25.7.14

UN JOUR JE PARTIRAI SANS EN AVOIR FINI

Cette parodie du titre du dernier ouvrage de Jean d'Ormesson s'applique à merveille au sujet de notre nouveau feuilleton : les hybrideurs qui ont entrepris un travail sur un modèle d'iris ou un coloris, et qui ont disparu avant d'avoir pu atteindre le but ultime qu'ils s'étaient fixés. Keith Keppel lui-même pourrait être l'auteur de cette phrase, lui qui, dans les commentaires de son travail qu'il fournit chaque année dans son catalogue, se désolait, il y a quelques temps, et on peut transcrire sa pensée sous la forme d'un autre alexandrin : il reste tant à faire, et j'ai si peu de temps... 

6. Ben Hager 

Ben Hager ne fait pas partie des obtenteurs qui ont quitté brusquement ce monde. Mais en s'en allant il a laissé une multitude de semis, la plupart remarquables, dont on a fait connaissance peu à peu, au fur et à mesure que Rick Ernst les a mis sur le marché. 

Voici quatre de ces obtentions « post mortem » : 


° 'Glowing Smile' (2001) 

° 'My Old Friend' (2002) 

° 'Western Tradition' (2002) 


° 'Ben's Finale' (2009)

LA PLANTE ET LA FLEUR

Cela m'a valu pas mal d'ennuis. Un jour, j'ai voulu faire mon pédant et j'ai fait remarquer à une personne qui s’extasiait à propos d'un iris que la variété en question présentait quelques défauts. Mes observations ont du être maladroitement exprimées. Quoi qu'il en soit, la personne en question a très mal pris ce que je lui disais et elle m'en a voulu profondément. Je regrette évidemment de l'avoir vexée, mais je ne retire rien de ce que j'ai dit.

Le guide que l'on remet aux juges dans les compétitions internationales du genre de celle de Florence est plutôt surprenant pour une personne peu au fait de ces événements. Il énumère les différents points de caractères qu'il faut apprécier et attribue à chacun un coefficient proportionnel à l'importance qui lui est accordée. On s'aperçoit que ce que l'on considère en général comme le point principal, la fleur, n'est qu'un élément parmi les autres et que le coefficient qui lui est conféré est loin d'être le plus important. C'est une chose que mon mentor dans le jugement des iris, le professeur Gambassini, avait fait remarquer à ses élèves lors de la séance de formation. Il avait fortement insisté sur la nécessité de ne point se focaliser sur le fleur (forme, couleur), mais de veiller à l'excellence de tous les autres points de la liste.

Cela nous rappelle qu'un iris est, avant tout, une plante, et que c'est cette plante qu'il faut apprécier, dans sa globalité. Nous regarderons donc, pour commencer, l'aspect général de la plante. A-t-elle une végétation forte et saine ? Ses pousses sont-elles nombreuses et bien étalées de part et d'autre du rhizome initial ? Quelle satisfaction, en effet, retirerait-on d'une touffe malingre, au feuillage rare et terne, avec peu, ou presque pas, de nouvelles pousses, ce qui présagerait à coup sûr une floraison pauvre ou inexistante l'année suivante ? Les hampes florales sont-elles nombreuses, vigoureuses, suffisamment robustes pour porter sans défaillir les fleurs qui vont apparaître ? Les racines sont-elles assez solides pour maintenir à la verticale chaque hampe chargée de fleurs, puis, plus tard, des capsules lourdes de graines ? Imaginons que tout cela soit défaillant : dès le début de sa floraison la variété en question va voir ses tiges ployer ou verser, se traînant pitoyablement sur le sol. Les plus jolies fleurs du monde n'auraient aucun attrait dans cette situation. Dès les premières gouttes de pluie, dès le premier souffle de vent, l'iris va-t-il s'effondrer ou, au contraire, résister courageusement ? L'excitation qui s'empare du collectionneur, ou du simple amateur, d'ailleurs, à l'approche de l'éclosion des premières fleurs ferait vite place à une piteuse déception à la vue d'une plante incapable de se tenir majestueusement, et regretter l'investissement, parfois non négligeable, que constitue l’achat d'une nouveauté. Quand une plante aura triomphé de ces défis, elle pourra être appréciée pour ses qualités purement floristiques.

