26.6.09

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Irisistible

Un nouveau site web francophone concernant les iris vient de faire son apparition : www.irisistible.fr .

L’animateur de ce site est un jeune passionné d’iris qui vient de s’installer près de Lyon. Il ne dit pas précisément s’il a l’intention de faire le commerce des iris, mais il a entrepris un programme d’hybridation dont il espère obtenir les premiers résultats intéressants d’ici quatre ou cinq ans. On ne peut que lui souhaiter de réussir. En tout cas il ne manque ni d’enthousiasme ni de confiance en lui.



LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

En Europe, la guerre, les privations, les déportations continuent. Aux USA la vie « normale » se poursuit… Et les Médailles de Dykes sont toujours attribuées. En 41 c’est le grand ‘Great Lakes’ qui est couronné, et en 42 un autre célèbre iris : ‘The Red Douglas’ obtient à son tour la médaille.















INVERSION JAUNE

Les iris dits “amoenas inversés” sont à la mode. Chaque hybrideur qui veut montrer son savoir-faire va présenter le ou les siens. C’est Keith Keppel qui est à l’origine de cet engouement et l’exemple qu’il a donné est difficilement égalable. Néanmoins, aujourd’hui, avec plus ou moins de réussite, chacun y va de son « dark top ». Le plus grand nombre se contente de proposer un iris aux pétales bleus au-dessus de sépales blancs (ou aussi blancs que possible). Certains réussissent à obtenir, en plus, des barbes de couleur différente, prolongées parfois d’éperons de toute sorte.

Mais certains veulent se distinguer encore plus nettement. Ils travaillent sur des amoenas inversés dont les pétales sont d’autres couleurs que le bleu ou le mauve. Et là où les réussites sont les plus nombreuses, c’est dans les amoenas jaunes.

Cette combinaison de couleurs n’est cependant pas nouvelle. Dans leurs efforts pour obtenir des iris absolument jaunes, les hybrideurs des années 30 et 40 ont torturé les variétés issues de l’espèce I. variegata afin d’en éliminer des sépales toute trace du violacé d’origine. Il fallait décolorer les sépales et remplacer le fond blanchâtre de l’espèce souche par une couleur jaune aussi concentrée que possible et, de préférence, de la même teinte que celle des pétales. Tout cela rien que pour obtenir la couleur recherchée, sans parler, donc, des autres caractéristiques à améliorer comme la taille de la plante, la forme des fleurs et, particulièrement, la rigidité des sépales.

En cours de route, forcément, on est passé par toutes les étapes imaginables. En particulier par une décoloration progressive des sépales : un peu comme si ces derniers étaient passés dans des bains d’eau de Javel de plus en plus concentrés. Pour illustrer cette étape, j’au découvert incidemment, dans un jardin proche du mien, un iris jaune acide, dont les sépales tendent nettement vers le blanc, et donnant donc à voir des fleurs qui peuvent être considérées comme des ancêtres de l’amoena inversé. Cet iris est de petite taille (on le qualifierait aujourd’hui d’Intermédiaire), encore proche donc de I. variegata, mais très prolifique et florifère. Cet hybride-là est manifestement âgé d’au moins 70 ans.

Au fil du temps d’autres amoenas inversés jaunes sont apparus. Comme cet ‘Alfred Edwin’ (1950) obtenu par l’anglais A. T. White. Issu du croisement (White City X President Pilkington) il offre des pétales coniques jaune primevère et des sépales blancs, à peine touchés aux épaules du jaune des pétales. Ce qui est intéressant puisque ‘White City’ (Murrell 39 BDM 40) a pour frère de semis une fleur violet clair, ‘Honor Sterndale’, et d’ailleurs un examen attentif laisse percevoir des traces infimes de violet dans les sépales. Ces traces pourraient aussi provenir de ‘President Pilkington’ mais en l’occurrence c’est essentiellement le jaune des pétales de ce « père » qui apparaît. Quoi qu’il en soit nous avons bien affaire à un amoena inversé remarquable.

