17.1.20

QUEL JARDIN D'IRIS ?

Quand il a été décidé de créer un jardin d'iris à Champigny sur Veude, près de Chinon, s'est posé la question de la disposition des plantes à installer. Au début, les organisateurs avaient songé à un plan élégant et symbolique : un jardin en forme de fleur de lys. Mais très vite se sont posées des questions pratiques qui ont fait douter de la pertinence du choix. La première remarque a concerné l'accessibilité des plantes situées au centre de la fleur de lys. En effet à cet endroit cela pouvait constituer une « épaisseur » de plusieurs mètres, ce qui aurait obligé les personnes chargées du désherbage, puis, après la floraison, de l'enlèvement des tiges défleuries, à pénétrer entre les touffes et à agir dans une position inconfortable et dangereuse pour les plantes qui risquaient d'être écrasées. La seconde visait la tonte de l'herbe entourant le massif : faire circuler la tondeuse en suivant des courbes sinueuses présentait bien des difficultés ! Enfin une troisième objection est apparue : pour les visiteurs, les variétés situées au centre de la fleur de lys allaient se trouver bien loin de leur regard et, de ce fait, d'un intérêt négligeable, d'autant plus que la disposition tortueuse du cheminement autour de l'ensemble n'allait pas inciter à effectuer un circuit complet. En revanche le risque d'enjambement, si souvent fatal aux hautes tiges chargées de fleurs était à peu près négligeable du fait de la massivité de la présentation. En fin de compte c'est une présentation beaucoup plus simple qui a été retenue. De longues bordures parallèles, séparées par de larges allées engazonnées donneraient une impression d'espace. Au fond du jardin une bordure perpendiculaire délimiterait la plantation tout en laissant une allée spacieuse entre la bordure d'iris et la haie basse située sur la rive du petit ruisseau marquant le fond du jardin. Une largeur des bordures limitée à environ 1,5m serait suffisamment dissuasive pour les adeptes de l'enjambement. Enfin cela réservait beaucoup d'espace pour les futures extension du jardin.

Ces dispositions se sont montrées excellentes et dès la deuxième année de plantation lorsque le jardin a été ouvert au public pour la première fois, les visiteurs – fort nombreux – ont ressenti une impression d'ampleur et de richesse qui a suscité leur enthousiasme. A l'usage un autre avantage s'est révélé : quand il faudra déplacer les iris, il suffira de les replanter dans les actuelles allées et de transférer celles-ci dans les actuelles plates-bandes.

Ce plan a été possible parce qu'on se trouvait sur un terrain absolument plat et dans un espace suffisamment vaste. Car la configuration du terrain doit être pris en compte lors du dessin du plan de plantation.

Au Parc Floral de Vincennes, dans l'espace alloué au concours biennal Franciris, également plat, une disposition assez différente a été adoptée. Des bordures étroites, en arc de cercle, s'imbriquent comme des pétales de rose sur le gazon environnant. Cela donne un plan harmonieux mais mieux adapté à une plantation réduite (une centaine de touffes) qu'à une collection importante comme à Champigny. L'étroitesse des bordures est par ailleurs une facilitation des enjambements pour passer d'un bord à l'autre, avec tous les risques de bris des tiges, mais dans ce cas précis les visiteurs sont relativement peu nombreux et ce sont en général des personnes qui ont conscience du danger et du respect des plantes en compétition, ce qui restreint les dégâts potentiels. Ailleurs dans le parc deux types de plantation ont été choisis : dans la partie réservée aux iris anciens, ce sont de longues plate-bandes sinueuses qui autorisent un examen minutieux des fleurs ; pour la collection générale, les touffes sont disposées selon un plan qui suit les ondulations du terrain ; les fleurs sont moins accessibles mais cela n'est pas vraiment gênant.

