27.4.12

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Australian Dykes Medal

Dans la liste des médailles attribuées en 2011, il manquait l’ADM. Le dernier bulletin de l’AIS nous informe : elle a été attribuée à ‘Imogen Paige’ (Grosvenor, 2005). C'est la 15eme ADM attribuée à une variété Grosvenor. Il semble qu’il n’y ait pas vraiment de concurrence, du moment que Barry Blyth ne participe pas.

QUI N’A PAS SON ROSE ET BLEU ?



VIII. Augusto Bianco

En Europe, ailleurs qu’en France, c’est Augusto Bianco qui a eu le plus de succès avec ses rose et bleu. Les quatre variétés ci-dessous donnent une idée de son savoir-faire :
1. ‘Mani Pulite’ (1998)
2. ‘Quarta Caravella’ (1999)
3. ‘Di Moda’ (2005)
4. ‘Romanza’ (2006)

ENFANTS DE MARIE IMMACULÉE


II. En bleu marial

La plupart des hybrideurs, lorsqu’ils travaillent sur les amoenas bleus vont s’efforcer d’améliorer le contraste et donc de chercher un blanc toujours plus blanc et un bleu encore plus bleu. Non seulement ce contraste est attrayant, mais il a des chances de rencontrer l’approbation du public. Alors, allons-y pour l’endogamie. Mais il n’empêche qu’une tendre association de pétales d’un blanc un peu bleuté et de sépales d’un bleu de lin sera fort agréable à l’œil. Il est des obtenteurs qui ont fait ce calcul, sans pour autant penser à quelque apparition virginale. Car si, pour les anciens dans mon genre, élevés à l’ombre des églises catholiques, l’association du blanc et du bleu tendre évoque la tenue traditionnelle des statues de Notre Dame de Lourdes ou des Enfants de Marie, dans l’imaginaire des irisariens, il semble qu’elle renvoie davantage à des images de bords de mer. L’appel du large a atteint les créateurs d’iris.

Un petit tour d’horizon (marin) permet d’orienter le projecteur vers quelques variétés dont les noms sentent les vacances d’été :
· ‘Sparkling Seas’ (Stevens, 1962) : la géniale obtentrice néo-zélandaise n’a pas attendu longtemps pour profiter du travail de Paul Cook et améliorer le contraste de ‘Whole Cloth’.
· ‘Dover Beach’ (Nearpass, 1972) : Les falaises du Kent ont inspiré Donald Nearpass quand il a baptisé ce descendant à la 2eme génération de ‘Whole Cloth’ ;
· ‘On the Beach’ (Plough, 1982) : Plough a pensé au sable blanc et à la mer bleue. La variété est une fille du précédent ;
· ‘Brise de Mer’ (Cayeux, 1985) : Cette fois c’est un peu d’air sur les vagues ; mais la brise doit être faible, car l’iris ondule peu !
· ‘Alaskan Seas’ (McWhirter, 1992) : L’eau glacée de l’Alaska avec quelques icebergs… L’iris est frais, si la mer est froide ;
· ‘La Mer’ (Richardson, 1994) : Un croisement (Olympiad X Royal Crusader) pour une mer et un ciel pâle ;
· ‘Waterworld’ (Lauer, 1996) : il y a beaucoup de vagues sur ce monde marin, où l’on retrouve ‘Alaskan Seas’ ;
· ‘Nehalem Bay’ (Schreiner, 2002) : autre référence maritime, avec cette baie de la côte du Pacifique, au nord-ouest de Salem, pour ce petit-fils du grand neglecta ‘Royal Crusader’ (Schreiner, 1985) ;
· ‘Molène’ (Madoré, 2007) : l’île de la Mer d’Iroise, battue par les vents et fouettée par les embruns, a inspiré l’obtenteur breton de cette agréable variété, enfant du célèbre ‘Stairway to Heaven’ (un escalier qui ne mène pas qu’au ciel !) ;
· ‘Icelandic Sea’ (L. Johnson, 2009) : autre allusion glacée pour cet iris aux profondes ondulations, issu du magnifique amena ‘Sierra Grande’ (Schreiner, 1992) ;
· ‘Sea Cruise’ (Keppel, 2012) : le dernier venu des iris de Keith Keppel, pour qui le bleu clair est synonyme de croisière. Un croisement de (Haut les Voiles X (Act Three x Sea Power)) qui a déjà la force de la mer.

