31.5.19

LES PETITS MAÎTRES

La musique n'a pas connu que Mozart et Wagner. Beaucoup d'excellents compositeurs nous procurent de profondes émotions. C'est la même chose dans le monde des iris. De très nombreuses variétés de premier plan ont été obtenues par des hybrideurs qui sont restés discrets ou méconnus. Pendant quelques semaines nous rendrons visite à ces petits maîtres qui auraient mérité un peu plus de reconnaissance. 

XII- Bernice Roe 

Ce qui a été dit la semaine dernière à propos de Loleta Powell s'applique exactement à la Californienne Bernice Roe. Peu de variétés enregistrées, mais beaucoup de celles-ci ont connu une diffusion partout dans le monde.



 'Sunset Sky' (1968)



'Irish Spring' (1972)


'Misty Moonscape' (1976) 


'Money' (1976)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Soixante treize 

C'est le nombre de variétés dont la collection de Champigny sur Veude s'est enrichie pendant la saison de plantation de 2018. La plupart de ces iris ont été offerts, en grande partie par les obtenteurs ou pépiniéristes français. Ce n'est pas le budget minimaliste de la commune qui aurait pu faire ainsi progresser la collection campinoise ! Tous les rhizomes plantés ont repris, ce qui démontre le soin apporté à leur plantation, et la plupart ont fleuri dès cette année. L'association « Iris et Campanule », en charge de la gestion de la collection et du fleurissement du village dans l'optique d'en faire la « cité des iris » se donne cette année pour tâche d'effectuer un maximum de plantations le long des rues principales. Elle a fixé son choix sur de variétés de grands iris à petites fleurs, simples, robustes, et moins sujettes à la convoitise des passants.

Illustrations : deux des variétés retenues


'Baby Long' (Jacob, 2015) 


'Queen of Light' (Tasquier, 2016)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un résultat prometteur 

Le concours FRANCIRIS© 2019 a mis en évidence deux variétés obtenues par Nicolas Bourdillon, nouveau venu dans l'art d'hybrider les iris. Il faudra désormais compter avec lui. Troisième génération de producteurs d'iris, il a franchi le pas et, de simple pépiniériste, il est devenu obtenteur.

Son NB 13-21-01, brillant variégata, s'est classé n° 3 pour le Prix Philippe de Vilmorin, n° 2 pour le Prix Gladys Clarke (meilleure variété française) et n° 3 pour le Prix Lawrence Ransom (meilleure variété paysagère).

Son NB 14-34-01, amoena tout en fraîcheur, a terminé en 6eme position pour le Prix Philippe de Vilmorin (sur 122!), 3eme pour le Prix Gladys Clarke, 2eme pour le Prix du Public et 1er pour la variété ayant le meilleur parfum.

Voici ces deux plaisantes variétés :


NB 13-21-01 


NB 14-34-01 

elles n'ont pas encore de nom, mais cette formalité doit intervenir dans l'année.

LE DRAPEAU BLEU D'AMÉRIQUE

Aux Etats-Unis son nom vernaculaire est « blue flag », soit « drapeau bleu ». C'est une espèce très courante, surtout dans le moitié la plus nordique et principalement dans les Etats de la rive gauche du Mississipi (Illinois, Ohio, Kentucky...) où il est très apprécié. Il est également présent au Canada, et le Québec en a même fait son emblème floral national. Il s'agit de Iris versicolor, le cousin américain de notre I. pseudacorus, celui qui est à l'origine de notre royale fleur de lys. I. versicolor lui ressemble beaucoup, il a comme lui de longues feuilles étroites et plutôt raides, mais s’inclinant vers le sol à leur extrémité, il est cependant bien plus petit car il ne dépasse pas les 60cm. Ses fleurs, assez grandes mais étroites, ont des sépales qui s’évasent à la pointe, ce qui fait tout leur charme. De couleur bleue ou violacée, elles s’ornent d’un signal blanc et se teintent de jaune d’or au cœur.. Tout comme I. pseudacorus, I. versicolor vit de préférence en milieu humide, voire inondé, mais il peut également pousser en terrain plus sec à la condition de l’arroser copieusement et de lui réserver un sol acide, riche en nutriments. Au plan de la botanique, il fait partie des iris sans barbes, dans la série Laevigatae, où il voisine avec son cousin européen I. pseudacorus, son autre cousin, chinois, I. laevigata, son parent japonais I. ensata (alias kaempferi), et un autre iris américain, I. virginica. Un botaniste a considéré, en 1936, que I. versicolor était un hybride stabilisé depuis des millénaires, de I. virginica et de I. setosa, espèce voisine, de la série tripetalae. Il est bien possible qu'il ait raison Cela donne une explication au fait, exception dans le genre IRIS, que I. versicolor, dispose du plus grand nombre de chromosomes (2n = 108), résultat très probable de l’addition des chromosomes de I. virginica (2n = 70) et de ceux de I. setosa (2n = 38). C’est sûrement d'ailleurs à son lointain ancêtre I. setosa qu’I. versicolor doit sa grande résistance au froid (c‘est une des raisons pour lesquelles il pousse si abondamment au Québec), car setosa est une espèce qu’on trouve même au-delà du cercle polaire. C’est cette aptitude qui lui a permis d’émigrer d’Asie extrême orientale, jusqu’en Amérique du nord, par le Kamtchatka, le détroit de Bering et l'Alaska.

