30.12.05


CONTRASTE MAXIMUM

Il existe une vive compétition entre les principaux obtenteurs, car il importe de trouver de nouveaux domaines de recherche où chacun tend à exceller. Obtenir une fleur aux pétales franchement blancs avec des sépales le plus foncé possible est l’un de ces défis récents dont on constate aujourd’hui les résultats.

Il y a au moins deux possibilités d’obtenir ce contraste blanc sur noir : le modèle amoena et le modèle plicata. L’un et l’autre ont été utilisés.

La recherche du contraste maximum n’est pas tout à fait nouvelle. De tout temps, les hybrideurs d’iris bicolores se sont efforcés d’obtenir des fleurs aux coloris qui tranchent sans s’opposer. Mais réunir les deux extrêmes n’a pu aboutir qu’après un long travail d’approche et de sélection. Dans le domaine des plicatas, Jim Gibson, en 1980, a retenu BRILLIANT EXCUSE, dont les dessins violets sont très saturés, mais qui reste cependant dans le digne descendance de STEPPING OUT. Il se rapprochera un peu plus du but avec LICORICE FANTASY (86), par le procédé bien connu de l’endogamie, puisque cette variété est la fille de BRILLIANT EXCUSE, ce qui prouve bien que l’obtenteur avait pour objectif de parvenir un jour au blanc sur noir. A sa disparition ce sont les deux amis et rivaux BLYTH et KEPPEL qui ont repris le flambeau. Du premier on retiendra ROCKET MASTER (90), aux pétales grenat foncé et aux sépales où le blanc du fond disparaît presque sous le dessin de la couleur des pétales. Ce résultat a été obtenu avec le concours des variegatas-plicatas que sont BROADWAY (Keppel 79) et CARAMBA (Keppel 75) pour le fond jaune, et d’ODYSSEY (Babson 71) pour l’indigo, car pour obtenir un ton proche de l’aubergine, il faut superposer une base jaune ou orange et une couverture violacée. Joë Ghio s’est invité au concert. Il a proposé SELECT CIRCLE (97) chez qui on constate nettement l’amélioration du contraste, en partant de POWER SURGE (Ghio 91), via l’étape intermédiaire de SOMERSAULT (95). Keppel a mis plus longtemps à émerger dans ce domaine, mais les résultats sont là avec DARK DRAMA (05), un plicata très chargé violet aubergine sur fond plus crème que blanc. Cette variété procède du même raisonnement que ROCKET MASTER ou SELECT CIRCLE : un socle jaune orangé recouvert de violet ; il ne peut guère y avoir d’autre solution ! A moins que ce ne soit la voie employée pour OREO (Keppel 03). Dans ce cas le fameux maître des plicatas a travaillé d’emblée avec des iris sombres, dans les tons de violet presque noir (SWAZI PRINCESS, TITAN’S GLORY, BLACKOUT), associés à des plicatas aussi sombres que possible (VILAIN, STORM TRACK). Le résultat n’est pas un ton aubergine, mais un bleu nuit très profond, et très prometteur. En Europe, il y a Augusto Bianco qui a enregistré AALIYAH (2002), le produit d’un croisement de SOMERSAULT et du plicata de bordure anglais ORINOCCO FLOW (Bartlett 89), assez semblable à son cousin SELECT CIRCLE.

Dans le domaine des bicolores, on a longtemps qualifié NAVAJO BLANKET (Schreiner 78) d’étape vers le blanc/noir. Mais c’est une étape bien éloignée du but ! Les pétales sont roses orchidée, et les sépales grenat foncé. Il faudra attendre encore quinze ans avant de constater un réel progrès. C’est Joë Ghio qui s’est mis à l’ouvrage. Un ouvrage qui va durer au moins six ans et qui a commencé avec OSAKA (Ghio 93), crème sur acajou foncé. La recette appliquée est à base de variétés amoenas violets (FANCY TALES, ALPINE CASTLE) et pourpres (BRISTO MAGIC) enrichie par un bicolore solide et coloré : SUCCESS STORY. La deuxième marche à monter a été, à mon avis, COSTA-RICA (Ghio 95), qui conserve les mêmes bases que le précédent, mais auxquelles s’ajoutent les barbes rouges de TOMORROW’S CHILD (Blyth B. 84). Deux ans plus tard viendra la marche suivante qui s’appelle OCELOT (Ghio 98). Elle s’appuie sur une autre base car elle contient les pétales claires du bicolore CHINESE NEW YEAR (Ghio 97) et les sépales très sombres de ROMANTIC EVENING (Ghio 96). Bilan : des pétales crème, lumineux, et des sépales d’un grenat très foncé. En 99, apparaît un quatuor de choc. Ces quatre variétés sont des frères de semis qui approchent de l’excellence. Elles sont issues de ROMANTIC EVENING et d’un medley où l’on retrouve la base SUCCESS STORY, FANCY TALES, ALPINE CASTLE. Elles se nomment (dans l’ordre alphabétique) CONNECTION, NEXT MILLENIUM, SNOWED IN et STARRING. CONNECTION et NEXT MILLENIUM peuvent pratiquement être décrits avec les mêmes mots : pétales blanc crémeux (ou bleuté pour le second), sépales pourpre vif, barbes rouges. SNOWED IN est plus bleu : les pétales sont blanc bleuté, les sépales franchement violet-noir, aérés de veines blanches sous les barbes qui sont bien rouges. A vrai dire, dans ce cas, on est plus près du modèle tricolore cher à Richard Cayeux, mais avec des sépales dont le bleu est saturé. STARRING est considéré comme le plus accompli de la famille. C’est un amoena aux pétales bien blancs, au-dessus de sépales aubergine pratiquement noir. Les barbes rouge brique complètent un tableau parfait.

