenté avec un soupçon de noisette au cœur et une grosse barbe lilas. Un ensemble frais sans être froid.

La collection de Iris en Provence s'est récemment enrichie en iris nains en incorporant des variétés de Loïc Tasquier. Même si les grands iris ont été le fer de lance de la famille Anfosso, elle a toujours consacré une certaine place aux autres catégories.

'Forever Blue' (Chapman, 2017) ('Shy Violet' X (('Velvet Caper' x 'Michael Paul') x 'Sigh')) nous vient du Canada, ce qui n'est pas courant. C'est un indigo clair marqué d'une belle barbe bleu vif, très attrayante. Quoi de mieux pour porter le nom de 'Little Girl Blue' ?

'Piazza del Campo' (Tasquier, 2017) (('Terra Verde' x 'What Again') X 'Nava'). Un iris nain tout nouveau aux pétales violet clair sur sépales violet rose, à barbe de violet clair à orange. Une variété un peu plus colorée que les précédentes mais qui présente néanmoins toutes les caractéristiques recherchées.

'Storm Song' (Blyth, 2003) ('Uppity' X ('Shindig' x 'Being Busy'). Avec cet iris on s'éloigne de plus en plus des critères retenus au départ. Il est décrit comme « Iris nain bleu lavande vif à spot bleu violet autour de la barbe lavande ». Le spot central peut être interprété comme le cri de douleur de la petite fille...

'Wish upon a Star' (P. Black, 2006) (frère de semis de 'Zap' x 'Neutron'). Cette fois le bleu pâle est oublié ! C'est un violet foncé à barbe blanche, contrastante, et c'est cette barbe - qu'on rencontre maintenant de plus en plus souvent – qui fait pencher la balance en sa faveur. Quant au violet, il a quelque chose de dramatique, bien en phase avec notre sujet.

Terminons avec le catalogue néerlandais de Loïc Tasquier. Celui-ci s'adonne avec fougue à l'hybridation des iris médians, depuis les tout petits MDB, jusqu'à sa spécialité que sont les SDB, en passant par les IB pour lesquels il a une évidente tendresse. Dans le registre qui nous intéresse présentement, en plus de 'Piazza del Campo' dont on vient de parler, on peut retenir :

'Ciel Normand' (2010) ('Cry Baby' X 'James Bond'), un SDB qui aurait pu s'appeler 'Little Girl Blue' puisqu'il présente les caractéristiques retenues pour le titulaire de ce nom : un bleu pâle un peu froid enrichi d'une grosse barbe bleu ciel ;

Desi Brouwer' (2009) ('Stingray' X 'Baby Prince'), un IB, cette fois, tendrement indigo très clair, avec une barbe un peu grise, plein de mélancolie ;

'Essaouira' (2019) ('Glorious Days' X 'Outrage'), une nouveauté en SDB dont le nom marocain laisserait à penser à une fleur dans les teintes chaudes, mais pas du tout ! Un blanc bleuté, vaguement grisé, qui évoque davantage un ciel nordique qu'une plage ensoleillée. Un cœur en peine plus qu'un cœur en fête...

Mais tout cela n'est qu'un jeu, un exercice. C'est un peu l'équivalent de ce qu'en musique classique on appelle les « variations sur un thème de... » Ce qui ramène à notre préambule et au souvenir de cette Little Girl Blue si attendrissante.

Illustrations : 

Blue Flirt 

Ciel Normand 

Desi Brouwer 

Piazza del Campo 

Wish upon a Star

5.7.19

LA FLEUR DU MOIS

'My Red Drums' (Martin Balland, 2016) 
'Rio Rojo' X 'Palace Symphony' 

Pour une fois on ne va pas évoquer une de ces variétés de la grande époque, c'est à dire des années 1970/1990, mais d'une plante toute jeune qui fait cependant parler d'elle – en bien, bien sûr.

