30.10.21

EN PASSANT PAR LA LORRAINE

Dans notre pays on assimile souvent la culture des iris avec la partie sud. En fait l'origine de cette culture s'est située en Région Parisienne avant de gagner le Centre ou le Sud. Et de nos jours elle s'est étendue à l'ensemble des régions. L'Est compris. D'ailleurs, plus à l'est encore, il y a de formidables pépinières et jardins d'iris. Le sillon rhénan, notamment, se distingue avec, du sud au nord, le superbe Merian Park de Brülingen dans la banlieue de Bâle, qui possède l'une des plus belles collections d'iris anciens ; le jardin de Fritz Lehmann à Brennet, un peu au nord de Bâle, est une des plus belles collections d'Allemagne ; quant à la pépinière de la comtesse von Stein-Zeppelin, à Laufen, encore un peu plus au nord, c'est la plus célèbre d'Allemagne, et peut-être la plus importante. 

 Du côté français il faut venir jusqu'en Lorraine pour trouver une réelle activité iridistique. En Alsace, près de Strasbourg, cependant, Nathalie Kacza a ouvert une pépinière spécialisée il y a peu de temps qui s'appelle « L'Iriseraie », et qui est située à Kuttolsheim, petit village à l'ouest de la grande métropole. Mais c'est en Lorraine que les choses ont pris une tournure plus importante. 

 Cela a commencé par l'apparition de Richard Sérafinovski, un amateur très entreprenant qui a transformé son jardin en mini-pépinière. Mais cette aventure n'a pas duré : emporté par un cancer, son initiateur s'est éteint quelques années plus tard... 

 C'est alors que le nom d'Antoine Bettinelli est apparu. Ce professeur est un amateur éclairé qui se passionne pour les iris autant que pour les hémérocalles et qui hésite entre ces deux passions. Il n'a enregistré jusqu'à présent qu'une seule variété de grand iris, 'Chaux Neuve', un joli variegata descendant de 'Edith Wolford'. Plusieurs semis issus de ce 'Chaux Neuve' ont été obtenu mais leur hybrideur ne les a sans doute pas trouvé assez réussis pour leur donner une vie officielle. 

 A Nancy, Jean-Luc Rémy pratique l'hybridation depuis de nombreuses années. Il envoie régulièrement certaines de ses obtentions au concours FRANCIRIS. Ce sont des fleurs qui ont belle allure sur les photos et que le public remarque. Mais dans ces compétitions la concurrence est sévère puisque les meilleurs hybrideurs mondiaux y envoient leurs plus belles nouveautés. Il faut donc une part de chance pour parvenir à s'y distinguer ; celle-ci n'a pas encore souri à Jean-Luc Rémy mais il a raison de persévérer. A noter cependant que son semis 157-G s'est classé dans le top 10 du concours de 2017. Sans doute pourrait-il enregistrer certains de ses semis. Cela contribuerait à les faire connaître pour peu qu'un pépiniériste ayant pignon sur rue ait la curiosité de s'y intéresser. Mais il ne l'a pas encore fait... 

