25.4.14

REINES DE LA NUIT

Elles n'apparaissent pas dans « La Flûte Enchantée » mais dans bon nombre de nos jardins. Elles ne chantent pas des airs périlleux de colorature, mais elles fleurissent chaque printemps, pour notre plus grand bonheur. Si elles sont noires, ce n'est pas la colère qui leur donne cette couleur mais les aléas de croisements savamment organisés. Elles, ce sont des variétés d'iris noires (ou presque). Elle continuent de nous accompagner jusqu'à la semaine prochaine.

 6. QUAND VIENT LA NUIT 

Peu à peu la couleur s'est assombrie, ceux qui étaient considérés comme « noir » au milieu du XXe siècle ont été supplantés par des noirs plus noirs. La nuit noire approche...


'Before the Storm' (Innerst, 1989) (Superstition X Raven's Roost) 

'Blackout' (Luihn, 1986) (By Night X Navy Chant) 

'Interpol' (Plough, 1973) ((Study in Black sib x Black Swan) X Charcoal sib) 


'Tuxedo' (Schreiner, 1965) (Licorice Stick X semis)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Mélie

 Mélie Portal, et sa pépinière d'iris, “Les Senteurs du Quercy”, font l'objet, ce mois-ci, d'un reportage bien sympathique dans le magazine “Mon Jardin et Ma Maison”. Cette pépinière, que j'ai visitée il y a quelques années et où j'ai été si chaleureusement reçu, a la particularité de se situer dans un endroit éloigné des parcours touristiques traditionnels, dans un environnement sauvage et superbe pour qui n'est pas rebuté par une campagne rugueuse et un sol ingrat et rocailleux.

Le capital floral de départ a été en grande partie constitué de la collection d'un de mes premières connaissances par les iris, Noël Guillou. Les jeunes repreneurs ont enrichi cette base importante et ont constitué un stock remarquable qui sert maintenant de réservoir pour les hybridations que réalise la patronne des lieux depuis quelques années.

 Les variétés ayant participé aux différents concours FRANCIRIS © à Jouy en Josas ont été recueillies chez Mélie. Elles ont ainsi été sauvées d'une disparition annoncée qui aurait été un bien mauvais sort pour une collection unique en son genre.

Bravo à la famille Prévost/Portal, et merci à “Mon Jardin et Ma Maison” de nous avoir présenté cette petite entreprise méritante et originale.

SYMPOSIUM

Coup d’œil général 

 Traduction d'un article de Riley Probst, paru dans le bulletin de l'AIS 95/1 du premier trimestre 2014 (avec l'autorisation de l'éditeur). 

 En 1940 Kenneth Smith, de Staten Island, New York, a organisé un « symposium » d'iris officieux. Il a lançé un concours de popularité annuel, pour plusieurs années. En 1945 le Conseil d'Administration de l'AIS a avalisé le symposium et le terme « officieux » a été enlevé du titre des résultats. A cette époque, seuls les juges de l'AIS prenaient part au vote. En 1952, tous les membres de l'AIS ont été invités à voter. Les mécanismes de ce scrutin n'ont pas beaucoup changé depuis cette époque.

Les critères retenus pour qu'un iris puisse concourir sont les suivants, il faut actuellement qu'il fasse partie :
 Des cent variétés en tête dans le Symposium le plus récent ;
Des grands iris (TB) éligibles pour la Dykes Medal de l'année ;
Des grands iris éligibles pour la Wister Medal de l'année ;
Des grands iris éligibles pour les Awards of Merit de l'année ;
Des grands iris qui ont obtenu un Award of Merit l'année précédente ;
Des grands iris qui ont obtenu une Honorable Mention l'année précédente.

Cela représentait cette année une liste de 479 TB entrant en compétition.

Celle-ci se nomme aujourd'hui, en américain, « AIS Tall Bearded Iris Symposium » (Symposium AIS des Grands Iris Barbus). On l'a aussi appelée, tout simplement, le Symposium, le Top 100 des Iris Favoris, ainsi que de quelques autres noms au cours du temps. Elle se distingue complètement des autres symposiums organisés par certaines Sections de l'AIS (Reblooming, Median, Japanese, Siberians et autres). Ces symposiums-là sont particuliers à chacune de sections qui les organisent.

