24.1.20

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissées au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé d'en attribuer trois par an. Notre feuilleton photographique va illustrer toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2014

Trois pures splendeurs : les juges ont eu bon goût !


'Black Magic Woman' (Richard Tasco, R 2008) 'Night Game' X 'Romantic Evening'. 


'Magical' (Joseph Ghio, R. 2007) ((((('Rogue' x 'Quito') x 'Island Dancer') x 'Faberge') x (('Cordoba' x ('Enhancement' x ('Peach Bisque' x 'Bogota'))) x ('Lanai' sibling, x 'Manna's pollen parent))) x 'For The Soul') X ('Treasured' x ('Tropical Magic' x 'Natural Blond' sibling)). 


'Montmartre' (Keith Keppel, R. 2007) (sibling de 'Moonlit Water' x 'New Leaf') X 'High Master'.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Quand se mélangent les pigments 

Keith Keppel est à la fois un hybrideur hors pair et un excellent pédagogue. Le texte ci-dessous, qui accompagne la photographie d'un de ses semis, révèle tout son savoir et son habileté à le transmettre :

 « Ce frère de semis de 'Gossamer Veil', 12-17B, issu de (Arrivederci X Wishes Granted), est un bon sujet d'étude de l'interaction visuelle des deux classes de pigments végétaux. Le pigment caroténoïde, soluble dans l'huile, responsable des tons abricot couvre entièrement les pétales, mais sur les sépales il est absent de la portion centrale. Sur les pétales c'est le pigment anthocyanique lavande, soluble dans l'eau, qui n'existe pas, mais il couvre les sépales, néanmoins en faible concentration sur la bordure extérieure. Là où les deux pigments coexistent, l'effet est un ton violet plus ou moins rosâtre ; sur le bord là où le bleu lavande est plus faible, l'abricot donne un effet plutôt brun rosé. Le fait de pouvoir analyser l'effet de la combinaison des deux types de pigments, et quand on sait que chacun de ceux-ci est contrôlé par des gènes différents, vous amène à mieux comprendre ce que vous êtes en train de voir ».

PETITS MAIS COSTAUD


Ils se situent très loin des grands iris de nos jardins, mais ils ont leurs amateurs convaincus et ils grandissent dans le cœur des amis des iris. Ce sont les MDB, Miniature Dwarf Beardeds, les plus petits des iris hybrides. Dans la hiérarchie que l'association américaine des iris (AIS) a mise en place, ils ont leur place au premier rang et disposent des mêmes récompenses que leurs frères plus grands. Le chapitre qui leur est consacré dans « The World of Irises » commence ainsi : « Si la vue du premier crocus peut signifier pour bien des gens le retour du printemps, c'est la vue du premier iris nain miniature qui a ce sens pour les irisariens. Premiers des iris barbus à fleurir, les nains miniature annoncent la saison attendue si avidement au cours du long hiver ; chaque amateur d'iris devrait en faire pousser au moins une ou deux touffes pour cette seule raison. Cependant, ils sont si charmants qu'une ou deux touffes peut par la suite devenir tout un massif ou toute une bordure. »Voilà qui résume bien tout l'intérêt qu'ils présentent.

Ce sont des plantes qui mesurent moins de 21cm de haut et ne portent qu'une seule tige par pied. Les fleurs doivent être en proportion de cette petite taille, mais comme ils ont naturellement tendance à se développer rapidement, cela compense leur faible hauteur et leur tige unique.

Ce sont des hybrides interspécifiques à base de l'espèce chamaeiris, et plus précisément des sous-espèces I. olbiensis et I. italica. Ils sont apparus d'abord en Allemagne et en France dans les années 1910/20 avant de se lancer à la conquête du monde et tout particulièrement de l'Amérique où ils ont fait peu à peu leur chemin au moment de la deuxième guerre mondiale, moment où leurs initiateurs avaient d'autres soucis que le développement d'une catégorie nouvelle de fleurs de jardin. D'autres espèces naines ont peu à peu été ajoutées aux deux espèces de bases : I flavissima, I. arenaria, I. mellita, ainsi que d'autres comme I. reichenbachii, I. balkana, I. bosniaca... Tous de la grand famille des I. pumila. Au plan de la génétique, certaines de ces espèces sont des iris tétraploïdes, d'autres sont simplement diploïdes. Mais c'est l'espèce I. pumila, tétraploïde, qui a pris le dessus et imposé sa tétraploïdie, en particulier pour son aptitude à transférer les traits des grands iris barbus aux variétés naines.

Les hybrideurs américains, à partir des années 1940, ont fait faire des progrès considérables à cette catégorie d'iris qui végétait depuis les travaux de Goos et Koenemann en Allemagne de Millet en France dans l'entre-deux-guerres.