D’autres obtenteurs se sont essayé à l’exercice, en particulier Barry Blyth, spécialiste des bicolores. DREAM LORD (96), PAINT THE SCENE (98), ENJOY THE PARTY (99) puis PARIS OPTION (05) en attestent. Les deux premiers ont cependant des pétales plus roses que blancs. Le plus proche de l’idéal doit être ENJOY THE PARTY, descendant de DREAM LORD, mais il n’atteint pas la pureté du blanc de STARRING. Avec EVENING DRAMA (03) Paul Black s’est essayé dans cette recherche difficile. Il s’agit d’un croisement entre le néglecta pourpre ZEPHERINA (Maryott 96) et ROMANTIC EVENING (voir ci-dessus). Il est parvenu à quelque chose de très près du but : un iris aux pétales blanc bleuté, aux sépales aubergine, plus clairs aux bords. A cause des barbes brunes l’ensemble est peut-être un peu austère, mais la fleur est jolie, ce qui est normal de la part d’un excellent obtenteur. Peu de temps auparavant Lowell Baumunk, un hybrideur du Colorado, avait obtenu MIDNIGHT MOONLIGHT (99) (voir photo), qui se situe dans les mêmes teintes, mais avec des pétales blancs à peine ombrés de lavande, et des sépales violets, un peu plus bleutés que ceux de EVENING DRAMA, mais très sombres. Là aussi la barbe, moutarde, maintient l’ensemble dans le sombre. Cet iris allie la saturation des néglectas TEMPTING FATE (D. Meek 93) et TWIST OF FATE (D. Palmer 80), à la clarté des pétales de l’amoena RIDE THE WIND (Schreiner 91). Le résultat est remarquable. Parmi les Européens, il n’y a pas encore eu de tentative dans cette direction.

Ira-t-on plus loin ? Verra-t-on un véritable blanc/noir ? C’est tout à fait possible mais il faut reconnaître qu’après STARRING, EVENING DRAMA et MIDNIGHT MOONLIGHT, les degrés à monter ne sont plus très nombreux.
PETIT DICTIONNAIRE DU MONDE DES IRIS

Sibling
Substantif emprunté à l’anglais, et nom masculin. La traduction française est ‘frère de semis’.
Deux iris issus d’un même croisement sont des frères de semis, ou, en américain, siblings. Les plantes conservées provenant d’un même croisement ne reçoivent pas systématiquement un nom. Dans l’énoncé d’un pedigree, plutôt que d’exprimer intégralement la formule d’un des géniteurs, il peut être plus simple de désigner celui-ci sous le nom d’un frère de semis dénommé suivi du mot ‘sibling’ ou, le plus souvent, de son abréviation ‘sib’. Exemple : GYPSY CARAVAN (Moldovan 78) = Far Corners sib X Barcelona.
RÉCRÉATION

Les cinq variétés ci-dessous sont des obtentions de Joseph Ghio. Quel est leur point commun ?

AROUND THE BAY
BOWL OF FLUFF
ON THE BUBBLE
SPENDING SPREE
WIDE SCREEN
RÉCRÉATION ( réponses)

Les cinq variétés citées ont toutes ROUNDUP parmi leurs ancêtres.

23.12.05


PETIT DICTIONNAIRE DU MONDE DES IRIS


Amoena
Adjectif et nom masculin.
Terme emprunté au latin, signifiant agréable, charmant.
A l’origine, qualifiait les iris aux pétales blancs et aux sépales dans les tons de bleu ou de violet. Le terme a été étendu à toutes les variétés bicolores avec pétales blancs.
Extensions du qualificatif :
· Amoena-plicata = s’applique aux variétés ayant des pétales blancs et des sépales du modèle plicata (voir ce terme).
· Amoena inversé = dans ce modèle, les pétales sont colorés et les sépales blancs ou tendant vers le blanc. La variété IRIADE – Laporte 2004 – (photo) est dans ce cas.
Jusque dans les années 40, l’obtention d’iris amoena était difficile parce qu’on ne connaissait pas exactement le processus aboutissant au modèle. C’est à partir des découvertes de Jesse Wills (caractère récessif) et des travaux de L. F. Randolph et Paul Cook que les iris amoenas se sont multipliés. Il existe aujourd’hui des pétales blancs associés à toutes les couleurs, et l’introduction de barbes mandarines aboutit à des variétés qualifiées de « tricolores ».
Les variétés les plus emblématiques du modèle sont WABASH (Williamson 31) et WHOLE CLOTH (Cook 57), pour les amoenas bleus, et PINNACLE (Stevens 45) pour les amoenas jaunes.
BONBONS, CARAMELS et CHOCOLATS

En cette période de fêtes, je me suis amusé à rechercher quelle part tiennent les douceurs et sucreries dans les noms donnés aux grands iris. J’ai été un peu étonné de découvrir que ce domaine sémantique n’a pas une grande place dans ce petit monde un peu spécial. J’ai appuyé ma recherche sur certains mots évocateurs de confiseries, en américain, évidemment, puisque c’est en cette langue que sont exprimés les noms de la plupart des iris, même ceux qui ne sont pas nés dans un pays anglophone. J’ai retenu les vocables suivants :
Candy = (pour ceux qui ont des difficultés avec l’anglais) bonbon
Chocolate = (ça c’est facile) chocolat
Delight = (ça aussi, c’est facile) plaisir
Fudge = caramel (sans beurre ?)
Honey = miel
Sugar = sucre
Toffee = caramel, aussi, mais au beurre s’il vous plait !

