29.5.09


ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un nouveau livre sur les iris

Richard Cayeux a écrit pour la Librairie Larousse un nouveau livre intitulé « IRIS, Choisir, Planter et Cultiver 350 Variétés ».

C’est un agréable volume 19x28 tout en couleur, qui fait le tour de tout ce qui concerne les iris horticoles. Les 35 premières pages dressent un panorama des iris pour les jardins, grands, petits, barbus et non barbus, très bien fait et suffisamment développé pour un public sans connaissances spéciales du monde des iris. Les 137 pages suivantes constituent un catalogue très bien présenté des meilleures variétés disponibles, dans toutes les catégories. Evidemment l’auteur parle surtout de ce qui concerne son entreprise et passe à peu près sous silence le travail des autres obtenteurs ou producteurs français, ces derniers trouveront peut-être cela un peu dur à digérer, mais les lecteurs du livre n’auront bien sûr aucune idée de ces petites controverses mercantiles.

En résumé, un ouvrage agréable et qui ne peut qu’attirer de nouveaux adeptes de la cause des iris.















SOURIRE D’ALICE


‘Parisien’ (Cayeux R. 94) = Rebecca Perret x ((Palomino x Emma Cook) x Tahiti Sunrise)
‘Ruban Bleu’ (Cayeux R. 97) = (Alizés sib x Love Bandit) X (Condottiere x Delphi)
‘Rebecca Perret’ (Cayeux R. 92) = (Condottiere x Delphi) X (Alizés x (Condottiere x Lunar Rainbow))

‘Gypsy Lord’ = Last Laugh X (Braggadocio x Romantic Evening)
‘Last Laugh’ (Shoop/Keppel 2000) = semis x Parisian Flight
‘Parisian Flight’ (Shoop 93) = (American Beauty x (French Connection x American Beauty)) X (( French Connection x American Beauty) x French Connection sib)
‘French Connection’ (Shoop 87) = Delphi X Condottiere

‘Sorriso di Alice’ (Marucchi 2008) = Alizés X Romantic Evening


Le petit tableau ci-dessus reprend celui qui a été publié ici en 2008 sous l’article baptise “Keppel contre Cayeux” et traitant des iris “bleu-blanc-rouge”. Y a été ajouté le pedigree de ‘Sorriso di Alice’, une variété qui, pour des motifs personnels m’est particulièrement chère, et qui fait partie de la grande famille des descendants de (Delphi X Condottiere).

Cette parenté n’est pas la seule caractéristique intéressante de ce ‘Sorriso di Alice’. Cette variété tricolore arbore de jolis pétales blanc pur au-dessus de sépales d’un bleu profond et des barbes d’un rouge orangé qui attire l’œil. En plus c’est un iris de haute taille, bien proportionné, avec beaucoup de fleurs. Ce sont toutes ces sources d’intérêt qui ont attiré l’attention des juges de Florence en 2007 et lui ont valu d’obtenir le second prix.

On attribue au couple (Delphi X Condottiere) la responsabilité de cet assemblage de blanc de bleu et de rouge qui a longtemps été l’apanage de la maison Cayeux, jusqu’aux jours où d’autres se sont mis a vouloir montrer qu’ils pouvaient aussi obtenir cette association de couleurs. Mais ‘Delphi’ n’est pas dans le pedigree de ‘Sorriso di Alice’ et pourtant les trois couleurs sont bien là, alors que c’est ‘Delphi’ qui détient le brevet des barbes rouges ! Avec ‘Alizés’ la référence à ‘Condottiere’ est là et peut-être aussi, malgré tout, la possibilité d’obtenir des barbes rouges car celles-ci sont bien présente à la génération précédente, chez le « vieux » ‘Tahiti Sunrise’ (Ernst L. 65). Et puis il y a ‘Romantic Evening’ (Ghio 96) qui a apporté les qualités de sa fleur (élégance, velouté, perfection de la forme…) et, forcément, ses belles barbes rouges.

De part et d’autre de l’Atlantique, les obtenteurs se sont efforcés de profiter des avantages du croisement (Delphi X Condottiere), tout en recherchant un contraste plus grand entre pétales et sépales et des barbes rouges plus rouges. George Shoop n’a pas eu le temps d’aller au bout de sa recherche : il a été arrêté par la mort après l’obtention de ‘Last Laugh’ (2000). Keith Keppel a pris sa succession et poursuivi son travail. Il est parvenu à une sorte de perfection avec son ‘Gypsy Lord’ (2005). La famille Schreiner a sauté dans le train en marche et obtenu ‘Major League’ (2006) dont le pedigree est indéchiffrable mais où on lit les noms de ‘Delphi’, ‘Condottiere’ et ‘Sixtine C’ qui est de Condottiere x (Condottiere x Delphi) ! ‘Sorriso di Alice’ est plus modeste dans ses origines : ‘Alizés’ lui a fourni la base blanc/bleu avec l’amorce d’une barbe rouge ; ‘Romantic Evening’ (qui est l’un des grands-parents de ‘Gypsy Lord’) a apporté le reste.