Néanmoins de tous temps la catégorie des MDB est resté très minoritaire. Ainsi en l'année 2000, sur 902 variétés enregistrées, seules 9 étaient des MDB ! Et ils n'étaient que 13 en 2010 sur un total de 1342... C'est un peu plus riche depuis quelques temps mais cela reste une catégorie très confidentielle, ainsi ils ne sont encore que 13 en 2013. Néanmoins, elle a toujours intéressé les plus grands obtenteurs et, comme les autres, les MDB bénéficient d'une médaille catégorielle, la Caparne-Welsh Medal. Son attribution remonte à 1950 et elle est chaque année disputée par les hybrideurs les plus renommés. Ainsi Ben Hager l'a-t-il obtenue cinq fois, Melba Hamblen, quatre fois. Elle porte les noms de deux pionniers de la catégorie : John Caparne (1855/1940), un anglais à qui l'on attribue la création des premiers MDB, et Walter Welch (1887/1980), un américain qui leur a consacré sa vie d'hybrideur.

Ce qui fait le charme des MDB c'est évidemment leur petite taille, mais aussi leur précocité (ils fleurissent chez nous dès la mi-mars) et la grande variété de leurs coloris. De plus, quand on s'est décidé à les cultiver on s'aperçoit qu'ils sont absolument rustiques, qu'ils poussent vite et en abondance et qu'une fois installés ils ne requiert pour ainsi dire aucun soin. Avec de telles qualités on se demande pourquoi on ne les plante pas plus souvent. Mais ce qui fait leur intérêt est aussi leur faiblesse : ils sont bien discrets et on les oublie une fois leur floraison terminée puisqu'ils sont supplantés par des fleurs autrement spectaculaires !

Alors ? Les MDB ont-ils un avenir ? Au vu de leur maintien dans la hiérarchie des iris depuis des décennies, sans croître en nombre mais sans disparaître, on peut répondre par l'affirmative, même si leur côté confidentiel ne plaide pas en faveur de leur pérennisation. Par exemple, en 2019, il y a eu 3965 en faveur de grands iris pour l'attribution des Awards of Merit, 824 en faveur de SDB et seulement 144 en faveur de MDB. Quant aux votes pour les médailles catégorielles, il y a eu 951 voix pour un TB, et 135 pour un MDB, ce qui est remarquable. La Caparne-Welch Medal attribuée à 'Beetlejuice' (Paul Black, ) n'est donc pas usurpée. Il faut quand même reconnaître qu'en dehors des Etats-Unis, la catégorie des MDB est très peu représentée. Pendant les années 1990/2000, Lawrence Ransom et son ami Jean Peyrard ont proposé des MDB originaux, mais ils n'étaient ni l'un ni l'autre préoccupés par des questions économiques et ne travaillaient que par passion. A l'heure actuelle, il existe un groupe d'hybrideurs ukrainiens, sous la conduite de Galina Shevchenko, qui crée de nouvelles variétés à partir de I. pumila mais elles ne sont pas diffusées hors de leur pays d'origine de sorte que l'on ne peut se faire aucune idée de leur valeur. Aux Pays-Bas, Loïc Tasquier, amoureux des iris nains, a enregistré quelques amusantes variétés. En Pologne Robert Piatek a commis un petit iris jaune... Et c'est à peu près tout !

Inutile de préciser qu'il n'y a aucun marché pour cette catégorie d'iris nains. D'ailleurs, en France, lorsqu'il y en a au catalogue d'un pépiniériste, ils sont vendus sous l'appellation générique de « iris nains »... Leur commercialisation est donc pour ainsi dire inexistante de sorte que leur avenir problématique en dehors de l'intérêt que leur porte quelques fanatiques. Ils ont beau être petits, mais costauds, les MDB n'ont pas réussi à s'imposer.

Illustrations : 


'Arsenic' (L. Tasquier, 2018) 


'Beetlejuice' (P. Black, 2013) 


'Chubby Cherub' (T. Aitken, 1986) 


'Passion Bleue' (j. Peyrard, 1995) 


'Quota' (L. Ransom, 2007)

17.1.20

LA FLEUR DU MOIS

‘Rhonda Fleming' (Ron Mullin, 1992) 
'Go Around' X 'Laced Cotton' 

Voici une variété qui n'a pas fait beaucoup parler d'elle dans notre pays, mais qui a eu une carrière remarquable aux USA. Si on en parle ici aujourd'hui, c'est parce que son obtenteur, décédé en août dernier, a fait l'objet, ce trimestre, d'une longue chronique dans le Bulletin de l'AIS. Et aussi parce que, à mon avis, 'Rhonda Fleming' est un des plus jolis plicatas de la fin du siècle dernier.