 La chance dont il vient d'être question a permis que Martin Balland remporte le concours FRANCIRIS de 2017. La chance, c'est un concours de circonstances favorable qui fait qu'une belle plante connaît au bon moment une croissance parfaite, en bonne santé, et se trouve en pleine fleur juste au moment du concours et se présente dans toute sa splendeur au milieu d'autres qui réunissent en même temps tous les critères permettant de triompher ! C'est ce qui explique qu'une variété, par ailleurs universellement admirée, se trouve surclassée par d'autres aux mérites comparables. Au moment de sa consécration Martin Balland n'était pas un inconnu. Depuis quelques années il s'était fait connaître par de nombreuses réalisations qui apportent la preuve de son talent d'hybrideur et de la rigueur de ses sélections. Dans son petit jardin de Crève-cœur, à St Dié des Vosges, il cultive ses obtentions dont il enregistre les meilleures depuis 2012. Il s'intéresse particulièrement aux iris sombres, « rouges » ou violet influencé de rouge, et ceci depuis 2013 et 'Madame Pilou', une variété dans les tons de pourpre avec des barbes orange agrémentées d'éperons. En 2014 on note 'Antonio Farao's Piano', un violet très foncé, puis en 2016 son frère de semis 'Black Inside' ainsi qu'un rouge acajou de toute beauté 'La Grande Mademoiselle' qui porte ce nom puisqu'il est le vainqueur d'un appel d'offre destiné à constituer l'étendard de la collection de Champigny sur Veude, dont la cousine de Louis XIV était la châtelaine. En 2018 sont apparus 'Red Moon', enfant de 'Antonio Farao's Piano' et 'Sylvain Ruaud', frère de semis de 'La Grande Mademoiselle' et presque son jumeau. 2019 est l'année du superbe 'A Bout de Souffle', violet d'une teinte qui sort de l'ordinaire, petit fils de 'Hello Darkness'. Ces derniers temps les recherches de Martin Balland ont pris une nouvelle orientation portée vers les plicatas et variegata-plicata, avec semble-t-il beaucoup de réussite. Mais la grande fierté de Martin Balland c'est 'My Red Drums' (2016) puisque c'est le vainqueur de FRANCIRIS 2019. Ce produit de 'Rio Rojo' X 'Palace Symphony' est en effet un bel exemple d'application réussie du principe d' inbreeding » qui a déjoué tous les pronostics des amateurs présents à Vincennes ce printemps-là. Souhaitons à Martin Balland d'autres succès de ce genre. 

 Avec ces sérieux hybrideurs la Lorraine s'affirme donc comme étant devenue une belle vitrine des progrès de l'iridophilie dans notre pays. 

 Illustrations : 


 'Chaux Neuve' 


semis Rémy 157-G 


'Antonio Farao's Piano' 


'My Red Drums'

23.10.21

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Une belle récompense 

 Robert Piatek, le plus talentueux des hybrideurs polonais, vient de recevoir, de la part de la MEIS (l'association qui regroupe les iridophiles de l'Europe de l'Est) les récompenses suivantes :
 COUPE des Carpates 2021 et Médaille de la MEIS 2021 pour son TB 'Magic of Love' (2015). 

 Il mérite toutes nos félicitations.



Lynn MARKHAM

Dans ces pages on ne parle pas beaucoup, j'en conviens, des iris de bordure. Pourtant ce sont de proches parents des grands iris auxquels s’adressent la plupart des chroniques de ce blog : ils fleurissent en même temps, ils émanent fréquemment des mêmes croisements, leurs fleurs sont semblables dans l'apparence si ce n'est dans la taille, la différence c'est que les BB n'atteignent pas, en hauteur de tiges, les 0,70 m. nécessaires pour être classés parmi les TB. En fait cette catégorie a été créée pour pouvoir donner une vie commerciale à des TB valeureux mais un peu trop râblés. Au début, à cause de ça, les BB avaient le plus souvent des fleurs un peu trop grosses pour leur taille, ce qui n'était pas toujours gracieux. Avec le temps, les obtenteurs se sont rendus compte que ces grands iris de petite taille présentaient de réels avantages, du fait de leur taille, justement, qui les rendait moins encombrants et permettait leur implantation dans les jardins souvent restreints en surface de nos villes. Pour bien faire il fallait seulement parvenir à obtenir des fleurs mieux en rapport avec la hauteur de la plante. La tâche n'a pas été facile tant que BB et TB provenaient des mêmes croisements. On ne pouvait sélectionner qu'un nombre très faible de plantes, d'où un nombre d'enregistrements réduit. La difficulté s'est estompée lorsque l'on est parvenu à obtenir des BB issus de croisements directs entre BB ou entre un TB et un IB. 

Lynn Markham, obtentrice de Nouvelle Angleterre (du Massachusetts exactement), dès qu'elle s'est lancée dans l'hybridation, a choisie cette voie difficile et ses obtentions sont surtout des BB, avec néanmoins, un certain nombre de TB apparus au hasard des semis. 

Elle vient de s'éteindre après une longue vie avec les iris puisque ses premières obtentions datent de 1967. Dans son petit jardin de Lunenburg (une petite ville située au nord-ouest de Boston) elle a pratiqué l'hybridation avec des résultats surprenants qui démontrent que cette élégante personne savait effectuer les croisements les plus prometteurs. Cette science, elle l'avait acquise auprès d'Orville Fay, ce grand maître dont plusieurs variétés sont connues du monde entier et, comme le jaune 'Zantha' (1947), font preuve d'une longévité exceptionnelle. 