Je n’ai trouvé qu’une vingtaine de noms concernant directement ces domaines, ce qui est très peu au regard du nombre invraisemblable de variétés enregistrées et, plus précisément, de celles qui figurent dans ma base de données (près de 8000). Alors, bon appétit !

Le mot « candy » est affecté à de nombreuses variétés, mais pas dans le sens de bonbon. Dans ce sens je ne vois que APRICOT CANDY (Terrada 96), un iris orange tendre, comme un bonbon à l’abricot, et CANDY SHOP (Corlew 69), une variété rose comme peut l’être la boutique d’un marchand de sucreries. Je crois aussi savoir qu’en 2005 K. Keppel a baptisé CANDY FLOSS (barbe à papa !) un de ses BB.

« Chocolate », comme « candy » est présent dans beaucoup de noms, mais, encore une fois, pas dans une acception directement reliée à la confiserie. En ce sens je n’ai trouvé que CHOCOLATE MARMALADE (Les Fort 90) une variété qu’on peut effectivement qualifiée de couleur chocolat, CHOCOLATE VANILLA (B. Blyth 92), une association de jaune pâle et de brun clair qui fait effectivement penser aux deux boules d’une glace à la vanille et au chocolat, et HOT CHOCOLATE (Ghio 95) qui est un plicata au fond jaune et aux dessins brun rosé.

« Delight » a été mis, si l’on veut, à toutes les sauces ! C’est un mot largement utilisé, mais désignant le plus souvent quelque chose qui fait les délices de quelqu’un sans allusion particulière à la gourmandise. Il y a au moins le délice aux noisettes d’HAZELNUT DELIGHT (Niswonger 2001), mais quand on voit la fleur qui porte ce nom, on se demande où sont les noisettes. Aux épaules, peut-être, mais elles me paraissent plus proche de l’abricot que du brun clair. Le reste est blanc bleuté et la barbe rose vif. Quant à SWEET DELIGHT (B. Blyth 95), cette douce friandise s’adresse à un iris rose crémeux, plus clair aux sépales, à barbes abricot.

Le caramel –ordinaire- de « fudge » intéresse au moins trois variétés : HUCKLEBERRY FUDGE (Gibson 96), dont on peut effectivement dire qu’il est couleur de myrtille, mais c’est un plicata très voisin en coloris de RASPBERRY FUDGE (Keppel 89) qui, lui, se tourne plutôt vers les framboises. Pour sa part, VANILLA FUDGE (Lauer 98) est un variegata très sombre, dont on peut dire que le caramel est un peu trop cuit, gare aux dents !

Ah, le miel ! S’il est quelque mot dont la douceur et le côté cajoleur sont une vaste source d’inspiration, c’est bien celui-là. Mais, c’est plus le côté affectif que le côté gourmand qui est mis en exergue. Cependant CARAMEL AND HONEY (Hahn 89), couleur caramel blond, fait franchement allusion à ce que son nom décrit. C’est un peu la même chose pour NUT AND HONEY (Aitken 2001), qui est un iris brun appétissant, particulièrement ondulé. L’ancien SPICED HONEY (Hamner 76) est lui aussi un beau brun, couleur miel de montagne. Quant à TASTE OF HONEY (Schreiner 66), son goût de miel se trouve autour des barbes, sur une fleur d’un riche ton de jaune safrané. Et pour finir les affaires du miel, remontons dans le temps jusqu’à TOAST AND HONEY (Kleinsorge 53), pour déguster une tartine grillée arrosée de miel blond : avec cette variété, le maître des bruns s’est offert un bon goûter !

Le sucre n’inspire pas autant que le miel. C’est un constat qui résulte de ce qui apparaît quand on pianote « sugar » sur l’ordinateur. Pas grand chose à se mettre sous la dent car les allusions liées à ce mot sont plus tournées vers la douceur en général que vers l’aliment. BROWN SUGAR SPICE (O. Brown 2002) est le seul nom directement lié à une friandise, mais il est tout à fait approprié pour une variété à la fois jaune et brun doré, d’une forme parfaite, délicatement frisée.

Il nous reste à rechercher ce qui se cache derrière le mot « toffee ». Eh ! bien il faudra se contenter de ce caramel brûlé qui qualifie BURNT TOFFEE (Schreiner 77), un iris d’une couleur indescriptible, où le bleu violacé le dispute au brun et au grenat. Où est le caramel –au beurre ! - dans ce mélange peu banal ?

Et en français ? Les hybrideurs de notre pays sont-ils amateurs de sucreries ? Deux, au moins l’ont été : Pierre-Christian Anfosso, pour cette excellente variété de 85 qu’il décrit comme « harmonie douce de tons chauds pour cet iris aux pétales beige doré et sépales beige chamois glacés d’une flamme mauve sous la barbe rouge mandarine ». Igor Fedoroff, l’autre amateur toulonnais, a, de son côté donné le nom de SUCRE D’ORGE (voir photo) à une de ses obtentions, hélas non enregistrée, d’un rose argenté, piqueté de blanc sous les barbes, rose vif ; un vrai bonbon à la fraise.

Mais le plus succulent n’est ce pas ce BONBON (77) que Joë Gatty a préparé avec ses meilleurs ingrédients pour nous livrer un délicieux produit rose, acidulé et doux à la fois, qui fait saliver ceux qui contemplent sa fleur parfaite.

Cet inventaire, somme toute assez restreint, démontre que la notion de goût ne s’associe pas vraiment avec celle de fleur. Du moins dans l’imaginaire des obtenteurs d’iris. Trop terre à terre, le goût ? Trop lointaine, la gourmandise ? Que cela n’empêche pas l’amateur d’iris de se régaler avec ces plantes qui sont toutes fort belles, et qui pourraient, à elles seules constituer la matière d’une savoureuse plate-bande.
RÉCRÉATION

Les cinq variétés ci-dessous sont des obtentions de Keith Keppel. Quel est leur point commun ?