Il faut peu de chose pour faire d'une variété qui aurait pu passer inaperçue une fleur qui attire l'oeil et truste les récompenses. C'est ce qui arrive avec 'Rhonda Fleming'. Des plicatas bleu-mauve il y en a des centaines. C'est déjà une performance que l'un d'eux réussisse à se sortir de l'anonymat. 'Rhonda Fleming' a fait mieux, il a suivi un parcours sans faute dans la carrière des honneurs, obtenant son HM dans les deux ans de son introduction sur le marché, et son AM deux ans plus tard, avant de parvenir au plus haut niveau encore deux ans après, et de décrocher la Wister Medal, plus haute récompense catégorielle pour un grand iris. Cela en dit long sur les qualités de cette plante décrite de la façon suivante : « Pétales au centre blanc devenant lilas vers les bords ; bras des styles d'un lilas plus foncé ; sépales blancs bordés d'un net liseré lilas ; barbes blanches. » Cela ne dit pas que les sépales, très larges, se tiennent proches de l'horizontalité et que l'ensemble de la fleur est délicatement ondulé. De nombreux boutons complètent le décor et garantissent une longue période de floraison. Et puis il y a ce je ne sais quoi de plaisant dans cette fleur qui la tire de l'ordinaire. Ajoutons que, originaire de l'Oklahoma, région au climat violent, cette plante est résistante et robuste. Sa dédicataire, l'actrice et chanteuse Rhonda Fleming peut être satisfaite d'avoir été choisie pour le nom de baptême de cette fleur, et elle a bien fait d'accepter cette dédicace.

Comme celui de toutes les autres obtention de Ron Mullin, celui de 'Rhonda Fleming' est tout simple et facile à lire. Son parent féminin, 'Go Around' (Mary Dunn, 1982) lui apporte sa qualité de plicata et un indéniable air de famille. 'Laced Cotton' (Schreiner, 1978), l'autre parent, est une variété mondialement connue et appréciée pour la pureté de son coloris blanc et ses qualités végétatives. C'est un des iris les plus utilisés en hybridations pendant les années 1980/90 (environ 140 descendants directs enregistrés) ; c'est notamment la variété fétiche de Ladislas Muska et de plusieurs obtenteurs pionniers de l'ancien bloc de l'Est parce que par bonheur cet iris avait pu être introduit dans l'univers impénétrable de derrière le Rideau de Fer.

Pour ce qui concerne sa propre descendance, il est à noter que seulement trois hybrideurs en ont fait usage. Avec une attention particulière pour Graeme Grosvenor, le grand obtenteur australien, qui en a fait un usage remarquable et obtenu pas moins de sept nouvelles variétés.

 Comme je l'ai fait remarquer au début de cette chronique, en France 'Rhonda Fleming' n'a pas été bien distribué. On ne doit le trouver que dans de très rares jardins, et il n'a pas beaucoup inspiré nos hybrideurs nationaux puisque seul Gérard Madoré en a fait usage, et obtenu son plicata 'Gwenegan' (2007). Cela ne rend pas justice à un iris plein de qualités.

Illustrations : 

'Rhonda Fleming' 


'Go Around' 


'Laced Cotton' 


'Elizabeth Macquarie' (Grosvenor, 2009) (Zip It Up X Rhonda Fleming) 


'Morskoy Priboy' (Volfovitch-Moler, 1997) (Pink Sleigh X Laced Cotton ) 

'Gwenegan' (Madoré, 2007) (Rhonda Fleming X Rock Star )

QUEL JARDIN D'IRIS ?

Quand il a été décidé de créer un jardin d'iris à Champigny sur Veude, près de Chinon, s'est posé la question de la disposition des plantes à installer. Au début, les organisateurs avaient songé à un plan élégant et symbolique : un jardin en forme de fleur de lys. Mais très vite se sont posées des questions pratiques qui ont fait douter de la pertinence du choix. La première remarque a concerné l'accessibilité des plantes situées au centre de la fleur de lys. En effet à cet endroit cela pouvait constituer une « épaisseur » de plusieurs mètres, ce qui aurait obligé les personnes chargées du désherbage, puis, après la floraison, de l'enlèvement des tiges défleuries, à pénétrer entre les touffes et à agir dans une position inconfortable et dangereuse pour les plantes qui risquaient d'être écrasées. La seconde visait la tonte de l'herbe entourant le massif : faire circuler la tondeuse en suivant des courbes sinueuses présentait bien des difficultés ! Enfin une troisième objection est apparue : pour les visiteurs, les variétés situées au centre de la fleur de lys allaient se trouver bien loin de leur regard et, de ce fait, d'un intérêt négligeable, d'autant plus que la disposition tortueuse du cheminement autour de l'ensemble n'allait pas inciter à effectuer un circuit complet. En revanche le risque d'enjambement, si souvent fatal aux hautes tiges chargées de fleurs était à peu près négligeable du fait de la massivité de la présentation. En fin de compte c'est une présentation beaucoup plus simple qui a été retenue. De longues bordures parallèles, séparées par de larges allées engazonnées donneraient une impression d'espace. Au fond du jardin une bordure perpendiculaire délimiterait la plantation tout en laissant une allée spacieuse entre la bordure d'iris et la haie basse située sur la rive du petit ruisseau marquant le fond du jardin. Une largeur des bordures limitée à environ 1,5m serait suffisamment dissuasive pour les adeptes de l'enjambement. Enfin cela réservait beaucoup d'espace pour les futures extension du jardin.

Ces dispositions se sont montrées excellentes et dès la deuxième année de plantation lorsque le jardin a été ouvert au public pour la première fois, les visiteurs – fort nombreux – ont ressenti une impression d'ampleur et de richesse qui a suscité leur enthousiasme. A l'usage un autre avantage s'est révélé : quand il faudra déplacer les iris, il suffira de les replanter dans les actuelles allées et de transférer celles-ci dans les actuelles plates-bandes.