Le Symposium de cette année est le soixante treizième. Cela veut dire que le Symposium s'est perpétué depuis 73 ans avec peu de changements. Et il y a 73 ans n'existaient ni le Super Bowl, ni les Playoffs de la NBA -il n'y avait pas de NBA- , ni le NASCAR, ni les Nations Unies !

En 2013 il y a eu 371 participants qui ont voté pour 7344 variétés. N'ont participé, en fait, que 8,2 % des 4500 membres de l'AIS. Parmi les 479 variétés en compétition, 466 (97,3 %) ont reçu au moins une voix, et 216 iris (45,1 %) en ont recueilli 10 ou plus. 21 iris (4,4 %) n'ont reçu qu'une seule voix. La variété la plus souvent notée, 'Dusky Challenger', a reçu 160 votes cette année, 42 % de plus que l'année précédente. Elle est n° 1 cette année comme l'année dernière, et 'Queen's Circle' a été n° 2 l'une et l'autre année. 19 iris sont restés à la même place dans le classement des deux années. (...)

Cette année 39 hybrideurs différents ont des iris dans le Top 100. Avec 16 iris, Schreiner's a le plus grand nombre d'iris dans la liste. Keith Keppel, qui en a 15, suit de près.

 Six iris ont raté cette année le Top 100 à une voix près. Cela prouve qu'un seul vote peut faire la différence. Quand plusieurs personnes votent depuis tous les coins du pays, les résultats sont plus significatifs. Les meilleurs iris font partout de bons résultats. Alors, votez pour le Symposium 2014 !

 Illustrations : 

Les quatre variétés de tête, cette année.

'Dusky Challenger' 


'Queen's Circle' 


'Florentine Silk' 


'Conjuration' 


SYMPOSIUM 2013 : Top 20 

1= 'Dusky Challenger' (Schreiner – 1986) 
2= 'Queen's Circle' (Kerr – 2000) 
3= 'Florentine Silk' (Keppel – 2005) 
4= 'Conjuration' (Byers – 1989) 
5= 'Jesse's Song' (Williamson- 1983) 
6= 'Paul Black' (Johnson T. - 2003) 
7= 'That's Alla Folks' (Maryott – 2005) 
8= 'Gypsy Lord' (Keppel – 2006) 
9= 'Thornbird' (Byers – 1989) 
10= 'Daughter of Stars' (Spoon D. - 2001) 
11= 'Drama Queen' (Keppel, 2003) 
11ea= 'Sea Power' (Keppel, 1999) 
13= 'Lady Friend' (Ghio – 1981) 
14= 'Golden Panther' (Tasco – 2000) 
14ea= 'Splashacata' (Tasco – 1998) 
16= 'Decadence' (Blyth – 2001 
16ea= 'Mesmerizer' (Byers – 1991) 
18= 'Silverado' (Schreiner – 1987) 
19= 'Montmartre' (Keppel – 2008) 
19ea= 'Skating Party' (Gaulter - 1983)

D.E.L.A.

Mes iris souffrent de DELA. C'est un syndrome qui frappe les plantations anciennes, gérées par un jardinier vieillissant, qui auraient besoin d'être entièrement reconstituées... DELA signifie « défaut d'entretien lié à l'âge », mais veut aussi dire « défaut d'enthousiasme lié à l'âge ». Autrement dit mes iris n'ont pas été soignés comme il aurait été nécessaire qu'ils le soient (désherbage insuffisant, absence d'engraissement, touffes trop développées et qui commencent à s'interpénétrer). Et cette situation aboutit à une floraison restreinte. Il y aura donc beaucoup moins de fleurs cette année que les années précédentes, et tout ceci est de ma faute. Mais je vieillis – bientôt quatre-vingts ans -, et je n'ai plus ni l'enthousiasme ni la force physique qui me faisaient passer, les années précédentes, des journées entières à désherber manuellement, à soigner chaque touffe avec amour. Ma collection n'est plus ce qu'elle était et, bizarrement, cela ne me chagrine pas outre mesure. Le manque d'enthousiasme, quoi...