 Ce sera la seconde partie de l'épreuve. Elle débutera par un examen de la tige, non pas au point de vue de sa solidité mais à celui de la forme qu'elle prend. J'ai constaté que de nombreux débutants en matière d'iris s'inquiètent devant une tige qui s'incline de droite puis de gauche au lieu de se dresser, toute droite, vers le ciel. Qu'ils se rassurent, ou plutôt qu'ils considèrent que cette forme en col de cygne est celle qui permet aux fleurs latérales de prendre leurs aises en s'ouvrant, sans se trouver gênées dans leur développement. Si la tige ne s'écarte pas un peu pour leur faire de la place, soit elles vont restées coincées contre la hampe, soit elles vont prendre un air penché, ce qui est bien moins esthétique que des fleurs restant rigoureusement verticales. La présence, le long de la tige de plusieurs branches latérales est aussi à prendre en compte. En effet c'est le gage d'un nombre important de boutons et, par conséquent d'une floraison prolongée. Une tige toute seule, avec toutes les fleurs groupées à son sommet est un défaut considérable car il implique que ces fleurs vont éclore à peu près en même temps et se gêner les unes les autres, les premières fanées s'écroulant sur les suivantes et celles-ci ne trouvant pas l'espace pour s'épanouir correctement. Sans compter que tout le poids ainsi haut perché fait craindre que la hampe surchargée ne se couche en entraînant la fin prématurée de la floraison. Celle-ci sera d'une durée d'autant plus longue que chaque fleur aura attendu que celle qui la précède soit passée pour prendre la place, et que le nombre de boutons qui vont s'ouvrir sera important. Plusieurs fleurs ouvertes côte à côte et simultanément signifient qu'elles ne se laisseront pas longtemps admirer ! Enfin pour que ces fleurs se tiennent bien et aient une longue durée de vie, il faut qu'elles aient un consistance épaisse et résistante. Tous ces points sont, comme cela semble évident, d'une importance majeure dans l'appréciation qui est faite.

Jusqu'à présent la forme, la taille, la couleur de la fleur n'ont pas été examinées. C'est le moment d'y regarder de près. La forme ? Les goûts de l'examinateur ont à ce niveau une importance certaine. Telle personne préférera les formes ondulées, voire frisées ou, même, crêpées comme on en fait de nos jours. Telle autre appréciera davantage les fleurs nettes et lisses, typiques de l'iris traditionnel. Il n'existe pas en ce domaine de règle rigoureuse, si ce n'est qu'il n'y pas de place aujourd'hui pour des fleurs molles et tombantes fragiles et tristes. La taille ? Elle doit rester en harmonie avec l'ensemble de la plante : pas de haute plante avec des fleurs de petites dimensions, pas non plus de plante plutôt basse avec des grosses fleurs... La couleur enfin ? En dehors des phénomènes de mode, il n'y a pas de couleur à rejeter. Même si les couleurs ternes, bourbeuses, imprécises n'ont guère de chance d'attirer l’œil de l'observateur. Mais, bien entendu un coloris frais et agréable, une association de couleur, un modèle original seront immanquablement appréciés et mieux notés que la nième version d'un modèle éculé ou d'un coloris mille fois vu.

Dans chaque variété il y a un peu de tout cela. Chez certaines les bons points sont plus nombreux que les points négatifs et c'est ce qui fera leur succès. Car même s'ils ne jugent pas aussi méticuleusement que les membres d'un jury, les amateurs d'iris choisiront plus ou moins consciemment les variétés les plus belles à tous points de vue. C'est pourquoi, pour se faire une idée complète des iris que l'on veut se procurer, rien ne vaut une visite dans une pépinière spécialisée, même si les producteurs mettent en général à leurs catalogues des plantes bien sous tous rapports. Encore que, ces dernières années, la multiplications des variétés nouvelles mises sur le marché laisse à craindre que des plantes de moindre qualité horticole ne se glissent dans le paquet !

 Illustrations : 
(pour ne choquer la susceptibilité de personne, et par respect pour le travail de tous les hybrideurs, les photos du jour ne comportent pas d'identification nominative). 


Photo 1 = variété récente, coloris intéressant, mais fleur « dans le style ancien », non enregistrée. 


Photo 2 = variété classique, hâtive, mais fleurs s'ouvrant en très peu de temps ; trop courte durée de floraison ; 


Photo 3 = variété récente, dans la compétition où elle a concouru elle a été jugée d'un coloris bourbeux et d'une forme médiocre ; 


Photo 4 = variété assez récente ; coloris original, mais fleurs trop tassées le long de la tige ; pas enregistrée pour cette raison.