Depuis la fin des années 1970 des hybrideurs américains ont obtenu par sélection des variétés un peu différentes de l'espèce d'origine qui peuvent constituer un agréable spectacle dans un jardin en milieu humide. Richard Cayeux dans son livre « L'iris, une fleur royale » en inventorie quatre : 'Between the Lines' (Schafer/Sacks, 1991), 'Rougette' (Warburton, 1979), 'Mint Fresh' (Warburton, 1983) et 'Party Line' (Warburton, 1988). On peut ajouter à cette courte liste 'Candystriper' (Warburton, 1991), aux sépales très larges, caractéristique que l'on retrouve chez 'China West Lake' (Waddick, 1996), alors que 'John Wood' (Lineberger, 1997) se distingue par son coloris : pétales mauve rosé, sépales violet rosé vif. 'Raspberry Slurp' (Butler, 2002) allie les caractères des précédents : sépales élargis et teintes vives. D'autres chercheurs, curieux de mélanges interspécifiques ont croisé I. versicolor avec tous ses cousins de la série Laevigatae. Ces croisements se réalisent sans difficultés, mais les hybrides qui en résultent ne sont pas toujours très intéressants car en plus de rester proches dans leur aspect de l’espèce d’origine, ils se révèlent stériles. Il faut faire quelques exceptions : pour le croisement I. versicolor x I. virginica et notamment la variété ‘Gerald Derby’, plus grande et plus bleue que I. versicolor de base, et I. versicolor X I. laevigata qui donne naissance à des hybrides baptisés Versi-Laev. Notamment ‘Berlin Versilaev’ (Tamberg 1988) aux fleurs rouge pourpré, ‘Fourfold Blue’ (Tamberg 1997), bleu drapeau ou 'Versilaev Princess' (Tamberg, 2001), bleu violacé avec un joli signal blanc.

Tous ces descendants ou dérivés de I. versicolor ont tout de même un petit défaut : ils ne s'éloignent guère du coloris bleu basique. Ce n'est pas de côté de la couleur qu'il faut chercher les différences, de sorte qu'au jardin on est en face d'une certaine uniformité plutôt froide. Cependant ceux qui sont à la recherche d'autre chose que les sempiternels TB, pourront se tourner vers les I. versicolor car ils forment vite des touffes abondantes au bord des mares et pièces d'eau et qu'ils ne demandent guère de soins.

Illustrations : 

I. versicolor (touffe fleurie) 


I. versicolor (spec.) 


'Raspberry Slurp' 


'Versilaev Princess'

24.5.19

ECHOS DU MONDE DES IRIS

FRANCIRIS© 2019

 Le concours se serait déroulé deux jours plus tard, cela aurait été un grand crû car les iris étaient en grande forme, mais beaucoup n'avaient pas eu le temps de fleurir. La faute à un printemps parisien un peu trop frais. Ce fut quand même une belle fête des iris et les variétés primées n'ont pas usurpé leur succès.


Prix Philippe de Vilmorin (1) : 'My Red Drums' (Martin Balland, )

Prix Lawrence Ranson (2) (meilleure variété paysagère) : 'Locomotion' (Tom Johnson, )

Prix des enfants : 'Church Lady' (Tom Burseen, )

Prix des fleuristes : 'Désert d'Atacama' (Bernard Laporte, )

Seules des variétés françaises et américaines ont trouvé une place au classement.

