31.12.10

BONNE ANNÉE !

Nous sommes le 31 décembre, et il est 21.25.

Bonne Année à tous les lecteurs d'Irisenligne !

LA FLEUR DU MOIS





‘Lula Marguerite’

Vous me direz que j’aurais pu choisir quelque chose de plus récent : Voilà une variété qui date de 1959 ! Oui, mais comme a chaque fois, pour devenir « fleur du mois », il faut que l’iris choisi présente pour moi quelque trait fortement personnel. C’est le cas de ce ‘Lula Marguerite’ (F. DeForest, 1959).

Depuis que je fréquente les iris, j’ai toujours été attiré par ceux qui faisaient preuve d’originalité. Les fleurs jaune chartreuse, grises, mordorées ont attiré mon attention. Ce ‘Lula Marguerite’ m’a tout de suite intéressé. Je l’ai remarqué lors d’une de mes premières visites au Parc Floral de la Source à Orléans, au début des années 80, et j’ai aussitôt cherché à me le procurer. Pas facile ! Il n’était à l’époque plus en vente nulle part (si tant est qu’il l’ait été une fois). J’ai donc lancé une recherche par le biais d’une rubrique que Jean Ségui, rédacteur d’Iris & Bulbeuses, avait créé pour tenter de faire du lien entre les adhérents de la SFIB. Ces petites annonces étaient les bienvenues pour ce genre de recherche. Et j’ai été surpris de recevoir plusieurs propositions. C’est ainsi que ‘Lula Marguerite’ est entré dans mon jardin. Quand j’ai déménagé pour m’installer là où j’habite maintenant, il m’a suivi et s’est retrouvé entouré de ‘Sapphire Hills’ (Schreiner, 1971), ‘Citoyen’ (P.C. Anfosso, 1989), ‘Lisa Ann’ (B. Blyth, 1977) et ‘Gentle Rain’ (Keppel, 1977), des variétés qui ne diront peut-être pas grand’ chose aux collectionneurs d’aujourd’hui.

Comme beaucoup des ces anciennes variétés, ‘Lula Marguerite’ pousse avec vigueur et écraserait rapidement ses voisins si l’on ne le disciplinait pas régulièrement. Ses hautes tiges un peu frêles portent des fleurs plutôt petites mais nombreuses et bien étagées le long de la hampe. Comme le montre la photo ci-dessus, c’est sa couleur qui est originale : pétales et sépales d’un bleu-mauve argenté très clair, liseré chartreuse autour des uns et des autres. On est déçu quand on cherche son pedigree : à défaut d’être certain de ce qu’il avait fait, Fred DeForest s’est contenté de déclarer « parents inconnus ». Tant pis pour les savantes analyses d’hérédité ! Et la recherche de ses descendants n’est pas non plus très réjouissante : ils sont peu nombreux et je n’en connais que deux : ‘Gringo’ (Keppel, 1964) ((White Peacock x Char-Maize) X Lula Marguerite), et ‘Mapledown’ (Neubert, 1970) (Lula Marguerite X Pretty Carol). C’est pauvre et sans signification particulière.

Attiré par le coloris de ‘Lula Marguerite’, au gré de mes achats de nouvelles variétés, je me suis procuré ‘Chartreuse Ruffles’ (Rudolph, 1976) et ‘Eternal Prince’ (J. Nelson, 1986).

Le premier, ‘Chartreuse Ruffles’, fait partie des variétés qui, sans avoir jamais obtenu une récompense majeure, a joui d’un succès commercial honorable et d’une grande notoriété parmi les hybrideurs. C’est d’ailleurs le cas de la plupart des iris obtenus par Nathan Rudolph ; celui-ci fut une sommité dans le monde des iris notamment pour ses recherches sur la génétique. Physiquement, ce ‘Chartreuse Ruffles’ ressemble énormément à ‘Lula Marguerite’, la photo est là pour le démontrer. Peut-être ont-ils un ou des ancêtres communs ? Le second, ‘Eternal Prince’ est un enfant de ‘Chartreuse Ruffles’ son pedigree est (Sneak Preview X Chatreuse Ruffles). Il a des pétales un peu plus colorés que les sépales, dans un ton de rose orchidée, mais reste bien dans la lignée de son parent.

A eux trois, ces iris sont le reflet de leur époque dans un coloris original, et ‘Lula Marguerite’, avec son petit air « old fashion », mérite bien cette courte chronique.