18.7.14

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Retour à Florence 

Le concours d'iris de Florence s'est déroulé cette année dans des conditions plutôt chagrines et ingrates. Comme si l'idée de voir disparaître, fut-ce provisoirement, cette glorieuse compétition pouvait avoir une influence sur les conditions météorologiques, celles-ci ont tout essayé pour perturber le bon déroulement de la fête. D'abord en faisant en sorte que la floraison ait eu suffisamment d'avance pour que seules les variétés un peu tardives soient encore en état d'être jugées (un peu comme cela avait été le cas à Jouy en Josas en 2011) ; ensuite en faisant régner un temps médiocre et frisquet pendant la semaine de concours. Les personnes qui sont allées à Florence à l'occasion du « Concorso » n'ont guère pu profiter de la merveilleuse cité, et pas davantage de son splendide jardin d'iris.

 Quoi qu'il en soit quelque chose de satisfaisant ressort de ce concours : le retour parmi les grands hybrideurs de la fameuse famille Schreiner, puisque celle-ci voit apparaître deux de ses variétés récentes à la première et à la quatrième place. 'Drifting' (2011) est un bel amoena classique avec des sépales bleu-jacinthe et des barbes jaunes pointées de blanc. Ceux qui s'intéressent au pedigrees resteront sur leur faim car Schreiner's s'est contentée d'indiquer « parents inconnus », faute de pouvoir être franchement affirmative sur ses origines.

'Glad', (2011), quatrième de la compétition, est décrit comme étant bleu-violet avec barbes mandarine. Ce coloris n'est pas vraiment exceptionnel, mais la plante doit avoir d'autres attraits qu'une simple photo ne permet pas de remarquer. En tout cas on dispose du pedigree : « (Firewater x Condottiere) x Grecian Skies) x (Ride the Wind x Pledge Allegiance)) X ((Northwest Pride sib, x Riverboat Blues) x Above the Clouds)”. Rien que du beau monde.

 Le second prix est allé à une variété italienne, 'Tenue Tenerezza', non encore enregistrée (et je n'ai pas réussi à en obtenir une photo). C'est une obtention de Mauro Bertuzzi, hybrideur non-professionnel, mais néanmoins talentueux, puisqu'il a déjà remporté le concours en 2006, avec 'Recondita Armonia', délicieux variegata champagne et bleu clair, et que d'autres de ses obtentions ont déjà récolté des places d'honneur.

 C'est une variété signée Paul Black qui a fini sur la troisième marche du podium, 'No Place Like Home' (2011), un délicat bleu moyen avec un fin liseré presque blanc au bord des sépales et des barbes orange, joliment coiffé. Voici son pedigree : “(Cameo Appearance sib, x (Intimidator x Fogbound)) X (Dressed to Kill x Baja Boys)”.


Doutes 

 Il y a un an, le 5 juillet 2013, j'écrivais ici : «Pas de catalogue Iris au Trescols cette année. Je ne connais pas la raison de cette absence, mais j’espère qu’il ne s’agit que d’une interruption sabbatique. Et j’ai hâte de voir les nouveautés que Lawrence Ransom nous réserve pour 2014.” Aujourd’hui, il n'y a toujours pas de catalogue Iris au Trescols. Celui que je considère comme le plus doué des hybrideurs français est en plein doute. Doute sur l'intérêt pour lui de continuer la vente d'iris ;  doute sur sa capacité physique, les années passant, de cultiver seul ses chers iris qui lui brisent le dos ; doute sur l'évolution actuelle du monde des iris... Mais toujours autant de passion pour l'hybridation. Cette passion sera-t-elle suffisante pour le conduire à reprendre le travail ? Tous ceux qui l'apprécient, et tous les amis des iris l'espèrent et le souhaitent.

UN JOUR JE PARTIRAI SANS EN AVOIR FINI

Cette parodie du titre du dernier ouvrage de Jean d'Ormesson s'applique à merveille au sujet de notre nouveau feuilleton : les hybrideurs qui ont entrepris un travail sur un modèle d'iris ou un coloris, et qui ont disparu avant d'avoir pu atteindre le but ultime qu'ils s'étaient fixés. Keith Keppel lui-même pourrait être l'auteur de cette phrase, lui qui, dans les commentaires de son travail qu'il fournit chaque année dans son catalogue, se désolait, il y a quelques temps, et on peut transcrire sa pensée sous la forme d'un autre alexandrin : il reste tant à faire, et j'ai si peu de temps... 

 5. Lily Gartman 

 C'est une personne bien discrète que Lily Gartman. Elle n'a fait qu'une courte apparition dans le monde des iris, mais elle y a laissé une trace qui s'est prolongée bien au-delà de sa mort. Joë Ghio appréciait son travail, et c'est lui qui a enregistré les variétés que sa brusque disparition ne lui a pas permis de faire connaître.

