26.7.13

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Iris Bewertung München 2013 

 Les résultats du concours de Munich 2013 viennent d’être publiés.

Compétition allemande : 
1) ‘Heaven Hill’ (Wickenhauser, 2013)
2) semis 26/04/7 (Diedrich)
3) ‘Susanna Innerhofen Hirschmann’ (Beer, 2013)

Compétition internationale : 
1) ‘Blue Gothic’ (Dotto, Italie, 2013)
2) semis 01-45 K (Bersillon, France)
3) semis 35-05-07-1 (Paolini, Italie)

Félicitations à Michèle Bersillon, à qui le concours de Munich réussit décidément fort bien.

L'ECHELLE DE JACOB

· LA LIGNÉE DES QUATRE MÉDAILLES 

Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une lignée d’hybridation qui peut se glorifier d’avoir engendré trois titulaires de la Médaille de Dykes. Celle dont on va parler maintenant est de celles-là. C’est une lignée marquée par la persévérance des hybrideurs qui l’ont suivie, et en particulier Nathan Rudolph qui en est l’initiateur.

Mary Randall >Native Dancer > x >x >x >x > Pink Taffeta >Vanity>Beverly Sills >Anna Belle Babson
           Mary Randall > x >Fleeta >Pink Ice > x I

 Parmi les 32 possibilités, j’en ai choisi deux, toutes les deux centrée sur ‘Mary Randall’, pour arriver à une variété contemporaine.

Pourquoi choisir comme point de départ ce ‘Mary Randall’ (Fay, 1950) ? Parce qu’il s’agit d’un joli rose de Bengale à barbes minium, qui a été admiré à son époque, au point de recueillir la Médaille de Dykes, en 1954. C’est le deuxième iris rose à recevoir cette récompense. Cependant on aurait aussi bien pu partir de la génération précédente où l’on trouve ‘New Horizon’ (Fay, 1946), lui aussi rose, mais moins connu, même s’il est à l’origine d’un grand nombre d’iris remarquables.

‘Native Dancer’ (Fay, 1953) est aussi un crack de la même écurie. Il a aussi pour ancêtre ce ‘New Horizon’ dont on vient de parler et procède donc du principe de l’endogamie’ destinée à renforcer les caractère dominants.

‘Fleeta’ (Fay, 1956) est un blanc à barbes orange. ‘Pink Ice’ (Rudolph, 1960) revient à un rose dragée à barbes mandarine.

 Les générations marquées x sont en fait des semis non enregistrés, mais tous agissant dans le sens du perfectionnement recherché par Nate Rudolph. L’accomplissement des ce travail sera ‘Pink Taffeta’ (Rudolph, 1968), une variété superbe qui obtiendra sans mal la Médaille de Dykes en 1975. Il aura une foule de descendants dont ‘Vanity’ (Hager, 1975), porté aux nues dès son apparition et couronné en 1982. La persévérance de Nate Rudolph fait le bonheur de ses successeurs.

Car arrive ‘Beverly Sills’ (Hager, 1979) dont le succès sera mondial et qui continue de briller dans une multitude de jardins. Il sera le quatrième de la lignée à être honoré d’une DM.

‘Anna Belle Babson’ (Hager, 1984) continue sur la lancée de ses illustres parents et grands parents. Sans doute les juges ont-ils considéré que deux iris roses signés Hager, suffisaient à reconnaître le talent et la chance de celui-ci. Ils ont un peu négligé ‘Anna Belle Babson’ qui a pourtant toutes les qualités pour obtenir une médaille.

« ROUGE »



TROPICAL FRUIT (Paul Black, R. 1988) Sdlg. 85139A. TB, 36" (91 cm), L

Pétales vieux rose, plus clair au bord ; styles orange ocré ; Sépale couleur beurre, devenant vieux rose, bord vieux rose ; barbe orange ; léger parfum doux. Robusto X (Old Flame x Instant Charm).

Peut-on parler de rouge ? Cette variété est à la limite entre le rose orchidée foncé et le rouge brique.

IRIS EN PROVENCE : EXÉGÈSE D’UN CATALOGUE

En feuilletant ma documentation, j’ai remarqué que je possédais tous les catalogues de Iris en Provence, de 1985 à 2005. Vingt ans d’images et de rêves…

 Tous ces catalogues sont, esthétiquement, de petits chefs-d’œuvre qui jouent pleinement leur rôle : donner envie d’acheter ! Il existe beaucoup de catalogues, certains bien modestes, certains plutôt médiocres, d’autres plus ou moins luxueux. Tous reflètent la personnalité de leurs créateurs et leurs orientations commerciales. Les catalogues d’Iris en Provence me semblent les plus proches de la perfection, car non seulement ils sont riches et variés, mais encore ils ont en plus la beauté et même vingt ou trente ans après leur édition, ils restent tentateurs. Tout y est agréable : la typographie, la mise en page, pour le côté visuel ; le choix des variétés, leur description, pour le côté horticole. On sent à tout moment la patte de l’artiste qu’était Pierre Anfosso, leur créateur.