Ses premiers croisements restent très traditionnels, comme par exemple celui qui a abouti au TB bleu lavande 'Misty' : Rippling Waters x Whole Cloth. Mais si sa spécialité a bien été les iris de bordures, ses premiers pas ont concerné des grands iris, puis un SDB qui lui a d'ailleurs valu d'attiré précocement l'attention sur son travail. Il s'agit de 'Boo' (1971) qui a poursuivi dans les honneurs jusqu'à l'Award of Merit, en 1975, et fait une carrière internationale remarquable. On le trouve parmi les ancêtres de 'Petite Fugue' (P. Anfosso, SDB, 1983), 'Antarctique' (R. Cayeux, IB, 1993), 'Bosa Svetlana' (L. Muska, SDB, 1999), et, curieusement, dans un semis de Pia Altenhöfer, en Allemagne, dont celle-ci a enregistré trois rejetons, en 2009 ! 

Cependant ses véritables débuts dans l'hybridation des iris de bordure datent de l'enregistrement de 'Angel Feathers' (1973). Ce descendant des meilleures variétés de l'époque ('Mary Randall', 'Celestial Snow'...) dispose des bonnes proportions et, de ce fait, a été utilisé à plusieurs reprises en vue d'obtenir des BB de qualité. On en compte cinq en ligne directe, dont 'Teapot Tempest' (1998) qui a parcouru l'échelle des honneurs jusqu'à la Knowlton Medal décrochée en 2008. 

La suite de son travail fait aussi appel aux obtentions de Bee Warburton, une personne qui avait la réputation de ne sélectionner que des variétés de tout premier plan. Celles-ci rassemblent plusieurs espèces de petite taille : le fameux 'Progenitor', et le très utile I. aphylla qui a la particularité de rendre les couleurs plus contrastées et de réduire la hauteur des plantes qui en portent les gènes. Cela a abouti aux enregistrements de 1992 : 'Satin Sashes' et 'Secret Weapon'. 

 Par la suite Lynn Markham a continué ses recherches, ajoutant progressivement dans ses croisements des iris modernes qui ont donné naissance à des variétés valeureuses comme 'Dance Gypsy' (2002), 'Devil's Waltz' (2010) ou le remarquable luminata 'Dapple Dawn' (2014). 

Lynn Markham ne fait pas partie des hybrideurs prolifiques. Elle s'est fixé un but au début de sa carrière et elle s'y est tenue. Ce but était difficile à atteindre, de sorte que sa production n'a pas été importante. Mais ce n'est pas au nombre d'enregistrements que l'on compte les hybrideurs que l'histoire des iris retiendra. En revanche le nom de Lynn Markham restera attaché au développement des iris en général et des iris de bordure en particulier. 

Illustrations 


'Dance Gypsy' 


'Teapot Tempest' 


'Devil's Waltz' 


'Dapple Dawn' 

 Cet article doit beaucoup à la chronique obituaire de Kevin Vaughn (Bulletin « Irises » n° 102/2, printemps 2021).

16.10.21

DES AMITIÉS FRUCTUEUSES

La générosité et le sens du partage sont des qualités que l'on rencontre fréquemment dans le monde des iris. Les biographes des grands hybrideurs ne manquent pas de souligner que les débutants ont toujours trouvé auprès d'eux non seulement des conseils et des encouragements, mais aussi de précieux rhizomes à partir desquels ils ont pu se lancer dans leurs programmes de croisements. Orville Fay, Paul Cook font partie de ces hommes qui n'ont jamais hésité à consacrer beaucoup de leur temps à ceux qui venaient les trouver, et à leur remettre tout plein de leurs obtentions. Cette tradition n'est pas éteinte et l'on a aujourd'hui plusieurs exemple de sa pérennité. 