19.4.14

REINES DE LA NUIT

Elles n'apparaissent pas dans « La Flûte Enchantée » mais dans bon nombre de nos jardins. Elles ne chantent pas des airs périlleux de colorature, mais elles fleurissent chaque printemps, pour notre plus grand bonheur. Si elles sont noires, ce n'est pas la colère qui leur donne cette couleur mais les aléas de croisements savamment organisés. Elles, ce sont des variétés d'iris noires (ou presque). Elle continuent nous accompagner pendant encore quelques semaines. 

 5. NUITS SLAVES 

Depuis qu'ils peuvent créer des iris, les Européens de l'Est ne se sont pas privés ! Ils se sont installé dans la cour des grands et obtiennent maintenant des variétés qui peuvent rivaliser avec celles des Etats-Unis ou de l'Europe de l'Ouest. Dans la couleur noire comme dans les autres.


 'Bratislavska Noc' (Seidl CZ, 1997) (Thriller X Blackout) 


'Chiornaya Vdova' (Loktev RU, 2006) (Before the Storm X Starlit Velvet) 


'Nochi Kabiri' (Loktev RU, 2008) (Dark Passion X Polvere di Stelle) 


'Pocalunek Nocy' (Piatek PL, 2013) (Swington X Telepathy)

LA DAME DE JITOMIR

Nina Miroshnichenko 

On ne peut pas parler de l'essor de l'iridophilie dans les pays est-européens et en Russie sans évoquer Nina Miroshnichenko. En effet, bien avant le chute des régimes totalitaires et l'ouverture vers l'ouest de ce qui fut l'URSS et ses satellites, elle avait consacré une grande partie de sa vie à l'hybridation de bulbeuses et d'iris.

 Antonina Opanasievna Miroshnichenko est née dans la région de Kiev le 13 Novembre 1914. Elle n'a donc connu que le régime communiste qui sévissait dans son pays et dans la Russie voisine. Elle s'est intéressé à l'horticulture dès ses années d'université puisqu'elle a fait ses études au Collège d'Agriculture de Kiev (maintenant une entité de l'Université nationale de la vie et sciences de l'environnement d'Ukraine). Elle a par la suite travaillé comme ingénieur agronome à Jitomir, grande ville de l'ouest de l'Ukraine qui a connu au cours des siècles une existence compliquée, passant de la Pologne à l'Empire russe, avant d'échoir à son actuelle nation. Elle a épousé un officier de l'Armée Rouge, mais a continué son travail d'ingénieur, en particulier dans la ville d'Oujgorod (ou Uzhgorod, dans la transcription officielle), autre ville de l'Ouest de l'Ukraine, à la frontière avec la Slovaquie, elle aussi très marquée par les influences slovaques, polonaises, roumaines et hongroises. Elle y a vécu jusqu'en 1956, avant de revenir à Jitomir (qu'on écrit aussi Zhitomir) où elle est restée jusqu'à la fin de ses jours, à 95 ans, en 2009.

Sont-ce les traces historiques des régions plus occidentales d'Europe, ou les contacts, inévitables, avec les États voisins d'Oujgorod qui l'ont amenée à s'intéresser à des plantes peu connues dans son pays d'origine ? Toujours est-il que dès son retour à Jitomir elle s'est engagée dans l'hybridation des glaïeuls et des lys, puis des iris. Les circonstances ne lui ont guère permis d'entrer en contact avec les quelques autres amateurs d'iris de l'empire soviétique, elle est donc restée un franc-tireur de l’hybridation. Elle a poursuivi pendant de nombreuses années, son petit chemin d’amatrice éclairée. Prenant soin de se tenir à l’écart des événements qui ont marqué les années staliniennes puis brejneviennes, elle hybridait uniquement pour son plaisir, sans idée de compétition, et si, dès que cela a été possible, elle a de temps en temps envoyé certaines de ses obtentions en Occident, c’est plus pour savoir si son travail valait la peine que pour engranger des médailles ! Ce n'est que sur le tard qu'elle a procédé à quelques dizaines d'enregistrements pour lesquels elle n'a donné aucune indication d'origines. Pouvait-elle d'ailleurs en être certaine ? Quand on connait les conditions aventureuses dans lesquelles on se procurait, à l'époque, des variétés américaines, elle pouvait avoir des doutes sur l'authenticité des noms donnés aux variétés dont elle se servait.