Cet assortiment d’évocations maritimes n’est qu’une partie des noms choisi pour designer cette sorte d’iris. Mais il y en a bien d’autres, tout aussi beaux. Aucun de ces noms ne fait, certes, appel à quelque robe mariale, mais il n’empêche que le nom de ‘Enfant de Marie’ irait comme une aube à l’une ou l’autre de ces variétés !

Iconographie :
‘Dover Beach’ (Nearpass, 1972)
‘Icelandic Sea’ (L. Johnson, 2009)
‘Nehalem Bay’ (Schreiner, 2002)
‘Molène’ (Madoré, 2007)

21.4.12

RETOUR AU BERCAIL

Après une escapade en Écosse, retour et Touraine, où il fait plus mauvais et plus froid qu'au bord du Firth of Forth !

QUI N’A PAS SON ROSE ET BLEU ?

VII. Barry Blyth

Celui qui a tout tenté en matière de bicolores a marqué sa place dans le domaine de rose et bleu. En voici pour preuve quatre fleurs de grande qualité :
1. ‘Fancy Flirting’ (2002)
2. ‘Cameo Dawn’ (2005)
3. ‘Ballerina Queen’ (2007)
4. ‘Fashionista’ (2009)

ENFANTS DE MARIE IMMACULÉE


Quand j’étais enfant, élevé dans la tradition catholique, j’entendais parler des Enfants de Marie, et cela désignait, dans mon esprit, des petites filles habillées de blanc et de bleu ciel, qui chantaient dans les églises. La façon dont on en parlait autour de moi donnait l’impression qu’il s’agissait d’une institution dévote, passablement coincée, et l’on traitait volontiers d’ « enfant de Marie » une petite fille pieuse, naïve et timide. De sorte que l’association du blanc et du bleu clair était pour moi signe d’archaïsme et de mièvrerie.

J’ai repensé aux enfants de Marie de mon enfance, il y a quelques jours, en regardant la photo d’une nouvelle variété d’iris signée de Keith Keppel et baptisée ‘Sea Cruise’. Pour l’obtenteur, l’association de blanc et de bleu ciel évoque l’atmosphère des loisirs maritimes, alors que dans mon esprit c’était plutôt l’image d’adolescentes en prière… Qu’importe.

I. En bleu et blanc

Il y a bien longtemps que les iris amoenas bleus tentent les amateurs. Cependant les débuts avec cette association de couleurs ont été fort laborieux, et l’arrivée de ‘Wabash’ (Williamson, 1936) a été un événement. En effet, pour des raisons que l’on ne s’expliquait pas, alors que de très nombreux bicolores voyaient le jour, les iris blanc sur bleu restaient exceptionnels. On attribuait ce peu de résultats à une relative rareté des parents potentiels et au faible pouvoir germinatif des graines. Le défi d’obtenir des amoenas a provoqué une certaine émulation chez les obtenteurs de l’époque. De grands noms comme Geddes Douglas, Paul Cook ou Robert Schreiner l’ont relevé. C’est cependant Jesse Wills qui, le premier, a fourni une explication basée sur sa propre expérience et sur les travaux de ses confrères. Il a fait le point dans un article publié en 1946 dont Richard Cayeux a donné une excellente traduction dans son livre « L’iris, une fleur royale » (Mauryflor 1996) : « Les croisements entre amoenas, et même entre amoenas et les autres bicolores sont difficiles à réussir ; de plus le taux de germination des graines ainsi obtenues est inférieur à la moyenne. Quant au développement des plantules, il est lent, surtout la première année, ce qui retarde encore la floraison, de sorte que l’on doit souvent attendre la seconde, voire la troisième année, pour porter un jugement sur les iris provenant de ces hybridations. » Il ajoute, d’après ces constatations, que le blanc des pétales est un caractère récessif, et que « si les chances d’obtenir un amoena sont d’une sur trente-cinq, combien petite sont-elles quand seulement cinq ou six semis provenant d’un croisement peuvent pousser et fleurir ». De fait, en dehors de ‘Bright Hour’ (Douglas, 1949), les descendants de ‘Wabash’ n’ont pas été nombreux. Il a fallu qu’une autre voie vers les amoenas a soit ouverte par les travaux de Paul Cook pour débloquer la situation, avec, pour porte-drapeau, le fameux ‘Whole Cloth’ (Cook, 1958).