Ce plan a été possible parce qu'on se trouvait sur un terrain absolument plat et dans un espace suffisamment vaste. Car la configuration du terrain doit être pris en compte lors du dessin du plan de plantation.

Au Parc Floral de Vincennes, dans l'espace alloué au concours biennal Franciris, également plat, une disposition assez différente a été adoptée. Des bordures étroites, en arc de cercle, s'imbriquent comme des pétales de rose sur le gazon environnant. Cela donne un plan harmonieux mais mieux adapté à une plantation réduite (une centaine de touffes) qu'à une collection importante comme à Champigny. L'étroitesse des bordures est par ailleurs une facilitation des enjambements pour passer d'un bord à l'autre, avec tous les risques de bris des tiges, mais dans ce cas précis les visiteurs sont relativement peu nombreux et ce sont en général des personnes qui ont conscience du danger et du respect des plantes en compétition, ce qui restreint les dégâts potentiels. Ailleurs dans le parc deux types de plantation ont été choisis : dans la partie réservée aux iris anciens, ce sont de longues plate-bandes sinueuses qui autorisent un examen minutieux des fleurs ; pour la collection générale, les touffes sont disposées selon un plan qui suit les ondulations du terrain ; les fleurs sont moins accessibles mais cela n'est pas vraiment gênant.

Toute autre est la disposition du jardin d'iris de Florence, là où se déroule le fameux concours annuel. Il s'agit d'une ancienne oliveraie, qui dévale la pente de San Miniato. De larges allées parcourent le parc, soit en un mouvement perpendiculaire à la colline et donc sans relief, soit dans le sens de ruissellement et par conséquent plus pentu. Des restanques de largeur variable ont été aménagées, abritées par les oliviers, qui s'étagent le long des allées en pente, sur lesquelles les iris sont plantés et présentés aux visiteurs. Cela donne un aspect très naturel, un peu sauvage, très original et agréable. Mais on n'a pas une vue d'ensemble, et c'est donc moins spectaculaire qu'un jardin horizontal et dégagé. A noter que sous le chaud soleil de Toscane, la présence des oliviers, au feuillage peu dense, n'est pas une gêne mais au contraire un avantage, aussi bien pour les plantes que pour les visiteurs.

Autre jardin d'iris que je connais bien, celui du Parc de la Baujoire à Nantes. Là aussi la plantation profite de la pente du terrain. Les variétés sont disposées soit en vastes espaces profonds où les variétés les plus éloignées de l'allée ne sont accessibles qu'aux jardiniers du parc, ce qui nuit au côté pédagogique de l'exposition, soit en petits massifs convexes, dans le style habituel des jardins publics. Le parc est pittoresque et joliment arrangé, mais en ce qui concerne les iris, les amateurs restent sur leur faim : c'est un agencement grand public destiné à des visiteurs qui apprécient le coup d’œil général plus que le côté didactique de l'exposition, ce que l'on s'attendrait à trouver dans un jardin botanique.

Il y a longtemps que je ne suis pas allé au Parc de la Source à Orléans. Je ne sais donc pas comment il se présente actuellement, mais je me souviens d'une disposition qui se voulait révolutionnaire. Les touffes d'iris étaient implantées dans de gros troncs d'arbre hissés à hauteur d'homme, de sorte que le regard ne se portait le plus souvent que sur le dessous des fleurs, ce qui n'est pas, admettons-le, l'angle le plus favorable pour admirer des iris ! De plus, les plantes, disposées hors sol, dans un substrat restreint, poussaient difficilement, avec de maigres floraisons. A mon avis, une hérésie.

Orléans mis à part, ces différents types de jardin ont chacun leur intérêt. Un jardin de collectionneur doit mettre en valeur les variétés exposées de manière que les visiteurs puissent en toute facilité examiner les plantes sous tous les angles, tandis qu'un jardin pour le grand public doit tabler davantage sur le côté spectaculaire auquel les iris se prêtent tellement bien.

 Et ce côté spectaculaire sera accru par la répartition des couleurs de fleurs. Le plus souvent les débutants imaginent que créer des camaïeux de fleurs de couleurs voisines sera la bonne solution. En fait c'est à la fois difficile à réaliser harmonieusement, et de nature à provoquer des confusions lors de l'identification des touffes. En effet s'il est assez facile d'associer des variétés unicolores, l'affaire se corse avec les iris bi ou multi colores. De plus cela pose une vrai colle au moment de l'extension de la collection : que faire des nouveaux venus ? Par ailleurs, deux variétés de couleurs proches qui se trouvent côte à côte vont un jour ou l'autre se rejoindre, et lorsqu'il s'agira de les transplanter, les confusions seront à peu près inévitables. A mon avis une telle disposition ne se justifierait qu'en cas de plantation par petits massifs isolés, en compagnie d'autres fleurs. Ces différents inconvénients plaident en faveur d'une plantation en ordre aléatoire. On plante les différentes variétés sans se préoccuper de leurs couleurs. Faut-il alors craindre un aspect disparate ? Eh bien non ! Il y a longtemps que cette méthode est pratiquée, en particulier à l'occasion des concours internationaux, et les résultats ne déçoivent jamais. Au contraire ! L'impression qui ressort d'un jardin ainsi disposé est celle d'une richesse voluptueuse tout à fait ravissante.