  1. et Prix Gladys Clarke (meilleure variété française)
  2. et Prix du public et Prix de la presse horticole


LES PETITS MAÎTRES

La musique n'a pas connu que Mozart et Wagner. Beaucoup d'excellents compositeurs nous procurent de profondes émotions. C'est la même chose dans le monde des iris. De très nombreuses variétés de premier plan ont été obtenues par des hybrideurs qui sont restés discrets ou méconnus. Pendant quelques semaines nous rendrons visite à ces petits maîtres qui auraient mérité un peu plus de reconnaissance.

XI – Loleta Powell 

Etablie en Caroline du Nord, Loleta Powell fait partie des obtenteurs qui ne font guère parler d'eux, mais qui ont acquis une réputation mondiale grâce à des variétés plaisantes et solides.


 'Carolina Gold' (1970) 


'Attention Carolina' (1980)


'Flyby' (1984) 


'Tobacco Land' (1986)

''V'' COMME JAUNE ET BRUN

Dans le langage botanique, lorsqu’on parle d'Iris variegata, c’est pour évoquer une petite plante diploïde, originaire d’Europe sud-orientale, d’à peine 40 cm de haut, dont la fleur est constituée de trois pétales jaunes et de trois sépales blancs veinés de grenat. On est évidemment loin des variegatas de nos jardins actuels qui, s’ils tiennent tout de même beaucoup de cet ancêtre, ont incorporé beaucoup d’autres gènes et sont aussi devenus tétraploïdes.

Il est intéressant de suivre l’évolution des variegatas au cours des années. Prenons, pour point de départ la variété 'Fries-Morel' (Lemon, ca. 1840). Nous sommes devant un iris qui tient encore beaucoup de l'espèce botanique de départ : pétales jaune, sépales blancs où s’étalent des stries intenses d’un rouge pourpré. C'est la même chose pour 'Gypsy Queen' (Salter ca. 1859). On peut passer ensuite à 'Loreley' ( 1901), variegata diploïde obtenu en Allemagne par Goos et Koenemann. Le modèle n'a pas beaucoup évolué en soixante ans ! La description pourrait être la même que celle des variétés précédentes. Il faut attendre 1932 et 'Crown Prince', de Kleinsorge pour trouver un variegata où les pétales sont de couleur vieil ivoire, et où les traces de veinage sur les sépales n’apparaissent plus que sous les barbes, le reste étant d’un grenat uniforme. Mais on n'est plus dans l'ère des diploïdes et les transformations sont plus faciles et plus nombreuses.

Pour arriver au modèle actuel, avec ses pétales parfaitement jaunes et ses sépales entièrement rouges ou grenats, il a fallu travailler dur et ajouter beaucoup d’ingrédients divers à l’espèce de base. Ces travaux se sont orientés dans trois voies. Soit ajouter au modèle initial les gènes d’iris jaunes, brun-rouge ou pourpre foncé. Soit croiser un variegata et un autre bicolore. Soit enfin marier entre eux deux variegatas.

Une toute première approche du modèle se situe chez 'Extravaganza' (Douglas 1940), qui a des pétales blanc crémeux et des sépales rouge bourgogne. Croisé avec 'Frank Adams' (Lapham 1937) qui est un brun-rouge apprécié à son époque, il a donné naissance à ce qui reste un des meilleurs variegatas : 'Accent' (Buss 1952), un iris de haute taille avec des pétales d’un jaune très pur et des sépales d’un brun uniforme ornés de barbes dorées.

 Cependant c’est à Opal Brown que l’on doit une grande partie du développement des iris variegatas. Elle a en effet sélectionné, au début des années 60, une variété que l’on peut qualifier de variété de base dans ce coloris. Il s’agit de 'Gypsy Lullaby' (O. Brown 1960), un iris jaune/violacé qui est à l’origine de 'Pipes Of Pan' (O. Brown 1963), qui est crème / pourpre, puis de 'Gala Madrid' (Peterson 1968), qui est cuivre / pourpre. Ajoutons à ce panel 'Tambourine' (Babson 1969), un iris or et magenta, dont on ne sait pas grand chose des origines. Avec les descendants de ces quatre iris-là, on maîtrise une grande partie du pedigree des variegatas modernes.