 Martin Balland est relativement nouveau dans l'activité d'hybrideur d'iris. C'est en quelque sorte son violon d'Ingres puisqu'il se considère d'abord comme musicien, batteur en l'occurrence, et que dans cette partie il a déjà acquis une certaine renommée et qu'il enseigne son art aux jeunes passionnés. Le métier d'hybrideur est profondément différent mais il l'exerce avec le même enthousiasme et la même réussite. Sa principale ligne de recherche concerne les iris brun-rouge ou violet pourpré. Sur une liste de 28 variétés enregistrées à ce jour on en compte 12 qui entrent dans cette catégorie. Et 'My Red Drums' en fait partie, en compagnie de jolies choses comme 'La Grande Mademoiselle'.

La description qui en est officiellement donnée est la suivante : « Pétales et bras des styles brun pourpré ; sépales identiques, zone plus clairs autour des barbes mais veinée de brun pourpré ; barbes brun pourpré pointées de bronze dans la gorge. Personnellement je trouve que le brun est plus présent que le pourpre, ce qui produit l'effet original caractéristique de cette variété. Car il faut au moins une pointe d'originalité pour se distinguer dans un coloris déjà riche et pratiqué par les plus fameux hybrideurs, comme Joseph Ghio et la famille Schreiner. Pour parvenir à ce résultat, Martin Balland a croisé deux variétés qui donnent déjà dans le coloris souhaité. La bonne idée a été d'ajouter au classicisme de 'Rio Rojo' (Schreiner, 2009) (1), la touche de fantaisie de 'Palace Symphony' (Blyth, 2006) (2). Cela a donné un iris plutôt tourné vers le coloris de 'Rio Rojo' avec l'impeccable fleur de 'Swingtown' (Schreiner, 1996), variété que l'on retrouve dans les antécédents de 'Rio Rojo' comme de 'Palace Symphony'. J'ai entendu reprocher à la fleur de 'My Red Drums' de manquer de rondeur, les sépales étant, il est vrai, un peu allongés, mais cette particularité (qui, au demeurant, rend la fleur différente des autres) est un signe distinctif plutôt qu'un défaut. Les juges de Vincennes, cette année, ne lui en ont pas tenu rigueur.

Aucun reproche à faire à la plante elle-même : elle a un joli feuillage bien développé, un bon branchement et de nombreux boutons. Cela fait partie des bonnes notes que lui ont attribué les juges du concours FRANCIRIS© 2019 qui lui ont décerné le Prix Philippe de Vilmorin, la plus haute distinction de cette compétition.

 'My Red Drums' (dont le nom fait allusion à l'autre passion de son créateur, les percussions) dispose d'une autre caractéristique dont les circonstances lui ont permis de profiter : il est hâtif. Cette année les iris présents à Vincennes avaient pris un peu de retard dans leur floraison à cause d'un printemps frisquet. Les variétés hâtives ont donc été avantagées, ce qui n'est pas souvent le cas car les organisateurs de concours s'efforcent de faire coïncider les dates de leurs compétitions avec celles du pic de floraison habituel. Les belles disposition de 'My RedDrums' ont fait le reste.

 (1) un iris dont l'apparition se situe au moment où la famille Schreiner a commencé à revenir vers une production moins commerciale et plus conforme à ce que l'on attend de l'un des premiers hybrideurs au monde.

(2) une variété tout à fait dans le style de Barry Blyth et sa spécialité des iris bicolores.

 Illustrations : 


'My Red Drums'


 'Rio Rojo' 

'Palace Symphony' 

'Swingtown'

SAGA PLICATA

Chacun s'accorde à dire que le modèle plicata est celui qui a le plus grand avenir dans la recherche de renouvellement des iris de collection. C'est aussi celui qui est apparu le premier il y a maintenant deux siècles, quand a débuté l'hybridation des iris. Une rétrospective de l'évolution du modèle de ses origines à nos jours va nous faire parcourir l'intégralité du monde des iris plicatas.

III – Les années 20, en Amérique

A la charnière de la transition di/tétraploïde.


'Midwest' (H. Sass, 1922) 


'Sacramento' (Mitchell, 1929) 


'San Francisco' (Mohr, 1927) 


'True Charm' (Sturtevant, 1920)

LE LIS BLEU D'ESPAGNE

Il existe une légende originaire de la région de Valence, en Espagne, où il est question d'un lis bleu. Un lis bleu ? En Espagne ?