On se souviendra de ces iris, au cachet franchement féminin :


° 'Frostico' (1989) 


 ° 'Je t'Aime' (1990) 


° 'A l'Orange' (1990) 


 ° 'Sunkiss' (1993)

SIMILITUDES

'Afternoon Delight' et ses enfants

 Dans mon jardin il y a 'Afternoon Delight' et 'Different World', mais je trouve que ces deux variétés d'iris se ressemblent tellement que j'ai voulu en savoir plus à leur sujet.

Pour commencer traçons le portrait de ces deux cultivars.

 'Afternoon Delight' est un produit de feu Richard Ernst, enregistré en 1983 et mis sur le marché deux ans plus tard. La description qui en est donnée est la suivante : « Pétales légèrement dentelés ; ocre doré clair infusé de lavande ; sépales lavande liserés d'ocre doré, épaules or, infusions jaunes sous les barbes ». Son pedigree fait appel à deux semis non enregistrés (Countryman x Outreach) et (Mary Frances x Lombardy). Le premier couple allie deux iris jaunes avec un spot blanc sous les barbes ; le second est un croisement de deux variétés lavande. C'est une plante de bonne taille, robuste et qui pousse bien en général. Elle a eu un vaste succès commercial, succès qui fut aussi important en hybridation. En effet Ernst s'en est beaucoup servi, et après lui quelques autres, y compris en France (Madoré, Portal). Au total on compte aujourd'hui 63 variétés enregistrées qui en sont issues.

'Different World' est justement un de ces descendants. C'est le résultat d'un croisement réalisé par Richard Ernst lui-même, enregistré en 1991 : Afternoon Delight X (Ringo x (Cranberry Ice x Grand Waltz). L’élément mâle du croisement réunit 'Ringo' (Shoop, 1979), un fameux amoena, 'Cranberry Ice' (Schreiner, 1976), variété rose pourpré vif, et 'Grand Waltz' (Schreiner, 1970) célèbre iris rose orchidée. La description en est : « Pétales brun ambré, infusé de lavande ; sépales bleu lavande pâle, liserés de brun, épaules dorées, barbes jaunes ». A la différence de 'Afternoon Delight', c'est une plante un peu capricieuse (du moins chez moi) et qui ne fleurit pas tous les ans.

Ces deux variétés sont, d'apparence, très proches l'une de l'autre et il faut un œil exercé pour les distinguer. C'est à peine si la plus récente est un peu plus jaune. Leurs descriptions respectives, d'ailleurs, laissent à penser à cette forte similitude. Mais en recherchant les origines de 'Different World' on découvre que cet iris fait partie d'une vaste fratrie où se trouvent 'Smiling Gold', Spring Splendor', 'Competitive Edge', 'Enchanted One' et quelques autres encore à la génération suivante. 'Smiling Gold' (1991) est une fleur jaune doré, blanc au centre des sépales ; 'Spring Splendor' (1991) fait partie des sosies de 'Afternoon Delight', avec des nuances évidemment ; 'Competitive Edge' (1991) est la version contrastée du modèle créé par Ernst ; mais c'est 'Enchanted One' (1994) qui est presque semblable à 'Different World', son frère de semis.

Cette proximité fait qu'on s'interroge sur l'intérêt, pour Richard Ernst, de sélectionner cette série alors que son père fondateur est encore présent dans de très nombreux catalogues. S'agit-il, simplement, de renouveler un modèle qui a « marché » (les Américains raffolent de nouveautés et la vie commerciale d' une variété est fort brève chez les Yankees) ? Si tel était l'intention, je ne suis pas sûr qu'elle ait été un bon calcul car la carrière des quatre frangins de 'Different World' est loin d'équivaloir celle de leur ancêtre. En hybridation, même, aucun n'a été très largement utilisé : 'Competitive Edge', celui qui, a priori avait le plus grand potentiel, n'a officiellement que sept descendants, dont cinq chez Ernst ; 'Enchanted One', de son côté n'en a eu que quatre, en Russie (V. Mikhaylov). Quant à 'Different World', s'il a eu une certaine descendance c'est presque exclusivement en Russie également (Krashennikov, Riabykh) ! Serait-ce que, dans ce pays, ces variétés ont été mieux distribuées qu'ailleurs? A moins que cette utilisation intensive (une vingtaine de cultivars enregistrés) ne soit le fait d'une certaine rareté, dans les années 1990, d'iris pouvant êtres croisés. Cette seconde hypothèse est sans doute plus vraisemblable que la précédente quand on connaît la pauvreté des moyens dont disposaient les hybrideurs à cette époque.