La plupart des descendants de 'Gala Madrid' sont des variegatas. Pour n’en citer que quelques-uns, connus parce que commercialisés en France, parlons de 'Cairo Lyric' (Peterson 1973) qui a des pétales couleur caramel au-dessus de sépales acajou, 'Oritam' (Hoffmeister 1977), 'Corbières' (Ségui 1982) et 'Glad Rags' (Hager 1985). Une autre variété de base se nomme 'Barcelona' (O. Brown, 1967) et elle a, aussi, une belle progéniture : 'Capricorn Dancer' (B. Blyth 1978), 'P.T. Barnum' (J. Meek 79), et surtout 'Gypsy Caravan' (Moldovan 1978) qui dispose d’une descendance exceptionnelle dans les tons du modèle, avec, entre autres, 'All That Jazz' (Denney 1981), 'Fiesta Time' (Schreiner 1986), 'Vigilante' (Schreiner 1991) et 'Andalou' (R. Cayeux 1994). Quant à 'Tambourine', on trouve parmi ses descendants des variétés comme le sombre 'Albuquerque' (Peterson, 1974) ou 'Shaman' (DuBose, 1979), mais ses enfants les plus nombreux se rencontrent dans l'association jaune/bleu dont il sera question une autre fois.

Par la suite de nouveaux variegatas sont apparus car même si le modèle n'a plus le succès qu'il a connu dans les années 1980, certains obtenteurs s'y intéressent encore. 'Country Charm' (Schreiner, 1998) en est la preuve, de même que 'Bold Encounter' (P. Black, 2003). Tirant davantage sur l'orange, 'Lovely Senorita' (Schreiner, 2002) est une autre évolution du modèle. Chez nous j'ai noté un certain nombre de variegatas qui ne passent pas inaperçus : 'Brasero' (R. Cayeux, 2002), 'Grenade' (R. Cayeux, 2008), 'Soleil du Mexique' (Chapelle, 2010), 'Torrent de Lave' (Chapelle, 2013), 'Santiago Castroviejo' (R. Cayeux, 2014), 'Gracias a la Vida' (Chapelle, 2017), 'Bachianas Brazileiras' (Chapelle, 2018) et aussil le semis NB 13-23-01, pas encore enregistré mais très remarqué au dernier concours FRANCIRIS©. Cela n'est pas une liste exhaustive, bien sûr...

Comme on vient de le voir avec les rejetons de 'Tambourine',la variante jaune/bleu, a donné des plantes admirables sur lesquelles nous reviendrons un autre jour car, comme disait Rudyard Kipling, « ceci est une autre histoire ». Arrêtons-nous aujourd'hui à la version jaune/brun qui, pour être très classique, n'en possède pas moins ses admirateurs comme le sont Richard Cayeux, Nicolas Bourdillon et le Breton Alin Chapelle. Les uns et les autres poursuivent leur marche en avant sur ce chemin pavé des briques jaunes cher au magicien d'Oz.

Illustrations :

'Gypsy Queen' 


'Cairo Lyric' 


'Shaman' 


'Gracias a la Vida' 


NB 13-23-01

19.5.19

Rectification

Etourderie, la semaine dernière. J'ai posté une photo de 'Lord Baltimore' au lieu de celle, prévue, de 'Roman Carnival'. Laure Anfosso me l'a fait remarquer. Merci à elle. Et voici le bon cliché !

ECHO DU MONDE DES IRIS

Florence 2019 

Tous ceux qui s'intéressent au monde des iris connaissent déjà les résultats du concours de Florence de 2019. Rappel, donc. Le podium est le suivant :

Florin d'Or : 'Chachar' (Seidl, 2013)

Plateau d'argent : 'Lingua di Dragone' (Bolchi, 2019)

Troisième prix : 'Enraptured' (Schreiner, 2016)

Je ne sais pas combien il y avait de participants américains à ce concours, mais le palmarès ne leur laisse pas de place en dehors de ce 3e prix toutes les autres variétés primées sont européennes. Avec un véritable triomphe pour le Tchèque Zdenek Seidl qui s'adjuge quatre récompenses sur les dix premières. Cela confirme les résultats de l'année dernière et tend à démontrer que les hybrideurs européens n'ont plus aucun complexe à avoir vis à vis de leurs confrères américains.

Après son succès de 2017 à Paris, le space-ager tchèque 'Chachar' confirme l'attrait qu'il exerce sur les juges quels qu'ils soient.

'Enraptured', excellent amoena inversé, démontre que les Schreiner savent toujours faire de beaux iris et que leur absence au premières places des compétitions, depuis une dizaine d'année, n'est que la conséquence d'un choix managérial de la grande firme de Salem.

LES PETITS MAÎTRES

La musique n'a pas connu que Mozart et Wagner. Beaucoup d'excellents compositeurs nous procurent de profondes émotions. C'est la même chose dans le monde des iris. De très nombreuses variétés de premier plan ont été obtenues par des hybrideurs qui sont restés discrets ou méconnus. Pendant quelques semaines nous rendrons visite à ces petits maîtres qui auraient mérité un peu plus de reconnaissance. 