Aujourd’hui obtenir un iris bleu-blanc-rouge est à la portée de tous les hybrideurs. Les plus grands y triomphent, les plus modestes aussi, quelquefois comme Marucchi avec ‘Sorriso di Alice’, ce qui est encourageant.

23.5.09




LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

Suite du programme, avec les vainqueurs de la DM des années 1932 : ‘Rameses’ (Sass 29), et 1933 : ‘Coralie’ (Ayres 31).

CHAUMES ET IRIS

Cela fait bien longtemps que les hommes décorent leurs toits au moyen d’iris. En France, ce n’est pas I. tectorum qui est utilisé mais le banal I. x germanica, comme je l’ai vu au-dessus d’une « cave demeurante », ancienne et très pauvre demeure rurale tourangelle, aux Goupillères, près d’Azay le Rideau, et comme c’est le cas sur cette chaumière normande photographiée par notre ami Loïc Tasquier.










LE PROLIFIQUE DESTINDE ‘TOBACCO ROAD’

Tous ceux qui s’intéressent aux iris bruns connaissent ‘Tobacco Road’ (Kleinsorge 41), tout au moins de nom. En effet celui-ci apparaît si souvent dans les pedigrees qu’on ne peut pas l’ignorer. C’est un nom qui dit quelque chose aux bibliophiles et aux cinéphiles car « La Route au Tabac », suite de nouvelles d’Erskine Caldwell et le film que John Ford en a tiré sont des monuments dont chacun a forcément au moins entendu parler un jour. C’est l’histoire de la déchéance d'une famille de ces fermiers du Sud des Etats-Unis, pittoresques et désenchantés, profondément attachés à une terre qui ne leur permet plus de vivre de quelques arpents de coton ou de tabac : l’histoire de ces « petits blancs » qui ont constitué un pan misérable de l’histoire des Etats-Unis. ‘Tobacco Road’ a donc une forte charge émotionnelle, mais en fait ce nom est moins lié au roman ou au film qu’à à l’image du tabac que véhiculent les pétales de la fleur, bruns comme les feuilles séchées de la plante.

A propos de cet iris on peut lire ce qui suit, dans le numéro du printemps 1976 du bulletin de l’AIS : « Il faut admettre que ‘Tobacco Road’ n’est pas exempt de défauts : il pousse difficilement dans les régions chaudes ; il résiste mal à la pourriture, surtout quand l’hiver a été rigoureux. Ce n’est même pas le premier iris brun ; c’est à son grand parent ‘Jean Cayeux’ qu’on peut donner cette distinction, et d’autres iris de Kleinsorge, comme ‘Buckskin’ ou ‘Aztec Copper’, peuvent être qualifiés de brun – de même que quelques autres iris des années 30, comme ‘Copper Lustre’, vainqueur de la Dykes Medal, qui présente ce coloris et quelque chose en plus. Mais la fleur ! Des sépales larges, arrondis, doucement évasés ; des pétales jointifs et résistants – et par-dessus le marché des tiges bien branchues. Il donne son meilleur sous le paisible climat du Nord-Ouest de l’Oregon et du Washington. A voir sa robustesse on était convaincu que la perfection a existé. »

‘Tobacco Road’ fait partie du programme de recherche lancé par Rudolph Kleinsorge au début des années 30 et qui s’est poursuivi jusqu’à la fin des années 50. Son pedigree, c’est (Aztec Copper X (Far West x Jean Cayeux)). Sa fleur est d’un coloris plus soutenu que celui de ‘Aztec Copper’, et elle a en plus une forme plus moderne.

Ses aptitudes génétiques ont été tout de suite mises à profit. Notamment par le croisement (Mexico X Tobacco Road) qui a donné, chez Kleinsorge lui-même. ‘Bryce Canyon’, ‘Chamois’ et ‘Gypsy’ en 1944, puis, en 48, ‘Pretty Quadroon’ et ‘Voodoo’. ‘Inca Chief’ (Mitsch 52), autre variété monumentale, provient d’un croisement identique. D’autres hybrideurs ont emboîté le pas, comme Fred DeForest qui a enregistré en 1947 Argus Pheasant (Casa Morena X Tobacco Road) qui a obtenu la DM en 52, ou Douglas Wilson qui a obtenu en 46 ‘Gems of Topaz’ et ‘Susitna Sunset’ du croisement (Prairie Sunset X Tobacco Road). De nombreux autres ont suivi la voie ainsi tracée.