 La typographie :

 Elle n’a que peu évolué car elle était belle dès le départ. Elle n’a changé que trois fois. De 1986 à 1988 le corps des caractères est large et particulièrement lisible ; à partir de 1989 il s’amenuise parce que le contenu s’alourdit et qu’il ne faut pas multiplier le nombre de pages ; la police change au début des années 2000. Cette nouvelle période est sans doute moins agréable à lire.

 La mise en page :

Elle suit à peu près l’évolution de la typo. Dès le départ elle est claire et résolument moderne. Les pages destinées à la présentation des collections promotionnelles sont particulièrement soignées, avec un brin de fantaisie très plaisant. Curieusement elle devient plus sage et plus classique dans la formule des années 2000.

Les photos :

Toujours judicieusement choisies, elles ont quelque fois le tort d’arranger un peu la réalité pour la rendre plus attractive…

La couverture :

C’est là que s’exprime véritablement la fantaisie et la modernité qu’insuffle Pierre Anfosso à son entreprise. Chaque année d’une présentation différente, elle joue avec le graphisme et les couleurs d’une façon très raffinée. Les plus réussies ? A mon avis, celles de 1993, 1997 et 2002.

Les variétés :

Iris en Provence mise sur un renouvellement rapide de l’offre, au risque de frustrer un peu l’amateur qui, ayant fait un choix une année, ne peut bien souvent pas le compléter l’année suivante comme il en avait l’intention. Certaines variétés n’apparaissent que deux ou trois ans. Cela a l’avantage de multiplier les opportunités et d’offrir à tous moments des fleurs modernes et à la mode. Les variétés maison ont évidemment la part belle mais les iris étrangers font partie de meilleurs au monde.

Les descriptions :

Souvent les catalogues adoptent un ton dithyrambique (surtout aux USA !) pour décrire leur offre. La famille Anfosso choisit de mettre l’accent sur l’aspect artistique de la fleur. En témoigne une comparaison, prise dans les catalogues Cayeux et Anfosso de 1994 :

‘Caribbean Dream’ selon Cayeux : « Bleu vraiment bleu au nom évocateur. Larges fleurs rondes de forme parfaite et de ferme substance. Produit souvent plusieurs tiges par rhizome. Le vrai bleu est rare mais Caribbean Dream en est un exemple. Eblouissant. »

‘Caribbean Dream’ selon Iris en Provence : « Aussi limpide que l’eau des Caraïbes. Un iris bleu moyen, très bleu, à fleur ronde et large, ondulée et épaisse et à barbe blanche ; le rhizome porte parfois plusieurs tiges. »

 Les informations sont presque identiques, mais le ton est franchement différent. L’originalité est encore plus sensible lorsqu’il s’agit de décrire les variétés « maison », comme pour le portrait de ‘Douce France’ (P. Anfosso, 1988) : « L’accord bleu-rouge, celui qui se retrouve le plus dans la peinture française. »

 Se plonger de nouveau dans ces catalogues que l’on peut qualifier d’anciens est un moment de bonheur, à savourer paisiblement.

 Illustrations : 

· Couverture du catalogue 1987 (ou comment embellir la réalité) 


· Couverture du catalogue de 1993 


· ‘Caribbean Dream’ (Schreiner, 1990) 


· ‘Douce France’ (P. Anfosso, 1988)

19.7.13

"ROUGE"

Bordeaux, bourgogne, rubis, acajou, grenat, amarante, magenta… Ce sont les référents par lesquels on décrit ce qu’on appelle les iris « rouges ». Car les iris ne sont jamais rouges. Au jardin, cependant, on ne peut pas se passer de cette note sombre et chaude dont la richesse valorise toutes les fleurs qui l’entoure. 

Le tour des « rouges » continue : il y en a encore pour sept semaines. 

POPSTAR (Barry Blyth, R. 2003) Sdlg. L209-2. TB, 42" (107 cm), EM Brillant rose brique brûlé, S. avec petits chevrons lavande sous les barbes mandarine ; parfum doux et musqué. Safari Sunset X Wearing Rubies.