X – Luella Noyd 

Passée la chaîne des Cascades, s'étend un plateau qui s'élève de 200 à 500m. d'altitude. C'est là que Luella Noyd a vécu dans la vallée de Wenatchee. Elee avait la réputation d'être une redoutable négociatrice et c'est grâce à ces talents qu'elle a acquis la totalité de la production de 'Debby Rairdon', l'iris qui, à la surprise générale, à remporté la Médaille de Dykes en 1971. Ce qui lui assura une certaine rente ! En tant qu'hybrideuse, elle était bien connue pour ses variétés « vertes » dont deux variétés sont en photo ci-dessous.


'Wenatchee Skies' (1962) 


'Fluted Lime' (1965) 


'Joy Ride' (1967) 


'Pride of Ireland' (1970)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Toute toute première fois 

Aux Etats-Unis les concours d'iris façon Florence ou Vincennes n'existent pas. Le principal système de récompense passe par une compétition façon tournoi de tennis de Roland Garros mais s'étalant sur une dixaine d'année ! Cependant bien des juges américains venus en Europe justement pour participer aux jurys des concours ont regretté cette absence de compétition ponctuelle. Ce sont eux qui ont milité pour la création d'un concours de ce genre. Ils ont obtenu gain de cause pour l'occasion du centième anniversaire de l'AIS.

Les 123 variétés en compétition ont été plantées en juillet 2018, après bien des tribulations. Parmi elles il y a 44 variétés européennes ! Le jugement se déroulera entre le 18 et le 23 mai 2020 dans le fameux jardin Presby Iris Garden de Newark (New Jersey) tout près de New York. Je devrais faire partie du panel de juges. En même temps se déroulera la Convention annuelle de l'AIS, ce qui garantit un grand nombre de visiteurs à cette nouvelle confrontation internationale, première du genre.

WEEK-END EN OCCITANIE

Le chemin serpente et ondule au milieu des collines gersoises. A un moment, on tourne à droite entre deux bâtiments et arrive devant l'iriseraie de Roland Dejoux. Les plantes sont alignées dans le sens de la pente vers un profond vallon, jadis fréquenté par les bestiaux en pâture mais qui retourne inexorablement à la forêt depuis que les animaux ne quittent plus leurs étables. Le paysage est admirable, la campagne bossue se partage entre cultures et étendues boisées sur lesquelles le vent vigoureux fait chanter les frondaisons. On ne se lasse pas de laisser le regard contempler cet agréable spectacle.

Mais l'on n'est pas là pour ça ! Il faut joindre l'utile à l'agréable et s'avancer entre les bordures impeccablement alignées et parfaitement désherbées. La terre blonde et finement sarclée accueille les alignées d'iris dont de nombreuses touffes sont déjà en fleur en cette fin d'avril plutôt fraîche. On laisse de côté les premières rangées où se trouvent les variétés les plus anciennes – elle sont plantées par année d'enregistrement et ordre alphabétique – et on examine les dernières plantations et, surtout, les nouvelles variétés en cours d'appréciation.

Roland s'est pris de passion pour l'hybridation mais entend se montrer rigoureux dans sa sélection. Il n'hésite pas à éliminer des variétés aux fleurs superbes mais dont les tiges ne présentent pas ces décrochements en candélabres qui assurent un bon développement aux branches latérales. Pas plus d'indulgence pour les plantes pauvres en boutons ou dont les branchements ne promettent pas une floraison prolongée. Même sort pour les plantes dont les fleurs ne brillent pas par leur richesse de coloris ou l'originalité de leur modèle. Un geste rageur écrase les tiges des spécimens rejetés. En revanche une attention méticuleuse est accordée aux iris qui ont échappé à la première éliminatoire. La forme de la fleur, les ondulations, la consistance des tépales sont longuement examinées. La moindre imperfection conduit à une longue réflexion qui se termine bien souvent par un nouveau rejet sans appel. Le maître des lieux tient cette implacable rigueur à son apprentissage d'hybrideur auprès de son ami Barry Blyth chez qui il est allé passer plusieurs printemps australiens. Melbourne, c'est très loin, mais pour l'amateur d'iris, c'est bien pratique puisque les iris y sont en fleur en octobre ! Sous la houlette de Barry Blyth, et avec ses conseils aussi patients que généreux, il a appris comment choisir les bons parents en vue des croisements les plus prometteurs, et ce que c'est que la rigueur sélective pour ne retenir que les meilleures variétés.