A partir de ce moment les amoenas bleus se sont multipliés, sans pour autant envahir le marché. En particulier pour les amoenas dans les teintes pastel, ceux qui peuvent faire penser aux Enfants de Marie, qui sont à l’origine de cette chronique.

Les grandes récompenses attribuées aux amoenas bleus pastel ne sont pas bien nombreuses :
‘Whole Cloth’ qui a reçu le Premio Firenze en 1961 ;
‘Dialogue’ (Ghio, 1973), Premio Firenze en 1976
‘Ruffled Ballet’ (Roderick, 1975), DM en 1983 ;
enfin ‘Stairway to Heaven’ Wister Medal en 1999 puis DM en 2000.
En dehors de ce dernier, les autres médaillés n’ont eu qu’un succès commercial mitigé. Quant aux autres variétés, bien que relativement nombreuses, elles restent dans le marais des variétés qui ne sont pas des « best sellers’. Elles pâtissent sans doute de leurs teintes discrètes alors que leurs voisines vivement contrastées sont plus nettement dans les goûts du public.

Iconographie :
'Wabash' (Williamson, 1936)
'Whole Cloth' (Cook, 1958)
'Dialogue' (Ghio, 1973)
'Ruffled Ballet'  (Roderick, 1975)

(à suivre)

12.4.12

DECALAGES

IRISENLIGNE est en avance cette semaine, il sera en retard la semaine prochaine. Quelques jours de vacances...

QUI N’A PAS SON ROSE ET BLEU ?


VI. Elsewhere in USA

De nombreux obtenteurs américains se sont risqués à l’association rose et bleu. Parmi eux, deux grands noms : Ben Hager et Sterling Innerst. ‘Poem of Ecstasy’ (Hager, 1997) est une parfaite réussite, comme pouvait en obtenir le sage californien. De même pour ‘Sotto Voce’ (Hager, 2000). Mais, sur la côte Est, Innerst suivait le mouvement avec ‘Old Loyalties’ (1995) ou ‘Anxiously Ahead’ (1999).

SIC TRANSIT GLORIA MUNDI


« Ainsi passe la gloire du monde ». Cette belle phrase à propos de la vanité des choses de ce monde n’a rien de vraiment latin puisqu’elle ne date que de la fin du XIVeme siècle et provient de la plume de deux religieux flamands… Eux-même sont bien oubliés aujourd’hui ! Mais bien des choses ont connu un sort aussi banal.

Notre monde des iris n’est pas à l’abri de cet oubli qui succède à la gloire : bien des variétés qui ont fait la fortune de leur obtenteur – et plus encore celle de ceux qui les ont commercialisées – ont peu a peu déserté les catalogues. Elles trônent encore dans bien des jardins, mais elles ont fréquemment perdu leur nom et, si elles continuent d’être cultivées, elles le sont dans un complet anonymat ; elles ont quitté la gloire du monde. Il faut dire qu’en notre matière, à l’effet de mode s’ajoute l’effet de l’évolution technique et esthétique. Rares sont les variétés qui ornaient la une des catalogues d’il y a vingt ans que l’on peut encore découvrir dans la liste des variétés du même catalogue. Ce n’est même pas la peine d’effectuer une recherche sur ce sujet dans la plupart des catalogues américains car même ils renouvellent très rapidement leur offre, à l’exception du catalogue Schreiner, le plus traditionnel et conservateur de tous. Dans les catalogues français l’oubli s’installe aussi, peu à peu.

Prenons les catalogues Cayeux de 1991 et de 2011. Combien de variétés présentes dans le premier figurent encore dans le second ? Exactement 67, soit 20 % ! Ce chiffre m’a un peu étonné, je dois le dire, parce que je pensais que le déchet était encore plus important. A noter qu’il est exactement identique chez Schreiner. Pour la maison Cayeux, le modèle, depuis longtemps, s’appelle Schreiner – la ressemblance entre les deux catalogues est saisissante – mais c’est certainement le hasard qui a porté jusque là la similitude.