Sa famille, qui a religieusement protégé son travail, a recensé près de deux cents variétés conservées, même si seulement 41 ont été régulièrement enregistrées. Le plus grand moment de gloire qu'a connu cette production est survenu lorsque, en 2007, 'Soloviniyia Noc' a remporté le concours FRANCIRIS ©. C'est peut-être, effectivement le chef-d'oeuvre de Nina Miroshnichenko, mais quelques autres de ses iris méritent qu'on en parle. Je songe au sombre 'Kapriz' (un BB), à 'Novoye Vrema' – petit cousin de 'Bride's Halo' - , au rose à éperons 'Anatoly Solovianenko', à l'amoena inversé très élégant 'Nebo Angelov', et, pour l'anecdote, à 'Doktor Gorbatchev'. J'aime bien aussi 'Khmuroye Utro', en mauve fumé original, mais qui fait maintenant son âge.

 Tous ces iris, dont certains ont touvé leur place dans quelques jardins occidentaux, sont bien présent en Ukraine, où des hybrideurs comme Igor Khorosh les ont utilisés dans leurs croisements (comme le mauve 'Rozpriahaite Khlotsi Konei' qui est issu de 'Pliaska Sniezhynok', un majestueux iris blanc pur). Ils sont également bien connus des collectionneurs russes et polonais.

 Notre monde des iris est rempli de choses surprenantes que la curiosité nous fait découvrir avec jouissance. Nina Miroshnichenko en fait partie, et lui rendre hommage est un plaisir.

 Illustrations : 


 'Anatoly Solovianenko' 


'Doktor Gorbatchev' 


 'Nebo Angelov' 


 'Novoye Vrema' 


'Rozpriahaite Khlotsi Konei'

12.4.14

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Rodionenko 

 Le monde des iris est en deuil. Georges Rodionenko est mort à Moscou, dans son sommeil, à l'âge de 101 ans, le 6 avril 2014. Il s'agissait d'un forte personnalité de l'irisdom, dans son côté scientifique. Les participants au congrès d'Orléans en 1978 ont pu profiter de la conférence qu'il y fit et dans laquelle ce grand irisarien russe, exposa sa théorie sur les modifications que peuvent subir les pièces florales de l’iris à la suite de mutations génétiques naturelles ou provoquées par des agents extérieurs. Cependant sa notoriété résulte surtout de la nouvelle classification des iris qu'il a publiée en URSS en 1961 et qui reste la plus utilisée à l'heure acttuelle (c'est celle à laquelle se réfère Richard Cayeux dans son ouvrage “L'Iris une fleur royale” – Mauryflor, 1996).

Chez les amateurs d'iris historiques

 La HIPS (Historic Preservation Iris Society) a changé de webmestre. L'actuelle titulaire se nomm Christina Woodward. Elle a plein d'idées nouvelles pour faire vivre et animer le site de la Société et le forum qui l'accompagne.

REINES DE LA NUIT

Elles n'apparaissent pas dans « La Flûte Enchantée » mais dans bon nombre de nos jardins. Elles ne chantent pas des airs périlleux de colorature, mais elles fleurissent chaque printemps, pour notre plus grand bonheur. Si elles sont noires, ce n'est pas la colère qui leur donne cette couleur mais les aléas de croisements savamment organisés. Elles, ce sont des variétés d'iris noires (ou presque). Elle continuent nous accompagner pendant encore quelques semaines. 