Quoi qu'il en soit, là où ces variétés jumelles sont amenées à se côtoyer, il est à mon avis bien préférable de cultiver l'ancienne plutôt que les nouvelles : coloris plus tranché (sauf pour 'Competitive Edge'), et qualités végétatives meilleures.

 Illustrations :


'Afternoon Delight' (Ernst, 1983)

'Different World' (Ernst, 1991)

'Enchanted One' (Ernst, 1994)

'Rozovoye Leto' (O. Riabykh, 2006)

11.7.14

UN JOUR JE PARTIRAI SANS EN AVOIR FINI

Cette parodie du titre du dernier ouvrage de Jean d'Ormesson s'applique à merveille au sujet de notre feuilleton actuel : les hybrideurs qui ont entrepris un travail sur un modèle d'iris ou un coloris, et qui ont disparu avant d'avoir pu atteindre le but ultime qu'ils s'étaient fixés. Keith Keppel lui-même pourrait être l'auteur de cette phrase, lui qui, dans les commentaires de son travail qu'il fournit chaque année dans son catalogue, se désolait, il y a quelques temps, et on peut transcrire sa pensée sous la forme d'un autre alexandrin : il reste tant à faire, et j'ai si peu de temps... 

 4. Pierre Anfosso 

 Cet artiste, amoureux de la peinture autant que des iris, a laissé un héritage remarquable. En quittant notre monde bien trop tôt, il a interrompu une série de succès universellement appréciés. On trouve toujours un peu partout dans le monde les variétés qu'il a obtenues, dont : 


 ° 'Sonate d'O' (1979) 


° 'Echo de France' (1984) 


 ° 'Douce France' (1988) 


 ° 'Voleur de Feu' (1988)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

« Flore pleno » 

 On parle souvent ici des iris à éperons. Récemment c'était pour évoquer, pièce à l'appui, l'apparition de fleurs « à pompons ». Cette fois c'est un semis de Loïc Tasquier qui crée l'événement : des pétaloïdes aussi grands que les tépales. Une nouvelle approche de la fleur double, celle que les botanistes appellent « flore pleno ».

A MINIMA

La semaine dernière ce sont les iris plicatas fortement piquetés qui ont fait l'objet d'une chronique. Cette fois ce sera le tour des plicatas faiblement marqués.

Pour ceux qui n'auraient pas suivi, reprenons les règles de base. Il y a deux sortes de pigments pour colorer les fleurs d’iris : les pigments caroténoïdes, dans les tons de jaune, solubles dans les corps gras, qui se trouvent à l’intérieur des cellules florales, et les pigments anthocyaniques, dans les tons de bleu, solubles dans l’eau, et qui se situent dans le liquide intercellulaire. Ces pigments ne se mélangent pas, mais ils peuvent se superposer. Il y a aussi des gènes qui interviennent dans l’apparition des pigments, favorisant ou paralysant celle-ci. Ce sont ces gènes qui vont nous intéresser aujourd'hui.

Chez les iris à forte charge anthocyanique, les gènes inhibiteurs interviennent peu, ou pas du tout. En revanche chez ceux où la couleur du fond est celle qu'on voit le plus, ils s'en donnent à cœur joie et freinent au maximum l'apparition des pigments violacés. La disposition basique des plicatas qui veut que les pétales soient presque complètement colorés et les sépales de plus en plus marqués d'un plumetis de la couleur des pétales à mesure que l'on s'approche du bord, n'est plus de mise. Les gènes inhibiteurs de l'anthocyanine peuvent aller jusqu'à faire presque complètement disparaître les pigments violacés. Comme le fait remarquer Keith Keppel dans un de ses articles de vulgarisation, il existe des variétés de plicata qui, à l'oeil, paraissent entièrement blanc. C'est le cas, notamment, du fameux 'Laced Cotton'. Le modèle se révèle au tout début de l' éclosion de la fleur. A ce moment l'observateur exercé distinguera les traces bleues qui vont très vite s'effacer. En dehors de ça, il faut analyser le pedigree de la plante pour acquérir une certitude : l'iris en question sera un plicata si ses deux parents portent eux-même le gène plicata.