Barrry Blyth, le célèbre hybrideur australien est bien connu pour cela. Koen Engelen, un jeune et enthousiaste amateur belge – qui, malheureusement, s'est tourné aujourd'hui vers une autre passion que les iris – a raconté comment il a été reçu pendant une longue période à Piercedale, dans la pépinière de Barry Blyth, qui lui a tout appris des règles de l'hybridation et de la sélection des semis. Cette tradition de l'hospitalité s'est maintenue jusqu'à la cessation d'activité de Barry et a été particulièrement fructueuse auprès de Keith Keppel, Thomas Johnson et notre compatriote Roland Dejoux. Il en est même résulté une véritable activité qui a donné une nouvelle orientation à la vie d'hybrideur de ces trois personnages. 

Ils ont les uns et les autres profité de l'opportunité du décalage des saisons entre les hémisphères nord et sud pour mettre au point un système de croisements original et astucieux qui n'aurait pas pu exister sans l'accueil et la générosité de l'obtenteur australien. Ce système est le suivant : à l'automne chez nous (qui correspond au printemps et à la saison des iris dans l'hémisphère sud), d'abord Keppel, puis par la suite Johnson et Dejoux, ont fait le voyage en Australie. Barry Blyth les attendait, les accueillait chez lui et les laissait effectuer tous les croisements qu'ils souhaitaient parmi les innombrables variétés qui se trouvaient dans sa pépinière. C'était l'occasion d'un travail intense, mais aussi celui de l'expression d'un amitié chaleureuse. Quand les capsules issues de ces croisements, dûment identifiées, parvenaient à maturité, Blyth les récoltait et envoyait les graines à l'auteur des croisements. On était alors au printemps dans l'hémisphère nord et on avait tout son temps pour les semer et leur faire commencer une existence « nord-hémisphérique » normale. A noter que la procédure inverse était aussi appliquée. Au printemps chez nous Barry Blyth se rendait en Oregon chez Keith Keppel, y pratiquait quelques croisements dont il recevait les fruits trois mois plus tard, à temps pour les planter chez lui ! Ce n'est pas au temps de Ferdinand Cayeux ou de Philippe de Vilmorin qu'on aurait pu imaginer de tels échanges. A l'époque les steamers qui reliaient Marseille à Sydney devait mettre environ six semaines pour faire le voyage !... 

L'amitié entre Blyth et Dejoux, née lors de la grande tournée en France effectuée par ce dernier en …. est ainsi à l'origine de toute une série de variétés obtenues sur le sol français dans les riches terres gersoises, comme, par exemple 'Piercedale's Girls' (2,020) pur produit australien et agréable fleur blanche bordée de mauve dont le pedigree s'écrit : Blyth seedling X194-2: (seedling V134-4 x seedling V228-1) X Blyth seedling X229 sibling: (seedling V282-1 x seedling V229-1), et qui a la particularité de ne concerner que des semis non enregistrés mais présents dans les champs de Piercedale : 
 V134-4= 'I’m Posh' sibling; 
 V228-1= 'Colour Bazaar' X T191-3: (R79-3, 'I’m a Hussy' sibling, x R95-1, 'Adoranova' sibling);   V282-1= 'Somewhat Fancy'; 
 V299-1= (T315-3, 'Chasing Destiny' sibling X 'Stylish Edge'). On ne peut évidemment pas savoir à quoi ressemblent (ou ressemblaient, s'ils n'ont finalement pas été retenus) ces différents semis, ce qui est dommage pour les curieux. Notons seulement que parmi les variétés dénommées il y a un peu de tous les modèles, mais que celle dont 'Piercedale's Girls' est le plus proche est 'Stylish Edge' (2014). 

La très sympathique complicité qui s'est établie entre Keith Keppel et Barry Blyth est à l'origine de plusieurs croisements remarquables dont le plus important est sans doute 'Reckless Abandon' (2009), Médaille de Dykes 2021, et qui a comme origine australienne le semis de Blyth L304-1, 'Platinum Class' sibling. 

Une relation non moins chaleureuse s'est établie entre Barry Blyth et Thomas Johnson, au point que ce dernier est en quelque sorte devenu le légataire universel de son ami australien. Le résultat le plus éminent de leur collaboration est sans nul doute 'Daring Deception' (2012), lui aussi sacré Dykes Medal en 2021. Cet iris a un pedigree purement australien :  'By Jeeves' X Blyth seedling# O77-A: ('Hold My Hand' x 'Brave Face'), même s'il est américain en fait par le « droit du sol » ! On peut admettre, si l'on fait abstraction de l'artifice du transfert intercontinental, que 'Daring Deception' est un produit « Blyth » et que sa médaille est une consécration mondiale pour un obtenteur qui l'a amplement méritée. 