DAREDEVIL
GIGOLO
LAREDO
MIND READER
SPIRIT WORLD
RÉCRÉATION ( réponses)

La variété qui n’est pas un plicata est ALPENVIEW.

16.12.05


TELL MUHLESTEIN
des canaris et des iris

Son pays, c’était l’Utah, sa ville, Provo, au sud de Salt Lake City, sur la rive du lac Utah. C’était un homme généreux, ouvert aux autres et curieux de plein de choses. N’a-t-il pas été pianiste et compositeur avant de devenir éleveur de canaris, tout en s’adonnant avec passion à l’hybridation des iris ? Il a quitté ce monde en 1978, à 65 ans, ce qui est beaucoup trop tôt. Ceux qui l’ont connu, comme Melba Hamblen ou Les Peterson, ses voisins, ont tracé de lui un portrait où l’amitié le partageait avec l’admiration.

Tell Muhlestein en effet, qui avait commencé l’hybridation dès l’âge de 25 ans, a laissé une trace ineffaçable dans le monde des iris. Ses premiers enregistrements datent de 1945 et il n’a cessé de produire des variétés exceptionnelles jusqu’à la fin de sa vie. Il avait ouvert sa propre pépinière, Tell’s Iris Garden, à Orem, dans la banlieue de Salt Lake City. Il commercialisait lui-même ses produits et son catalogue présentait cette caractéristique de contenir des informations et des conseils de culture et d’hybridation marqués par son humour et son talent didactique. Il n’a jamais manqué quand il s’est agi de prendre des responsabilités au sein des sociétés iridophiles de sa région : il s’exprimait avec aisance et savait captiver ses auditoires.

Les premières variétés qui attirèrent sur lui le regard des iridophiles, furent sans aucun doute PINK FORMAL (49) et PARTY DRESS (50) deux iris roses, de ce rose qui porte sa marque. C’est en 1943, en visitant un jardin où poussaient tout un tas d’obtentions de David Hall, qu’il remarqua un semis, le 42-10, et qu’il prit la résolution de se consacrer aux iris roses. Les gens chez qui il était lui donnèrent du pollen de 42-10 ; Tell Muhlestein se procura également des rhizomes d’un autre rose fameux, SEASHELL (Loomis 40), et c’est de là que tout a commencé. A l’époque, les roses étaient ces roses légèrement bleutés que les américains appelaient les « flamingo pinks ». Muhlestein s’en fit le champion. En 1951, un enfant de PINK FORMAL, PINK FULFILLMENT, fit son apparition et devint un « must », à la base d’une foule de nouveaux iris roses à travers les Etats-Unis. Tout comme deux autres variétés très appréciées, JUNE MEREDITH (53) et PINK ENCHANTMENT (53) qui resta longtemps le rose le plus foncé. Un peu plus tard, un frère de semis de JUNE MEREDITH, JUNE’S SISTER (58), le bien nommé, fut largement utilisé par Melba Hamblen.

Cependant les roses ne furent pas les seules réussites de Tell Muhlestein. Au fil des ans, ses variétés furent de nombreuses fois à l’honneur. En 56 SWAN BALLET (53) (voir photo) reçut, à Florence, le Florin d’or, et continua sur sa lancée pour obtenir la Médaille de Dykes l’année suivante. Toujours à Florence, CREAM CREST termina second en 60, et en 62 UTAH VELVET (61) fut déclaré « meilleur rouge ».

Cependant la variété qui eut la plus grande diffusion, celle que l’on rencontre encore dans de nombreux jardins, se nomme JOYCE TERRY (74). Ce jaune aux pétales blancs nettement cernés de jaune, est considéré par tout le monde comme la variété emblématique de son modèle. Ajoutons à ce florilège le violet UTAH VALLEY (58), très prisé en Amérique, le grenat mêlé MARTEL (62), et l’un de ses derniers, le remontant SECOND LOOK (70), dans les tons de pêche, comme son ancêtre JUNE’S SISTER.

Pour qualifier Tell Muhlestein, Melba Hamblen, son amie, cite ce dicton bien connus là-bas :
« On attire les amis par les qualités qu’on montre ;
on les retient par les qualités qu’on possède. »
C’est sûrement sur ces mots qu’il faut terminer le portrait d’un grand homme des iris.
RÉCRÉATION

Les cinq variétés ci-dessous sont des obtentions de Keith Keppel. Quelle est celle qui n’est pas un plicata ?

ALPENVIEW
CHARMED CIRCLE
EMPHASIS
GENTLE RAIN
ROSARITA
RÉCRÉATION ( réponses)

La variété qui a un trait distinctif est FOGBOUND : c’est la seule à avoir la barbe mandarine.

9.12.05


TÉMOIGNAGE
Au bord de l’eau

Une mare, comme on en trouvait jadis à proximité des étables, là où les vaches venaient boire au retour d’une journée dans les prairies. J’en connais une tout près de chez moi dans un paisible coin de Touraine.

