16.10.21

DES AMITIÉS FRUCTUEUSES

La générosité et le sens du partage sont des qualités que l'on rencontre fréquemment dans le monde des iris. Les biographes des grands hybrideurs ne manquent pas de souligner que les débutants ont toujours trouvé auprès d'eux non seulement des conseils et des encouragements, mais aussi de précieux rhizomes à partir desquels ils ont pu se lancer dans leurs programmes de croisements. Orville Fay, Paul Cook font partie de ces hommes qui n'ont jamais hésité à consacrer beaucoup de leur temps à ceux qui venaient les trouver, et à leur remettre tout plein de leurs obtentions. Cette tradition n'est pas éteinte et l'on a aujourd'hui plusieurs exemple de sa pérennité. 

Barrry Blyth, le célèbre hybrideur australien est bien connu pour cela. Koen Engelen, un jeune et enthousiaste amateur belge – qui, malheureusement, s'est tourné aujourd'hui vers une autre passion que les iris – a raconté comment il a été reçu pendant une longue période à Piercedale, dans la pépinière de Barry Blyth, qui lui a tout appris des règles de l'hybridation et de la sélection des semis. Cette tradition de l'hospitalité s'est maintenue jusqu'à la cessation d'activité de Barry et a été particulièrement fructueuse auprès de Keith Keppel, Thomas Johnson et notre compatriote Roland Dejoux. Il en est même résulté une véritable activité qui a donné une nouvelle orientation à la vie d'hybrideur de ces trois personnages. 

Ils ont les uns et les autres profité de l'opportunité du décalage des saisons entre les hémisphères nord et sud pour mettre au point un système de croisements original et astucieux qui n'aurait pas pu exister sans l'accueil et la générosité de l'obtenteur australien. Ce système est le suivant : à l'automne chez nous (qui correspond au printemps et à la saison des iris dans l'hémisphère sud), d'abord Keppel, puis par la suite Johnson et Dejoux, ont fait le voyage en Australie. Barry Blyth les attendait, les accueillait chez lui et les laissait effectuer tous les croisements qu'ils souhaitaient parmi les innombrables variétés qui se trouvaient dans sa pépinière. C'était l'occasion d'un travail intense, mais aussi celui de l'expression d'un amitié chaleureuse. Quand les capsules issues de ces croisements, dûment identifiées, parvenaient à maturité, Blyth les récoltait et envoyait les graines à l'auteur des croisements. On était alors au printemps dans l'hémisphère nord et on avait tout son temps pour les semer et leur faire commencer une existence « nord-hémisphérique » normale. A noter que la procédure inverse était aussi appliquée. Au printemps chez nous Barry Blyth se rendait en Oregon chez Keith Keppel, y pratiquait quelques croisements dont il recevait les fruits trois mois plus tard, à temps pour les planter chez lui ! Ce n'est pas au temps de Ferdinand Cayeux ou de Philippe de Vilmorin qu'on aurait pu imaginer de tels échanges. A l'époque les steamers qui reliaient Marseille à Sydney devait mettre environ six semaines pour faire le voyage !... 

L'amitié entre Blyth et Dejoux, née lors de la grande tournée en France effectuée par ce dernier en …. est ainsi à l'origine de toute une série de variétés obtenues sur le sol français dans les riches terres gersoises, comme, par exemple 'Piercedale's Girls' (2,020) pur produit australien et agréable fleur blanche bordée de mauve dont le pedigree s'écrit : Blyth seedling X194-2: (seedling V134-4 x seedling V228-1) X Blyth seedling X229 sibling: (seedling V282-1 x seedling V229-1), et qui a la particularité de ne concerner que des semis non enregistrés mais présents dans les champs de Piercedale : 
 V134-4= 'I’m Posh' sibling; 
 V228-1= 'Colour Bazaar' X T191-3: (R79-3, 'I’m a Hussy' sibling, x R95-1, 'Adoranova' sibling);   V282-1= 'Somewhat Fancy'; 
 V299-1= (T315-3, 'Chasing Destiny' sibling X 'Stylish Edge'). On ne peut évidemment pas savoir à quoi ressemblent (ou ressemblaient, s'ils n'ont finalement pas été retenus) ces différents semis, ce qui est dommage pour les curieux. Notons seulement que parmi les variétés dénommées il y a un peu de tous les modèles, mais que celle dont 'Piercedale's Girls' est le plus proche est 'Stylish Edge' (2014). 

La très sympathique complicité qui s'est établie entre Keith Keppel et Barry Blyth est à l'origine de plusieurs croisements remarquables dont le plus important est sans doute 'Reckless Abandon' (2009), Médaille de Dykes 2021, et qui a comme origine australienne le semis de Blyth L304-1, 'Platinum Class' sibling. 

Une relation non moins chaleureuse s'est établie entre Barry Blyth et Thomas Johnson, au point que ce dernier est en quelque sorte devenu le légataire universel de son ami australien. Le résultat le plus éminent de leur collaboration est sans nul doute 'Daring Deception' (2012), lui aussi sacré Dykes Medal en 2021. Cet iris a un pedigree purement australien :  'By Jeeves' X Blyth seedling# O77-A: ('Hold My Hand' x 'Brave Face'), même s'il est américain en fait par le « droit du sol » ! On peut admettre, si l'on fait abstraction de l'artifice du transfert intercontinental, que 'Daring Deception' est un produit « Blyth » et que sa médaille est une consécration mondiale pour un obtenteur qui l'a amplement méritée. 

La collaboration amicale entre des obtenteurs de l'hémisphère nord et un de leurs collègues du Sud peut faire l'admiration du monde entier. De la part des premiers s'est une opportunité dont ils sont infiniment reconnaissants, de la part de leur ami australien c'est le témoignage d'une générosité exceptionnelle dont on parlera indéfiniment dans l'histoire des iris.

Illustrations


- 'Piercedale's Girls


- 'Daring Deception'


- 'Reckless Abandon'


- 'Somewhat Fancy'

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