J’ai poussé la curiosité jusqu’à comparer les variétés rescapées. Elles sont tout de même au nombre de trente ! Ce sont ce que l’on appelle les classiques internationales.
‘Batik’ – le seul maculosa qui tienne la distance ;
‘Beverly Sills’ – le rose le plus apprécié au monde ;
‘Blenheim Royal’ – un bleu véritablement royal ;
‘Champagne Elegance’ – amoena blanc et abricot, le seul de ce coloris à résister ;
‘Change of Pace’ – bicolor-plicata rose, que l’on n'attend pas dans ce florilège, à cause de son originalité ;
‘Dazzling Gold’ – variegata fantaisie, qui tient la route ;
‘Dusky Challenger’ – un bleu foncé indéboulonnable, en tête du concours de popularité depuis 18 ans ;
‘Edith Wolford’ – variegata bleu on ne peut plus classique ;
‘First Interstate’ – « net, brillant et vigoureux » dit le catalogue Cayeux : une garantie de longévité ;
‘Going my Way’ – incroyable longévité pour ce plicata traditionnel ;
‘Gold Galore’ – jaune de chez jaune, pourquoi celui-ci, alors qu’il y en a tant d’autres ?;
‘Good Show’ – le modèle parfait d’iris orange ;
‘Harvest King’ – un iris mordoré superbe ;
‘Honky Tonk Blues’ – aux USA il est cependant en perte de vitesse dans le symposium ;
‘Jazz Festival’ – bicolor éclatant quoique bien traditionnel ;
‘Neutron Dance’ – ce qui se fait de mieux en matière d’amoena jaune ;
‘Pacific Mist ‘ – le bleu moyen le plus incontournable ;
‘Pledge Allegiance’ – Belle performance pour ce bleu profond ;
‘Proud Tradition’ – parfait exemple de bitone bleu ;
‘Rapture in Blue’ – bleu azur proche de la perfection ;
‘Riverboat Blues’ – l’équivalent, en bleu moyen, du précédent ;
‘Sapphire Hills’ – aussi traditionnel que superbe ;
‘Silverado’ – le merveilleux bleu argent qui talonne ‘Dusky Challenger’ au symposium ;
‘Skating Party’ – le représentant des iris blancs dans ce palmarès ;
‘Starcrest’ – un modèle de mauve tendre ;
‘Sultan’s Palace’ – rutilant brun-rouge ;
‘Superstition’ – pourquoi celui-ci pour représenter les iris noirs, alors qu’il y a mieux maintenant ?;
‘Titan’s Glory’ – le roi des iris violets ;
‘Vanity’’ – avec ‘Beverly Sills’, le meilleur rose, même s’il est un peu démodé par la forme ;
‘Victoria Falls’ – les iris bleus ont toujours la cote.

Parmi les obtentions Cayeux, il y en a 14 qui ont réussi à défier le temps :
‘Alizés’ – une grande réussite de la famille Cayeux ;
‘Astrid C.’ – coloris original qui a fait son chemin ;
‘Bal Masqué’ – parmi les « bleu-blanc-rouge », c’est le plus ancien et le plus résistant ;
‘Béatrice Cherbuy’ – belle longévité pour cet amoena de 1987 ;
‘Colette Thurillet’ – même commentaire que précédemment pour un iris de 90 ;
‘Condottiere’ – il est normal que la variété française la plus appréciée au monde conserve sa place ;
‘Coquetterie’ – un ancien, mais si lumineux !;
‘Feu Follet’ – dans les tons d’orange abricot, c’est un des plus réussis ;
‘Margrave’ – le représentant des rouge cuivré, qui date un peu (1978), mais qui tient le coup ;
‘Piroska’ – un autre orange de qualité ;
‘Provençal’ – toujours aussi apprécié du public, malgré son ancienneté ;
‘Tourbillon’ – il a vingt-trois ans, mais il est d’un coloris rare ;
‘Vague à l’âme’ – autre cas de coloris peu courant ;
‘Vive la France’ – est-ce au fait d’être le premier venu des « bleu-blanc-rouge » qui lui vaut d’être encore là ?

A côté de ces cas de longévité quelquefois surprenants, il y a plein de variétés de grande valeur, tant horticole qu’esthétique, qui n’ont fait qu’un petit tour au catalogue. Quelles peuvent être les raisons de cette brièveté ? Quelles motivations poussent les acheteurs à retenir une variété plutôt qu’une autre quand il y a autant de choix ? Le métier de sélectionneur pour une grande pépinière doit être bien déconcertant !

6.4.12

QUI N’A PAS SON ROSE ET BLEU ?