Avant d'arriver à ces cas extrêmes, il est évident qu'on peut rencontrer tous les niveaux possibles de coloration anthocyanique. Pour rester dans les limites de ces chroniques, nous allons étudier quatre exemples de cette disparition progressive de la couleur. Commençons par 'Pink Confetti' (Gibson, 1976) une délicieuse variété de la belle époque des iris. Le fond des fleurs de cet iris semble blanc, mais il doit comporter une certaine dose de pigments caroténoïdes puisque les dessins plicatas apparaissent comme étant rose magenta. La base des pétales est d'ailleurs un peu ivoire, mais le rose magenta prend vite le dessus et s'étale avec légèreté. Sur les sépales il laisse un large centre blanc crémeux et se contente de décorer les bords, avec un peu plus d'insistance au niveau des épaules. On est bien en présence d'un plicata, mais le modèle s'est fait discret. Vous connaissez 'Gigi' (Schreiner, 1971) ou son cousin 'Stitch in Time' (Schreiner, 1978) ? Ils se ressemblent beaucoup. L'une et l'autre proviennent de 'Stepping Out', d'une part, et de 'Magic Circle' (Schreiner, 1965) d'autre part, à qui ils doivent leurs traits particuliers. L'un et l'autre sont des plicatas a minima : tépales blancs liserés de bleu (tendre ches 'Gigi', vif chez 'Stitch in Time') ; des fleurs gracieuses et qui éclairent le jardin.

Un maître des plicatas comme Keith Keppel ne pouvait pas manquer d'offrir à ses fans des plicatas minimalistes. Cela fut le cas avec 'Snowbrook' (1987) puis son descendant 'Snowbelt' (1992). En l'occurrence, ce qui fait la particularité des plicatas se trouve limité à un liseré bleu sur le bord des sépales. On pourrait confondre avec un modèle « Emma Cook », mais la lecture du pedigree confirme bien que l'on est en présence d'un plicata : (((Vaudeville sib x Montage) x (Vaudeville x Charmed Circle)) x ((Montage x (((Gene Wild x Majorette) x Rococo) x Vaudeville sib)) x (Vaudeville x Charmed Circle))) X Charmed Life.

 Pour terminer ce tour d'horizon, jetons un œil vers 'Lightly Seasoned' (Zurbrigg, 1979) chez qui le caractère plicata se résume à un léger poudrage de rose orchidée au cœur de la fleur et le long des veines des sépales. Le doute n'est pas permis, il s'agit bien d'un plicata : ((Illini Gold x Da Capo) x Halloween Party) X (semis x Jolly Goliath) (1)mais les gènes inhibiteurs interviennent à plein régime et ne laissent que peu de place à l'apparition du « plicatisme ».

On ne se lasse jamais du modèle plicata. Il nous donne à chaque apparition une impression de fantaisie et de fraîcheur qui fait vraiment plaisir. Et quand on sait que les hybrideurs sont loins d'avoir épuisé toutes ses ressources, on ne peut que se réjouir.

Illustrations : 




'Pink Confetti' 


'Stitch in Time' 


'Snowbrook' 


'Lightly Seasoned' 

(1)'Da Capo', 'Halloween Party' sont des plicatas, 'Jolly Goliath' est issu de plicatas.

4.7.14

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Cité des iris 

A côté de Loches, en Indre-et-Lire, il y a le délicieux petit village de Chédigny. Mais son maire trouvait que, un peu à l'écart des circuits touristiques, il était mal connu et pas apprécié à sa juste valeur. Il a eu l'idée de lui donner une tonalité particulière et attrayante en décorant de fleurs en abondance ses petites rues tranquilles. Il a mis l'accent, en particulier sur les roses. Voilà pourquoi, quelques années plus tard, Chédigny, la cité des roses, a acquis une notoriété qui dépasse les limites régionales et fournit une animation et une activité qui avait disparu depuis des années.

Ce succès a fait envie au maire d'un autre village, Champigny sur Veude, près de Chinon cette fois, à peu près dans la même situation géographique et économique. Mais ce sont les iris qui vont constituer la base de l'ornementation communale. Dès le printemps 2015, la communication va être axée sur ce thème, et dès cet été de grandes quantités d'iris vont être plantées, aux entrées de la bourgade, tout d'abord, puis, par la suite, à maints emplacements le long des rues. Pour corser l'affaire, une importante collection de variétés rares va prendre place dans le parc, superbe, du château construit au 16e siècle.

Voilà une initiative qui ne peut que réjouir les amateurs d'iris, de plus en plus nombreux dans notre pays.

UN JOUR JE PARTIRAI SANS EN AVOIR FINI

Cette parodie du titre du dernier ouvrage de Jean d'Ormesson s'applique à merveille au sujet de notre nouveau feuilleton : les hybrideurs qui ont entrepris un travail sur un modèle d'iris ou un coloris, et qui ont disparu avant d'avoir pu atteindre le but ultime qu'ils s'étaient fixés. Keith Keppel lui-même pourrait être l'auteur de cette phrase, lui qui, dans les commentaires de son travail qu'il fournit chaque année dans son catalogue, se désolait, il y a quelques temps, et on peut transcrire sa pensée sous la forme d'un autre alexandrin : il reste tant à faire, et j'ai si peu de temps... 