Un rouge tout à fait différent des précédents. Dans les tons clairs mais néanmoins vraiment rouge au jardin.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Souffrir pour ne pas mourir 

Le phénomène de « bloom out » qui frappe parfois les iris reste inexpliqué de façon formelle, mais plusieurs solutions pour y remédier ont été expérimentées. Le principe est de provoquer chez le rhizome qui « bloom out », un stress, une souffrance, qui le force à émettre de nouvelles pousses, par réaction de survie. On peut procéder comme suit :
1. L’enterrement. Il s’agit de recouvrir largement de terre le rhizome paresseux de manière à ce qu’il soit dans l’obscurité la plus profonde. Après quelques semaines, on retire la terre ajoutée et on vérifie l’état du rhizome. Si la médication a réussi, des yeux apparaissent sur les flans. Le rhizome peut alors être remis en terre, normalement. Sa végétation doit alors reprendre.
2. Le déterrement. Cela consiste à retirer le rhizome du sol et à le laisser dans un endroit obscur pendant quelques semaines. Il est possible que dans ces conditions il se mette à développer de nouvelles pousses qui, quand elles apparaissent, autorisent à replanter le rhizome, à le réhydrater et à surveiller sa reprise.

Ni l’une ni l’autre de ces méthodes n’est garantie à 100/100. Mais je sais par expérience que la premières fonctionne souvent. Quant à la seconde, elle résulte d’une observation faite par de nombreux amateurs : Des bouts de rhizome arrachés et laissés à l’abandon sont retrouvés un beau jour avec de nouvelles pousses… Si l’on ne fait rien, le rhizome est perdu. Si l’on applique ces médications « de cheval » on peut peut-être le sauver. Alors…

'KILT LILT' (suite)

‘Kilt Lilt’, dont nous avons suivi précédemment le parcours généalogique, n’est pas resté sans descendance. Depuis 1970, année de son enregistrement, les hybrideurs ont travaillé et plusieurs générations nouvelles ont vu le jours. C’est le cas pour ‘Cherry Cheeks’ (Joan Roberts, 2008). Son arbre généalogique prolonge celui de ‘Kilt Lilt’ :

Fakir > Madame L. Aureau > Gibson Girl > Taholah > Wild Ginger > Golden Filigree > Kilt Lilt > Morocco > Sneezy > Cherry Cheeks.

Le passage de ‘Kilt Lilt’ à ‘Cherry Cheeks’ a été rapide, généalogiquement parlant, mais étalé dans le temps.

 ‘Morocco’ (Keppel, 1978) est directement dérivé de ‘Kilt Lilt’. Il en a l’apparence générale, l’élégance des ondulations, mais le coloris est plus roux, moins varié.

 ‘Sneezy’ (Keppel, 1995), dont le pedigree, fort long, associe plusieurs types de plicatas, fait partie de ces fleurs complexes que K. Keppel nous concocte depuis plusieurs années. Les pétales orange, surmontent des sépales entièrement pointillés de brun-rouge sur un fond blanc crémeux avec un liseré chamois.

‘Cherry Cheeks’ (J. Roberts, 2008) s’éloigne du modèle plicata mais, dans une fleur très moderne, associe des coloris vivants où ‘on retrouve nettement l’influence de ‘Sneezy’.

 En dix générations et 75 ans, on a parcouru une grande partie de l’évolution des iris. Cette évolution aurait pu être plus rapide car une durée supérieure à sept ans entre deux générations et plus étendue que la durée moyenne. Mais nous avons sous les yeux un panorama complet de ce qui s’est passé en ces trois quarts de siècle.

Illustrations :




· ‘Sneezy’

· ‘Cherry Cheeks’

PLICATAS BY SCHREINER AND KEPPEL

PLICATAS BY SCHREINER AND KEPPEL C’est en écoutant sur Franc-Musique une émission de jazz, où il était question de comparer les styles des saxophonistes Sonny Stitt et Charlie Parker que m’est venue l’idée de risquer une comparaison analogue des plicatas de Robert Schreiner et de Keith Keppel. Deux styles bien différents !

J’ai choisi pour mon propos les plantes des années 1970. Parce que ce fut la période de maturité pour Robert Schreiner, celle où il réussit à obtenir des iris parmi les plus achevés de sa carrière, tout en conduisant à la toute puissance son entreprise commerciale. Pendant la même période, Keith Keppel, encore au début d’une longue et admirable activité, se consacrait essentiellement aux iris plicatas. Voilà pourquoi j’ai choisi d’axer la comparaison sur cette époque et sur ce modèle de fleurs.

Il ne faut pas longtemps pour constater que nos deux obtenteurs ont choisi d’agir dans des domaines différents. Pour en rester à la comparaison jazzistique, je dirais que Schreiner c’est l’improvisation magistrale sur des thèmes connus, telle que celle pratiquée par Sonny Stitt, tandis que Keppel, plus audacieux, explore des régions où son rival ne s’aventure pas ; c’est ce que pouvait faire le grand Charlie « Bird » Parker.