La collaboration amicale entre des obtenteurs de l'hémisphère nord et un de leurs collègues du Sud peut faire l'admiration du monde entier. De la part des premiers s'est une opportunité dont ils sont infiniment reconnaissants, de la part de leur ami australien c'est le témoignage d'une générosité exceptionnelle dont on parlera indéfiniment dans l'histoire des iris.

Illustrations


- 'Piercedale's Girls


- 'Daring Deception'


- 'Reckless Abandon'


- 'Somewhat Fancy'

9.10.21

L'AUTRE 
 Quand on parle des iris d'Australie, on pense d'abord à Barry Blyth qui a longuement dominé l'iridophilie dans son pays et s'est même forgé une réputation d'excellence partout dans le monde. Mais il ne faut pas oublier que d'autres hybrideurs existent et que certains peuvent être qualifiés de grands maîtres. C'est le cas de Graeme Grosvenor. Cet Australien bon teint, qui est né et a toujours vécu à Sydney, a d'abord exercé la carrière de professeur de mathématiques, avant qu’il ne se consacre entièrement à son violon d’Ingres, les iris. En 1970 il a ouvert une pépinière, en compagnie de son beau-frère John Taylor, maître incontesté des iris de Louisiane. Depuis 2002 il a pris une seconde retraite, laissant à sa fille et son gendre la Maison Rainbow Ridge Nursery qu'il avait créée pour commercialiser ses obtentions. Son premier iris enregistré a été ‘Rellie’, un iris blanc à barbes rouges, qui a tout de suite attiré l’attention des amateurs dans un pays où l’on sait ce que bel iris veut dire. Pour ce premier croisement il s'est contenté d'utiliser des variétés australiennes , de Barry Blyth évidemment : ( 'Lilac Champagne' x 'Bon Vivant' ) X 'Outer Limits'.  C’était en 1978. Ce premier succès a encouragé notre prof de math à continuer, et il est allé de réussite en réussite. C'est ainsi qu'il a reçu 22 fois l'Australian Dykes Medal , récompense assez particulière, à laquelle ne prennent pas part tous les obtenteurs du pays, mais qui ne couronne que des fleurs de qualité. Dans l'ordre chronologique on trouve 'First Movement' (1992), 'Temptone'(1995), 'Hills District' (1997), 'Ribands' (1998), 'Move On' (1999), 'Lavender Park' (2000), 'Helen Dawn' (2002),'Pay the Price' (2003), 'Jayceetee' (2004), 'Second Option' (2006), 'June Brazier' (2007), ''Dancing in Pink' (2008), 'Pot Black' (2009),  'Amenort' (2011), 'Tay Daum' (2013), 'Scared Stiff' (2014), 'Coal Face' (2015), 'Rusty Taylor' (2016), 'Our Man Buck' (2017), 'Marie's Love' (2018), 'Boyd' (2019). C'est, en plus grand, la même suprématie que celle qui a permis à Ferdinand Cayeux d'enlever toutes les Dykes Medal Françaises pendant tout le temps qu'à duré cette récompense ! Mais ce n'est pas tout, il faut ajouter les ISA Medals (celles qui récompensent un grand iris quand c’est un iris différent qui remporte la DM australienne) comme ‘Azure Angel’ (1994) en 1996, ou ‘Second Option’ (1999) en 2006. Et puis il y a aussi Florence, ce championnat du monde des iris, où Grosvenor a été couronné deux fois : ‘Helen Dawn’ (1998) en 98, et ‘Pay the Price’ (2004) en 2003. Bref notre homme est l'un des plus titrés du monde des iris. S'il n'a pas rencontré au plan mondial la même renommée que son confrère Barry Blyth, il faut sans doute mettre en cause d'une part sa discrétion, d'autre part les relations particulières entretenues par Blyth avec les ténors de l'AIS comme Keith Keppel qui, en hébergeant les plantes obtenues par son ami australien, a permis à celles-ci d'entrer de plain pied sur le marché américain et, de là, essaimer partout dans le monde. Un coup de pouce comme ça est un avantage non négligeable. Quoi qu'il en soit, même s'ils sont moins connus et moins diffusés que les iris de Barry Blyth, on peut considérer que ceux de Graeme Grosvenor sont de valeur équivalente. Et ils sont d'autant plus précieux qu'ils sont plus rares. Graeme Grosvenor n’est pas seulement mathématicien et hybrideur d’iris ; c’est aussi un passionné de musique et de littérature, et un photographe averti. Et n’oublions pas les quatre livres sur les iris qu’il a écrits et dont le dernier,  « Iris, Flower of the Rainbow », figure dans la bibliothèque de tous les fans d’iris.  