« Il y en a qui font construire une piscine devant leur maison, ma sœur a préféré faire creuser une mare. Pas une grande, une mare d’environ cinq mètres de diamètre et profonde d’environ un mètre au plus creux : une cuillère à soupe pour Gargantua ! L’eau y coule doucement, la traverse lentement avant de s’en échapper puis d’y revenir, sans fin… Elle y a mis quelques carpes et quelques dizaines de rotangles, quelques grenouilles aussi, qui mènent à la belle saison une vie bruyante et sympathique. Sur les rives, j’ai disposé des plantes qui aiment l’eau, ou tout au moins l’humide : des pétasites aux larges feuilles, des massettes, linéaires, et quelques iris de Sibérie. Elle est très contente de ces plantes là. Elles se sont installées en deux ans et forment maintenant de belles touffes. Dès le mois de mai, elles émettent de hautes tiges fines mais solides, qui vont porter, au mois de juin des fleurs gracieuses, un peu étranges, avec leurs pétales dressés comme des caroncules de coq de bruyère, et leurs larges sépales si vivement colorés. Elles viennent de chez Bourdillon, où il y en a tout un choix. Elle a retenu ANN DASCH (Varner 77), bleu violacé ; SHAKER’S PRAYER (Varner 89) (voir photo), original avec ses pétales violets et ses sépales blancs veinés de violet ; un autre, très sombre, DARK CIRCLE (McEwen 76), au sépales particulièrement larges ; ROSE QUEST (Hager 82), assez proche de l’espèce botanique quant à sa forme, mais d’un beau rose orchidée vif ; enfin un crème, qui porte bien son nom, CREME CHANTILLY (McEwen 81). Dès l’automne, les feuilles sèchent mais restent en place, formant un excellent abri pour les rainettes et, sans doute, plein d’autres hôtes discrets de ces bords où règne la fraîcheur. »
TOUS LES CHEMINS MÈNENT À ROME
EARL OF ESSEX & GENTLE RAIN

Il faut avoir l’œil exercé et beaucoup de perspicacité pour faire la différence entre les fleurs de deux variétés de grands iris contemporaines qui se nomment EARL OF ESSEX (Zurbrigg 79) et GENTLE RAIN (Keppel 77). Toutes les deux présentent des pétales indigos un peu éclairés sur les côtes, et des sépales blancs marqués de dessins de l’indigo des pétales. EARL OF ESSEX est peut-être un peu plus clair de teint : c’est cette petite différence qui permet de les distinguer. Cette ressemblance pouvait laisser penser que le pedigree de l’une et de l’autre devait être assez proche, mais il n’es est rien ! Il faut même remonter jusqu’à la quatrième génération, c’est à dire vingt ans en arrière, pour découvrir un ancêtre commun ! Il s’agit de WHOLE CLOTH (Cook 57), le père fondateur de la grande famille des amoenas, donc une famille dont ni EARL OF ESSEX ni GENTLE RAIN ne font partie. Voici le cheminement de l’un et de l’autre :
1) WHOLE CLOTH -> SUNSET BLUES (Roe 64) -> JOLLY GOLIATH (Zurbrigg 69) -> VIOLET CLASSIC (Zurbrigg 76) –> EARL OF ESSEX.
2) WHOLE CLOTH -> DIPLOMACY (Keppel 65) -> VAUDEVILLE (Keppel 68) -> semis non dénommé -> GENTLE RAIN.

En dehors de cela, rien, rien de commun.

La présence du gène amoena est loin d’expliquer le fait que ces deux iris soient des plicatas, il faut donc chercher ailleurs l’origine de leur aspect. Pas de problème pour ce qui concerne GENTLE RAIN, les vrais plicatas ne sont pas loin : son « père » CHARMED CIRCLE (Keppel 69) est un plicata ultra classique, du modèle STEPPING OUT, et du côté maternel, à la deuxième génération, il y a d’une part SIVA-SIVA (Gibson 62), de l’autre HENNA STITCHES (Gibson 60), tous les deux purs plicatas, dans les tons de grenat. De même, derrière DIPLOMACY, qui est un néglecta, il y a le célèbre ROCOCO (Schreiner 59) qui est lui aussi un pur plicata descendant en droite ligne de BLUE SHIMMER (Sass 42), lequel est considéré comme l’un des piliers du modèle. En revanche, rien n’est simple chez EARL OF ESSEX. Il faut en effet remonter jusqu’à la quatrième génération pour trouver un premier plicata parmi ces ancêtres. En l’occurrence il s’agit de REPLICATA (R.G. Smith 69), lequel présente d’ailleurs un fond jaune, bien loin du coloris de son arrière-arrière petit fils. Derrière ce REPLICATA, tout comme derrière PURPLE DUET (R.G. Smith 65), variété qui se trouve dans la branche maternelle d’EARL OF ESSEX, on trouve le fameux et superbe plicata amarante GIBSON GIRL (Gibson 49). En fin de compte le processus d’acquisition du modèle plicata ne relève donc pas de l’anomalie : les chiens ne font pas des chats !

Voici donc deux variétés qui, d’apparence, sont très proches, mais dont les origines sont en fait fort différentes. C’est peut-être la démonstration, dans le domaine des iris comme dans celui de la sagesse populaire, que tous les chemins mènent à Rome.
RÉCRÉATION

Les cinq variétés ci-dessous sont toutes des « dark top » ; mais l’une possède un trait qui la distingue des autres. Laquelle ?

ALPENVIEW
CŒUR D’HIVER
FOGBOUND
IN REVERSE
SURF RIDER
RÉCRÉATION ( réponse)

Toutes les variétés indiquées descendent de HONKY TONK BLUES, mais la description donnée est celle de CROWNED HEADS.