On connaît plein d’autres exemples d’amoenas jaunes inversés. Citons, pour faire court, le très peu connu ‘Belle Embellie’ (Anfosso 81) dont l’image se trouve sur le site de la SFIB (http://www.iris-bulbeuses.org/) et ces deux variétés encore plus intéressantes : ‘Alpine Region’ (Blyth 96) et ‘Somni’ (Dauphin/Dejoux 2008). Ces deux iris, tout comme le précédent, ont des pedigrees très éloignés les uns des autres. Mais si, chez Blyth, le coloris d’ ‘Alpine Region’ était de l’ordre du possible à cause du celui de son parent femelle ‘Billows’ (Blyth 91), on peut parler à propos de ‘Somni’ de fruit d’un heureux concours de circonstance, pour ne pas évoquer le hasard ; mais ce qui compte c’est le résultat et il est fort bon.

L’obtention d’amoenas inversés est devenue un must de l’hybridation. Les principales couleurs de la palette des iris sont maintenant représentées dans cette catégorie. Les exemples donnés apportent la preuve que l’on peut désormais tout attendre dans ce domaine, et les amoenas inversés jaunes ne sont qu’un des aspects du développement de la catégorie considérée.

22.6.09

GROS RETARD

Les habitués de ce blog ont du s'étonner de ne pas trouver leurs pages habituelles sur les iris un vendredi soir. La cause ? Un voyage en Croatie (il y a des Iris sibirica au bord des lacs de Plivitce)...
Prochaine livraison vendredi prochain, promis !



LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

On continue avec les années (terribles pour nous, Européens) 1939 et 1940. Aux USA la guerre n’a pas ralenti le travail des hybrideurs, au contraire elle leur a profité en interrompant le travail des Européens. Voici donc ‘Rosy Wings’ (DM 1939) et ‘Wabash’ (DM 1940). Ce dernier est certainement l’une des variétés les plus répandues dans le monde, et tellement caractéristique qu’on la reconnaît au premier coup d’œil quand elle apparaît dans un jardin.















ON DIRAIT QUE C’EST…

Il fut un temps où produire un nouvel iris signifiait pour l’obtenteur découvrir une subtile différence de ton, un raffinement difficile à distinguer pour un œil d’amateur, qui allait apporter un tout petit élément neuf à une recherche qui s’épuisait. C’était, tout particulièrement en France, au fil des années 20 et 30, au moment de la plus grande gloire des Ferdinand Cayeux, vainement poursuivi par les Vilmorin, Denis, Nonin, Bouscant ou Millet. Cette obligation de faire du neuf avec des matériaux exploités jusqu’à la corde a amené les obtenteurs à recommencer chaque année le travail de l’année précédente pour proposer à leurs clients des variétés dont la nouveauté ne se distinguait qu’à la comparaison rapprochée. Un peu plus mauve ici, un peu plus pourpre là. Un liseré clair ici, une bordure plus foncée ailleurs… Bleu, violet, pourpre, magenta d’un côté, blanc, jaune, mordoré d’un autre ; il fallait jouer sur les nuances à défaut de pouvoir varier les couleurs.

C’est ce qui rend l’identification des anciennes variétés si difficile, voire impossible, pour peu qu’au fil des transplantations elles aient perdu leur nom. Nos jardins regorgent donc de ces iris dont on ne peut rien dire d’autre que : « On dirait que c’est… »

Une de mes voisines est dans ce cas. De chaque côté de sa porte se trouvent des touffes importantes d’un bel iris, de haute taille, avec des fleurs bien proportionnées et élégamment disposées de part de d’autre de tiges solides. De beaux iris, qui ont certainement un jour été baptisé, ont figuré dans un catalogue et sont venus, de Vitry sur Seine ou de Verrières le Buisson orner un jardin de Touraine. Mais ceux qui les ont achetés n’ont pas conservé les identités et maintenant que la mode revient vers les variétés anciennes, les nouveaux propriétaires voudraient bien leur remettre un nom sur le rhizome. Mais c’est presque mission impossible.

Regardez la photo de l’iris de ma voisine. Comparez avec les autres photos présentées. A chaque comparaison on croit avoir trouvé, mais à l’épreuve d’un examen approfondi on constate qu’il y a quelque chose de différent, quelque petit détail qui fait dire que non, ce n’est pas ça.

Ne s’agit-il pas d’ ‘Ambassadeur’ (Vilmorin 20) ? Les sépales ont bien la même couleur, mais les pétales de notre inconnu sont plus clairs, les barbes plus jaunes et plus volumineuses, et les stries des épaules sont moins marquées. Non, ce n’est pas ça.