 3. Joseph Gatty 

L'année 1992 a été une « annus horribilis » dans le petit monde des iris, avec plusieurs disparitions de personnages de haut rang. Ce fut le cas de Joseph Gatty. Il s'est fait connaître pour sa discrétion et sa sensibilité. Dans le domaine de l'hybridation, sa spécialité c'était les iris roses. Il était loin d'avoir épuisé son sujet quand il est parti. 

 Voici quatre des ses succès : 


 ° 'Paradise' (1980) 


° ' Presence' (1987) 


° 'Delicate Balance' (1989) 


° 'Coming up Roses' (1992)

‘VITAFIRE’

(La Fleur du Mois)

 Cette variété figurait dans la première liste de mes achats chez Cayeux, en 1981. Elle est toujours là, fidèle au poste, classique et rutilante. Je suis d'accord avec Richard Cayeux quand il dit que cet iris est l'un des plus rouges qu'on puisse trouver. J'ai cultivé des tas d'iris rouges, mais je confirme que je n'en connais pas qui soit aussi proche du rouge absolu. Rien que pour cela je le conserverai jusqu'au bout.

'Vitafire' fait partie des rouges de la fameuse lignée Schreiner, qui remonte aux années 1930 ('Ethiop Queen' est de 1933), mais a surtout été développée à partir du début des années 1950, et dans laquelle on trouve 'Caldron', 'Velvet Robe', 'Brasilia' 'Gypsy Jewels' et quelques autres. Il a été enregistré en 1968 et descend de deux grands « rouges » : 'Tomeco' (Suiter, 1959) et 'Gypsy Jewels' (Schreiner, 1963). Derrière 'Tomeco' on trouve ce qu'il y avait de mieux à l'époque en matière d'iris brun-rouge, notamment 'Tobacco Road' (Kleinsorge, 1941) et 'Rich Raiment' (Craig, 1949). Celui-ci est un descendant de 'Mme Louis Aureau' et le précédent de 'Jean Cayeux'. La prééminence des iris français du début du XXe siècle est encore sensible trente ans plus tard.

Avec un pedigree aussi riche, on ne pouvait s'attendre qu'à un cultivar de grande classe. 'Vitafire' nous comble sur ce plan. D'ailleurs on peut toujours le trouver en vente quelque part, ce qui démontre qu'il n'a pas encore perdu son intérêt.

La firme Schreiner a fait un assez large usage de cette variété dans son programme d'iris rouges. En ligne directe il a pour rejetons 'Post Time' (1971) qui lui ressemble beaucoup mais est un peu plus sombre, 'Cockade' (1976) en plus clair, 'Warrior King' (1984), qui fait partie des rouges foncés, de même que 'Commando' (1986) et 'Crimson Fire' (1990). Plus indirectement on le trouve aussi dans le pedigree de 'Around Midnight' (1995) et du très beau 'Fortunate Son' (2006). Jean Cayeux a réalisé le croisement (War Lord X Vitafire') dont il a tiré deux frères de semis bien connus : 'Margrave' (1978), et 'Velours Rouge' (1979). Enfin, pour l'anecdote, remarquons que deux obtenteurs russes, Viktor Koroliov et Alla Chernoguz, l'ont utilisé encore récemment, mais avec pour résultat des variétés jaunes ou variegatas.

Dans la catégorie des grands iris classiques, 'Vitafire' a toute sa place, et certainement pour longtemps encore.

Illustrations : 


'Vitafire' 


'Caldron' 


'Margrave' 


'Warrior King'

A PLEINE CHARGE

La multiplicité des solutions qu’offre le modèle plicata est absolument formidable. C’est en cela que ce modèle est absolument unique dans le monde des iris et qu’on pourrait en parler indéfiniment. Cette fois on va un moment s’attarder sur ces fleurs dont on se demande si elles sont des plicatas ou des unicolores (des « selfs » comme on dit en américain) tant elles sont abondamment couvertes par les dessins propres au modèle.

Rappelons le principe. Il y a deux sortes de pigments pour colorer les fleurs d’iris : les pigments caroténoïdes, dans les tons de jaune, solubles dans les corps gras, qui se trouvent à l’intérieur des cellules florales, et les pigments anthocyaniques, dans les tons de bleu, solubles dans l’eau, et qui se situent dans le liquide intercellulaire. Ces pigments ne se mélangent pas, mais ils peuvent se superposer. Il y a aussi des gènes qui interviennent dans l’apparition des pigments, favorisant ou paralysant celle-ci, suivant leur destination et responsables de la présence, ou de la disparition des pigments, au gré de leur disposition dans telle ou telle partie de la fleur. Avec ce matériel se réalise toute la coloration des fleurs.