ECHOS DU MONDE DES IRIS



De Bratislava

Des nouvelles de Ladislav Muska : d’après Anton Mego, Muska va mieux. Ses problèmes cardiaques subsistent, mais la crise est passée. Qu’adviendra-t-il de sa pépinière ? Nul ne le sait…

En illustration : ‘Chic Choix’ (L. Muska, 2002) ((Celebration Song x Mukaddam) X 'Horned Rebel').

QUADRICHROMIE







des fleurs en quatre couleurs

Prenez ‘Carnival Capers’ (Blyth, 2006) ou son frère de semis ‘Let’s Romp’ (Blyth, 2006) (1), on y trouve bien quatre couleurs : le jaune crémeux des pétales, le bleu lavande du bas des sépales, dont les bords se ternissent au point de devenir d’un gris pâle, et la large zone violet pourpré située sous les barbes. On pourrait même ajouter le brun ocré qui recouvre les épaules et finit par se confondre avec la zone pourprée. Il y a au moins quatre couleurs distinctes. Ce n’est pas un mélange de différentes couleurs dans lequel on ne peut pas attribuer à l’une d’elles un territoire particulier, les couleurs se partagent toute la surface de la fleur et chacune a sa propre place. La transition de l’une à l’autre sur les sépales, se fait en douceur, mais suffisamment rapidement pour qu’il n’y ait pas vraiment de mélange.

L’histoire ne dit pas si Barry Blyth avait à l’esprit de parvenir à cette situation, ou si ce sont les circonstances et les opportunités qui l’ont amené à sélectionner cette variété. Pourtant quelque chose me dit qu’il l’a peut-être fait exprès. Pour s’en convaincre, il faut suivre dans les pedigrees le cheminement qui a abouti à cette originale variété.

Le pedigree de ‘Carnival Capers’ et de ‘Let’s Romp’ est tout simple : (Final Episode sib X Decadence). On ne sait évidemment pas comment se présente ce frère de semis de ‘Final Episode’ qui est au bout de la branche maternelle de nos deux « sibs », mais il y a tout lieu de penser qu’il est proche de son frère enregistré. Parce que celui-ci a déjà bien des traits qui le rapproche de ‘Carnival Capers’ et ‘Let’s Romp’ : pétales dans un ton de jaune, sépales en bleu, bords clairs, traces de pourpre aux épaules. C’est un approfondissement de ce coloris qui a été obtenu avec l’apport des vives couleurs de ‘Decadence’ (Blyth, 2004). De ce dernier tout a été dit, depuis la vigueur de son coloris jusqu’à l’aspect bouillonné de sa fleur qui en a fait une vedette de ces dernières années.

Le croisement qui a donné naissance à ‘Final Episode’ (Blyth, 2001) et à ses frères est déjà une association de bleu et de variegata. Le bleu provient d’une association entre un amoena bien connu ‘Sierra Grande’ (Schreiner, 1992) et un bitone bleu, de fabrication Blyth mais assez peu répandu, ‘Over The Blues’ (Blyth, 1995) : sépales bleu pourpré vif, pétales gris-bleu. Ces couleurs, d’ailleurs, à peu de choses près, se retrouvent dans les deux précédentes générations du côté maternel de cet ‘Over The Blues’, à savoir ‘Physique’ (Blyth, 1988) et ‘Street Dancer’ (Blyth, 1985). Mais à ce niveau on reste dans les bicolores (amoena ou neglecta) ; il n’y a pas trace de ce pourpre qui va caractériser ‘Final Episode’ puis ‘Carnival Capers’. Ce nouvel élément va venir de la branche paternelle et, pour ‘Final Episode’, de ‘Mastery’ (Blyth, 2000) et surtout d’une grand’mère de celui-ci qui s’appelle ‘Sooner Serenade’ (Shaver, 1984), lequel présente en plus ce large liseré clair des sépales qu’on va voir réapparaître dans ‘Carnival Capers’ et ‘Let’s Romp’ et leur ajouter un élément supplémentaire de diversité.

