21.4.12

ENFANTS DE MARIE IMMACULÉE


Quand j’étais enfant, élevé dans la tradition catholique, j’entendais parler des Enfants de Marie, et cela désignait, dans mon esprit, des petites filles habillées de blanc et de bleu ciel, qui chantaient dans les églises. La façon dont on en parlait autour de moi donnait l’impression qu’il s’agissait d’une institution dévote, passablement coincée, et l’on traitait volontiers d’ « enfant de Marie » une petite fille pieuse, naïve et timide. De sorte que l’association du blanc et du bleu clair était pour moi signe d’archaïsme et de mièvrerie.

J’ai repensé aux enfants de Marie de mon enfance, il y a quelques jours, en regardant la photo d’une nouvelle variété d’iris signée de Keith Keppel et baptisée ‘Sea Cruise’. Pour l’obtenteur, l’association de blanc et de bleu ciel évoque l’atmosphère des loisirs maritimes, alors que dans mon esprit c’était plutôt l’image d’adolescentes en prière… Qu’importe.

I. En bleu et blanc

Il y a bien longtemps que les iris amoenas bleus tentent les amateurs. Cependant les débuts avec cette association de couleurs ont été fort laborieux, et l’arrivée de ‘Wabash’ (Williamson, 1936) a été un événement. En effet, pour des raisons que l’on ne s’expliquait pas, alors que de très nombreux bicolores voyaient le jour, les iris blanc sur bleu restaient exceptionnels. On attribuait ce peu de résultats à une relative rareté des parents potentiels et au faible pouvoir germinatif des graines. Le défi d’obtenir des amoenas a provoqué une certaine émulation chez les obtenteurs de l’époque. De grands noms comme Geddes Douglas, Paul Cook ou Robert Schreiner l’ont relevé. C’est cependant Jesse Wills qui, le premier, a fourni une explication basée sur sa propre expérience et sur les travaux de ses confrères. Il a fait le point dans un article publié en 1946 dont Richard Cayeux a donné une excellente traduction dans son livre « L’iris, une fleur royale » (Mauryflor 1996) : « Les croisements entre amoenas, et même entre amoenas et les autres bicolores sont difficiles à réussir ; de plus le taux de germination des graines ainsi obtenues est inférieur à la moyenne. Quant au développement des plantules, il est lent, surtout la première année, ce qui retarde encore la floraison, de sorte que l’on doit souvent attendre la seconde, voire la troisième année, pour porter un jugement sur les iris provenant de ces hybridations. » Il ajoute, d’après ces constatations, que le blanc des pétales est un caractère récessif, et que « si les chances d’obtenir un amoena sont d’une sur trente-cinq, combien petite sont-elles quand seulement cinq ou six semis provenant d’un croisement peuvent pousser et fleurir ». De fait, en dehors de ‘Bright Hour’ (Douglas, 1949), les descendants de ‘Wabash’ n’ont pas été nombreux. Il a fallu qu’une autre voie vers les amoenas a soit ouverte par les travaux de Paul Cook pour débloquer la situation, avec, pour porte-drapeau, le fameux ‘Whole Cloth’ (Cook, 1958).

A partir de ce moment les amoenas bleus se sont multipliés, sans pour autant envahir le marché. En particulier pour les amoenas dans les teintes pastel, ceux qui peuvent faire penser aux Enfants de Marie, qui sont à l’origine de cette chronique.

Les grandes récompenses attribuées aux amoenas bleus pastel ne sont pas bien nombreuses :
‘Whole Cloth’ qui a reçu le Premio Firenze en 1961 ;
‘Dialogue’ (Ghio, 1973), Premio Firenze en 1976
‘Ruffled Ballet’ (Roderick, 1975), DM en 1983 ;
enfin ‘Stairway to Heaven’ Wister Medal en 1999 puis DM en 2000.
En dehors de ce dernier, les autres médaillés n’ont eu qu’un succès commercial mitigé. Quant aux autres variétés, bien que relativement nombreuses, elles restent dans le marais des variétés qui ne sont pas des « best sellers’. Elles pâtissent sans doute de leurs teintes discrètes alors que leurs voisines vivement contrastées sont plus nettement dans les goûts du public.

Iconographie :
'Wabash' (Williamson, 1936)
'Whole Cloth' (Cook, 1958)
'Dialogue' (Ghio, 1973)
'Ruffled Ballet'  (Roderick, 1975)

(à suivre)

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