Le compositeur Joaquin Rodrigo, dont tout le mode connaît le « Concierto de Aranjuez » et la poignante mélodie de son mouvement lent, a également écrit un poème symphonique baptisé « Per la flor del lliri blau », en français : « Pour la fleur du lis bleu ». C'est ce titre qui m'a intrigué et conduit à me renseigner précisément sur son origine. Il est donc basé sur une sombre légende médiévale qui raconte comment les trois fils d'un roi mourant partent à la recherche du lis bleu dont les pouvoirs magiques pourraient sauver leur père. C'est le plus jeune des trois qui découvre la fameuse fleur. Mais il est tué par ses frères qui veulent garder pour eux la gloire d'avoir rapporté le miraculeux remède.

Mais de lis bleu il n'y a point. Cependant on peut faire le rapprochement avec la confusion fréquente en France entre le lis et l'iris, ce qui nous vaut, depuis le roi Clovis, de parler de fleur de lys pour désigner ce qui est en réalité une fleur d'iris. Le lis bleu de Catalogne serait donc sans doute un iris bleu, et dans ces conditions on a l'embarras du choix.

Cela pourrait être Iris unguicularis plus connu sous le nom d'iris d'Algérie, que l'on rencontre parfois en Espagne où il trouve la douceur climatique qui lui convient et lui permet de développer ses fleurs bleues, délicatement parfumées, qui apparaissent discrètement au cœur de touffes abondantes de feuilles longues et fines dès le mois de février. Pourtant il ne s'agit pas d'une espèce rare et dans ce cas il n'eut pas été nécessaire aux trois frères de partir à la recherche d'une plante qu'ils eussent pu trouver facilement tout près du palais paternel.

Un autre iris pourrait faire l'affaire, d'autant plus qu'il est fréquent en Espagne et notamment dans le région de Valence. Il s'agit de Xiphium vulgare, un iris bulbeux d'environ 60cm de haut qui pousse dans les sols secs du pourtour méditerranée, et qui se distingue par ses fleurs le plus souvent bleues, marquées d'un signal jaune. Au demeurant c'est une plante assez commune et voyante en raison de sa taille. Les frères n'auraient donc pas eu besoin d'entreprendre une mission botanique pour s'en procurer.

Alors pourquoi ne pas envisager qu'il s'agisse d'un autre iris bulbeux à fleurs bleues, le très connu iris des Pyrénées (Xiphium latifolium) ? Parce que cet iris en tous points délicieux ne se plait qu'en climat frais et humide, ce qui explique sa présence sur les pentes pyrénéennes exposées comme dans la montée du col du Tourmalet, mais n'a aucune chance d'apparaître dans l'arrière pays valencien.

Ne reste donc à envisager que la solution de Juno planifolia, un iris bleu, méditerranéen, de petite taille, mais avec des feuilles étroites en touffes épaisses, avec, plus ou moins dissimulées en leur centre, de grosses fleurs dans différents tons de bleu, généralement d 'un bleu doux, lilacé, marqué de bleu plus vif sur les sépales et finement veiné de jaune. Leur parfum délicieux est ce qui les signale le plus sûrement aux promeneurs. Ne serait-ce pas cela le lis bleu de la légende ? C'est en tout cas à lui que je donne ma préférence. Les trois frères qui voulaient prolonger la vie de leur père ont très bien pu sans trop s'éloigner de Valence le trouver assez facilement sur les pentes rocailleuses.

On dit que les plantes – et singulièrement les iris, peut-être en vertu de leur parfum si délicat – ont le pouvoir d'apaiser les humeurs des hommes. Il semble que le lis bleu d'Espagne n'ait pas eu ce pouvoir puisque les deux ainés n'ont pas hésité à commettre un abominable crime pour tirer un misérable profit de la découverte de leur cadet. La légende ne dit pas s'ils ont ou non été démasqués, ni si le roi leur père a eu son existence prolongée grâce aux vertus de Juno planifolia dont au demeurant on peut être sceptique, les iris en général ayant la réputation d'être toxiques. Et si la quête des trois frères n'avait pas pour motif de hâter la fin d'un roi dont ils aspiraient les uns et les autres à prendre la succession ?

Illustrations : 

Iris unguicularis 


Xiphium vulgare 


Xiphium latifolium 


I. juno planifolia 

ces quatre photos proviennent de la collection de SIGNA