Les descendants de ‘Tobacco Road’ sont extrêmement nombreux. Dans l’article cité ci-dessus il est écrit à ce sujet : « Pendant la période 1942/1962, vingt ans après l’introduction, il y eut 98 iris enregistrés ayant ‘Tobacco Road’ pour parent, dans un sens ou dans l’autre. La grande majorité de ces enregistrements le situent du côté paternel (il est aussi tout à fait fertile du côté féminin, mais il n’y a pas moyen de savoir combien de ses enfants proviennent de pollen donné ou volé, ou de pollen prélevé sur des touffes pas assez solides pour supporter la production de capsules). Si l’on passe à la deuxième génération on constate que pendant cette même période de vingt ans il y a 182 enregistrements de descendants de ‘Tobacco Road’ en provenance aussi bien de variétés dénommées que de simples semis numérotés. Et parmi ceux qui sont désignés par leur nom, ‘Bryce Canyon’ apparaît le plus souvent. » Par son enfant ‘Cordovan’ ce ‘Bryce Canyon’ a donné des iris bruns aussi connus que ‘Bang’ (Craig 55) ou ‘Caldron’ (Schreiner 57). Mais de tous les descendants de ‘Tobacco Road’, celui qui rassemble le plus grand nombre d’ancêtres fameux est sûrement ‘Tijuana Brass’ (Schreiner 67) dont le pedigree est ((semis x Cordovan) x Inca Chief) X (Pretty Quadroon x Inca Chief) ! ‘Bang’ est à la tête d’une nombreuse famille dont les membres les plus connus se nomment ‘Caliente’ (Luihn 68), ‘Dos Pesos’ (Coleman 72) ou ‘Pagan’ (Dunn R. 73). Quant à ‘Caldron’, il a donné ‘Brasilia’ (Schreiner 60). La racine ‘Argus Pheasant’ a également beaucoup donné dont ‘Brass Accents’ (Schreiner 58) et ‘Gaylights’ (Schreiner 65). Bref, la plupart des iris bruns actuels disposent des gènes de ‘Tobacco Road’ au moins chez l’un de leurs antécédents.

Quel a été l’apport de ‘Tobacco Road’ ? Il est possible de la situer sur deux plans : la forme et la qualité de la fleur, en premier lieu, puis sa couleur. Sans lui il est probable que la notion d’iris brun n’aurait pas le même développement. Il faut donc rendre hommage à Rudolph Kleinsorge pour la qualité de son travail, sa persévérance, et le part de chance qu’il a eue.

15.5.09




ECHOS DU MONDE DES IRIS

Florence 2009
Le concours international de Florence s’est déroulé du 4 au 8 mai 2009.
En voici les principaux prix attribués :
1er Premio Firenze (Florin d’or): ‘Ravissant’ (R. Cayeux, France)

2nd ‘Noctambule’ (R. Cayeux, France)

3rd ‘Fortunate Son’ (Schreiner’s Garden, USA)

4th ‘Secret Rites’ (K. Keppel, USA)

5th ‘Coming Storm’ (Schreiner’s Garden, USA)
6th ‘Marbella’ (G. Sutton, USA)
7th ‘Romance’ (R. Cayeux, France)
8th ‘Notte di Lugo’ (M. Bertuzzi, Italy)
9th ‘Oberman’ (S. Loktev, Russia)
10th ‘Battiloro’ (A. Affortunati, Italy)

Bravo à notre hybrideur national. Cette double récompense est on ne peut plus méritée.

A noter la première récompense d’une variété russe dans une compétition occidentale. C’est aussi un signe de l’évolution du monde des iris.

UNE RARETÉ

Antoine Bettinelli, amateur d’iris de l’Est de la France, m’a fait parvenir il y a quelques jours la photo ci-dessus, prise chez un de ses amis, en vue d’identification. En matière d’iris botaniques, le spécialiste incontesté, c’est Maurice Boussard. C’est donc ce dernier qui a procédé à l’identification. Voici sa réponse : « Il s'agit vraisemblablement d'Iris hookeriana, de la section Pseudoregelia qui inclut quelques espèces originaires d'Himalaya et montagnes voisines (I. kamaonensis, leptophylla, sichuanensis...). Biotopes très particulier (ce sont des plantes d'altitude) sous la neige pendant plusieurs mois, baignant dans le brouillard en été (saison humide de la mousson) et comme tel de culture délicate. Félicitations à votre correspondant de la réussir ainsi. »

Iris hookeriana se plait donc dans la région de Besançon, chez un collectionneur qui doit aussi être alpiniste puisqu’il a récolté cette étrange rareté dans le massif népalais de l’Anapurna !