Son goût personnel le guide semble-t-il assez nettement vers les iris plicatas. Il déclare très justement que dans le domaine des couleurs traditionnelles, il est devenu très difficile de présenter quelque chose qui sorte de l'ordinaire, alors que chez les plicatas, les possibilités étant pratiquement infinies, obtenir un semis intéressant et original reste tout à fait accessible. Il a réalisé en Australie une foultitude de croisements dont les premiers passaient cette année l'examen d'admission. Et très nombreux sont ceux qui sont pleins d'avenir. Les iris de Laymont verront très certainement leur catalogue s'enrichir prochainement de plusieurs de ces iris aux nuances infinies et aux combinaisons de couleurs surprenantes, tout en réservant une place à des variétés plus classiques comme ce 'Soleil de Laymont' qui attirait tous les regards en cette fraîche matinée de printemps.

Comme son mentor des antipodes, Roland Dejoux ne se fixe pas nécessairement une ligne de conduite en matière de croisements. Il mise plutôt sur la multiplicité de ceux-ci, au prix d'un énorme travail de récolte des graines, de semis, puis de repiquage des jeunes plantules, avant une longue période d'appréciation des nouveaux iris, et un hypothétique enregistrement de quelques rescapés assurément réussis. Cela explique qu'après tant d'années de pratique de l'hybridation aussi peu de variétés nouvelles aient été retenues.

Autre raison de notre présence en ces lieux, depuis le décès de Lawrence Ransom, les iris retenu par ce dernier mais dont le sort final n'était pas réglé sont arrivés chez Roland Dejoux. Cette année il fallait procéder à une dernière observation. C'est ce à quoi la matinée du dimanche a été consacrée. La même rigueur que pour les cultivars maison a été appliquée et le jugement s'est révélé très sélectif car le cheptel à apprécier s'est révélé plutôt décevant. Peu de nouveautés signées Ransom entreront sur le marché dans les prochaines années. Et il y aura certainement plus d'arilbreds que de grands iris.

Après ces quelques heures au grand air, c'est à regret qu'on s'est éloigné de cette pépinière qui fait honneur à son propriétaire. Elle est très certainement l'une des plus plaisantes et des mieux tenues que je connaisse. Ce week-end en Occitanie n'est pas près d'être oublié !

Illustrations : 
 
 vue de la pépinière
 


'Soleil de Laymont' 


semis plicata Dejoux 


12.5.19

LES PETITS MAÎTRES

La musique n'a pas connu que Mozart et Wagner. Beaucoup d'excellents compositeurs nous procurent de profondes émotions. C'est la même chose dans le monde des iris. De très nombreuses variétés de premier plan ont été obtenues par des hybrideurs qui sont restés discrets ou méconnus. Pendant quelques semaines nous rendrons visite à ces petits maîtres qui auraient mérité un peu plus de reconnaissance.

IX – Donald Nearpass

 Donald Charles Nearpass fut un être tout à fait remarquable. Tout d’abord ce n’était pas à proprement parler un professionnel de l’iris. Son activité principale a toujours été l’agronomie. Il a travaillé toute sa vie comme spécialiste du sol dans un organisme qui correspond, pour nous en France, à l’INRA. Les iris étaient sa seconde activité, mais c’est celle qui a fait sa célébrité. Et pourtant ! En trente-sept ans d’hybridation, il n’a enregistré que seize variétés ! Ce n’est pas lui qui a encombré nos jardins de cultivars ordinaires ou redondants.


 'Dover Beach' (1970)

'Spinning Wheel' (1974)

'Purple Pepper' (1986)

'Roman Carnival' (1996)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Mondialisation 

En dehors de celui de la Maison Cayeux, de plus en plus tourné vers les obtentions domestiques (au demaurant toujours aussi remarquables), les catalogues français 2019 font de plus en plus place à des variétés européennes à côté d'autres venant de jeunes obtenteurs français. Cela me réjouit car cela fait longtemps que je réclamais cette orientation qui reflète ce qu'est devenu le monde des iris.

Champigny : la fête est réussie 

C'était aujourd'hui 12 mai la fête « Iris et Patrimoine » à Champigny sur Veude, dans le sud-ouest de la Touraine. Pour ce deuxième numéro les organisatrices ont joui d'un temps parfait, de fleurs en pleine forme et en pleine fleur et d'un public très nombreux. Les représentants de la SFIB ont été assaillis de demandes et ont vendu la totalité des iris en pot qu'ils avaient apportés.
Une belle journée pour tout le monde.