 Pour en terminer avec ce sujet, un mot des champs d'iris, comme on en voit en Toscane. C'est quelque chose qui a un autre but que celui du jardin d'iris traditionnel ou de la collection d'un fanatique, mais qui au final se révèle superbe : une longue pente fleurie de ce bleu inimitable est un spectacle enthousiasmant et qui ne s'oublie pas.

Illustration : 




Jardin d'iris de Champigny. 

Au Parc de la Baujoire à Nantes. 

Champ d'iris. 


Bordure variée

10.1.20

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissées au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé d'en attribuer trois par an. 

 Notre feuilleton photographique illustre toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2013 

Un nouveau luminata s'est imposé ; il y en aura d'autres...

 'Absolute Treasure' (Richard Tasco, R. 2005) 'Sudden Impact' X 'Color Me Blue'. 


 'Elizabethan Age' (Lowell Baumunk, R. 2005) ('Cheating Heart' x ('Prize Drawing' x 'Flights Of Fancy')) X 'County Of Kent'. 


 'Ink Patterns' (Thomas Johnson, R. 2007) 'American Classic' X 'Royal Estate'.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Roger Duncan

L'hybrideur Roger Duncan est mort subitement cette semaine... C'était une personne très discrète et un obtenteur confidentiel (seulement huit variétés à son actif), mais un véritable artiste. Cela se reflétait dans ses obtentions : toutes de très bon goût et d'une classe remarquable. Il a travaillé seulement sur deux coloris : une extension du modèle distallata et, surtout, un noir profond et majestueux.

Avec Richard Tasco il gérait la pépinière Superstition Iris Garden, en Californie.

Ses variétés sont bien connues et appréciées en France. On les trouve dans plusieurs pépinières.


'Hollywood Nights' (2000)

'All Night Long' (2004)

'Arctic Burst' (2008)

'One More Night' (2010)

'Brainstorm' (2012)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Perfection formelle

Quand je regarde la photo ci-jointe de 'Fan Letter' (Ghio, 2018) j'ai l'impression d'être devant une fleur d'iris formellement parfaite. Tout y est : la forme générale de la fleur, la couleur, l'ampleur des sépales, la dentelle des pétales, les ondulations, bref tout ce qui fait qu'à une fleur comme cela je donne sans hésiter un 10/10, pour peu que la photo ne donne pas une image idéalisée. Pour la fleur, certes, mais il faut aussi voir le reste de la plante pour émettre un jugement complet.

UN PRIX À ÉCLIPSES

Tout le monde ne le sait pas, mais il n'y a pas qu'une Médaille de Dykes. On parle généralement de la Médaille de Dykes américaine, considérée comme le championnat du monde des iris, mais on oublie qu'il en existe actuellement trois autres. Toute cette quincaillerie est fournie par la BIS (British Iris Society), qui fut la première société iridophile au monde, du temps où l'iridophilie anglaise tenait le haut du pavé et assurait la promotion de son activité à travers le monde. Elle a donc mis en place un système de récompense destiné à créer de l'émulation entre les hybrideurs. Ce système a d'abord été agencé pour la Grande-Bretagne elle-même. Et cela a commencé en 1927. Au même moment une seconde médaille était instituée pour les Etats-Unis et l'année suivante il y en eut une pour la France. Ainsi les trois grands pays de l'iris dans le monde à cette époque avaient leur récompense, généreusement financée par la Grande-Bretagne.

Le système s'est avéré excellent dans les pays anglo-saxons où l'esprit de compétition fait partie de la mentalité générale. C'est pour cela que quatre-vingt-douze ans plus tard cela fonctionne toujours très bien en Amérique, un peu moins bien en Grande-Bretagne, faute de combattants, mais plus du tout en France où, d'ailleurs, cela n'a jamais bien marché. Pour preuve, jusqu'en 1938 qui fut la dernière année d'attribution de la médaille, avant les bouleversements de la grande conflagration qui s'annonçait, il n'y eut jamais qu'un attributaire de cette décoration : Ferdinand Cayeux (correctif, ce n'est pas l'obtenteur qui est récompensé mais la variété elle-même). Certes Ferdinand Cayeux dominait alors le monde des iris français, mais tout de même ses confrères ne produisait pas que des choses insignifiantes : le tétraploïde 'Dr Chobaut' (Fernand Denis, 1925), le variégata 'Coryphée' (Vilmorin, 1931), le bleu 'Souvenir de Laetitia Michaud' (Millet, 1923) auraient très bien mérité d'être récompensés.