Le catalogue Schreiner de 1970 fait état de deux plicatas très classiques, ‘Dundee’, dans les tons lavande, et ‘Frivolity’ plus chargé et plus foncé. À ces deux-là, au même moment, Keppel oppose un variegata-plicata impeccable : ‘Montage’.

Chez Schreiner, ‘Gigi’, en 1971 présente un plicata limité à un fin liseré autour des tépales, une véritable originalité, à quoi Keppel répond, dans un registre à peine différent, par ‘Soft Touch’, où la couleur ne se tient qu’autour des sépales.

 Au ‘Spreckles’ (Schreiner) de 1972, Keppel n’a encore rien à opposer : ses variegata-plicatas dans la ligne de ce que faisait Jim Gibson, n’apparaîtront qu’à partir de 1975, avec ‘Caramba’, et plus parfaitement encore avec ‘Flamenco’ en 1975. Dès 1973 il propose néanmoins un avant-goût de ce qu’il saura bientôt faire : ‘Limerick’.

1973 va voir chez Schreiner une rafale de plicatas violet/blanc, façon ‘Stepping Out’ : ‘Cracken’, ‘Dancing Beauty’, ‘Light ‘n Gay’ et le fameux ‘Rondo’, le plus vivement coloré de la bande. Tout cela démontre un grand savoir-faire où les teintes sont variées mais où le modèle est parfaitement sage. Dans la production californienne de Keppel ‘Thundercloud’, un peu terne, intermédiaire entre le modèle variegata-plicata et la façon ‘Spinning Wheel’, n’est pas ce que l’on peut trouver de mieux, tout comme ‘Socialite’ qui reproduit le modèle ‘Gigi’ sans originalité : de ce côté, ce n’est pas le meilleur cru.

En 1974 ‘Roundup’ fera apparaître un fond jaune crémeux au lieu du traditionnel fond blanc, ce qui par contre-coup, fait paraître les dessins plicatas non plus violets ou bleus, mais plutôt rose indien. Cela vaudra à cette iris une indéniable célébrité. Schreiner attendra 1975 pour proposer son ‘Showcase’ qui revient sur le modèle de ‘Spreckles’, en moins chargé. La même année la ‘Petite Posy’, gentiment mauve sur blanc, sera complètement éclipsée par le célèbre ‘Loop the Loop’ qui fera le tour du monde.

Schreiner garde la main en 1976 grâce à son ‘Polka Party’, richement ondulé, qui surpasse, à mon avis, ‘Roundup’ dans le coloris grenat sur crème. Quant au ‘Focus’ de Keppel, ce n’est pas celui-là qui marquera l’avenir.

A partir de 1977 le match Stitt/Schreiner vs. Parker/Keppel va tourner à l’avantage de ce dernier, car la production schreinerienne va s’appauvrir, alors que du côté de Keppel elle va prendre un essor remarquable. Les improvisations bien sages de la maison Schreiner vont se traduire par seulement deux variétés en deux ans : ‘Stitch in Time’ (1978) et ‘Touch Up’ (1979), toutes les deux du modèle ‘Gigi’, le premier en bleu, le second en violacé. C’est joli, mais il n’y a rien de révolutionnaire. Comme le jazzman auquel je le compare, Keppel ose prendre des risques. Il propose quatre plicatas en 1977, très différents : ‘Emphasis’, indigo sur fond blanc, du genre classique ; ‘Gentle Rain’, délicat comme son nom, en mauve sur blanc ; ‘Phoenix’, plus audacieux, en prune sur crème ; et surtout ‘Flamenco’, rutilant, à la mode Gibson. Il y aura trois nouveautés en 1978 : les frères de semis ‘Patina’ et ‘Santana’, le premier est la version claire, le second la version enrichie ; et ‘Morocco’, qui continue le modèle Gibson de variegata-plicata richement coloré et de forme délicieuse. En 1979, le festival continue avec trois plantes de grande classe : l’étrange ‘Casbah’ dont on se demande s’il faut le classer dans les plicatas ou dans les luminatas ; ‘Broadway’, le plus achevé de la série de variegata- plicatas, et ‘Woodcraft’, étonnant plicata amarante sur fond crémeux.