‘Audran’ (Vilmorin 38) a lui aussi des barbes jaunes, mais il a de fortes stries aux épaules et la teinte des pétales est plus mauve. Non, ce n’est pas ça.

On croit qu’on y est avec ‘Député Nomblot’ (Cayeux 29), mais ce dernier se présente sous une forme plus moderne : les sépales se tiennent mieux et les pétales sont plus vifs.

‘Directeur Pinelle’ (Cayeux 32) en revanche est un peu plus clair et, lui aussi, de forme un peu plus moderne. Le contraste de ‘Madame Henri Cayeux’ (Cayeux 24) est plus marqué : ce n’est pas ça. Les barbes de ‘Madame Ulman’ (Cayeux 36) sont orangées… ‘Don Juan’ (Cayeux 28) a un filet clair au bord des sépales ; caractère qu’on retrouve chez ‘Marinella’ (Cayeux 37) avec des pétales plus clairs ; quant à ‘Prosper Laugier’ (Verdier 14), c’est la teinte des sépales, plus clairs et plus bruns, qui ne va pas…

Des iris magenta clair sur amarante ou grenat, il y en a des dizaines dans les catalogues des années 30, et nous ne disposons que d’un nombre restreint de photographies (photo dont l’authenticité, d’ailleurs, peut facilement être mise en doute). Il faut donc se rendre à l’évidence : il n’est pas possible de donner un nom à l’iris de ma voisine, car la seule chose qu’on puisse en dire c’est qu’il ne s’appelle pas ‘Untel’ ou ‘Tel Autre’. Désormais il s’appellera toujours ‘Bel Inconnu’.

12.6.09




LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

Troisième livraison, avec les photos de ‘Missouri’ (DM 1937) et ‘Copper Lustre’ (DM 1938).










DEUX PETITS BLEUS DES MERS DU SUD

Qui dit mer du sud ne dit pas forcément lagons tièdes et cocotiers. Plus au sud il y a le continent antarctique et ses glaciers. Les variétés d’iris dont il va être question cette fois évoquent plutôt cette extrémité du monde.

‘Bel Azur’ est un iris intermédiaire enregistré par Richard Cayeux en 1993. Il est décrit comme un pur bleu clair à barbes blanches, et a pour pedigree (Open Sky X Swirling Seas). C’est par conséquent le résultat, prévisible, d’un SDB bleu tendre et d’un TB bleu indigo, lui-même issu de deux bleus for célèbres : (Full Tide x Five Star Admiral).

Profitons de l’occasion pour rappeler que l’obtention d’iris intermédiaires a longtemps été le résultat du croisement d’un iris nain standard et d’un grand iris. Le tableau ci-dessous, extrait de « The World of Irises » résume la façon d’obtenir des iris « médians » :




TB x I. pumila = SDB (Lilliput) x Arilbred = Arilmedian




" x I. pumila = MDB




" x SDB = SDB




" x TB = IB

Notre ‘Bel Azur’ est donc le résultat classique à attendre du genre de croisement tenté. A noter que maintenant, les iris IB étant devenus pour la plupart fertiles, on obtient des IB par croisement de deux IB entre eux.

Le parent maternel de ‘Bel Azur’, ‘Open Sky’ est l’une des obtentions les plus connues de Bee Warburton, une pionnière dans le travail d’hybridation des iris nains et intermédiaires. Il a été enregistré en 1975. Ici même en 2002, j’ai évoqué cette variété qui fait partie de mes favoris. Il est le résultat d’une longue série de croisements entre petits iris nains (I. pumila) et grands iris des jardins, dans le but d’obtenir un bleu d’azur pratiquement parfait. Il est décrit comme bleu à barbes blanches, ce qui est exact mais un peu court pour une fleur aussi jolie et qui aurait mérité que l’on parle également de sa forme, classique, et de son parfum. Marié au bleu sombre de ‘Swirling Seas’ (Gatty 83), il a donné naissance à notre ‘Bel Azur’ qui allie les qualités de ses deux géniteurs, dans une fraîcheur toute polaire mais néanmoins fort agréable.