4. NUITS CALIFORNIENNES 

La Californie n'est pas en reste quand il s'agit d'être à la pointe de la recherche en matière d'iris. Par exemple, quatre étoiles de la nuit :


'All Night Long' (Tasco, 2004) (Hollywood Nights X Black Tie Affair)


'Hollywood Night' (Duncan, 2000) (Dusky Challenger X (Spin-Off x Street Walker))
'Lord of the Night' (G. Sutton, 2005) (Magician's Apprentice X Hello Darkness)

'Night Attack' (Ghio, 1993) (Tempting X In Town)

L'ÉNIGME ‘BRIDE’S HALO’

Les traits particuliers de chacun des iris actuels sont le résultat d’improbables mélanges, souhaités ou accidentels, dans une salade génétique devenue bien difficile à débrouiller. On peut, plus facilement suivre le cheminement, de cultivar en cultivar, des caractéristiques d’une variété obtenue avant que les croisements les plus complexes aient pu rendre malaisée l'analyse des origines.

 Nous prendrons aujourd'hui l’arbre généalogique de ‘Bride’s Halo’.

 Cet iris a acquis l’immortalité (comme on dit d’un personnage qu’il est devenu un Immortel quand il a été coopté à l’Académie Française) le jour où il a reçu la Médaille de Dykes, en 1978, après un parcours impeccable : HM en 1974 puis AM en 1976. Son pedigree s’écrit : Rainbow Gold X Denver Mint. Ainsi cet iris blanc, intégralement liseré d’or, est le fruit de deux iris jaunes, l’un et l’autre abondamment utilisés en hybridation. L’un et l’autre ont aussi plusieurs ancêtres communs ; nous trouverons donc plusieurs branches identiques dans l’arbre généalogique de ‘Bride’s Halo’.
Bruno > x > Jean Cayeux > x > Maiden Blush > Chantilly > Twenty Grand > Butterscotch Kiss > Rainbow Gold > Bride’s Halo
Dominion > Bruno > x > Jean Cayeux > x > Tobacco Road > Inca Chief > Mission Trails sib > Denver Mint >  Bride’s Halo

 ‘Bruno’ (Bliss, 1918), un enfant à coup sûr tétraploïde de ‘Dominion’, l’un des points de départ de la tétraploïdie des iris. Croisé avec ‘Evolution’ (F. Cayeux, 1929), puis recroisé avec ‘Phryné’ (F. Cayeux, 1925), ‘Bruno’ est le grand-parent de ‘Jean Cayeux’, l’une des variétés-phare de Ferdinand Cayeux.
 ‘Jean Cayeux’ (F. Cayeux, 1931). Apparaît dans les deux branches maîtresses de la généalogie de ‘Bride’s Halo’. Iris d’une couleur inhabituelle et difficile à décrire ; variété tétraploïde largement utilisée en hybridation de part et d’autre de l’Atlantique.
 ‘Maiden Blush’ (Hall, 1943), une variété dont on ne sait pas grand’ chose mais qui, vraisemblablement, doit être de couleur rose orchidée.
 ‘Chantilly’ (Hall, 1943), iris hyper-célèbre, à l’origine de ce qu’on appelle la dentelle sur les pièces florales et en particulier les pétales. De couleur mauve rosé à cœur jaune.
Associé à ‘Rainbow Room’ (Sass H., 1945), cela donne ’Twenty Grand' (Norton, 1952), un iris jaune mêlé de rose orchidée et d’ocre, complètement oublié aujourd’hui.
 ‘Butterscotch Kiss’ (Plough, 1959) qui a pour pedigree (Cascade Splendor x Honeyflow) X Twenty Grand. Dans les tons de jaune doré.
 ‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959), bel iris jaune d’or aux sépales veines de brun ; abondante descendance.

 Dans l’autre branche maîtresse, celle de ‘Denver Mint’, ‘Jean Cayeux’ apparaît une génération plus tard que dans la précédente. Croisé avec une variété dans les tons de vieux-rose, ‘Far-West’ (Kleinsorge, 1936), puis recroisé avec ‘Aztec Copper’ (Kleinsorge, 1939), cuivre pourpré.
‘Tobacco Road’ (Kleinsorge, 1941), iris brun, parmi les plus fameux. Importante utilisation pendant de longues années.
‘Inca Chief’ (Mitsch, 1952), autre iris majeur, dans les tons de brun.
‘Mission Trails’ (Knopf, 1957), ou plus exactement à un frère de semis de cette variété. Couleurs et caractéristiques inconnues.
‘Denver Mint’ (Knopf, 1952), variété à la riche descendance car considéré comme le meilleur jaune de son temps. Son autre parent est ‘Glittering Amber’ (Hamblen, 1955) : de couleur abricot.