V. Black et Johnson

La fine équipe Black et Johnson a suivi le mouvement. Sans copier mais avec leur personnalité bien particulière ; que ce soit avec ‘Announcement’ (Black, 2002), ‘Flashy Show Girl’ (Black, 2009), ‘Kind Hearted’ (Johnson, 2002) ou ‘Discovered Treasure’ (Johnson, 2005).

LA FLEUR DU MOIS : 'JUNGLE SHADOWS'










Pour une fois il va être question d’un iris que je n’ai jamais vu qu’en photo ! Peut-on se faire une idée valable d’une fleur quand on n’a d’elle qu’un portrait, fut-il en couleurs ? Sans doute n’est-ce pas toujours le cas, notamment pour ce qui est des fleurs bleues ou violettes, tant le rendu des couleurs est changeant, en fonction de l’heure de la photo, de la lumière ambiante, de l’art du photographe, de la qualité de son appareil et de son traitement des images ! Pour ‘Jungle Shadows’, il y a moins de risque : les pigments bleus n’y dominent pas. D’ailleurs j’ai vu plusieurs photos de cette variété et je n’y ai pas rencontré de différences notables, si ce n’est une plus ou moins grande luminosité : rien qui puisse faire douter.

‘Jungle Shadows’ n’est pas une fleur récente, puisqu’elle a été enregistrée par Hans Sass en 1959. Elle a d’ailleurs les traits d’un iris des sixties. Cela n’est pas, pour moi, un handicap. C’en serait un si elle datait de ces dernières années et que son obtenteur, fier de son travail, venait de l’enregistrer. Mais elle ne joue pas à la jeune et montre sans vergogne ses soixante ans. Je trouve même que son apparence générale est plutôt flatteuse ; au moment de sa mise sur le marché elle devait faire largement jeu égal avec ses contemporaines.

Ce qui est surprenant chez cet iris, c’est sa couleur : un gris brunâtre, à peine ombré de roux de chaque côtés de la barbe, avec des pétales plus clairs, s’assombrissant à la base, et des barbes moutarde, plus jaunes à la pointe. Les iris gris ne sont pas nombreux, et le plus souvent leur teinte est plus un mauve fumé qu’un vrai gris. Les meilleurs que je connaisse sont encore récents puisqu’il s’agit de ‘Obi-Wan Kenobi’ (Mahan, 2003), influencé de vert olive, et surtout ‘Ozone Alert’ (Burseen, 1997), franchement gris et, au demeurant, très proche en coloris du héros du jour.

Hans Sass, comme son frère Jacob, a tout connu dans son travail d’hybrideur. Il a souvent éliminé des semis qui, à l’époque, lui semblaient invendables et, surtout, peu porteur d’améliorations. Mais cette fois il a osé ! ‘Jungle Shadows’ n’a pas du rencontrer un succès commercial faramineux et n’est pas à l’origine d’une nombreuse descendance. Mais l’expression qui le qualifie le mieux est « hors du commun ». Il provient d’un croisement de ‘Black Delight’ (Sass H., 1957) et d’un semis non dénommé ; ce ‘Black Delight’ étant lui-même un enfant de l’incontournable ‘Black Forest’ (Schreiner, 1945) et d’un descendant d’un autre ancien « noir », ‘Ebony Queen’ (Sass, 1947), ce qui constituait un mariage de raison entre les deux plus intéressantes lignées de noirs des années 40.

‘Jungle Shadows’ n’était pas prédestiné à être à l’origine d’une longue lignée. As-t-on vu une variété sans éclat être utilisée à tour de bras par les hybrideurs ? Je lui connais cependant un descendant, ‘Rain Forest’ (Plough, 1966), qui est un autre gris, dans le ton de gris souris, avec du mauve sous les barbes. Comme les précédents, ce gris-là est resté un cas particulier, une sorte de fantaisie que l’obtenteur s’est décidé à garder uniquement pour son originalité.

‘Jungle Shadows’ reste, de tous les gris, celui qui atteint la teinte la plus sombre. On l’aime ou on ne l’aime pas, c’est évident, mais en ce qui me concerne je serais ravi de le voir fleurir dans mon jardin.