Le second héros du jour, c’est ‘Antarctique’, une autre obtention de Richard Cayeux, encore plus glacée que la précédente. Lui aussi enregistré en 1993, c’est une variété d’intermédiaire aux pétales blanc pur, aux sépales bleu lavande clair, avec des barbes jaune pâle. Ses parents sont : (Boo X Spinning Wheel).

En effectuant ce croisement, Richard Cayeux visait certainement ce à quoi il est parvenu car en joignant le SDB amoena ‘Boo’ (L. Markham 71) et le fameux TB ‘Spinning Wheel’ (Nearpass 74) – référence du modèle amoena-plicata – il y avait bien des chance de trouver parmi les semis un nouvel amoena. Celui-ci est particulièrement plaisant, plutôt petit en taille (45cm) mais extrêmement gracieux et bien proportionné.

Il est intéressant de remarquer que dans le pedigree de ‘Boo’ on trouve plusieurs ingrédients qui figurent aussi dans le pedigree de ‘Open Sky’, comme ‘Blue Denim’ (Warburton 58), un beau SDB bleu de la première heure, sans tache sombre sous les barbes, lui-même descendant du fondamental TB ‘Great Lakes’ (Cousins 38 – DM 42). Nos deux bleus français sont donc un peu cousins, ce qui n’a rien d’étonnant.

‘Bel Azur’ et ‘Antarctique’ font partie de ce qui s’est fait de mieux en matière d’iris intermédiaires dans les années 90. Ils méritaient bien cette chronique.

6.6.09




LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

Suite du programme, avec les photos de ‘Sierra Blue’ (DM 1935) et ‘Mary Geddes’ (DM 1936).






LA FLEUR DU MOIS

En juin, la troisième « fleur du mois » s’appellera ‘Shooting Stars’.

‘SHOOTING STARS’

Donner des coups de pieds dans les étoiles est un exercice réservé aux plus grands. Richard Ernst doit faire partie de cette catégorie privilégiée. En tout cas son ‘Shooting Stars’ (92) est un joli coup ! Il fait partie des produits du croisement particulièrement prolifique (Edna’s Wish X Wild Jasmine) dont il a déjà été question ici. Il a quatre petits frères enregistrés, tous remarquables :
‘Amber Tambour’ (91) en jaune ambré ;
‘Chiffon Ruffles’ (91) blanc nacré aux épaules poudrées de brun cannelle ;
‘Desert Renegade’ (92) plicata brun curry sur fond blanc ;
‘Hearthstone’ (93) autre plicata, plus chargé et plus doré que le précédent.
Et c’est sans compter les remarquables variétés obtenues à la génération suivante, laquelle a vu apparaître le nouveau modèle de fleur désigné sous le nom de son plus éminent représentant : ‘Ring Around Rosie’, mais qui comprend aussi ses quatre frères, puis une série de neveux et de cousins. Les quatre frères sont :
‘Carnival Ride’ (2002)
‘Child of Royalty’ (2001)
‘Smokin’ (2001)
‘Whispering Spirits’ (2001)
Ils se présentent sous deux formes qui sont complémentaires : le modèle ‘Ring Around Rosie’ (2001) avec les pétales blancs et les sépales aux couleurs caractéristiques liseré de jaune et poudré de pourpre, et le modèle ‘Smokin’, violet ou indigo deux tons, poudré de blanc sous les barbes avec un liseré pâle vers l’extérieur (pratiquement le négatif de l’autre modèle).

A l’heure actuelle, ‘Shooting Stars’ n’a pas de descendance avérée, il se situe dans une impasse, mais au bout de la rue se multiplient aujourd’hui les variétés qui lui ressemblent et qui disposent dans leur gènes des mêmes éléments issus de (Edna’s Wish X Wild Jasmine), un couple qui a fait parler de lui !















LES DAMES DE CHINON

La petite ville de Chinon, dont je suis originaire et où je suis revenu vivre, définitivement sans doute, depuis vingt ans, s’enorgueillit d’avoir abrité plusieurs personnages importants. Elle honore François Rabelais, son enfant le plus fameux, et ses truculents personnages, mais aussi quelques dames de passage qui ont marqué son histoire et celle du monde.