A noter que ‘Bride’s Halo’ est le fruit du croisement de deux variétés déjà anciennes au moment de leur utilisation, puisque presque 20 ans se sont écoulés entre l’enregistrement de ‘Denver Mint’ et de ‘Rainbow Gold’ et celui de ‘Bride’s Halo’.

 Tout ce qui précède n’est pas fait pour élucider un mystère : d’où vient le modèle présenté par ‘Bride’s Halo’, ces lisières d’or autour d’une fleur blanche ? Les exégètes de la généalogie des iris, comme Philip Edinger, cherchent encore l’explication ! Certains disent que le modèle provient de ‘Denver Mint’, parce que d’autres variétés proches de ‘Bride’s Halo’ dans leur aspect descendent de ‘Denver Mint’. D’autres attribuent le modèle à la lignée d’iris « flamingo pink » de David Hall, pour les mêmes raisons que dans l’explication précédente puisque ‘Denver Mint’ est largement tributaire des roses de Hall. D’autres, enfin, remontent à ‘Matula’ (Sass H., 1939), une variété présente à plusieurs reprises derrière ‘Rainbow Gold’ et donc derrière ‘Bride’s Halo’, parce qu’une variété dénommée ‘My Darling’ (Daling, 1956) qui présente un halo autour des tépales, contient ‘Matula’ chez ses deux parents. Tout cela n’est qu’hypothèse. Cela démontre que la complexité de la génétique des iris nous réserve bien des surprises.

Illustrations : 


 'Bride's Halo 


'Inca Chief' 

'Tobacco Road' 

'Rainbow Gold'

3.4.14

REINES DE LA NUIT

Elles n'apparaissent pas dans « La Flûte Enchantée » mais dans bon nombre de nos jardins. Elles ne chantent pas des airs périlleux de colorature, mais elles fleurissent chaque printemps, pour notre plus grand bonheur. Si elles sont noires, ce n'est pas la colère qui leur donne cette couleur mais les aléas de croisements savamment organisés. Elles, ce sont des variétés d'iris noires (ou presque). Elles vont nous accompagner pendant cette troisième semaine. 

 3. NUITS D'OREGON

Le pays des iris regorge de variétés noires exemplaires. La difficulté, c'est de choisir les quatre qui vont illustrer ce feuilleton !


'Night Owl' (Schreiner, 1970) (Prince Indigo X Nightside) 

'Here Comes the Night' (Schreiner, 2009) (((Adventuress x Magic Man) x Thunder Spirit) X Midnight Revelry) 


'Night Game' (Keppel, 1996) (Witches' Sabbath X Gallant Rogue) 


'Night to Remember' (Ernst, 1996) (Before the Storm X Raven's Quote)

‘NATCHEZ TRACE’ (FDM)

Vous allez me dire : « Pourquoi un vieil iris de 1969 ? Il n'en est donc pas de plus récent dont on peut faire le portrait ? » Je vous répondrais bien : « Le vieux iris de 1969 ne valent-ils pas la peine qu'on s'intéresse à eux ? » Mais il faut que je vous donne la vrai raison de ce choix : je lis en ce moment une partie des œuvres de Chateaubriand, et il y en a une qui s'appelle « Les Natchez », et de Natchez il est question aussi dans « Atala » et dans « René ». C'est ce qui m'a fait me souvenir de ce qu'un « vieil » iris s'appelait 'Natchez Trace', c'est pourquoi je me suis mis sur sa piste ...

Voici ce que Wikipedia dit des Natchez : « peuple amérindien qui vivait dans la région de l'actuelle ville de Natchez dans le Mississipi. Vers 1730, après plusieurs guerres contre les Français, les Natchez furent vaincus et dispersés. La plupart des survivants furent soit réduits à l'esclavage par les Français soit trouvèrent refuge parmi d'autres tribus (...) » C'est d'ailleurs cette fin déplorable qui a attiré la sympathie de Chateaubriand pour ce peuple dont il nous fait, par réaction sans doute, un portait idyllique.