Le texte ci-dessous a été rédigé à la suite du concours international de Florence 2008. La situation décrite est totalement imaginaire.

LE CONCOURS D’IRIS
Synopsis pour un opéra

Ouverture
L’œuvre débute par un tutti de l’orchestre dans la tonalité de mi mineur, c’est à dire avec une certaine gravité, mais très vite le hautbois solo amorce un thème plus léger et plus joyeux, bientôt repris par la clarinette puis les violons. C’est le thème de l’accueil qui réapparaîtra à maintes reprises au cours de l’opéra. Un nouveau thème, tonique, résonne aux bois, ponctué par les timbales : c’est le thème de l’hôte important. Les deux thèmes exposés sont développés conjointement, mais ils sont interrompus par la flûte qui lance une série de notes pointées, une mélodie ironique qui est l’apparition du thème de la dispute. Suit un bref développement qui s’achève sur un nouveau thème, plus solennel, le thème de la récompense, qui sera repris au cours du cinquième tableau. L’ouverture s’achève par une coda joyeuse puis un diminuendo qui marque le lever du rideau sur le premier tableau.

Premier tableau : l’accueil
Le décor représente le hall des arrivées à l’aéroport. Des voyageurs (les choristes) circulent en tous sens. L’organisatrice (mezzo-soprano), parmi eux, entame un aria grave et très virtuose, par lequel elle exprime son anxiété quant au déroulement du concours et son plaisir de revoir l’hôte important qu’elle est venue accueillir. Les passagers d’un nouveau vol apparaissent, parmi eux, l’hôte important qui débarque en tenue très « sportwear » tandis qu’à l’orchestre, les cordes attaquent le thème de l’accueil. L’hôte important (basse) aperçoit son amie l’organisatrice qu’il embrasse, puis, dans un air de bravoure, il dit son plaisir de se trouver en ce lieu qui lui est cher et de revoir son amie. Suit un duo dans la tonalité jubilatoire de ré majeur, de l’organisatrice et de l’hôte important, où les deux protagonistes se congratulent avant que le chœur ne reprenne le motif de l’hôte important, tandis que celui-ci et son amie l’organisatrice sortent et se dirigent vers le parking des voitures.

Deuxième tableau : le jury
Sous un abri rustique, une planche est disposée sur des tréteaux. Devant cette table improvisée se tiennent l’hôte important, l’organisatrice et les autres membres du jury (quatre autres membres : deux hommes, ténor et baryton, et deux femmes, une jeune – la soprano – et une plus âgée – la contralto). L’organisatrice reprend le thème de l’accueil qu’elle chantait au premier tableau (anxiété et plaisir) puis le thème évolue vers un motif plus léger et plus simple que l’on peut qualifier de « thème du jury » par lequel elle invite les membres du jury à effectuer leur travail, à commencer par la désignation du président du jury ; elle laisse entendre qu’elle aimerait que ce choix se porte sur l’hôte important dont elle fait un portrait flatteur. Le ténor, puis la contralto et le baryton, expriment leur accord, mais la soprano, sur un air vif et mutin, se moque un peu du grand personnage, laissant entendre qu’elle est plus dynamique et plus disponible pour assurer la présidence. L’hôte important, jouant les modestes, déclare qu’il n’est pas candidat, mais qu’il acceptera le choix des autres membres du jury. Pendant que le chœur, qui assiste au débat, chuchote ses interrogations, les jurés votent à bulletin secret. L’organisatrice compte les voix et, soulagée, déclare élu l’hôte important. Suit un quintette où les cinq membres du jury, chacun à sa façon exprime son opinion sur cette élection. L’orchestre entame une marche qui accompagne la sortie des jurés qui se dirigent vers le jardin d’iris.

Troisième tableau : la dispute
Au jardin. Le public (les choristes) circule parmi les iris en fleur. Les jurés se penchent sur les différentes touffes tandis que l’orchestre interprète un intermezzo ponctué de notes interrogatives et d’une reprise, piano, du motif de l’anxiété. L’hôte important se penche vers une fleur et l’examine attentivement. La jeune jurée (soprano) s’approche et lui pose une question à propos de la fleur. La réponse de l’hôte important la fait sourire et, dans un air vif et très virtuose, elle exprime un avis différent. L’hôte important conteste, se fâche, la jeune jurée maintient son avis et se moque de l’hôte important qu’elle qualifie de rétrograde. L’organisatrice intervient et tente de calmer les esprits, mais l’hôte important, vexé, s’éloigne en grommelant. Le public reprend les moqueries de la jeune jurée, puis le motif de l’anxiété réapparaît. L’organisatrice prend à part la jeune jurée. Dans un duo plein de tendresse, elle semonce sa jeune collègue qui admet s’être emportée injustement et promet de faire amende honorable.