‘Physique’ et ‘Sooner Serenade’ se situent au même niveau dans l’arbre généalogique de ‘Carnival Capers’ et ‘Let’s Romp’. Ils y sont à la cinquième génération. En suivant leur rapprochement, de génération en génération, on comprend l’approche qui a été celle de Barry Blyth et qui a abouti à nos deux vedettes du jour. Cela signifie-t-il que dès les années 80 il avait en tête l’obtention d’un iris en quadrichromie ? C’est peut-être lui prêter des intentions bien improbables, mais on enregistre bien comment son raisonnement a progressé. D’un côté il est parti vers un enrichissement du coloris de ‘Physique’ en lui adjoignant un peu de jaune aux pétales, ce qui réchauffe l’ensemble. De l’autre en travaillant à la création d’un variegata bien contrasté, enrichi d’une bordure claire. ? Puis en mariant les deux schémas, avec la chance supplémentaire de ne perdre en cours de route aucun des éléments constitutifs des deux bases : il y a eu addition mais pas de soustraction, ce qui est très exceptionnel car, le plus souvent, ces croisements successifs s’accompagnent de la disparition d’un ou plusieurs caractères. Dans le cas présent cette addition a été intéressante ; bien souvent, au contraire, c’est la soustraction qui l’est car elle permet d’éliminer un ou des traits indésirables ou disgracieux. Pour cette fois la persistance est un progrès.

(1) Un troisième frère de semis, ‘Gothic Lord’, n’a pas les mêmes caractéristiques.

24.12.10

ECHOS DU MONDE DES IRIS




De Lisbonne

Ce n’est pas fréquent, mais il faisait froid, à Lisbonne, la semaine dernière ! D’ailleurs dans les nombreux jardins botaniques de la ville il y avait beaucoup d’iris et beaucoup étaient déjà en fleur. Il s’agit d’I. germanica exclusivement, mais le fait de trouver des fleurs d’iris à cette saison est un étonnement pour un pur Tourangeau, comme moi.

A noter que, dans certains jardins, on en était encore aux transplantations d’iris…

Vu également une belle touffe d’I. xyphium var. lusitanica , espèce endémique du Portugal, mais pas en fleur, celle-là… (1)

(1) L’image présentée n’est peut-être pas celle d’I. xyphium var. lusitanica. Mais elle est très ressemblante !

LES AWARDS 2010 (2eme partie)





Hans and Jacob Sass Medal (IB)

Maintenant que les IB sont fertiles, il y a moins de réticences à les obtenir. Celui qui a été récompensé en 2010 est :

‘Ruby Slippers’ (Keith Keppel, 2002) (((Candy Floss sib x Orange Tiger) x (Orange Tiger x Chanted)) X (Night Game x (((Winemaster x Congratulations) x Faraway Places) x (Faraway Places x Heathen))))

Knowlton Medal (BB)

Les Iris de Bordure ont fait de gros progrès depuis dix ans. Tous les hybrideurs en enregistrent. La médaille 2010 a été pour :

‘Eye Candy’ (Keith Keppel, 2003) (Lotus Land X (Frosting x (Social Event x Femme Fatale)))

Wister Medal (TB)

C’est en pratique la dernière marche avant la Médaille de Dykes. Mais il arrive que celle-ci ne soit pas accordée à un Grand Iris ! En 2010 le meilleur TB a été :

‘Decadence’ (Barry Blyth, 2001/04) (Temple of Time X Louisa's Song)

Best AM

Il ne s’agit pas d’une récompense à proprement parler car aucun prix particulier n’est prévu pour couronner la variété qui a obtenu le plus grand nombre de votes pour les Awards of Merit (AM). Cette année l’iris qui se trouve dans cette situation est :

‘Gypsy Lord’ (Keith Keppel, 2005) (Last Laugh X (Braggadocio x Romantic Evening))

VARIATIONS SUR LE THEME DE NOËL





C’est le moment d’aborder le thème de Noël ! Et comme il est bien présent dans le monde des iris, il y a donc matière à une courte chronique de circonstance.

Noël, dans notre imaginaire, c’est avant tout le blanc. C’est bien ce qu’a ressenti Joë Gatty lorsqu’il a choisi le nom de ‘Christmas’, tout court, pour ce grand iris blanc pur à barbes jaune primevère qu’il a enregistré en 1991. C’est aussi ce à quoi a pensé Robert Van Liere quand il a donné le nom de ‘Christmas Eve’ (la veille de Noël) à son merveilleux iris blanc de 2009 ? Dans la nuit de Noël, « le ciel est noir, la terre est blanche » comme je l’ai appris dans une chanson mise en musique par Charles Gounod, que m’avait enseignée ma maman. Des centaines d’autres chants de Noël ont été composés et c’est à eux que fait allusion Caroll O’Brien quand elle baptise (avec, en plus, un jeu de mots sur son prénom) ‘Christmas Carol’ son iris, où dominent les tons de rose, en 1969. Pendant cette nuit, un grand événement allait se produire…

« Voisin, d’où venait ce grand bruit, qui m’a réveillé cette nuit, et tous ceux de mon voisinage ? » chante-on dans la pastorale de Noël. Ce grand bruit, ce sont les anges qui l’ont fait, pour annoncer la naissance du divin enfant. Ces anges, Fred DeForest, en 1959, leur a dédié ‘Christmas Angel’, un iris blanc marqué d’abricot aux épaules.