Dans le sud des Etats-Unis, où se trouvaient les Natchez, on s'attend plutôt à trouver des iris de Louisiane, mais Jesse Wills, l'obtenteur de 'Natchez Trace' a donné ce nom à un grand iris (TB). Il faut dire que ce Wills était un habitant du Tennessee voisin et qu'il devait bien connaître l'histoire de la peuplade massacrée. Par dessus le marché son iris était d'une couleur brun-rouge, teinte qui évoque facilement celle de la peau des Indiens. Voilà sans doute l'origine de ce nom qui, par ailleurs, n'a pas excité l'imagination des obtenteurs américains puisqu'on ne trouve trace que d'une ancienne variété baptisée 'Natchez', mais qui n'est pas décrite dans « Irisregister ».

La variété dénommée 'Natchez Trace' est un iris néglecta brun-rouge qui a connu un joli succès commercial international. Elle avait pour cela plusieurs arguments : son coloris, ses qualités végétatives, la renommée de son obtenteur.

Pour ce qui est du coloris, on peut dire qu'en 1969 il représentait le fin du fin dans son genre. Comme bien souvent, c'est une obtention qui résulte d'un approfondissement de la couleur par endogamie. Son pedigree est en effet le suivant : (Orenda X ((Orelio x Heart's Desire) x (red sdlg. x Carnton)). 'Orenda' (Wills, 1957) est un iris brun-rouge clair (à ne pas confondre avec 'Orinda') ; 'Orelio' (DeForest, 1947) est dans les tons de grenat ; 'Carnton' (Wills, 1950) un autre brun-rouge clair ; mais on ne sait rien de la couleur de 'Heart's Desire' (Wills, 1947) dont la description est pour le moins succincte. Si l'on approfondit ce pedigree, on y trouve ce qui se faisait de mieux à l'époque en matière d'iris bruns, comme 'Bryce Canyon' (Kleinsorge, 1944), 'Casa Morena' (DeForest, 1941) et 'Garden Flame' (H. Sass, 1941), sans oublié le petit français 'Hernani' (F. Cayeux, 1929). Ce 'Natchez Trace' est donc un iris de bonne lignée !

Les descriptions que l'on a de 'Natchez Trace' parlent toutes de son excellent branchement et souvent de sa floribondité. Prenons par exemple celle du catalogue Cooley de 1974 : «Ce brun velouté a des pétales rouge rosé, en forme de cône et refermés à leur sommet ; les sépales sont d'un riche brun-grenat avec des épaules nettes et sans marques, ornés de grosses barbes bronze orangé. Les fleurs sont très grosses, et les tiges bien branchues. » Le catalogue Cayeux parle de « pétales rouge-rosé, sépales rouge foncé velouté, (…) un nouveau « rouge » de deux tons très apprécié pour sa vivacité, sa grandeur de fleurs et sa floraison abondante et prolongée. »

Quant à l'obtenteur Jesse Wills, c'est loin d'être un inconnu dans le monde des iris. Il est celui qui a créé 'Chivalry' (1943), Médaille de Dykes 1947, l'un des meilleurs iris bleus de tous les temps.

L'histoire des Natchez, comme les caractéristiques de 'Natchez Trace' font de cet iris une variété particulièrement intéressante, qui mérite bien d'être décrite parmi les « Fleurs du Mois ».

Illustrations : 


'Natchez Trace' 


'Orelio' 

'Garden Flame' 


'Bryce Canyon' 

À LA MANIÈRE DE CHATEAUBRIAND (ATALA)

Ah, mon cher René, te souviens-t-il de l'histoire d'Agar, la servante égyptienne d'Abraham, et de son fils Ismaël ? Elle m'a été contée par mon mentor, Lopez, quand il espérait encore que je me convertisse à sa religion catholique. Sara avait fait chasser Agar et celle-ci errait dans le désert de Bersabée, sans boisson et sans nourriture. C'est un peu la situation qui était la nôtre, Atala et moi, alors que nous fuyions dans les solitudes démesurées du désert des Florides, sans autre ressource que les rares gibiers que je réussissais à capturer et sans nous désaltérer autrement qu'avec l'eau souvent corrompue des rivières qui se précipitent vers le Meschacebé.