Illustrations :


 'First Movement' 


 'Pay the Price' 


 'Amenort' 


 'Coal Face' 


 'Rusty Taylor'
LA FLEUR DU MOIS 
NAVAJO JEWEL John Weiler, 1983 
(('Pacific Panorama' x 'Seaside') x 'Full Tide') X (('Pacific Panorama' x 'Seaside') x sibling) 

 Des iris bleus, il y en a, comme on dit, à la pelle, alors est-il bien judicieux de consacrer un portrait à l'un d'entre eux ? Certes le bleu est une couleur qui tend à paraître galvaudée, mais c'est tout de même, dans l'opinion publique, celle qui correspond à l'idée d'iris, alors même qu'on englobe sous le vocable « bleu » ce qui est en fait du violet. Le bleu, le bleu pur, n'est pas si fréquent que ça, je dirais même que c'est une couleur exceptionnelle tant il est vrai que la plupart des iris bleus comportent une pointe de violet. Qui plus est, le bleu des iris comporte une infinité de nuances qui vont du bleu à peine sensible de 'Eleanor's Pride' (Ed. Watkins, 1952) au bleu profond de 'Mer du Sud' (Richard Cayeux, 1997), en passant par le bleu indescriptible de 'Mystique' (Joë Ghio, 1972). 

 Le bleu dont il va être question aujourd'hui est un bleu turquoise, c'est à dire un bleu clair et légèrement teinté de vert. Il est porté par 'Navajo Jewel', une variété de 1983 qui nous met sur la voie puisque la turquoise est une pierre emblématique du pays de indiens Navajos. Sa description officielle est : « bleu moyen nettement teinté de turquoise ; barbe jaune clair (...) ». C'est un produit de John Weiler un hybrideur californien qui n'est pas un gros producteur mais qui s'était fait un nom reconnu dans le monde des iris. La fleur du mois d'août était déjà une iris signé Weiler, 'Throb', un bel orange vif. 

 'Navajo Jewel' est ce qu'on appelle un bleu de bleu puisque ses deux parents sont des iris bleus. Ils ont d'ailleurs la particularité d'être à 50% issu du même croisement : ('Pacific Panorama' x 'Seaside'). 'Pacific Panorama' (Neva Sexton, 1960) est une variété mondialement connue, qui a obtenu la Médaille de Dykes en 1965 et qui, de ce fait, a acquis une célébrité au demeurant tout à fait méritée. 'Seaside' (Opal Brown, 1967) est moins connu mais son lignage parle pour lui puisque ses parents sont d'une part 'Winter Olympics' (O. Brown, 1961, DM en 1967), d'autre part 'Galilee' (Orville Fay, 1955), à l'origine d'une multitude d'iris bleus souvent récompensés. 

 Question descendance, 'Navajo Jewel' n'a pas inspiré grand' monde. La base de donnée de l'AIS ne lui connaît que huit rejetons dont les seuls à être connus de par le monde sont les trois obtenus par James Mcwirther en 1996/97, qui font appel à 'Winterscape' (McWirthrter, 1984), blanc bleuté, et à un frère de semis de 'Regent's Row' (Denney, 1978), et qui se nomment 'Helen Cochran', 'Mother Marshmallow', tout deux unicolores blancs, et 'Lake Mead', indigo. 