Dans nos pays, Noël est synonyme de froid, de gel. Pourquoi l’âne et le bœuf auraient-ils besoin de souffler sur l’enfant, s’il n’était pas nécessaire de le réchauffer ? La glace de Noël, c’est ‘Christmas Ice’ (Oscar Schick, 2003) ; elle est blanche avec une trace de beige aux épaules et une superbe barbe vermillon.

Cependant Noël, c’est devenu la fête, les réjouissances, les cadeaux… C’est le temps de Noël évoqué par les Scheiner en 1965, avec ‘Christmas Time’, leur façon de fêter l’apparition de leur fameux iris blanc à barbes rouges. Ce sont les guirlandes, les paillettes, les parures clinquantes auxquels Melba Hamblen a pensé pour baptiser son propre iris blanc à barbes rouges : ‘Christmas Rubies’ (1978). Ce sont les cadeaux qui ont inspiré Joë Ghio pour ‘Christmas Present’ (2006), un délicieux iris mauve lilas, un peu acide, issu de ces longues lignées qu’affectionne le maître de San José.

Décidément notre civilisation occidentale reste profondément marquée par l’empreinte du christianisme, même si une grande part de paganisme s’est insinuée dans la célébration de Noël. Noël, c’est LA fête et c’est l’hiver ! Nos obtenteurs d’iris ne font pas exception : ils gardent précieusement en tête les clichés de Noël blanc, d’arbres couverts de givre, de décorations rutilantes, de lumières et de paquets dans leur habit coloré. Est-ce pour cela que les obtenteurs de l’hémisphère sud, pour qui Noël est situé au milieu de l’été, n’ont pas donné de nom évoquant Noël à l’un de leurs iris ?

À LA MANIÈRE DE… Honoré de Balzac (La muse du département)

Pour les amateurs du genre, voici un nouveau pastiche. Un guise de cadeau de Noël !

Promenade au château d’Anzy

« - Venez, cher ami, murmura Mme de la Baudraye à l’oreille d’Horace Bianchon, il faut que je vous montre mes iris. »

Avec des mines de chatte câline, elle passa son bras sous celui de l’illustre médecin et l’entraîna vers le jardin. Le parc du château d’Anzy était encore sens dessus-dessous tant la châtelaine avait entrepris de travaux d’embellissement que son avorton de mari n’avait pas osé lui refuser. Mais le fossé qui, du côté de l’Ouest, avait remplacé les anciennes douves, était en partie comblé et ses flancs avaient été plantés de grands iris bleus qui, en ce printemps de 1836, étaient abondamment fleuris. Cette longue guirlande de fleurs d’un bleu violacé profond produisait sur le visiteur un effet assez stupéfiant car il n’était pas encore d’usage d’utiliser les fleurs, et en particuliers les iris, autrement qu’en bordures étroites et en association avec d’autres plantes. Dans ce fossé il n’y avait que des iris, et s’il eut été possible de le compter, la somme aurait sûrement dépassé le millier. Bianchon ne manqua pas d’exprimer son étonnement et son admiration :

- « C’est incroyable, dit-il à son hôtesse, mais où avez-vous pu vous procurer autant de plantes ? Le Sancerrois est-il donc la patrie des iris ?

- Figurez-vous, répondit Mme de la Baudraye, ravie d’avoir créé son petit effet sur l’homme dont elle recherchait les bonnes grâces, que le jardin du château, à l’abandon depuis la mort de Madame du Guétin, était envahi par ces iris ; il y en avait partout ! J’ai simplement fait rassembler tous ceux qui pouvaient être transplantés. Anthelme, notre jardinier, a beaucoup de goût. Il s’est enthousiasmé pour mon projet et, pour compléter la plantation, a parcouru à cheval tout le Sancerrois à la recherche de touffes d’iris qu’il pouvait transporter ici. Sachez qu’il est allé jusqu’à Bourges et à obtenu de Monseigneur de Grancourt le droit de choisir dans les jardins de l’archevêché les plantes qui lui semblaient les plus belles. Ce fut un rude chantier, je vous assure, mais vous voyez le résultat ! Madame Boirouge, votre cousine, me disait hier qu’elle n’avait pas connaissance qu’un jardin semblable existât ailleurs dans notre pays.