Les amateurs de jazz (et de be-bop) admirent Sonny Stitt pour son sens de l’improvisation sur des thèmes de chansonnette. Les plicatas de Schreiner participent du même principe : des modèles sages et qui ont fait leurs preuves, modernisés et parfaitement réalisés. Le génial Charlie Parker emporte les suffrages de ceux qui aiment ses interventions puissantes et risquées. Keith Keppel n’hésite pas à s’aventurer dans des voies nouvelles, ses harmonies audacieuses, ses recherches d’associations nouvelles séduisent ou dérangent, mais, comme les chorus du « bird », ne laissent jamais indifférent.

Illustrations :

· ‘Montage’

· ‘Morocco’

· ‘Frivolity’

· ‘Touch Up’

12.7.13

L'ECHELLE DE JACOB (II)

‘KILT LILT’ (Jim Gibson, 1970) 

Comme ‘Bride’s Halo’, dont on a remonté l’arbre généalogique précédemment, ‘Kilt Lilt’ a triomphé dans la course aux honneurs (en 1976). Comme lui il a vécu une vie brillante, facilitée par ses couleurs éclatantes et ses formes parfaites. Comme lui il a une variété française parmi ses ancêtres, deux, même, puisque ‘Madame Louis Aureau’ (F. Cayeux, 1934) est issu de deux iris bien français, ‘Fakir’ (F. Cayeux, 1933) et ‘Ferdinand Denis’ (F. Cayeux, 1930). Comme lui, ces variétés françaises se rencontrent dans les deux branches de l’arbre généalogique.

Fakir > Madame L. Aureau > Gibson Girl > Taholah sib > Flashing Gem > x > x > x > Kilt Lilt

Fakir > Madame L. Aureau > x > x > > x  Henna Stitches ----------------------V
Fakir > Madame L. Aureau > Gibson Girl >x > Taholah > Wild Ginger > Golden Filigree > Kilt Lilt

‘Fakir’ (F. Cayeux, 1933) est déjà un iris plicata. Un plicata dans les tons de violet et indigo, plutôt chargé, où le fond blanc n’apparaît qu’aux épaules des sépales.

‘Madame Louis Aureau’ (F. Cayeux, 1934) est une référence en matière de plicata. On peut même dire qu’il n’y a guère de plicata actuel, du moins dans les tons autres que bleu ou violet, qui n’en porte pas les gènes. Car sa couleur n’est pas le bleu bien connu, mais un rose violacé original, dont on sait maintenant qu’il a pour origine le fond légèrement crémeux, lequel, associé aux pigments bleus du liquide intercellulaire, donne optiquement cette couleur différente.

‘Gibson Girl’ (Gibson, 1949) constitue une des bases du travail de son obtenteur avec les plicatas « rouges ». Les dessins typiques du modèle sont lie-de-vin et le fond, qui semble blanc, doit néanmoins contenir une dose de pigments caroténoïdes, tout au moins vers les bords.

‘Taholah’ (Gibson, 1956). Cette fois le côté crémeux du fond est visiblement présent. De ce fait le coloris des dessins plicatas tourne nettement au brun-rouge. Cette variété fait partie des plicatas de légende, tant il a été souvent utilisé en hybridation (plus de 30 fois, à la première génération –F1-).

 ‘Flashing Gem’ (Gibson, 1963). Ce descendant des deux précédents est un plicata violacé sur fond jaune.

‘Henna Stitches’ (Gibson, 1960) a acquis les calmes ondulations typiques de son époque. Il se présente en jaune pâle, griffé et bordé de brun clair un peu rosé. C’est un splendide plicata classique dans son aspect général.

‘Wild Ginger’ (Gibson, 1962) ne diffère pas profondément du précédent si ce n’est que les dessins plicatas en sont un peu plus chargés et enrichis d’une flamme assortie au centre des sépales, un trait que l’on retrouve nettement chez ‘Kilt Lilt’.

‘Golden Filigree’ (Gibson, 1964) a hérité de ses deux parents, ‘Henna Stitches’ et ‘Wild Ginger’ une couleur de dessins nettement rousse, et même décrite comme « orange brûlé » (je n’ai pas trouvé de photo) sur un fond qui, bien que blanc, doit contenir des traces de caroténoïdes.

Aux dires de Jim Gibson lui-même, il avait en tête le nom de Kilt Lilt et il a cherché à obtenir un iris qui aurait les traits qu’il imaginait : une fleur aux couleurs des tartans de ses ancêtres écossais, avec suffisamment d’ondulations pour figurer le balancement d’un kilt autour de la taille de celui qui le porte. La couleur viendrait de la branche maternelle, celle de ‘Flashing Gem’, les ondulations seraient la participation de ‘Golden Filigree’, mais ses propres couleurs, plutôt vives, ne sont certainement pas étrangères à la brillante combinaison qui sied si bien à ‘Kilt Lilt’.