Pour que le système fonctionne bien il faut d'une part qu'il y ait suffisamment de concurrents, d'autre part suffisamment de juges qualifiés et accrédités, enfin suffisamment de jardins agréés où les plantes pourront être évaluées. Aux Etats-Unis, ces trois conditions sont réunies (on peut même craindre aujourd'hui qu'il y ait un trop grand nombre de variétés en compétition). Les iris suivent un cursus rigoureux avec éliminations comme dans un tournoi de tennis, les juges reçoivent une formation et une accréditation officielle de l'AIS, de nombreux jardins, par tout le pays abritent les plantes en concours. La médaille a donc une valeur incontestable. Ailleurs tout cela est beaucoup moins certain, même en Grande-Bretagne, pays créateur du concept. Actuellement, outre Manche, ce sont les iris qui font le plus défaut, de sorte que l'attribution de la médaille est souvent impossible. Pae exemple, entre 1991 et 2008, il n'y a eu que huit lauréats, dont deux non-britanniques. On peut parler de médaille à éclipses.

Soucieuse de ce qui intéresse les iris dans les pays anglophones, la BIS a offert à partir de 1985 une nouvelle Médaille de Dykes, destinée aux variétés australiennes et néo-zélandaises. Ce fut un véritable succès : pas une seule fois elle n'a pas été attribuée. Cependant la compétition peut paraître biaisée puisque depuis 1992 ce sont les deux beaux-frères John C. Taylor et Graeme Grosvenor qui ont toujours triomphé, et quand on sait que le principal obtenteur australien est sans conteste Barry Blyth, que ses iris sont encensés partout dans le monde et qu'il n'a reçu la médaille qu'une seule fois (en 1986, pour 'Sostenique'), on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a une anomalie, justifiée, hélas, par la non-participation de B. Blyth à cette compétition! Quant aux variétés néo-zélandaises, elles n'ont été récompensées qu'à deux reprises : 1994, pour et 1996 pour . Cette situation est à l'origine de la « sécession » de la Nouvelle-Zélande qui, dès 1992, a obtenu sa propre Médaille de Dykes, laquelle a été attribuée pour la première fois en 1995.

Voici donc une quatrième Dykes Medal à la charge de la BIS !

Si, à propos de la médaille britannique, on a pu parler de médaille à éclipses, ce qualificatif est encore plus justifié pour la médaille néo-zélandaise. Celle-ci en effet n'a pu être délivrée que quatre fois depuis sa création ! Le mécanisme d'attribution n'est pas très compliqué et pourrait sûrement être appliqué dans un autre pays. Tout iris originaire de Nouvelle-Zélande reçoit un numéro d'enregistrement qui lui servira tout au long de son parcours en compétition. Les obtenteurs qui veulent faire concourir leurs variétés doivent les envoyer aux trois jardins agréés (trois variétés au maximum par année de compétition). Dans ces jardins l'appréciation des iris se fait sur trois ans mais ce n'est qu'à partir de la deuxième année qu'ils sont examinés par un panel de trois juges qui passent dans les jardins autant de fois qu'ils le veulent. Les notes attribuées sont soumises à un coordinateur qui calcule les moyennes et retient les deux meilleures pour le classement final. Pour obtenir la DM il faut qu'un compétiteur ait obtenu au moins 80 points. Ce résultat semble ne pas être facile à atteindre puisque jusqu'à présent il n'y a eu que quatre lauréats :

1995 : 'Emma Ripeka'(SIB) (F. Love, 1990)
 2005 : 'Salute d'Amour'(TB) (S. Spicer, 2001)
2012 : 'Norma of Irwell'(TB) (R. Busch, 2008)
2014 : 'Atavus'(TB) (A. Nicoll, 2006).

Le constat qui vient d'être fait peut-il encourager d'autres pays à tenter de créer leur propre Dykes Medal ? Si l'on veut se contenter d'une attribution épisodique, pourquoi pas ? Mais pour la désignation d'un vainqueur chaque année, je ne vois aucun pays qui soit en mesure de réaliser cette performance, sauf peut-être la Russie mais avec le handicap de son immensité géographique. On pourrait imaginer néanmoins une compétition analogue au niveau européen. A condition que les organismes coordinateurs de chaque pays participant se mettent d'accord sur les conditions de participation, le nom des juges, la désignation des jardins-test, le nom du centralisateur … C'est beaucoup de conditions pas faciles à réunir !

Il n'y a donc guère de chances qu'un jour la BIS soit obligée d'offrir une cinquième médaille. Je serais, quant à moi, plus favorable à une ouverture au plan mondial de la Dykes Medal américaine, dans des conditions à définir avec l'AIS. Mais ce ne serait pas une négociation facile car il est vraisemblable, et légitime, que les Américains ne tiendraient pas à partager leur hégémonie.

ILLUSTRATIONS : 


'Sostenique' 


'Salute d'Amour' 


'Norma of Irwell' 

'Atavus'

3.1.20

WISTER MEDAL (un sommet pour les grands iris)

Pendant longtemps les grands iris (TB) n'ont pas eu de médaille spécifique ! On considérait que la Dykes Medal était pour eux et qu'ils n'avaient donc pas besoin d'être autrement distingués. Mais à partir du jour où les autres catégories d'iris se sont hissées au plus haut niveau l'anomalie est devenue flagrante et pour les TB a été créée la « John C. Wister Medal ». Elle n'existe que depuis 1992. Au début elle était distribuée à un seul exemplaire, ce qui, compte tenu du nombre de TB enregistrés chaque année, en faisait une relative rareté. Mais depuis 1998 l'AIS a décidé d'en attribuer trois par an. 