- C’est en effet quelque chose de remarquable. Mais savez-vous, ma chère Dinah, que l’on trouve maintenant des iris de toutes les couleurs ? Figurez-vous que dans ma clientèle parisienne, se trouve un éditeur fort connu puisqu’il réalise et vend la plupart des livres utilisés par nos écoliers ? Il se nomme Marie-Guillaume de Bure. Cet homme, que l’on n’attend pas dans ce genre d’exercice, voue une passion aux iris. Il ne se contente pas de les faire pousser, il sélectionne les plus beaux et les plus originaux de ceux qu’il découvre dans sa terre du Nivernais, les multiplie et les propose au commerce de détail. Et j’ai pu admirer quelques-unes des ses découvertes. Je vous assure qu’il y en a de fort belles et de fort originales. Ainsi sa plus intéressante réussite est peut-être une fleur dans les pétales sont blancs, mais marqués aux bords de dessins en plumetis violet. C’est d’un effet !

- Voilà qui m’intéresse vivement, rétorqua Mme de la Baudraye en s’appuyant avec un peu d’insistance sur le bras de son accompagnateur, cela serait fort bien venu que dans ce parc encore imparfait on découvre les plus récentes créations de ce Monsieur de Bure. Où me dites-vous qu’il cultive ses iris ?

- A vrai dire je ne sais pas exactement où se situe sa terre. Je l’ai entendu parler du Nivernais mais…

- Mais le Nivernais est tout à côté ! Cela doit être possible d’aller à la rencontre de ces merveilles !

- Je vous promets, chère Dinah, de lui parler de vous et de votre emballement pour ce qui est sa propre passion. Je suis certain qu’il m’autorisera à vous mettre en relation avec lui.

- J’espère bien me rendre l’hiver prochain à Paris où je ne suis encore jamais allée. Polydore, mon mari, m’a promis que je pourrai rester quelques temps chez mon amie Anna de Fontaine qui m’a invitée. »

C’est à ce point de leur conversation qu’apparut Etienne Lousteau. En voyant Dinah venir devant lui, il ne put s’empêcher de remarquer combien la jeune femme était belle : sa taille était délicieuse, ses mouvements pleins de grâce et le soleil couchant donnait à son teint une merveilleuse blancheur. Elle eut pour lui un sourire qui laissait paraître les sentiments qu’elle éprouvait.

« - Que faisiez-vous ? dit-il, les gens de Sancerre commencent à arriver. J’ai déjà fait la connaissance du sous-préfet, le vicomte de Chargeboeuf, il a même eu le temps de me dire qu’il devrait être incessamment nommé préfet de Lille. Etiez-vous au courant, chère Dinah ? »

17.12.10

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Flore pleno

La dernière discussion intervenue sur le forum du site de la SFIB a porté sur certains des derniers iris obtenus par l’hybrideur texan Tom Burseen. Parmi ceux-ci il y a au moins deux variétés qui sont de véritables iris « flore pleno », c’est à dire à fleurs franchement doubles. C’est assez déroutant parce que ces fleurs n’ont plus du tout l’aspect de fleurs d’iris ! Comme certains l’ont dit, l’une ressemble à une fleur d’œillet, l’autre à une fleur de pivoine ! Faut-il se réjouir de ces évolutions ? Chacun se fera son idée…

Les iris en questions se nomment : ‘Nth Degree’ (l’œillet) et ‘Craig’s List’ (la pivoine). Les photos sont visibles sur

http://www.flickr.com/photos/loic_tasquier/sets/72157625555479662/

LES AWARDS 2010 (1ere partie)





Walther Cup (le meilleur des HM)

La Walther Cup pourrait s’appeler en français « prix du meilleur espoir ». Toutes catégories confondues, elle récompense la variété nouvelle qui a le plus impressionné les juges. Elle est allée cette année à :

‘Eye of the Tiger’ (Paul Black, 2008 – SDB) ((Ballet Lesson x (Tweety Bird x Hot Jazz)) X Fingertips)

Carpane-Welch Medal (MDB)

La Carpane-Welch Medal s’adresse aux plus petits des iris, les MDB. En 2010, c’est ‘Chemistry’ qui l’a reçue.