De génération en génération, cette lignée de plicatas a abouti à un iris superbe à tous points de vue qui n’a pas volé la récompense suprême qui lui a été accordée.

"ROUGE"

Bordeaux, bourgogne, rubis, acajou, grenat, amarante, magenta… Ce sont les référents par lesquels on décrit ce qu’on appelle les iris « rouges ». Car les iris ne sont jamais rouges. Au jardin, cependant, on ne peut pas se passer de cette note sombre et chaude dont la richesse valorise toutes les fleurs qui l’entoure.

Le tour des « rouges » continue pour encore huit semaines.

VITAFIRE
 (Schreiners, R. 1968) Sdlg. W 395-A. TB, 34" (86 cm), M 

Rouge rosé légèrement soyeux, proche du rouge cerise; barbe brune. Tomeco X Gypsy Jewels. 

Cette fleur n’est plus de première jeunesse mais elle est certainement l’une des plus rouges qui ait été obtenue jusqu’à présent. Son parfum de lis ajoute à son intérêt.

CHERCHEURS D'OR

Tous les jardiniers vous le diront : une variété jaune est indispensable pour mettre une note éclatante dans un massif d’iris. Aujourd’hui il n’est pas difficile de trouver un bon iris jaune, car il en apparaît des quantités chaque année. Mais jusque dans les années 1950 ce n’était pas le cas et les vrais jaunes étaient rares et pas toujours excellents. En fait cette couleur est restée exceptionnelle jusque dans les années 1930 et, s’il y a eu de réelles réussites parmi les iris diploïdes, le passage à la tétraploïdie a été beaucoup plus difficile dans ce coloris que dans les autres.

L’origine de la couleur jaune se situe peut-être chez I. flavescens (De Candolle, 1813) dont on se demande toujours s’il s’agit d’une véritable espèce ou plutôt d’un hybride naturalisé de I. germanica et de I. variegata. Mais dans l’ère contemporaine on est à peu près d’accord pour dire que le premier jaune véritable se nomme ‘Aurea’ (Jacques, 1830). C’est à coup sûr un hybride de I. germanica, croisé depuis longtemps avec I. variegata, donc comportant la couleur jaune, mais aussi des veines ou des traces violacées sur les sépales. En tout cas le point de départ de la quête de l’iris jaune se situe bien à ce niveau car les premiers présentaient sur les sépales des veines violacées que des années et des années de sélection ont réussi peu à peu à faire disparaître. Ce n’est que dans les années 20 que l’on a vu venir des iris vraiment jaunes. Le mérite en revient à Grace Sturtevant, une grande dame des iris qui a enregistré ‘Shekinah’ (1918), puis 'Gold Imperial’ (1924) dont on peut dire qu’ils furent les premiers jaunes de valeur.

La première origine des variétés jaunes est donc bien à chercher chez I. variegata, mais on va voir qu’on leur en connaît aussi deux autres.

Après Grace Sturtevant, le chercheur d’or dont le nom apparaît fut William Dykatson Dykes, en Grande Bretagne. Peu après sa mort prématurée et accidentelle, ses héritiers ont baptisé ‘W.R. Dykes’ un iris tétraploïde que l’on a, à l’époque, qualifié de jaune mais qui, à nos yeux d’aujourd’hui, reste éloigné du but recherché. Quoi qu’il en soit, les indéniables qualités de cette variété ont fait qu’elle a été largement utilisée au début des années 1930 par tous ceux pour qui la couleur jaune était un défi à relever. En particulier par la famille Schreiner. Le croisement du jaune diploïde français ‘Pluie d’Or’ (F. Cayeux, 1928) et de ‘W.R. Dykes’ est à l’origine ‘Golden Treasure’ (Schreiner, 1936), une variété qui eut un énorme succès populaire. Dans la même perspective se situe ‘Ming Yellow’ (Glutzbeck, 1938), lequel descend à la fois de ‘W.R. Dykes’ et de ‘Député Nomblot’ (F. Cayeux, 1929).

Un autre valeureux chercheur d’or a été Sydney Mitchell, toujours dans les années 30. On lui doit d’avoir imaginé d’obtenir du jaune par un autre chemin que celui de ‘W.R. Dykes’. Il a tenté d’améliorer la pureté de cette couleur et alliant une variété d’un ton de bronze et une variété blanche ou vice-versa. Après une grande quantité de semis plus ou moins intéressants il a fini par obtenir ce qu’il cherchait : du jaune vraiment jaune. C’est le cas de ‘Alta California’ (1932) puis de ‘California Gold’ (1933) et surtout de ‘Happy Days’ (1938), qui est considéré comme l’aboutissement d’un long voyage. Pendant ce temps, en Europe, les hybrideurs ne se laissaient pas distancer. En Grande Bretagne H. Chadburn a enregistré ‘Golden Hind’ (1934), descendant direct de ‘W.R. Dykes’, et son rival français F. Cayeux a proposé ‘Eclador’ (1932) et ‘Alice Harding’ (1932), tous deux issus de la souche « variegata ».