Notre feuilleton photographique illustre toutes les variétés qui ont reçu cette ultime médaille. 

2012

Après les surprises des années précédentes, on fait une pose dans les nouveautés : rien que du traditionnel.



'Gypsy Lord' (Keith Keppel, R. 2005) 'Last Laugh' X ('Braggadocio' x 'Romantic Evening'). 


'Kathy Chilton' (Frederick Kerr, R. 2005) 'Lena Baker' X 'Next Millennium'. 


'Chief John Jolly' (Tom Parkhill, R. 2002) 'Instructor' X 'Momentum'.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Australie for ever ? 

Il faut se faire à cette idée : l'Australie, qui a été pendant un demi-siècle un des hauts lieux de l'univers des grands iris , est en train de disparaître de notre horizon. Barry Blyth a rangé ses brucelles et ses derniers croisements sont en observation en Oregon, bientôt on ne verra plus son nom dans les listes d'enregistrement des nouvelles variétés. Quant à Graeme Grosvenor, c'est un octogénaire toujours en activité, certes, mais dont on imagine qu'il devra s'arrêter un jour prochain, comme tout le monde...

On ne voit pas encore se pointer un successeur à ces deux grandes figures car John C. Taylor, le beau-frère de Grosvenor, qui s'est mis aux TB ces dernières années, est davantage un champion des iris de Louisiane, la grande spécialité des Australiens. Mais sans doute existe-t-il dans ce grand pays des gens dont le talent se révèlera un jour prochain...

RÉCAP

Au moment de tourner la page de l'année 2019, il est temps de récapituler les récompenses distribuées dans les différentes compétition du petit monde des iris.

USA :

Dykes Medal : TB 'Bottle Rocket' (Michael Sutton, 2009)
Wister Medal : 'Autumn Explosion' (Richard Tasco, 2013) 'Daring Deception' (Thomas Johnson, 2012) 'Insaniac' (Thomas Johnson,2012)
Walther Cup : AB 'Perry Dyer' (Paul Black, 2017)
President's Cup : 'Autumn Explosion' (Richard Tasco, 2013)
Franklin-Cook Cup : 'Rise Like a Phoenix' (Paul Black, 2017)

 EUROPE : 

Italie -
Fiorino d'oro : 'Chachar' (Zdenek Seidl, 2013)

France –
Prix Philippe de Vilmorin : 'My Red Drums' (Martin Balland, 2016)

Allemagne –
Compétition Internationale de Munich : 'Enraptured' (Schreiner's, 2016)

Grande Bretagne –
British Dykes Medal : 'Hever Castle' (Olga Wells, 2011)

RUSSIE :

Moscou
(Compétition Internationale 2018) 'But Darling' (Schreiner's, 2016)

Krasnodar
(Compétition Nationale 2018) 'Timka' (S. Zavizionova, 2015)

AUSTRALIE :

ISA Medal Award 2018 : 'Marie's Love' (Graeme Grosvenor, 2011)

DE DERRIÈRE LES FAGOTS

C'est par cette expression que l'on qualifie quelque chose d'une qualité exceptionnelle. Déboucher une bouteille « de derrière les fagots » est en principe la garantie d'un régal annoncé. Mais il n'y a pas que des espérances de dégustations délicieuses qui peuvent sortir de derrière ces fameux fagots sensés protéger des vulgaires gourmands des produits d'exception. Derrière ces fagots on peut aussi trouver des iris admirables. Et c'est au sens propre que l'on doit prendre l'expression quand on parle de cette plante qu'un jour d'il y a une vingtaine d'années j'ai découvert en bordure d'un inextricable fourré de ronces, sur le coteau, au-dessus de chez moi. Dans ma Touraine bien aimée, ces sortes de fourrés, témoignages d'un sol aride, se rencontrent là où l'amendement du sol au début du XXe siècle n'a pas eu lieu et où l'on retrouve ce qu'était la région quand, sur les coteaux, on ne pouvait que faire paître des chèvres qui étaient seules à pouvoir se nourrir de ces ronces envahissantes et agressives. Si ces fourrés ont été conservés, c'est aux endroits où ils isolent de vastes cratères creusés pendant des siècles et jusqu'au milieu du XIXe, sur une dizaine de mètres de profondeur, pour l'extraction de pierres destinées à la construction. Ces cratères sont dangereux et les ronciers ont le mérite d’empêcher hommes et animaux de s'en approcher.

 Je n'étais encore qu'un amateur d'iris, plutôt intéressé par les variétés modernes, quand j'ai vu auprès d'un de ces trous une touffe vigoureuse de couleur café au lait peu courante, manifestement robuste et résistante. Ces trois arguments m'ont convaincu qu'il fallait sauver cette plante et tenter de l'identifier. Je suis retourné à la maison, j'ai pris un croc à fumier et je suis revenu près du roncier. J'ai péniblement dégagé la touffe d'iris et je l'ai délicatement sortie de là. On était au mois de mai qui n'est pas idéal pour transplanter des iris. Cette fois, la touffe en question ne s'est pas aperçue de son transfert ! Elle a poursuivi sa floraison pendant encore plus d'une semaine et a continué sa vie dans mon jardin pendant de longues années.