 Le modèle plicata « de base » se présente de la façon suivante : des pétales ou les pigments caroténoïdes sont absents ou inhibés, donc qui paraîtraient blancs si les pigments anthocyaniques n’intervenaient pas pour les colorer, presque entièrement, en bleu ou en violet, et des sépales eux-aussi blancs, mais où les pigments violacés, les mêmes que sur les pétales, font leur apparition, de façon de plus en plus abondante à mesure que l’on approche du bord, ou la coloration peut être totale. L’exemple parfait de cette disposition classique peut être la variété ‘Going my Way’, universellement connue.

 Le fond sur lequel se superposent les pigments violacés peut être non pas entièrement blanc, mais plus ou moins imprégné de pigments plus ou moins jaunes. Par effet d’optique, la couche de pigments violacés répandue sur ce fond va donner une coloration apparente allant du brun clair au rouge amarante, mais de toute façon la couleur du fond apparaîtra, seule, au centre des sépales, sous les barbes. Elle sera bientôt ( plus ou moins) attaquée par les pointillés de pigmentation anthocyanique qui vont devenir de plus en plus denses. Au bord, les pigments violacés occuperont tout le terrain, à moins qu’un autre phénomène ne fasse naître un liseré où la couleur du fond réapparaîtra !

 Arrêtons-nous à ces seules dispositions de couleur, mais sachons qu’il peut y en avoir bien d’autres, ce qui explique la complexité des solutions et le nombre infini des combinaisons possibles.

 Il arrive donc que le fond d’une fleur plicata soit presque entièrement recouvert par les pigments anthocyaniques. Extérieurement le spectateur ne distinguera peut-être qu’un peu de blanc ou de jaune au travers des plumetis violacés (ou brunâtres), sous les barbes. Parfois il faudra même se référer au pedigree de la plante pour obtenir l’assurance qu’on est bien en face d’un véritable plicata ! Les fleurs ayant cet aspect sont parmi les plus belles du modèle, et nous allons en examiner quelques-unes parmi les plus réussies.

 J’aime bien, en particulier cette variété ancienne qui s’appelle ‘Chief Hematite’ (Gibson, 1983), où l’ensemble, d’un joli roux, ne trahit son caractère plicata que sous l’aspect de petits points clairs à l’entour des barbes. Elle a figuré longtemps dans ma collection, avant d’être supplantée par une variété plus moderne. Ce successeur fut, peut-être, ‘Rustic Dance’ (Gibson, 1980), chez qui la charge anthocyanique masque presque intégralement le fond jaune, et dont les traits se retrouvent, en Australie, sur 'Conimbla' (Nilsen, 1992) qui en est issu. En 1980 Gibson a également mis sur le marché ‘Queen in Calico’, un plicata très chargé, à l’origine lui-même de plicatas lourdement marqués comme 'Nebbiolo' (Ransom, 2000), 'Reine de Cuers' (Dauphin, 2008) ou 'Sirop de Framboise' (L. Bourdillon, circa 2004).

 Dans ce genre, le spécialiste des plicatas, Keith Keppel, a eu aussi son mot à dire. Par exemple avec ‘High Octane’ (2007), où le fond jaune est visible au centre des sépales, dans une ordonnance parfaite.

D'autres exemples de ces iris à pleine charge peuvent être cités : 'Changing Winds' (Tompkins, 1994), qui semble pourpre veiné et pointillé de blanbc, alors que c'est l'inverse qui est la réalité ; 'Power Surge' (Ghio, 1991), d'un coloris plus sombre, ainsi que son descendant direct 'Star Surge' (G. Sutton, 1999) ; 'Bronco Brown' (Hamner, 1982), en brun ; 'Spacelight Sketch' (Nejedlo, 1998) et son descendant 'Dreaming Clown' (Muska, 1999).

 On pourrait en citer plein d'autres, mais il faut bien s'arrêter !

Les plicatas ne sont pas près de cesser d'intéresser les hybrideurs car des gens comme Keith Keppel découvrent chaque années de nouvelles combinaisons. Qu'ils soient à pleine charge ou minimaliste, on en découvrira donc encore beaucoup de nouveaux.

Illustrations : 


'Chief Hematite' 


'Reine de Cuers' 


'High Octane' 


'Changing Winds'