‘Chemistry’ (Paul Black, 2002) ((((Eyebright x Mister Roberts) x inconnu) x (Tweety Bird x (Well Suited x Imagette))) X (Tweety Bird x Hot Jazz))

Cook-Douglas Medal (SDB)

La Cook-Douglas Medal est destinée aux SDB, c’est à dire, en français, les Barbus nains Standards, les plus nombreux et plus variés des petits iris. Elle a honoré :

‘Ultimate’ (Tom Johnson, 2002) (Snugglebug X Smart)

Williamson-White Medal (MTB)

La Williamson-White Medal vise les iris de table, ces « grands iris miniature » dont on parle de plus en plus dans le monde étasunien des iris. Cette année le vainqueur est :

‘Sailor’s Dream’ (Kenneth Fisher, 2004) (semis X Carolyn Rose)

S’IL SUFFISAIT QU’ON SÈME





la reproduction des iris

Pardon à Céline Dion ! Le jeu de mot est facile, mais il introduit avec le sourire le second chapitre d’une série commencée il y a quelques mois sous le titre bien banal de « Comment ça marche ». Cette chronique décrivait l’histoire d’une hybridation depuis la pollinisation jusqu’à la récolte des graines. La deuxième phase de l’aventure commence à ce moment.

Quand on a religieusement récolté les précieuses graines, petits cubes dorés, assez semblables à des grains de maïs, en plus foncé, il faut les stocker jusqu’à l’époque des semis. Cela se fait généralement dans des petites boîtes, ou des tubes ayant contenu des médicaments, par exemple. En prenant grand soin d’enregistrer les références du semis d’origine. Sur ce sujet la plus grande liberté est laissée à l’hybrideur. Chacun y va de son système de numérotation. Peu importe pourvu que l’on s’y retrouve et que le contenu de chaque récipient puisse être identifié (parentèle, année du croisement…). C’est un moment délicat, surtout quand l’on est devant un nombre important de croisement. Les meilleurs hybrideurs sont quelque fois victimes eux-même d’un incident à ce niveau. C’est ainsi que l’on peut découvrir, avec une certaine surprise que telle ou telle variété, quelque fois ultra-célèbre, est déclarée de « parents inconnus ». L’hybrideur, dans le doute, a préféré avoué l’incident plutôt que de reconstituer à l’aveuglette un possible pedigree : c’est faire preuve d’honnêteté.

On va voir qu’il ne suffit pas de semer ! La préparation est complexe, mais pas spécialement minutieuse

Finie la phase de récolte et d’identification, les méthodes de traitement diffèrent. Certains vont laisser sécher les graines à l’air libre, dans une atmosphère fraîche et sèche pour éviter la moisissure. D’autres vont aussitôt les placer dans un réfrigérateur…

Le séchage est une phase importante. Elle correspond à ce qui se passe dans la nature quand les graines, tombées à terre en plein été, vont y subir les effets de la chaleur estivale sur un sol généralement sec. Sèches, les graines résisteront aux attaques des agents naturels toujours prêts à profiter d’une source de nourriture. Mais la conséquence sera un durcissement de l’enveloppe et, partant, un peu plus de difficulté pour germer.

Une fois sèches les graines vont avoir pris de rides, de la couleur aussi : de dorées elles sont devenues brunes. Elles ont aussi perdu de leur poids et de leur volume.

La phase de réfrigération est essentielle. Dans le frigo les graines vont subir artificiellement ce qu’elles connaîtraient dans la nature au cours de l’hiver. Le froid est nécessaire pour déclencher la phase de germination. Mais il n’est pas nécessaire qu’il dure trois mois ! En trois semaines, dans le réfrigérateur, les graines auront vécu ce qui leur faut pour se préparer à la germination.

La phase suivante sera celle du semis. Mais il faut savoir que les graines d’iris sont capricieuses. Dans la nature il leur arrive de germer dès la fin du premier hiver passé à terre, mais nombreuses sont celles qui attendront un an de plus, voire plusieurs années. L’hybrideur est impatient. Il va ruser pour que ses graines se décident à germer le plus tôt possible. Il va donc leur faciliter la tâche en les faisant ramollir dans un bon bain d’eau pure qui durera une semaine environ, en changeant régulièrement l’eau du bain.