3.12.05

DEUXIÈME NUMÉRO GÉANT

Avec un peu de retard, voici la deuxième livraison de la nouvelle formule d'Irisenligne. Cette fois, ce sont les Iris de Louisiane qui sont sur la sellette. J'espère que les lecteurs apprécieront. J'attend leurs commentaires.
PETIT DICTIONNAIRE DU MONDE DES IRIS

Rouge
Adjectif et nom masculin. Du latin ‘rubeus’

L’une des sept couleurs qui disposent d’un nom particulier (c’est à dire ne faisant pas appel à un référent).
En matière d’iris, il s’agit de la couleur qui manque dans la palette puisque la pélargonidine, le pigment qui donne la couleur rouge, n’est pas synthétisé par cette plante. Pourtant les hybrideurs ont usé de toutes sortes de moyens pour essayer de l’obtenir. Après l’irradiation des graines tentée par la famille Anfosso dans les années 80, deux voies sont actuellement en cours d’exploration aux Etats-Unis :
· La saturation du lycopène – tentée par Donald Spoon ;
· La mutation génétique – entreprise par Richard Ernst, avec le soutien financier de la Maison Cooley (deuxième producteur mondial d’iris pour la surface cultivée, et premier en chiffre d’affaire) et la participation scientifique de l’Université de l’Etat d’Oregon.
Les enjeux économiques sont considérables et il faut s’attendre, dans les années à venir, à une véritable révolution dans le monde des iris, autour de la couleur rouge.
LES LEÇONS D’IRIS DANS UN PARC(1)
Un parcours initiatique dans des jardins imaginaires

Première leçon : les iris de Louisiane

Après avoir un moment longé la rivière, les deux promeneurs ont gravi la pente herbeuse qui s’élève vers le château. Ce dernier, devant eux, alignait ses ouvertures classiques, tandis qu’en se retournant ils pouvaient jouir du spectacle de la boucle de l’Erdre, couleur de cendre, sous le ciel nantais. L’air doux et humide qui les entourait incitait au repos et à la rêverie. Ils se sont assis dans l’herbe, trop haute pour faire penser à un gazon anglais, mais bien souple pour les sabots des chevaux qui paissaient autour d’eux. Après un long silence contemplatif, l’homme se tourna vers celle qui l’accompagnait et lui dit qu’un tel endroit conviendrait fort bien à des iris de Louisiane. La jeune fille saisit au bond cette allusion.

LA JEUNE FILLE : « On peut faire pousser ici des iris de Louisiane ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Les inconvénients de ces plantes sont de deux ordres : leur manque de rusticité dans nos contrées, tout d’abord – même si peu à peu les nouveaux hybrides tolèrent des climats tempérés et quelques petites gelées -, leur préférence pour des étés chauds et humides et des hivers doux mais secs, conditions qui ne sont pas celles de l’Europe. Quand on aura ajouté que ce sont des plantes pour sol plutôt acide, très riche en nutriments, et qui demandent beaucoup d’humidité, on saura que leur culture n’est pas évidente chez nous ! Mais avec un peu d’attention et dans le climat nantais, on doit pouvoir y arriver. Elles auront sans doute un peu trop d’eau pendant l’hiver, mais beaucoup d’hybrides modernes devraient pouvoir s’adapter puisqu’il y en a qui sont cultivés jusqu’au sud du Canada. »
LA JEUNE FILLE : « Mais d’où viennent-ils ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Les croisements de base ont été effectués entre des espèces de la série des iris hexagonae, originaires de l’embouchure du Mississipi et des régions environnantes, dans le sud des USA : I. brevicaulis, I. fulva et I. giganticaerulea, essentiellement. Le premier, comme son nom l’indique, présente des tiges courtes, plus basses que le feuillage, de sorte que les fleurs, d’un bleu ciel remarquable, sont difficilement visibles. Le second, en revanche, offre des hampes de 70 à 80 cm, et des fleurs qui vont du jaune fauve au rose et au brun. Le dernier a également une dénomination parlante puisqu’il s’agit d’une espèce qui dépasse largement le mètre en hauteur, et qui est en général d’un joli bleu. Plus tard, I. nelsonii est venu apporter aux hybrides des coloris jusqu’alors inconnus dans le groupe. Mais leur culture est, somme toute, récente, si on la compare à celle des grands iris de jardin. Ceux-là sont hybridés depuis 150 ans au moins, les premiers ne sont apparus qu’il y a un peu plus de cinquante ans. »
LA JEUNE FILLE : « Tu peux me les décrire, ces iris de Louisiane ? »