 Dans mon jardin 'Navajo Jewel' s'est toujours bien comporté. Fidèle chaque année, multiplication suffisante sans excès, jamais aucune maladie. J'en ai donné quelques rhizomes à ma sœur qui demeure à quelques kilomètres de chez moi. Elle en a constitué une longue bordure qui est en place depuis des années et fleurit abondamment. Dans le « temps long » comme on dit aujourd'hui il se révèle donc une bonne plante de jardin. C'est le propre des iris de qualité que de pousser et fleurir sans poser de problème à leur utilisateur ! C'est un reproche que l'on fait souvent en Europe aux iris californiens que d'être fragiles et capricieux, nés et élevés qu'ils sont dans un climat plus clément que celui du pays où ils ont été transplantés. Mais cela ne s'applique pas à 'Navajo Jewel'. 

 Illustration : 


'Navajo Jewel' 


 'Pacific Panorama' 


 'Seaside' 


 'Full Tide' 


 'Lake Mead'
 

1.10.21

IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST

Les iris en Bretagne 

 Depuis longtemps quand on parlait d'iris dans notre pays on pensait au Centre et au Sud-Est. Au Centre il y avait la célèbre maison Cayeux et sa voisine la famille Bourdillon. Au Sud-Est c'était Hyères et les iris de chez Anfosso. Longtemps ils furent les seuls à se partager le marché, Cayeux et Anfosso ajoutant à leur commerce la création de nouvelles variétés. Peu a peu le monde français des iris s'est élargi et la Bretagne est devenue une des régions principales de cette activité. 

 Le premier à s'être manifesté dans cette région a été Gérard Madoré. Le monde français des iris a eu l’occasion d’apprécier son travail lorsque ‘Gwennaden’ (2001) a été remarqué au concours FRANCIRIS ® 2005 et classé 5eme (et premier français). Il a eu de nouveau son attention attirée quand ‘Morgat’ (2005) a obtenu en 2008 au même concours la mention « Meilleure variété bleu, blanc, rouge ». Pour commercialiser ses obtentions sont apparus « Les Iris du Moulin de Kervin », ce qui a un charme indéniable, sûrement de nature à attirer les acheteurs qui y voient un côté rural et pittoresque. Gérard Madoré lui-même a pris goût à l'hybridation qu'il pratiquait à l'origine comme un passe-temps. Il a acquis une sorte de professionnalisme et ses iris ont rencontré un certain succès, auprès du public, mais aussi auprès des amateurs et des professionnels qui ont remarqué la qualité de ses obtentions. Celui que l'on peut appeler le meunier de Kervin n'a pas pris de risques génétiques inconsidérés et ses iris, au pedigree sans excès de raffinement, font essentiellement appel à des géniteurs confirmés. Même s'ils n'ont pas pu obtenir la diffusion qu'ils méritent, et par conséquent se trouvent maintenant en danger de disparition, il faut pour la plupart les considérer comme des variétés remarquables. J'en ai cultivé plusieurs, à ma grande satisfaction, et maintenant ils se trouvent inclus dans la collection de Champigny sur Veude où ils continuent de prospérer. S'y trouve notamment 'Gwennaden', cité plus haut, solide et élégant iris blanc pur, mais aussi 'Quistinic' (2001), un original iris brun, quelques roses très plaisants : 'Locmaria' (2001), pétales roses et sépales blancs bordés de rose, 'Ploumanach' (2005), unicolore rose à barbes vermillon, 'Rosmalo' (2007), mon préféré, unicolore rose dragée, avec des sépales plus clairs liserés de chamois et soulignés par des barbes orange. J'aime également beaucoup 'Kernilis' (2005), unicolore orange (une des couleurs favorites de son obtenteur) avec des stries brunes sur les sépales et d'éclatantes barbes minium, 'Doelan' (2005), qui fait partie de la série des « bleu-blanc-rouge » et présente des pétales blancs, au-dessus de sépales bleu ciel centrés de barbes rouge minium, et surtout 'Penhir' (2001), une réussite dans les tons de bleu-noir, avec des barbes bleues, dont les parents 'Hello Darkness' et 'Before the Storm' confirment que Gérard Madoré savait jouer avec les classiques. 

 Un beau jour il a cessé de s'intéresser aux iris. Le jardin du Moulin de Kervin a disparu ; les variétés qui recouvraient les pentes du ruisseau ont trouvé refuge dans d'autres pépinières bretonnes. C'est une fin un peu triste qui a affecté de nombreux amateurs... 