Au cours des années 1940, la recherche de l’iris jaune a atteint une sorte de perfection aux Etats-Unis. Elle a utilisé les deux voies déjà explorées, en y ajoutant les mérites d’autres apparitions de la couleur dans des lignées qui ne lui étaient pas spécialement dédiées. Ce fut le cas, en particulier, de ‘Ola Kala’ (J. Sass, 1941), dont la renommée est vite devenue mondiale, ou de ‘Golden Eagle’ (Hall, 1942), lointain rejeton de ‘W.R. Dykes’.

Les années 1950 allaient être marquées par deux événements essentiels pour l’amélioration des iris jaunes. En premier lieu, pour accroître encore l’éclat du jaune, les hybrideurs ont eu l’idée d’ajouter au cocktail une pointe d’orange qui a eu pour résultat de colorer plus vivement les barbes et donc de mettre mieux en valeur le jaune de la fleur. Ce fut le cas, par exemple, de ‘Solid Gold’ (Kleinsorge 51), également descendant de ‘Ola Kala’ : le jaune est éclatant, grâce en particulier aux grosses barbes safran. Comme le dit « The World of Irises » : « La recherche sur les barbes mandarine a donné naissance à des sous-produits inespérés. Des jaunes sont apparus parmi les descendants de croisements destinés à obtenir des iris roses, et les hybrideurs ont été étonnés et ravis de leur qualité. Ces jaunes avaient un éclat, un brillant et une abondance de dentelle rarement rencontrés chez les jaunes conventionnels. » Ce fut le second événement survenu dans les années 1950. Les variétés les plus marquantes furent certainement le jaune canari ‘Limelight’ (Hall, 1952) et le jaune paille ‘Techny Chimes’ (Reckamp, 1955) ; mais on peut également citer ‘Cream Crest’ (Muhlestein, 1958) ou ‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959).

 Il ne restait plus qu’à marier ces différentes origines pour obtenir les jaunes modernes qui peuplent maintenant nos jardins. Les chercheurs d’or ont obtenu ce dont ils rêvaient. Ils ont ouvert de nouvelles routes que les amateurs du XXIeme siècle empruntent, sans songer à la peine que les pionniers ont eue et le génie dont ils ont du faire preuve.

Illustrations :

· ‘Golden Treasure’ (Schreiner, 1936) (WR Dykes X Pluie d'Or) 

· ‘Golden Hind’ (H. Chadburn, 1931) (Gold Imperial X W.R. Dykes) 

· ‘Golden Eagle’ (D. Hall, 1942) ((semis x Morocco Rose) X Prairie Sunset) 

· ‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959) (Butterscotch Kiss X ((Ruth x Rainbow Room) x Mary Randall))

5.7.13

"ROUGE"

Bordeaux, bourgogne, rubis, acajou, grenat, amarante, magenta… Ce sont les référents par lesquels on décrit ce qu’on appelle les iris « rouges ». Car les iris ne sont jamais rouges. Au jardin, cependant, on ne peut pas se passer de cette note sombre et chaude dont la richesse valorise toutes les fleurs qui l’entoure. 

Continuons le tour des « rouges » pour encore neuf semaines. 


 GRAND VENEUR 
(Richard Cayeux, R. 2013) Sdlg. 02 102C. TB, 90cm, ML

Pétales rouge vin moyen ; Sépales grenat vif velouté ; barbes bronze au cœur, violet rouge à l’extrémité ; ondulé. Issu de ‘Rougissant’.

Richard Cayeux dit de cette nouveauté : « De notre point de vue, cet iris, fils de ‘Rougissant’, est un des plus rouges ; il a de surcroît d’excellentes hampes ramifiées bas (8 à 9 boutons). » Un bon connaisseur, Jérôme Boulon, le considère comme son préféré dans cette couleur.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Année sabbatique ? 

 Pas de catalogue « Iris au Trescols » cette année. Je ne connais pas la raison de cette absence, mais j’espère qu’il ne s’agit que d’une interruption sabbatique. Et j’ai hâte de voir les nouveautés que Lawrence Ransom nous réserve pour 2014.