Toute autre est la disposition du jardin d'iris de Florence, là où se déroule le fameux concours annuel. Il s'agit d'une ancienne oliveraie, qui dévale la pente de San Miniato. De larges allées parcourent le parc, soit en un mouvement perpendiculaire à la colline et donc sans relief, soit dans le sens de ruissellement et par conséquent plus pentu. Des restanques de largeur variable ont été aménagées, abritées par les oliviers, qui s'étagent le long des allées en pente, sur lesquelles les iris sont plantés et présentés aux visiteurs. Cela donne un aspect très naturel, un peu sauvage, très original et agréable. Mais on n'a pas une vue d'ensemble, et c'est donc moins spectaculaire qu'un jardin horizontal et dégagé. A noter que sous le chaud soleil de Toscane, la présence des oliviers, au feuillage peu dense, n'est pas une gêne mais au contraire un avantage, aussi bien pour les plantes que pour les visiteurs.

Autre jardin d'iris que je connais bien, celui du Parc de la Baujoire à Nantes. Là aussi la plantation profite de la pente du terrain. Les variétés sont disposées soit en vastes espaces profonds où les variétés les plus éloignées de l'allée ne sont accessibles qu'aux jardiniers du parc, ce qui nuit au côté pédagogique de l'exposition, soit en petits massifs convexes, dans le style habituel des jardins publics. Le parc est pittoresque et joliment arrangé, mais en ce qui concerne les iris, les amateurs restent sur leur faim : c'est un agencement grand public destiné à des visiteurs qui apprécient le coup d’œil général plus que le côté didactique de l'exposition, ce que l'on s'attendrait à trouver dans un jardin botanique.

Il y a longtemps que je ne suis pas allé au Parc de la Source à Orléans. Je ne sais donc pas comment il se présente actuellement, mais je me souviens d'une disposition qui se voulait révolutionnaire. Les touffes d'iris étaient implantées dans de gros troncs d'arbre hissés à hauteur d'homme, de sorte que le regard ne se portait le plus souvent que sur le dessous des fleurs, ce qui n'est pas, admettons-le, l'angle le plus favorable pour admirer des iris ! De plus, les plantes, disposées hors sol, dans un substrat restreint, poussaient difficilement, avec de maigres floraisons. A mon avis, une hérésie.

Orléans mis à part, ces différents types de jardin ont chacun leur intérêt. Un jardin de collectionneur doit mettre en valeur les variétés exposées de manière que les visiteurs puissent en toute facilité examiner les plantes sous tous les angles, tandis qu'un jardin pour le grand public doit tabler davantage sur le côté spectaculaire auquel les iris se prêtent tellement bien.

 Et ce côté spectaculaire sera accru par la répartition des couleurs de fleurs. Le plus souvent les débutants imaginent que créer des camaïeux de fleurs de couleurs voisines sera la bonne solution. En fait c'est à la fois difficile à réaliser harmonieusement, et de nature à provoquer des confusions lors de l'identification des touffes. En effet s'il est assez facile d'associer des variétés unicolores, l'affaire se corse avec les iris bi ou multi colores. De plus cela pose une vrai colle au moment de l'extension de la collection : que faire des nouveaux venus ? Par ailleurs, deux variétés de couleurs proches qui se trouvent côte à côte vont un jour ou l'autre se rejoindre, et lorsqu'il s'agira de les transplanter, les confusions seront à peu près inévitables. A mon avis une telle disposition ne se justifierait qu'en cas de plantation par petits massifs isolés, en compagnie d'autres fleurs. Ces différents inconvénients plaident en faveur d'une plantation en ordre aléatoire. On plante les différentes variétés sans se préoccuper de leurs couleurs. Faut-il alors craindre un aspect disparate ? Eh bien non ! Il y a longtemps que cette méthode est pratiquée, en particulier à l'occasion des concours internationaux, et les résultats ne déçoivent jamais. Au contraire ! L'impression qui ressort d'un jardin ainsi disposé est celle d'une richesse voluptueuse tout à fait ravissante.

 Pour en terminer avec ce sujet, un mot des champs d'iris, comme on en voit en Toscane. C'est quelque chose qui a un autre but que celui du jardin d'iris traditionnel ou de la collection d'un fanatique, mais qui au final se révèle superbe : une longue pente fleurie de ce bleu inimitable est un spectacle enthousiasmant et qui ne s'oublie pas.

Illustration : 




Jardin d'iris de Champigny. 

Au Parc de la Baujoire à Nantes. 

Champ d'iris. 


Bordure variée

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