 A peu près au même moment, Jean-Claude Jacob, à Saint Pol de Léon, s'est lancé dans l'aventure de l'hybridation des iris. Cet ancien fonctionnaire de la Poste s'était déjà créé une certaine notoriété en créant des rosiers. Éclectique dans ses goûts et curieux de nature, il a trouvé dans les iris un nouveau domaine à explorer dont l'immensité ne lui a pas fait peur. Ses premières obtentions ont été, disons, un peu décevantes, mais combien d'autres obtenteurs ont également commencé modestement avant d'acquérir une prestigieuse renommée ? Très vite il a perfectionné ses choix et affiné ses sélections, de sorte qu'en quelques années il est devenu un hybrideur très distingué. Ses iris, qui poussent en bordure de mer, ont la robustesse des vieux marins. Ce sont des variétés qui s'adaptent partout et qui récompensent ceux qui les cultivent avec des fleurs solides et souvent très originales. Cette originalité se manifeste dans le fait qu'il ne s'est pas contenté de croiser des grands iris de jardin mais qu'il a tenté et réussi l'hybridation d'autres catégories d'iris, en particulier les PCN (Pacific Coast Native), originaires de la Californie, mais réputés pour la délicatesse de leur multiplication. 

 Depuis les premiers pas de 'Troméal' (2006) le catalogue s'est enrichi d'une centaine de nouvelles variétés, avec de superbes obtentions comme 'Cadran Lunaire' (2012) dans la famille des « distallatas », 'Fille de l'Eau' (2015), bitone bleu inversé, 'Va Bro' (2017), amoena blanc/noir particulièrement contrasté, 'Lumière du Léon' (2017) qui montre le savoir-faire des son obtenteur dans le genre « luminata », 'Aber Wrac'h' (2019), grande réussite dans un coloris bleu pourtant immensément répandu. 

 Héritier de Gérard Madoré, Jean-Claude Jacob démontre sa grande générosité et son inlassable désir d'améliorer son travail. Aux « Iris de la Baie », la pépinière qu'il a créée, on est sûr de trouver plein de belles choses. 

 Le Jardin d'iris de Bubry est le troisième site breton consacré aux iris. C'est aussi le plus récent, du moins pour ce qui est de la création de nouveaux iris. Alain Chapelle s'est lancé dans l'aventure quand il a enregistré en 2007 'First One', le bien nommé. Cet iris était déjà une belle réussite. Depuis son obtenteur s'est révélé être plein de talent, et ses plantes rivalisent avec celles des meilleures professionnels. Elles sont aujourd'hui plus de 70, essentiellement des grands iris. Alain Chapelle et sa compagne sont de grands voyageurs, amateurs de grands espaces et de sites exotiques qui sont la source d'inspiration de bien des noms donnés à leurs iris. En témoignent les 'Fleur du Désert' (2010), pêche rosé à barbes mandarine, 'Aube du Désert' (2016), abricot clair délicatement ondulé, 'Dune Ensoleillée' (2016), rose orangé difficile à décrire, 'Rose des Sables' (2016), délicieux rose orangé. Dans les tons de bleu sombre, on remarque 'Tenue de Soirée', vivement contrasté, et surtout 'Jais Moqueur' (2016, très proche du noir, y compris les barbes. Cependant ce sont les teintes chaudes, jaune doré, orange, qui semblent inspirer particulièrement Alain Chapelle. Voir de ce côté là 'Colibri d'Or' (2011), 'D'Or et de Lumière' (2011), 'Flamboyance Dorée' (2015), 'Irradiance' (2018) et quelques autres... 

 Tout cela fait de la Bretagne une nouvelle terre d'iris. Mais ce qu'il y a de plus réjouissant c'est qu'en d'autres régions beaucoup de nouveaux obtenteurs sont apparus ces temps derniers, dont certains tout à fait remarquables, ce qui doit placer notre pays parmi les plus dynamiques et les plus créatifs. 

 Illustrations : 


 'Rosmalo' 


 'Kernilis' 


 'Aber Wrac'h' 


 'Rose des Sables'