Quatrième tableau : le dîner
La scène représente une salle de repas luxueuse. L’organisatrice place ses convives autour de la table tandis que l’orchestre interprète un intermezzo gracieux et dansant. L’hôte important se retrouve entouré de la jeune jurée et de l’organisatrice elle-même. Commence le repas. L’hôte important se lève et porte un toast à la docte assemblée (brindisi). Les membres du jury répondent en chœur puis chacun apporte sa réponse personnelle. La dernière à intervenir est la jeune jurée. Elle donne à son intervention un tour très personnel dans un air à la fois joyeux et grave, puis elle se tourne plus précisément vers l’hôte important à qui elle présente des excuses avec un note très humoristique qui détend l’atmosphère. Tout le monde se lève et reprend en chœur l’air de la jeune jurée. Le tableau se termine dans la liesse générale où triomphe le thème du plaisir.

Cinquième tableau : le palmarès
Retour au décor du tableau II. Dans la pénombre, arrive l’organisatrice qui s’approche lentement de la table tandis qu’à l’orchestre, sur un ostinato des cordes, la clarinette énonce le thème de l’anxiété, repris par le cor, puis le basson. La salle s’éclaire peu à peu. L’organisatrice exprime ses inquiétudes sur la bonne fin du concours en raison de l’animosité entre l’hôte important et la jeune jurée. Elle s’assoit et commence à trier ses documents. L’un après l’autre les jurés entrent à leur tour et vont s’asseoir à leur place. Chacun exprime son avis sur les fleurs qui ont été jugées et celle qui leur semble mériter la plus haute récompense, à commencer par la troisième jurée (contralto) puis le ténor, le baryton et, pour finir, la soprano. Ensemble ils chantent le thème du jury et décident de voter à bulletin secret. Intermezzo (thèmes de l’accueil, puis de l’anxiété) : pendant que l’organisatrice ramasse les bulletins. Elle fait le décompte tandis que les juges bavardent en un quintette volubile. Le public (les choristes) entre en scène. Un gong des percussions fait taire tout le monde et l’organisatrice annonce les résultats. Chacun semble satisfait et solistes et choristes, dans un joyeux brouhaha, expriment leurs commentaires. Puis l’organisatrice, soulagée, annonce sur un motif allègre déjà entendu dans l’ouverture que les récompenses seront attribuées dans la soirée. Tout le monde sort en se donnant rendez-vous pour la remise des prix ;

Sixième tableau : les récompenses
Une salle somptueuse. Un vaste public – les choristes - bavarde en attendant. L’orchestre interprète une nouvelle fois le thème du plaisir tandis que, sous les applaudissements, entrent les membres du jury puis l’organisatrice accompagnée d’un vieux monsieur très digne et manifestement très connu et respecté. L’organisatrice fait taire tout le monde et, sur l’air du brindisi, présente le vieux monsieur et annonce qu’il va lire le palmarès. L’hôte important s’avance et déclare, l’air content de lui, que tout s’est très bien passé. La jeune jurée reprend l’air des excuses du tableau IV pour exprimer avec humour un avis un peu différent, mais elle termine, en duo avec l’hôte important, par une reprise en majeur du thème de l’anxiété. Le vieux monsieur (basse) déroule un parchemin et lit le palmarès. Après chaque citation le public applaudit. Après un dernier remerciement de l’organisatrice, vivement applaudie, l’orchestre retrouve la marche de la fin du tableau II qui est chantée par tout le monde tandis que le rideau tombe sur le public en liesse.

8.5.09




LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

Pendant quelques semaines nous allons faire le tour en photos des Médaillés de Dykes (puis ceux d’autres concours) depuis l’origine.

Voici les deux premiers : ‘San Francisco’ (Mohr-Mitchell 27 – DM 27), et ‘Dauntless’ (Connell 29 – DM 29). En 80 ans, les iris ont bien changé !