Les réjouissants géants inventés par Rabelais sont ici aussi connus que Bilboo le Hobbit ou Harry Potter. Ils accompagnent les Chinonais dans leur vie de tous les jours et les habitants en parlent comme de gentils voisins. Gargantua et son épouse Gargamelle sont de toutes les fêtes locales, tout comme l’atrabilaire Pichrocole ou le courageux frère Jehan des Entommeures. On parle un peu moins de Pantagruel, même s’il est de bon ton de l’évoquer ainsi que son mentor Panurge. J’ai cherché à savoir si, tout comme le folklore tourangeau, le monde des iris avait eu une pensée pour ces glorieux personnages. Et j’ai découvert qu’en 1927 l’incontournable Ferdinand Cayeux avait dédié à Pantagruel une de ses nombreuses obtentions. D’après les documents officiels il s’agit d’une très haute variété, qui est aussi fort hâtive, et qui présente des fleurs dans les tons de rose orchidée, avec des veines claires sous les barbes. Je ne vois pas ce que la couleur rose a à voir avec le personnage de Pantagruel, mais est-ce que cela a de l’importance ? J’aimerais, si cela est encore possible, retrouver cette plante et la multiplier pour en orner certains jardins publics de notre bonne ville.

Mais il y a d’autres iris qui auraient leur place dans l’ornementation de Chinon. Je pense aux dames auxquelles, en mainte occasion elle fait référence. Jeanne d’Arc par exemple, qui dispose d’une vaste place à son nom, lequel a également été donné à l’artère principale, le quai Jeanne d’Arc, qui longe la rivière de Vienne sur la moitié de la ville. Le même nom a été attribué au cours des ans à plusieurs autres objets, et son dernier avatar concerne la clinique où les Chinonais se font soigner… Mais qu’en est-il en matière iridophile ? Notre chère pucelle de Domrémy a inspiré un obtenteur américain, J. Griffin Crump qui, en 2006, lui a dédié une variété dans les tons de jaune chartreuse : ‘Maid of Orleans’. L’intrépide Lorraine non contente d’avoir « bouté l’Anglois hors de France », s’est invitée en Virginie !

Autre célébrité chinonaise, dont le gisant trône dans la superbe abbaye voisine de Fontevrault, la reine Aliénor d’Aquitaine. Celle qui fut en son temps le personnage le plus puissant d’Europe a séjourné maintes fois dans son château de Chinon. Aujourd’hui on dirait qu’elle avait la double nationalité, française et anglaise, puisque ses possessions s’étendaient de part et d’autre de la Manche. C’est peut-être pour cela que le monde des iris lui a rendu un double hommage. A commencer par celui d’un bi-national comme elle, Lawrence Ransom, qui a donné son nom à un iris intermédiaire bien connu maintenant : ‘Alienor d’Aquitaine’ (1992). Il s’agit d’une variété aux fleurs blanches marquées de jaune soufré aux épaules, avec des barbes jaunes pointées de blanc ; déclaré pour mesurer 50 cm, il dépasse bien souvent cette taille et rejoint en ce domaine bien des variétés du type TB.

Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. Voilà-t-il pas qu’un hybrideur américain, admirateur de notre pays et de son histoire, a baptisé ‘Eleanor of Aquitaine’ une de ses obtentions ! Protestations, palabres, compromis… Finalement l’AIS a tranché et l’iris américain a hérité d’un nom un peu plus long mais qui ne change pas grand chose : il s’appelle désormais ‘Queen Eleanor of Aquitaine’ (Baumunk 2006). C’est un plicata très traditionnel, en bleu indigo sur fond blanc. Il est issu de deux plicatas, un bleu-violet, ‘County of Kent’ (Baumunk 2005), et un plus pourpré (et plus chargé), ‘Laugh Lines’ (Ghio 98). Quoi qu’il en soit, ce n’est pas pour cela que ‘Queen Eleanor of Aquitaine’ est remarquable, mais bien plutôt pour le conflit franco-américain qu’il a engendré, et qui ressemble fort à la guerre de cent ans que la dédicataire a involontairement déclenchée entre la France et l’Angleterre lorsque son fils, roi d’Angleterre, s’est déclaré également roi de France… Il est curieux que cette vieille affaire se soit presque réveillée par l’effet d’un simple iris.

Si la ville de Chinon avait l’intention d’enrichir ses massifs floraux par des plantes originales, elle aurait, avec les trois variétés ci-dessus, de quoi se distinguer avec élégance.