ENREGISTREMENT ET INTRODUCTION


Pour une nouvelle variété d’iris il y a deux dates importantes : celle de son enregistrement et celle de son introduction sur le marché. L’une et l’autre sont consignées annuellement par l’AIS, qui centralise toutes les informations concernant les variétés obtenues partout dans le monde. Ces deux dates peuvent être concomitantes ou espacées dans le temps. Elles sont indépendantes l’une de l’autre, et l’on rencontre continuellement des variétés enregistrées qui ne sont jamais introduites sur le marché, et des variétés mises au commerce mais qui n’ont pas été enregistrées.

Dans le premier cas on trouve, par exemple ‘Amber Elegance’ (Baumunk, 1998), qui a cependant été utilisé pour obtenir ‘King of Light’ (Baumunk, 2002), et dont on peut dire qu’il serait une esquisse. Dans l’autre cas il y a toutes les variétés obtenues par Luc Bourdillon, cédées à son frère Pascal, mais que ce dernier n’a jamais pris la peine d’enregistrer, ce que tous les amateurs regrettent. Parce que l’enregistrement d’une variété est son acte de naissance officiel. Sans cette formalité, un cultivar n’existe pas, juridiquement : son nom reste disponible et peut être repris à tout moment par un autre hybrideur, même si le cultivar d’origine a eu une descendance elle-même enregistrée et même s’il est très répandu dans les jardins. C‘est là où le bât blesse. Car il existe de part le monde des centaines de milliers d’iris hybrides, d’origine naturelle ou produits par l’intervention humaine qui poussent sans problème. Tant qu’ils ne sortent pas, ou peu, du jardin de leur obtenteur, ces hybrides « sauvages » n’entraînent aucune conséquence. Ce n’est pas comme lorsqu’ils sont commercialisés. Dans ce cas c’est faire preuve de négligence ou de désinvolture que de ne pas procéder à l’enregistrement. D’autant plus qu’il s’agit d’une formalité simple et peu coûteuse. Si, pour une raison ou une autre une variété n’a pas été enregistrée, il est toujours possible de réparer l’incident. Ainsi la variété ‘Lumière d’Automne’, obtenue en 1992 par Eric Besse, pour la Maison Anfosso, a-t-elle été enregistrée tardivement, en 2009, à la demande de nombreux amateurs qui, séduits par cette plante, voulaient l’utiliser en hybridation, et souhaitaient connaître ses origines. Car une des vertus de l’enregistrement est de fournir un maximum d’information sur les antécédents de la plante, notamment son pedigree, fort utile pour qui veut faire de l’hybridation sérieuse.

Enregistrer une variété commercialisée est donc une nécessité morale à défaut d’être une obligation juridique. L’introduction officielle sur le marché est d’une toute autre nature.

Le rôle de cette formalité est essentiellement d’ouvrir le champ aux compétitions américaines. Sans introduction, pas de médaille ! Or les obtenteurs US, et les producteurs qui tirent profit de la notoriété conférée par les récompenses, sont très friands de cette compétition. Mais il faut bien fixer à celle-ci un point de départ que la date d’enregistrement ne peut pas fournir à elle seule puisqu’elle peut être antérieure à celle d’introduction et n’est pas liée au côté commercial du concours. D’autre part les juges exercent leur fonction en visitant de nombreux jardins, et il faut bien qu’ils sachent quelles plantes ils ont à juger. Un variété qui a l’ambition de concourir doit donc être à la fois enregistrée et introduite. ‘Amber Elegance’, qui n’a que le premier de ces sacrements, ne recevra jamais le moindre HM. Voilà pourquoi l’AIS tient particulièrement à la date d’introduction et la place immédiatement après le nom de la variété dans les documents officiels. Pour les obtentions non-américaines, et qui ne prétendent pas à prendre part à la course aux honneurs, la date de mise au commerce n’a pas d’importance et n’est le plus souvent pas notée. Voilà pourquoi la seule date qui compte pour elles est celle de l’enregistrement.

Comme tout ce qui est créé par l’homme, le monde des iris a besoin d’ordre. Celui qui y entre doit en accepter les règles. Et comme celles-ci sont simples, logiques et raisonnables, il n’y a aucune raison valable pour s’y soustraire.

Iconographie :
· ‘King of Light’ (Baumunk, 2002) (Amber Elegance X Quito)
· ‘Libellule’ (L. Bourdillon, non enregistré)
· ‘Lumière d’Automne’ (E. Besse, 2009) (Solano X yellow or orange sdlg)
· semis Mego AM 97/207 (non enregistré)