CE QUI COMPTE

Ce qui compte pour le juge amené à se prononcer à propos d’un iris dans un concours international, ce n’est pas la couleur de la fleur, celle-ci n’attribue que 5 points sur 100. En revanche les qualités de la plante sont primordiales : la santé de la touffe, l’opulence du feuillage, la force des tiges, leur rigidité, la solidité des fleurs, leur taille, leur forme, l’abondance des tiges et des fleurs, la disposition et le nombre des boutons, l’harmonie générale de la plante sont les éléments qui ont la plus grande importance. Mais il faut aussi que les fleurs présentent un intérêt : une couleur banale ou terne, ou un assemblage inélégant seront jugés négativement. Dans un jardin de concours il y a toujours des plantes qui attirent l’œil et c’est nécessairement parmi celles-ci que les vainqueurs seront désignés. Prenez l’exemple du dernier concours FRANCIRIS : dès l’abord les riches touffes de ‘Solovinyia Noch’ ou de ‘Mamy Framboise’ se faisaient remarquer ; à Florence, en mai dernier la masse lumineuse de ‘Morning Sunrise’ attirait tous les regards. Ensuite, ce sont des examens méticuleux qui permettent d’établir la hiérarchie. Mais jamais un iris malingre, avec un feuillage pauvre et des fleurs médiocres n’emportera les suffrages, quand bien même le coloris de la fleur serait des plus remarquables.

Ce qui compte pour le public qui visite un jardin d’iris, c’est la couleur des fleurs (et aussi l’abondance de celles-ci et la masse imposante des touffes). Il n’est pour s’en convaincre que de relever le résultat des critériums organisés en même temps que les concours : ils ne désignent pas les mêmes plantes que les juges du concours. Par exemple à Jouy en Josas, ce sont deux variétés éclatantes qui ont eu la préférence du public : ‘Brasero’ et ‘Noctambule’. Même les jurys plus avisés, comme celui des jardiniers des villes fleuries lors du concours FRANCIRIS 2005 ont choisi le rutilant ‘Chariots of Fire’ plutôt que le grand bleu tendre ‘Bye Bye Blues’, retenu par le jury professionnel.

Ce qui compte pour le producteur, le marchand d’iris, ce sont les variétés qui lui assureront les meilleures ventes tout en donnant satisfaction, dans la durée, à leur clientèle. Il leur faut en permanence renouveler leur catalogue et les variétés qu’ils en retirent chaque année sont soit celles qui ne leur donnent pas satisfaction au plan de leur multiplication, soit celles que les clients délaissent. Leur choix rejoint donc, ou plutôt devance, celui de leurs clients : ils doivent deviner ce qui va bien pousser et qui va plaire, tout en proposant un choix aussi large que possible en matière de coloris pour ratisser suffisamment large et en maintenant la ou les spécificités de leur catalogue.

Ce qui compte pour celui qui s’apprête à passer une commande d’iris chez un producteur, c’est la photo ! Pour que le client se fasse envie, il ne suffit pas de lui décrire la fleur, de la façon la plus aguichante possible, il faut que l’iris soit représenté, en couleur, et que la photo soit bonne. Les producteurs ont constaté cela depuis toujours : les variétés nouvelles dont ils n’ont qu’un stock limité ne sont pas illustrées dans leurs catalogues. Parce qu’à l’attrait de la couleur s’ajoute celui de la nouveauté et que les commandes risqueraient de dépasser les disponibilités en rhizomes.

Ce qui compte pour le collectionneur, celui qui a dans son jardin toutes les variétés intéressantes des dernières années, c’est avant tout la nouveauté, l’originalité de l’iris, et donc encore la couleur. Il déchantera peut-être lorsqu’il constatera que la plante dont il s’est fait envie ne donne pas les bons résultats végétatifs qu’il en attendait, mais il se laisse tenter par les dernières obtentions, les coloris surprenants, les associations originales. En ce sens il contribue à l’amélioration de l’horticulture des iris.

Ce qui compte pour celui qui veut effectuer des croisements, ce sont les qualités génétiques des variétés. Il choisit celles-ci en fonction de ses projets, du sens de ses recherches, de ce qu’il pense pouvoir obtenir de telle ou telle variété.

Mais à la fin, que reste-t-il de tous ces goûts, de tous ces besoins, de toutes ces options ? Un fond de variétés vigoureuses, plaisantes, intéressantes à plusieurs points de vue. En fait celles que les juges auront distinguées et qui se révèleront saines, fidèles et belles à tous points de vue. En cela, et pour peu que les variétés primées soient correctement commercialisées, les prix internationaux sont des garanties de qualité qui auront un avenir assuré, parfois même une longévité exceptionnelle. Un iris comme ‘Stepping Out’ (Schreiner 64 – DM 69) reste un des favoris du public malgré ses 45 ans. Les iris qui ont été distingués d’une façon ou d’une autre sont ceux qui donnent les plus réelles satisfactions : à ceux qui en font leur gagne-pain comme à ceux qui s’en délectent dans leurs jardins ou ceux qui passent leur printemps les brucelles à la main à réaliser les croisements de leurs rêves.