DÉDICACES

Depuis que l’on donne des noms aux iris, c’est à dire depuis bientôt deux cents ans, il est d’usage fréquent de profiter de l’occasion pour rendre hommage à une personne en lui dédicaçant une fleur. Personne n’a oublié ‘Madame Chéreau’ (Lemon, 1844) ou ‘Madame Louesse’ (Verdier, 1860) puisque ces variétés se rencontrent toujours dans certaines collections. Les habitudes et les comportements ont un peu changé, mais le principe est resté : on ne se contente plus d’un solennel « Madame Untel » mais depuis les années 1940, l’on utilise plutôt le prénom et le nom, comme c’est le cas pour ‘Helen McGregor’ (Graves, 1943) ou ‘Mary Randall’ (Fay, 1950), deux variétés couronnées d’une Dykes Medal. La pratique est largement répandue, et l’on honore ainsi une grande quantité de personnes, en majorité féminines. La notoriété desdites personnes n’est pas un critère déterminant, car bien d’autres motifs peuvent encourager la dédicace : l’amour conjugal, l’affection paternelle, l’amitié, la reconnaissance et bien d’autres, dont certaines, fort terre-à-terre.

Les hybrideurs français ne se sont pas privés de consacrer certaines de leurs obtentions à la gloire de célébrités ou, même, d’illustres inconnus (ou, tout au moins, de personnages dont la renommée n’a pas résisté à l’usure du temps). J’en ai compté plus de cent !

La forme de ces dédicaces est étrangement variable. Pourquoi le très protocolaire ‘Madame Henri Cayeux’ (F. Cayeux, 1924), à côté de Madame Cécile Bouscant’ (Millet, 1923) ou de la simple ‘Andrée Autissier’ (Denis, 1921) ? ‘Madame Chobaut’ (Denis, 1916) n’a droit ni à son propre prénom, ni à celui de son mari. En revanche ‘Madame Louis Aureau’ (F. Cayeux, 1934) respecte scrupuleusement le code des convenances, tandis que ‘Madame Blanche Pion’ (F. Cayeux, 1906) est un peu plus léger, quant à ‘Clémentine Croutel’ (F. Cayeux, 1949), c’est franchement familier ! Peut-être s’agissait-il d’une jeune fille, mais alors pourquoi ‘Mademoiselle Yvonne Pelletier’ (Millet, 1916) a-t-elle eu droit à une appellation aussi respectueuse ?

 Sur le fond, pas grand chose à ajouter. Les hommages concernent majoritairement des dames, à peine 30% des dédicataires sont des hommes. Faut-il y voir le fait que les obtenteurs soient essentiellement masculins ? Autre particularité, les hommes considérés sont presque tous des personnages importants envers qui la considération passe par l’expression de leur titre : ‘Colonel Candelot’ (Millet, 1907), ‘Député Nomblot’ (F. Cayeux, 1929), ‘Directeur Pinelle’ (F. Cayeux, 1932), ‘Docteur Chobaut’ (Denis, 1931), ‘Ministre Ferdinand David’ (F. Cayeux, 1930), ‘Président Lebrun’ (F. Cayeux, 1933)… Dans les temps modernes, heureusement, ces flagorneries n’ont plus cours ; on dit simplement ‘François Plonka’ (François, 1998) ou ‘Gérard Brière’ (R. Cayeux, 2007).

Parmi les hommages récents, il y a ceux qui ont été adressés à des personnages du show-biz (‘Marie-José Nat’ (R. Cayeux, 2000), ceux de la catégorie « people » (‘Princesse Caroline de Monaco’ (R. Cayeux, 1997), ceux envers qui on a quelque obligation (Colette Thurillet’ (J. Cayeux, 1989), et même ceux qui en ont fait la demande : ‘Miss Pessemier-Deboudt’’ (Laporte, 2006) ! Et puis il y a aussi les signes de respect envers des figures éminentes du monde hexagonal des iris : (‘Anne-Marie Chesnais’ (François, 1998), ‘Claude-Louis Gayrard’ (Ransom, 1996), ‘Gladys Clarke’ (Ransom, 2000), ‘Marcel Turbat’ (J. Cayeux, 1993), ‘Roger Renard’ (J. Cayeux, 1976)… Dans ce domaine, qui devrait être un trésor pour les obtenteurs, on note tout de même beaucoup de lacunes. Pourquoi n’avoir pas encore honoré Igor Fedoroff, Pierre Anfosso, Jean Ségui ou Odette Perrier ? Il y a là, à mon avis, une sorte d’injustice qui mériterait d’être réparée.

Quoi qu’il en soit, le choix du nom d’une personne vivante a forcément un avantage : il n’y a guère à craindre qu’il ait déjà été attribué !

Illustrations :

  •  Ministre Ferdinand David  
  • Miss Pessemier-Deboudt 
  • Madame Chobaut
  • Roger Renard