Un astucieux amateur italien, Tiziano Dotto, a imaginé un système original pour lever la dormance des graines d’iris. Dès la récolte il les fait tremper une journée dans un peu de vin rouge (Chianti évidemment ! ou Merlot) allongé d’eau, puis il les plante aussitôt. Cela permet de semer dès la fin de l’été et si les graines germent en septembre, d’avoir des plantules bonnes à être repiquées dès le mois de juin suivant.

La méthode traditionnelle va amener les semailles à se dérouler entre octobre et décembre. Les graines sont déposées dans un mélange meuble mais pas trop poreux de terre de jardin, de terreau et de sable. Elles sont à peine enterrées, à quelques centimètres les unes des autres, ou dans un petit pot individuel (mais quand on a quelques centaines de graines à semer, le plus raisonnable est de choisir un bac d’environ 8 à 10 cm de profondeur). Ensuite le ou les bacs sont disposés dehors, dans un endroit abrité (il ne faut pas que les grosses pluies d’hiver ne tassent trop la terre ou ne fasse remonter les graines hors de leur substrat) mais néanmoins bien arrosé. Puis il faut attendre…

La levée des premières graines peut intervenir très vite. Mais elle peut aussi demander des semaines, voire des années ! Le plus souvent néanmoins les graines qui n’ont pas germé au bout de deux hivers peuvent être considérées comme sans espoir. Les plantules vont prendre peu à peu de la force, et en juin, si tout s’est bien passé, elles pourront être transplantées. Elles seront mises en pleine terre, ou éventuellement en pots, pour accomplir leur deuxième année d’existence et atteindre le stade d’évolution où elle vont fleurir pour la première fois. Mais il arrive assez souvent que les jeunes plantes prennent leur temps avant de se décider à fleurir. La patience est alors de mise. C’est une des vertus du jardinier !

NDLA : Les illustrations proviennent du travail pédagogique de Loïc Tasquier, dans son site www.le-jardin-des-deux-bons-diables.com

10.12.10

LA COMPAGNIE DES PETITS





12. La Médaille de Cook-Douglas

Cette médaille est réservée aux iris SDB (nains standards). Elle est ainsi nommée en l’honneur de deux grands hybrideurs qui ont beaucoup contribué au développement de cette catégorie, Paul Cook et Geddes Douglas. Elle est attribuée de façon régulière depuis 1970 et a honoré de très grands noms du monde des iris comme Bennett Jones (dont il a été question la semaine dernière), Melba Hamblen, Dave Niswonger, et les contemporains Paul Black ou Marky Smith.

Voici quatre des récipiendaires de cette médaille :

  • ‘Marksman’ (M. Smith, 1997) (Tweety Bird X ((((Melon Honey x semis Wright) x (semis x Melon Honey)) x Pumpkin Center) x Orange Dazzler sib)) CD 2005
  • ‘Pumpin’ Iron’ (Black, 1990) ((Demon x (Cherry Garden x Bloodspot)) X Forte) CD 1996
  • ‘Raspberry Jam’ (Niswonger, 1981) (Rangerette X Amazon Princess) CD 1988
  • ‘Sapphire Jewel’ (Hamblen, 1977) (((Sunny Heart x Blue Canary) x Canary Isle) X Forty Winks sib) CD 1984

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Flore pleno

La dernière discussion intervenue sur le forum du site de la SFIB a porté sur certains des derniers iris obtenus par l’hybrideur texan Tom Burseen. Parmi ceux-ci il y a au moins deux variétés qui sont de véritables iris « flore pleno », c’est à dire à fleurs franchement doubles. C’est assez déroutant parce que ces fleurs n’ont plus du tout l’aspect de fleurs d’iris ! Comme certains l’ont dit, l’une ressemble à une fleur d’œillet, l’autre à une fleur de pivoine ! Faut-il se réjouir de ces évolutions ? Chacun se fera son idée…

Les iris en questions se nomment : ‘Nth Degree’ (l’œillet) et ‘Craig’s List’ (la pivoine). Les photos sont visibles sur

http://www.flickr.com/photos/loic_tasquier/sets/72157625555479662/

À LA MANIÈRE DE…





Emile Zola (Le Ventre de Paris)