2.5.09











LA FLEUR DU MOIS

Voici, pour ce mois de Mai, la deuxième « fleur du mois ». Aujourd’hui, nous ferons connaissance avec :

‘OZONE ALERT’
(Burseen 97)

Le gris n’est pas une couleur très commerciale. Ceux qui proposent des iris de cette couleur-là ne s’attendent certainement pas à faire fortune avec ! D’ailleurs ils sont peu nombreux. ‘Ozone Alert’ (Burseen 97) a été obtenu par un franc tireur de la profession, un vétéran du Viêt-Nam, Tom Burseen. Ce texan ne se contente pas de donner des noms fantaisistes à ses obtentions, et s’il s’est fait connaître dans les années 80 par des variétés baptisées à coup de jeux de mots vaseux et d’allitérations approximatives, il a peu a peu évolué vers un répertoire plus sérieux, avec un grand choix d’iris à éperons. Une certaine consécration lui a été accordée lors de la Convention américaine de 2008 et la President’s Cup attribuée à ‘Jean Queen’ (2004). Néanmoins aucune de ses variétés n’a, jusqu’à présent dépassé le cap des HM (Honorable Mention) dans l’échelle américaine des honneurs. Il a une prédilection pour les iris dotés de barbes volumineuses ou d’éperons très développés. C’est peut-être d’ailleurs ce goût pour l’insolite qui rend les juges frileux quand ils aperçoivent ses fleurs ! Il est bien connu que les juges ne sont pas des gens portés sur la facétie…

‘Ozone Alert’ procède d’un mélange de variétés anciennes, peu connues, dans un panel de couleurs très différentes : ((Admiralty x Mandolin) x (Pansy Royale x Lux Aeterna)) X Magician Apprentice. ‘Admiralty’ (Hooker 78) est un bleu indigo à barbes rouges ; ‘Mandolin’ (Ghio 77) est orange clair ; ‘Pansy Royale’ (P. Smith 76) est un très classique iris pourpre ; ‘Lux Aeterna’ (Tompkins 77) fait partie des nombreuses obtentions de Chet Tompkins dans les tons de jaune ; quant à ‘Magician Apprentice’, le plus récent de la série, c’est un sombre bitone dans les tons grenat. ‘Ozone Alert’ porte bien son nom. Son coloris rappelle ce gris teinté de rose qui caractérise l’atmosphère polluée de nos villes.

Il n’est pas le seul iris gris de la collection produite par Tom Burseen. Avant lui ‘Quite Quaint’ (90) portait aussi la même couleur, en plus clair. C’est lui-aussi un enfant de ‘Admiralty’, cette fois uni au fameux jaune ‘New Moon’ (N. Sexton 68 – DM 73). Il semble donc évident que le gris peut s’obtenir par le mélange du jaune et de l’indigo. Quant à ‘Pixel Hue’ (Burseen 2002), c’est aussi un vrai gris, veiné de pourpre sur les épaules. C’est un enfant de ‘Ozone Alert’ et de ‘Thornbird’.

Burseen n’est pas le seul obtenteur américain contemporain qui se soit intéressé aux iris gris. Clarence Mahan a enregistré en 2003 un personnage qui n’a pas basculé du côté obscur de la Force et s’appelle ‘Obi-Wan Kenobi’. Il est à base de gris perle, couleur surtout présente sur les pétales car les sépales sont imprégnés de gris-bleu, et les barbes sont franchement jaunes. Dans le pedigree d’ ‘Ozone Alert’, comme dans celui de ‘Obi-Wan Kenobi’, on trouve une alliance de bleu et de jaune, avec du pourpre chez le premier, et du gris –déjà – chez le second, en la personne de ‘Joan’s Pleasure’ (Zurbrigg 92). De même, parmi les tous premiers enregistrements de Bruce Filardi, dans l’Oregon, figurent deux iris gris, Pewter And Gold (04) et Dugly Uckling (05). L’un et l’autre tirent effectivement sur le gris, mais n’atteignent pas la même qualité de couleur que les précédents.










DYNASTIE ‘SACRAMENTO’

Parmi les anecdotes qui constellent l’histoire des iris, il y a celle rapportée par Keith Keppel dans « The World of Irises » concernant les débuts dans l’hybridation de Jim Gibson, l’un des maîtres des iris plicatas.