L’AMATEUR D’IRIS : « Ce qui les caractérise aujourd’hui ce sont des fleurs pratiquement plates, composées de six tépales : trois sépales larges, se rejoignant presque, entre lesquels se glissent trois pétales, un peu plus petits et étroits, et surmontés des trois styles qui protègent les parties proprement sexuelles de la fleur. En matière de couleur on trouve maintenant de tout, notamment du rouge et du blanc, mais un trait spécifique est la présence, à la base des sépales, d’un œil le plus souvent jaune vif, assez analogue à celui qui orne les fleurs d’hémérocalles. Les touffes deviennent vite énormes, les fleurs sentent bon le citron vert et la floraison dure longtemps, en mai et juin. »
LA JEUNE FILLE : « Qui a eu l’idée de cultiver ces iris là ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « L’idée n’est pas nouvelle. Sans doute des hybrides sont-ils apparus spontanément dans les bayous du Mississipi, mais ce sont des dames, de Louisiane et du Texas voisin, Mary Swords-DeBaillon et Mary Caillet, qui ont voué leur vie au développement des iris de Louisiane dont elles pressentaient sans doute les énormes possibilités. Comme tu le constates, elles avaient des noms cajuns. C’est dire leur origine !
Au début, le développement des iris de Louisiane a été bien lent. Ce n’est que dans les années 50 et 60 que les efforts de deux grands hybrideurs ont commencé à donner des résultats intéressants. Le premier s’appelle Charles W. Arny. En quarante ans de carrière il a enregistré plus de cent variétés. Il est à l’origine de gros progrès comme les ondulations aux bords des pétales et l’élargissement de la base des sépales qui donne à la fleur son aspect horizontal. Sa plus intéressante contribution à l’hybridation des louisianas a été la variété baptisée CLARA GOULA, un iris blanc, qui est un peu aux iris de Louisiane ce qu’est SNOW FLURRY aux grands iris. L’autre nom à ne pas oublier est celui de Joseph K. Merzweiler, de Baton Rouge. Lui, c’est l’introducteur des iris tétraploïdes fertiles. Obtenir des louisianas tétraploïdes fertiles n’a pas été une affaire facile et Merzweiler y a consacré vingt ans de sa vie. Mais avec la tétraploïdie il a apporté des couleurs nouvelles et ses successeurs ont relevé le défi de transférer à des iris tétraploïdes les autres qualités des anciens diploïdes. »
LA JEUNE FILLE : « Mais alors, les diploïdes ont-ils cessé d’être hybridés ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Pas du tout ! L’inconvénient des tétraploïdes, c’est qu’ils sont rarement fertiles, et pour un hybrideur, une variété stérile, c’est un cul de sac. On a donc continué avec les diploïdes, et avec de beaux succès. Aux USA, de très grands hybrideurs, comme Mary Dunn, Joë Ghio, George Shoop ou Vernon Wood, connus pour leur travail avec les grands iris, ont obtenu des variétés de louisianas superbes. Il en est de même pour d’autres hybrideurs plus spécialisés, comme Dorman Haymon, Richard Goula, Neil Bertinot, Lois Belardi ou Richard Morgan. »
LA JEUNE FILLE : « N’y a-t-il qu’aux Etats-Unis que l’on s’intéresse aux iris de Louisiane ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Oh, non ! En France, la famille Anfosso a obtenu de très jolies choses. Mais les champions, ce sont les Australiens. »
LA JEUNE FILLE : « Pourquoi ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Essentiellement parce que dans la région de Sydney, les iris de Louisiane trouvent un climat et une richesse du sol qui leur conviennent tout à fait. Le leader australien s’appelle John Taylor. Puisque tu t’intéresses aux grands iris, tu dois connaître Graeme Grosvenor. C’est le beau-frère de John Taylor. Celui-là truste les récompenses dans son pays, mais il a fort affaire avec Heather et Bernard Pryor, qui multiplient les réussites et, surtout, ont réussi à s’implanter suffisamment aux USA pour que leurs obtentions y retiennent l’attention des juges, qui leur ont déjà accordé plusieurs Awards of Merit. Il y a encore Janet Hutchinson qui se distingue surtout par ses iris jaunes ou couleur miel. »
LA JEUNE FILLE : « Quel dommage que l’on ne rencontre pas plus souvent ces iris là ! »
L’AMATEUR D’IRIS : « Sans doute, mais consolons-nous en allant admirer les magnifiques iris à barbes, comme il y en a tant, là-bas, presque en face, dans le parc de la Beaujoire. »

Le vent d’ouest s’était un peu levé et nos deux promeneurs ont repris leur marche, en redescendant vers l’Erdre, où leur bateau les attendait pour les reconduire vers la ville, là-bas, au bout de cette grande plaine d’eau aux reflets d’argent.

(1) L’auteur peut-il demander aux Amis de René Boylesve de pardonner cette allusion à l’un des ouvrages de leur écrivain vénéré ?
A LA RECHERCHE DE L’ORANGE
Un défi pour les Iris de Louisiane


Heather Pryor, obtentrice australienne demeurant dans la banlieue de Sydney, est l’une des personnes les mieux à même de parler des iris de Louisiane car elle fait partie du petit lot d’hybrideurs exceptionnels qui se sont spécialisés dans cette catégorie. Dans le numéro 318 de juillet 2000 du bulletin de l’AIS, elle décrit son expérience dans la recherche de la couleur orange pour sa plante favorite.

« Quel sera ton point de départ pour essayer de développer une ligne de couleur qui n’a pas encore été explorée, depuis plus de 50 ans que l’on hybride les louisianas? Qu’est-ce que cela va te faire découvrir sur toi-même et tes aptitudes ? Quelles aventures passionnantes ou terrifiantes va-tu vivre au fur et à mesure que tu vas avancer dans un territoire inexploré ? Est-ce que tu vas continuer l’expérience ? Est-ce que je ne devrais pas reprendre mes « Petits Chaussons Rouges » et rentrer chez moi (1) ?

Toutes ces questions ce sont présentées à moi au cours des dix dernières années alors que j’approfondissais ma recherche d’un iris de Louisiane d’une brillante couleur orange, assez semblable à celle, peut-on dire, du TB HINDENBURG (ou celle du chat Garfield, si vous vous intéressez à la BD). « Ce n’est pas possible » disaient les gens, mais ce n’est pas une chose qu’il faut dire à un Pryor !

Le rouge et le jaune font de l’orange, n’est-ce pas ? Bon, mais quelqu’un a oublié de le dire aux Iris de Louisiane !

La première année d’hybridation a consisté à expérimenter différentes combinaisons de couleurs et à essayer de voir ce qui pouvait se révéler utile et ce qui pouvait être un pavé de la route à construire(1). Quelques résultats intéressants sont venus en mélangeant du jaune et du pourpre dans tous les sens ; Une autre ligne, partant du brun-rouge, a donné aussi quelques promesses. Mais j’avais encore du chemin à faire…

Une voie était peut-être en train de se présenter et le travail commençait à être sérieux. Mais combien de nuances, teintes ou variations y a-t-il vers ce but insaisissable ? Des couleurs comme pêche, abricot et terre cuite sont apparues, mais toujours pas d’orange.