VOUS PRENDREZ BIEN UN PEU DE LYCOPENE ?

Quand on lance sur Internet une recherche à propos du mot « lycopène » on est immédiatement dirigé vers des compléments alimentaires vendus en abondance en tant que produit antioxydant puissant. En cherchant un peu plus loin, dans Wikipedia, on s'éloigne du côté mercantile, mais sans pour autant s'aventurer profondément du côté scientifique. Les explications sont pour le moins succinctes, et quand on nous a dit que le (ou la?) lycopène est un pigment de la famille des caroténoïdes et qu'il est soluble dans l'huile, on a tout dit. Vous pouvez donc vous offrir quelques gélules de lycopène, mais vous ne serez pas plus avancé sur le rôle de cette molécule dans le domaine des iris ! Elle a pourtant un rôle fort important dans la couleur des fleurs d'iris car, même si le rouge est la seule couleur qui n'existe pas dans la palette générale de nos fleurs préférées, il est néanmoins présent, en mélange avec d'autres pigments dans une majorité des fleurs d'iris, ne serait-ce que dans les barbes.

Cette couleur est apparue avec les iris rose orchidée découverts dans les années 1930. Elle était présente dans les barbes, non pas sous forme d'un rouge pompier, mais dans cette coloration mandarine qui a intrigué les hybrideurs de l'époque, lesquels se sont efforcés de rendre ces barbes d’un orange plus vif, puis de les faire apparaître sur des fleurs d’une autre teinte que rose violacé. Mais pour arriver au résultat recherché, il existe deux chemins : soit en modifiant la couleur des pièces florales tout en conservant les barbes d’origine, soit en transférant les barbes mandarines vers des fleurs d’une autre couleur. Ces deux chemins ont été utilisés.

 Melba Hamblen fait partie de ceux qui ont essayé la première voie. Elle a croisé des roses et des bleus. Par ce moyen elle a obtenu ‘Enchanted Violet’ (57) qui n’est ni rose ni bleu, mais plutôt couleur bruyère, avec des barbes orangées. On était loin du but recherché mais il fallut à l'obtentrice de Salt Lake City pas mal d’obstination pour parvenir, quinze ans plus tard, à ‘Tipperary’ (72), qui peut être considéré comme le plus achevé, pour son époque, des iris bleus à barbes rouges.

Orville Fay, lui, a choisi la deuxième voie. Il a décidé de créer des blancs à barbes rouges. Il a croisé des iris blancs, notamment ‘New Snow’, avec des rose orchidée à barbes mandarines, là aussi le résultat a été long à venir et celui-ci prit plutôt la forme d'un iris mauve, porteur des fameuses barbes, qui allait devenir l’un des plus utilisés en hybridation de tous les temps : ‘Rippling Waters’ (1961). Dans le domaine des mauves – ou violets – à barbes mandarine, il a pour descendants des variétés aussi répandues que ‘Raspberry Ripples’ (Niswonger 1969), ou ‘Space Blazer’ (Gibson 1976). Cependant le « roi » des mauves à barbes mandarine c'est Larry Gaulter et ses succès dans ce coloris sont nombreux, comme ‘San Leandro’ (1968) 'Tiburon' (1971), 'Clarendon' (1974) ou 'Elisa Renée (1983). Il y a beaucoup d’autres variétés, dans un vaste choix de coloris ou de nuances, qui ont hérité des barbes mandarines de ‘Rippling Waters’, comme par exemple ‘Mulled Wine’ (Keppel 1982) et les nombreux descendants de ce dernier parmi lesquels on trouve les deux frères de semis 'Voleur de Feu' (P. Anfosso, 1988) et 'Laser' (P. Anfosso, 1990) ainsi que 'Ennoble' (Ghio, 1998), variété au pedigree incroyablement complexe, mais à l'origine des iris rouges les plus réussi des temps modernes.

Les travaux d’Orville Fay vers des blancs à barbes rouges ont fini par payer : à commencer par ‘Lipstick’ (1954) et surtout son descendant ‘Arctic Flame (1957). ‘Christmas Time’ (Schreiner 1965) fait partie de la descendance d’ ‘Arctic Flame’, et on lui doit de très nombreux blancs à barbes minium, comme ‘Startler’ (Schreiner 1978), Filoli (Corlew 1982), 'Jarmila' (Blazek, ca 1975) ou les français ‘As de Cœur’ et ‘Neige de Mai’ (Cayeux 1978), et, plus récemment 'Wings of Dove' (Ernst, 1990).