Voici ce qu’écrit Keppel : « Dans les années 40, sentant qu’il y avait quelque chose à faire de ce côté là, Jim Gibson décida de concentrer ses efforts sur les plicatas. Au cours d’une visite dans les jardins de Sidney B. Mitchell à Berkeley, près de San Francisco, son attention fut attirée par un plicata dans les tons brun-rouge. Mitchell lui en donna du pollen. De retour dans son jardin de Porterville, le seul plicata que Gibson y trouva en état de recueillir le précieux pollen fut ‘Sacramento’ (Mitchell 28). Le programme avait commencé. »

Pour la suite, les renseignements disponibles étant rares, voire inexistants, je me suis tourné vers Keith Keppel pour essayer d’en savoir plus. Par retour, Keppel, qui détient les carnets de note de Gibson, m’a tout expliqué. « Le croisement (Sacramento X pollen donné par Mitchell) porte le numéro #39. Un croisement ultérieur : (Madame Louis Aureau X 39C) a donné naissance aux croisements de la série 83. A partir de là on trouve les croisements suivants : le 144 : un plicata brun du semis 83 X 62 (lequel est Tiffany X Siegfried) ; le 145 : Gibson Girl X plicata brun du semis 83 ; le 146 : 83 X Gibson Girl ; et encore le 224 : Gibson Girl X plicata brun du semis 83 –de nouveau.
C’est à partir de ces croisements que s’est établie la fameuse ligne de plicatas de Gibson. ‘Taholah’ (56) provient de 145A X Firecracker, et ‘Talohah’ est la variété dénommée la plus importante de cette ligne, suivie de ‘Gibson Girl’ (49) : (Tiffany X Madame Louis Aureau).
A la génération d’après ‘Taholah’, on trouve directement ‘Chinquapin’ (59), ‘My Honeycomb’ (58), ‘Alahoa’ (58), ‘In Orbit’ (63) et quelques autres. ‘Wild Ginger’ (62), l’élément suivant de la lignée le plus prolifique, a ‘Taholah’ dans les deux côtés de son pedigree : (semis de Taholah X Floradora Flounce – qui est (Chinquapin sib X (Taholah X 145A). Ensuite, cela devient de plus en plus compliqué. »

Il est dommage qu’on ne sache rien de ce pollen donné par Sidney Mitchell. Il faut se contenter de l’information comme quoi il s’agit de celui d’un plicata brun-rouge. Cela restera un mystère qui fait partie de la légende de l’iris ; mais il faut bien qu’une légende recèle sa part de mystère…

Et ce ‘Sacramento’ ? Qui est-il ? On le dit allié, peut-être frère, de ‘San Francisco’ (Mohr Mitchell 27), le premier détenteur de la Médaille de Dykes. En tout cas ces deux-là ont un certain air de famille. Ils font partie de ces plicatas des débuts, qui conservent les traits de I. swertii, qui est déjà supposé comme étant à l’origine de ‘Buriensis’ (de Bure 1822), la base absolue de l’hybridation.

Entre ‘Sacramento’ et les plicatas modernes, se placent de nombreuses générations, et des centaines de variétés, que l’on peut suivre au fil des enregistrements, depuis ‘Taholah’, ‘Chinquapin’ et ‘Wild Ginger’, pour ne prendre que ceux-là. Quelques exemples ? De ‘Chinquapin’ descend ‘Flamenco’ (Keppel 77), et de celui-ci ‘Broadway’ (Keppel 79), ‘Theatre’ (Keppel 81), ‘Shiralee’ (Blyth 88). De ‘Broadway’ descendent ‘Floorshow’ (Byers 89), ‘Distant Roads’ (Keppel 91), ‘Light Show’ (Keppel 91), et de celui-ci ‘Sneezy’ (Keppel 96). De ‘Wild Ginger’ proviennent ‘Anointed’ (Boushay 75), ‘Autumn Echo’ (Gibson 75), ‘Caramba’ (Keppel 75), ‘Golden Filigree’ (Gibson 64) et son illustre enfant ‘Kilt Lilt’ (Gibson 70 – DM 76), ‘Radiant Apogee’ (Gibson 64) et de ce dernier ‘Autumn Leaves’ (Keppel 74), ‘Gentle Rain’ (Keppel 74), ‘Provençal’ (Cayeux J. 77) ; ‘Dazzling Gold’ (Anderson 81) est aussi issu de ‘Radiant Apogee’, et à l’origine de ‘Rustler’ (Keppel 87), ‘Fanfaron’ (Hager 89), ‘Louis d’Or’ (Cayeux R. 95) et ‘Golden Panther’ (Tasco 2000)…

On est maintenant bien loin de ‘Sacramento’ et de son mystérieux pollinisateur, mais le modèle plicata est devenu d’une richesse incroyable. C’est pourquoi il est bon de se souvenir de ses modestes origines et du travail des dizaines d’hybrideurs qui ont contribué à son progrès.