En 1993, mon mari Bernard et moi avons eu la chance de recevoir la visite de Richard Goula, de Lafayette, près de la Nouvelle Orléans, pendant la saison de floraison de nos Iris de Louisiane. Il nous a gentiment encouragés et m’a aidé à me focaliser sur ce qu’il y a d’essentiel dans la quête de l’orange : essais et retour d’expériences. En 1993 j’ai croisé quelques jolies petites choses bizarres (un peu comme ferait une abeille) et j’ai attendu…

Vint le jour où les essais de 93 se sont mis à fleurir ; en même temps un modèle commençait à émerger des combinaisons de couleurs des trois années précédentes. Bien entendu, il y avait quelques vrais tacots (2) parmi tout ça, mais aussi quelques produits qui valaient la peine.

J’ai bientôt enregistré BUSHFIRE MOON (photo : cl. Grosvenor), un unicolore d’une brillante couleur jaune orangée. En 97 j’ai enregistré un frère de semis de BUSHFIRE MOON qui était d’une couleur un peu plus ocrée : GINGER FUDGE. Celui-là est un bel iris, au jardin, et il a été intensément utilisé par la suite. Un autre frère de semis, WHISPERED PROMISE, est d’un ton rose abricot et a été très apprécié par mon amie Janet Hutchinson pour quelques-unes de ses hybridations.

En 93 quand je jouais à l’abeille, j’ai fait un croisement à partir d’un unicolore acajou vif (qui s’appelle maintenant MONET’S MAGIC), et l’un de ses descendants est un self délicieusement coloré en miel parcouru de jolies veines brun doré. Il a été enregistré en 98 sous le nom de HONEY JUMBLE. (Pour l’anecdote, tous ses frères de semis sont étonnamment rouge cerise !)

Un autre croisement se nomme maintenant LOST FOR WORDS ; c’est un self abricot tendre, teinté de grenat autour du signal, qui pousse vigoureusement. Il fait partie de la récolte.

Deux superbes iris dans les tons de rouge ont également été enregistrés : JAZZ HOT, rouge fumé finement liseré de jaune ; et HOT AND SPICY, rouge brique brillant avec les styles vert pomme pointés de jaune beurre. Tous sont intéressants, mais où est l’orange que j’espérais obtenir ?

En 1994 j’ai croisé BUSHFIRE MOON et HOT AND SPICY. J’espérais quelque chose qui se situerait dans des couleurs d’agrume. En 97 un semis costaud a commencé à fleurir. Il était un peu de la couleur du chat orange Garfield, il brillait au soleil, il avait des veines rouges, des styles vert pomme, des boutons bien placés, il était vigoureux etc. etc. Son nom ? BOUND FOR GLORY. Il a été enregistré en 99. Mais il n’est pas tout à fait orange.

Toujours pendant ma période « façon abeille » de 1993, j’ai croisé JOIE DE VIVRE avec STYLISH SOCIALITE. Tous les deux étaient dans les tons de rose, violet ou cyclamen et avaient des antécédents sur lesquels je comptais pour mes recherches. Un semis est né en 96, mais dans un coloris inhabituel : bicolore lavande doux et café au lait. Il a été baptisé en 97 TEACUP CHATTER et ce cultivar est une bruyante petite créature qui me crie tout le temps « Viens près de moi et regarde moi !" » (Oui ! Il me fait ça !) C’est un autre pas en avant dans l’hybridation, mais on est loin du chemin vers l’orange. Enfin, peut-être…

Revenons à mes croisements de 1990. Deux d’entre eux, exactement à l’opposé l’un de l’autre, ont été un apport important pour les iris de Louisiane remontants : MAD ABOUT YOU est couleur maïs ; l’autre, un jaune clair très ondulé, d’une jolie forme arrondie, s’appelle FOR DAD. Quand il a fleuri pour la première fois, en mai 92, et quand mon père l’a vu, il a dit : « Il est superbe. Je l’adore. Voudrais-tu lui donner mon nom ? » Il est mort inopinément la même nuit et chaque année ce cultivar a fleuri à la saison normale, à la mi-octobre, et aussi en mai. Je continue de travailler sur la remontance des louisianas, mais cela ne me détourne pas de mon but initial.

Ai-je atteint la Cité d’Émeraude (1) ? Pas encore, mais le voyage a été un vrai plaisir et les liens d’amitié liés en cours de route ont été particulièrement merveilleux. Je ne suis pas prête à chausser mes « petits chaussons rouges (1) » et à revenir à la maison : il y a encore trop de chemins à explorer qui sont autant de réjouissances en vue !

(1) NDT : Allusions au Magicien d’Oz ; Les petits chaussons rouges sont ceux que découvre Dorothy, l’héroïne, et dont elle apprend qu’ils lui permettent de retourner à la maison, si elle fait claquer ses talons. La cité d’Émeraude est celle où vit le Magicien d’Oz et où se rendent Dorothy et ses amis, en empruntant la « route aux pavés jaunes ».
(2) NDT : H. Pryor est aussi la concessionnaire Rolls-Royce pour l’Australie et la Nouvelle Zélande !
RÉCRÉATION

Voici la description officielle d’une variété très connue. Devinez laquelle, dans la liste ci-dessous :
« TB, 97cm, MO. Pétales violet glycine, un peu plus foncé à la base ; styles bleu clair ; sépales bleu clair, plus sombre au cœur, devenant blanc argent avec l’âge ; barbes bleues, dorés à la gorge ; léger parfum doux. »

BLUE CRUSADER
BYE BYE BLUES
CROWNED HEADS
TITVAN
UNCLE CHARLIE
RÉCRÉATION ( réponses)

Toutes les variétés indiquées descendent de SOAP OPERA, mais la description donnée est celle de DESIRIS.

2.12.05

DIFFICULTES

Un incident va retarder la publication des pages prévues pour cette semaine. Mais tout va s'arranger !

A bientôt.