Mais comment s'appelait-elle ? A l'époque je ne connaissais pas grand chose des variétés anciennes. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait de 'Beghina', une variété déjà présente dans mon jardin, d'une couleur assez voisine. Mais une comparaison sur le sujet (comme on dit dans le langage des artistes-peintres) m'a démontré que je n'étais pas dans le vrai. Je me suis alors penché sur les descriptions concernant les variétés de Ferdinand Cayeux dont je disposais dans un vieux numéro du « Bulletin de la Société d'Horticulture de France ». J'ai hésité entre la description de 'Jean Cayeux' (1931) et celle de 'Thaïs' (1926). Celle ci était : « rose mauve très frais légèrement plus foncé sur les divisions inférieures ». J'avais aussi une photo ancienne laissant à penser à un coloris plus gris que rose... Cependant la description de 'Jean Cayeux' m'a tout de suite parue plus proche de la réalité que j'avais sous les yeux : « divisions supérieures biscuit, les inférieures havane légèrement éclairées au centre ». Mes hésitations ont vite été levées quand j'ai découvert, je ne sais plus où, une photo en couleur ! J'avais récupéré 'Jean Cayeux', une variété dont j'apprenais l'immense succès international et les mérites génétiques. 'Jean Cayeux' est en fait une variété facile à identifier, car pratiquement seule de son aspect dans tout le monde des iris. Sa couleur, exceptionnelle pour son époque, et sa haute taille, ne peuvent tromper aucun connaisseur.

 La présence d'une fleur aussi précieuse dans un grossier buisson de ronces fait partie des mystères (ou des miracles, comme on veut). En tout cas elle permet de décerner à cet iris le grand prix de la robustesse !

En ce qui concerne son pedigree, on sait que 'Phryné' (F. Cayeux, 1925), sa mère, est décrite comme un néglecta lavande, avec un liseré argenté sur les pièces florales. Il est issu du croisement Mme Durrand X Lord of June. 'Mme Durrand' (Denis, 1912, est un descendant de I. ricardi, un des premiers tétraploïdes utilisé en hybridation. Quant à 'Lord of June' (Yeld, 1911), c'est aussi un tétraploïde, issu de 'Amas', néglecta bleu. 'Phryné' est donc bel et bien un iris tétraploïde.

On ne connaît évidemment pas le parent mâle de 'Jean Cayeux' puisqu'il s'agit d'un semis non enregistré. En revanche on connaît ses grands parents. Côté femelle il y a 'Bruno' (Bliss, 1922) est un fils du fameux 'Dominion', variété mythique, et lui-aussi tétraploïde, par son géniteur mâle, 'Amas' (ou I. macrantha, c'est pareil). Côté mâle il y a 'Evolution' (F. Cayeux, 1929), un des plus jolis iris « façon ancienne » obtenu par Ferdinand Cayeux, apprécié pour ses couleurs délicieuses où se mêlent un fond gris rosé et une zone gorge de pigeon très doux sur les sépales. Avec une telle parenté, 'Jean Cayeux' est indéniablement un iris tétraploïde, ce qui saute aux yeux à cause de sa haute taille et de ses larges fleurs.

Si cette variété est robuste, on peut aussi lui attribuer le grand prix de la fertilité. Car, justement, ses caractéristiques exceptionnelles ont attiré la convoitise des hybrideurs américains qui en ont fait un usage abondant et couronné de succès. Parmi ces utilisateurs se trouvent Jesse Wills ('Centurion' – 1949), Malcolm Lowry (Aberdeen – 1946), Jacob Sass ('Ivory Petals' – 1952), Chet Tompkins (Sonatine – 1946), Robert Graves (Katherine Larmon – 1941), et, surtout, Dave Hall ('Maiden Blush' – 1943 ; 'Fantasy' – 1947) et Rudolph Kleinsorge (Calcutta – 1938) ; 'Tobacco Road' – 1941 ; 'Black and Gold' – 1943 ; 'Daybreak' – 1946). Ses partenaires ont été des variétés de renom comme 'Purissima', 'Rameses', 'Aztec Copper', 'Dauntless' ou 'Great Lakes'. Avec eux, et plus particulièrement grâce à 'Tobacco Road' son ADN se trouve dans les gènes d'un très grand nombre d'iris d'aujourd'hui.

Tout cela, je ne le savais évidemment pas lorsque j'ai sauvé des ronces cet iris étrange et majestueux. Je ne sais pas s'il a survécu à son transfert dans le jardin du presbytère de Champigny où il se trouve peut-être maintenant. Mais sa mésaventure tourangelle et les tribulations qu'elle laisse imaginer l'entourent d'une aura particulière qui en font une variété particulièrement chère à mon cœur.

Illustrations : 


 'Jean Cayeux' 


'Thaïs' 

'Lord of June' 

'Tobacco Road'