 Pour nous éloigner au plus vite de nos poursuivants, il nous fallait traverser les fleuves que nous rencontrions au moyen d'un radeau, quand nous pouvions nous en fabriquer un à l'aide de branchages et de lianes, ou simplement à la nage. Quand nous étions épuisés par les grandes chaleurs du jour, nous nous abritions quelques heures sous ces mousses blanches qui pendaient des cèdres jusqu'à terre et nous offraient un abri paisible. Lorsque je contemplais, à mon côté, celle que la fatigue et le sommeil terrassaient, mon cœur débordait de tendresse et de reconnaissance pour elle, qui avait tout abandonné pour m'éviter la mort à laquelle j'étais promis.Je lui aurais offert tout ce que je possédais, mais j'étais à demi nu et démuni de tout. Alors je m'éloignais un peu et je faisais pour elle des colliers de graines d'azalées ou des couronnes de ces iris (1) d'un bleu céruléen que je trouvais souvent sur les berges et dans les combes humides où voletaient perruches vertes et colibris.

 Quand les ombres s'allongeaient et qu'une douce brise succédait à la moiteur des heures chaudes, nous reprenions notre fuite jusqu'à la nuit, en grand danger de devenir la proie des lynx ou des pumas abondants dans ces forêts. Je construisais alors une sorte de hutte où nous trouvions un fragile asile pour quelques heures d'un repos sans cesse interrompu par les mille bruits effrayants qui jaillissent de tous les coins de la savane. Nous prêtions l'oreille à toutes ces rumeurs mais je sentais à mes côtés l'angoisse qui empoignait le cœur d'Atala. Je sentais souvent les larmes qu'elle laissait tomber sur mon sein, et je haïssais notre sort auquel je ne voyais pas d'issue.

Après bien des jours de cette vie précaire et pratiquement sans espoir, nous entrâmes dans la chaîne des monts Alleganys et fûmes arrêtés par une branche du Tenase, fleuve qui se jette plus loin vers l'ouest dans l'Ohio.Pour continuer notre route, Atala me conseilla de fabriquer un canot avec des écorces de bouleau cousues à l'aide de racines écorchées de sapin et rendues étanches par une enduction de gomme de cerisier à grappe. C'est sur cet esquif que nous nous embarquâmes et que nous nous abandonnâmes au cours du fleuve, convaincus que celui-ci allait devenir notre tombeau. Il coulait un peu plus loin entre de hautes falaises et son flot s'accélérait pour contourner un âpre promontoire. Mais passé cet obstacle le cours s'apaisait brusquement et notre embarcation vint à se perdre dans un vaste marécage où nous redoutions à chaque instant de voir surgir un crocodile. Bientôt notre barque se trouva complètement entravée par des lianes rampantes et des touffes de plantes aux longues tiges étroites et souples, qui se terminaient par de gracieuses petites fleurs tri-pétales d'un rouge sombre et somptueux (2). Nous avons continué notre progression en marchant péniblement au milieu de cette végétation exubérante, jusqu'à ce qu'Atala, dont les forces déclinaient, me supplie de lui accorder un instant de repos.

 Je me suis appuyé le dos contre le tronc penché d'un sassafras. Tenant ma bien-aimée serrée sur ma poitrine, j'étais à cet instant le plus heureux des hommes. C'est à ce moment que nous entendîmes au loin un son qui ne pouvait être que celui d'une cloche. Il y avait donc des hommes dans ce désert et assez près de nous pour que parvienne jusqu'à nous le son rassurant de leur existence ? Allions-nous enfin trouver un asile ?

 (1) Iris versicolor (NDLA) 

(2) Iris nelsonii (NDLA) – à l'époque de ce récit cette espèce n'avait pas encore été décrite.