'Falbala' (J. Cayeux,1978) est également un descendant de 'Christmas Time' mais dans les tons de mauve. Il est à la base d'une famille considérable qui a commencé avec son « fils » 'Condottiere' (J. Cayeux, 1978) et s'est poursuivie avec les célèbres « bleu-blanc-rouge » dont la famille Cayeux peut légitimement être fière, chez lesquels la barbe rouge richement chargée en lycopène est une marque de fabrique.

Dans l’association bleu + barbes rouges, on est arrivé aujourd’hui à d’excellents résultats, mais une fois encore le chemin a été long et plein d’embûches. L’une des pierres angulaires de ce coloris fut ‘Marquesan Skies’ (Blocher 1967), dérivé d’un frère de semis de ‘Arctic Flame’. Keppel l’a utilisé avec succès pour son ‘Actress’ (1976), très apprécié, et ‘Fire Water’ (1977) moins connu. ‘Skyblaze’ (Keppel 1987) est issu à la fois de l’un et de l’autre, tout comme le très joli ‘Douce France’ (Anfosso P. 1988). Parmi ses propres descendants se trouvent les deux frères de semis de Richard Cayeux ‘Eau Vive’ et ‘Princesse Caroline de Monaco’ (1997). Celui-ci, en plus de porter l’un des noms les plus longs du catalogue, arbore une barbe rouge minium qui fait son succès.

Le facteur mandarine, qui aurait pu s'appeler le facteur lycopène, qui intriguait tant les hybrideurs des années 30/40 c’est ainsi répandu dans toutes les couleurs. Après les rose orchidée, les blancs et les bleus, on pourrait parler des jaunes, et même des noirs.

Pour les jaunes, on peut même dire que ce n’est pas la barbe mandarine qui leur a été adjointe, mais au contraire que c’est la barbe mandarine qui leur a apporté une amélioration remarquable. En apportent la preuve Rainbow Gold’ (Plough 1959), puis ‘Temple Gold’ (Luihn 1977), ou ‘Flaming Victory’ (Weiler 1983). Ce dernier a donné naissance à un tas de jaunes très riches avec des barbes allant du vieil or au mandarine et au rouge vif, comme ‘Throb’ (Weiler 91) et ‘Amarillo Frills (Hager 2002).

Les barbes minium ont aussi fait leur apparition sur les fleurs noires. Cela ne date que des années 1980 mais c’est une nouvelle avancée. C’est d’Australie que le mouvement est parti avec ‘Witch’s Wand’ (Blyth B. 1988). Keith Keppel, le compère de Barry Blyth, lui a emboîté le pas avec ‘Night Game’ (1995) puis ‘Midnight Passion’ (2007) issu comme un grand nombre d'autres de ‘Night Game’ - voir 'Miz Du' (Jacob, 2013) -.

 Enfin n'omettons pas le modèle plicata chez qui la barbe mandarine est apparue avec 'Daredevil' (Keppel, 1987), de même que les « dark top » où elle est également présente, comme dans 'Fogbound' (Keppel, 1997).

Ces quelques exemples ne font évidemment pas le tour complet de l’influence du facteur mandarine et de sa charge de lycopène, mais ils ouvrent une vue sur un autre aspect de l’extraordinaire monde des iris.

 Illustrations : 


 'San Leandro' 


'Falbala' 


'Night Game' 


'Daredevil'

3.5.19

LES PETITS MAÎTRES

La musique n'a pas connu que Mozart et Wagner. Beaucoup d'excellents compositeurs nous procurent de profondes émotions. C'est la même chose dans le monde des iris. De très nombreuses variétés de premier plan ont été obtenues par des hybrideurs qui sont restés discrets ou méconnus. Pendant quelques semaines nous rendrons visite à ces petits maîtres qui auraient mérité un peu plus de reconnaissance. 

VIII – Ron Mullin 

Ron Mullin n'a pas enregistré de nombreuses variétés, mais celles que l'on connait sont toutes des fleurs de qualité. Cependant son plus grand sujet de gloire aura été de présider l'AIS pendant trois ans (durée normale d'un mandat), de 1984 à 1986.


 'Rhonda Fleming' (1992) 


'Almost Camelot' (1994) 


'Pretty Is' (1994) 


'Barbara Jean' (2004)