Vers les halles

Passé le pont de Neuilly, dans le grand silence de la nuit, la carriole de Violette remontait l’avenue au rythme léger du mulet qui la tirait. Les façades endormies des immeubles renvoyaient le cliquetis des attelages et le clapot des sabots sur les pavés irréguliers. Violette avait rejoint les lourdes voitures de choux et de navets qui arrivaient de Nanterre ou d’Achères et suivait tranquillement le convoi. Son mulet, habitué à faire la route, avançait en dormant à demi, ses longues oreilles enserrées dans une sorte de sac de jute grisâtre et délavé, et le museau au ras du cul du tombereau situé immédiatement devant lui. Violette, adossée à une planchette, les jambes à la pendille, derrière les brancards de la carriole, gardait les yeux ouverts mais ne voyait guère que les ombres molles des platanes dessinées par les lanternes de chaque voiture. Elle songeait vaguement à ce qui l’attendait dans une heure quand, parvenue au cœur de Paris, elle allait décharger ses fleurs sur le trottoir de la rue Rambuteau. En petite paysanne coquette, elle avait revêtu un casaquin de toile gros bleu par-dessus sa longue jupe noire, et couvert ses cheveux d’un bonnet de toile qui soulignait joliment ses traits fins.

Sa carriole était emplie de fleurs coupées la veille par son père dans le jardin de La Garenne ou dans le parc de Neuilly. Réveillée au gros de la nuit, comme chaque matin, elle avait attelé le mulet et s’était lancée sur la route noire en direction de la capitale que l’on entendait gronder au loin comme une bête qui s’éveille.

-Prend garde à toi, lui avait dit son père en la laissant partir dans la nuit. Elle avait souri et répondu gaiement :

- Ce sera comme tous les jours !

Et elle avait fait un gracieux petit signe de la main en grimpant lestement sur sa charrette.

Maintenant les Halles approchaient. Le puissant brouhaha qui s’en élevait grandissait au fur et à mesure que les voitures se glissaient dans les rues sombres. Puis soudain, en débouchant derrière St Eustache, la lumière blafarde des becs de gaz donna à voir l’amoncellement des légumes et des fruits et les façades sombres des pavillons dressés sur leurs colonnes de fonte.

-Violette ! Déplace ton bourricot, tu ne vois donc pas que je ne peux pas m’acculer, lança une grosse marchande boudinée dans un caraco trop petit pour elle, mais bien décidée à trouver sa place dans ce marché aux fleurs qui s’emplissait à chaque minute.

La petite paysanne saisit l’anneau situé à l’extrémité du mors et fit avancer son mulet pour dégager les bords de la rue. Puis, une fois la bête attachée un peu plus loin, revint vers ses gerbes de lis et ses bouquets d’iris. Autour d’elle le profond parfum des fleurs masquait le remugle des choux et des carottes qui s’étalait sur le quartier et couvrait même l’amère odeur de la marée échappée du pavillon d’à côté. De part et d’autre d’un étroit passage ce n’était qu’entassement de roses, de lis, de pivoines et de pavots. Violette, elle, (un nom prédestiné pour une marchande de fleurs), vendait les grands lis blancs au cœur d’ocre qui allaient faire le décor si grandiose des autels des églises parisiennes pour les cérémonies de la Pentecôte. Elle avait également apporté des brassées de grands iris : des bleu pourpré bien sûr, mais aussi des fleurs blanches cerclées et pointillées de violet, et d’autres, en deux tons de grenat ou de bordeaux, qui faisaient l’admiration des passants, surpris de ces couleurs rares et nouvelles.

-D’où tenez-vous ces iris magnifiques ? lui demandait-on souvent. Et elle répondait à chaque fois avec ce sourire réjoui qui lui valait la sympathie de ses clientes :

-De Neuilly, Madame. Ce sont des plantes cultivées par Monsieur Jacques, un grand horticulteur, vous savez ! Il en a des centaines d’espèces, toutes plus jolies les unes que les autres. Pendant tout le mois de mai, il en donne à mon père pour qu’il en fasse profiter les Parisiennes !

Et les clientes, des revendeuses bien au courant des goûts de leur clientèle des beaux quartiers, emportaient, serrés dans un cornet de papier, ces bouquets multicolores et parfumés, dont elles vantaient l’éclat et l’originalité dans un commentaire satisfait : « Il n’y a qu’à Paris, ma chère dame, qu’on peut trouver ces fleurs-là ! »

3.12.10

LA COMPAGNIE DES PETITS





11. Bennett Jones

On a un peu tendance à oublier le rôle essentiel joué par Bennett Jones, récemment décédé, dans le développement des SDB. Pourtant son action y a été prépondérante. Pour preuve le fait que ses obtentions ont remporté neuf fois en trente ans la Cook-Douglas Medal, la plus haute récompense pour les SDB. A ce titre il écrase les autres obtenteurs !

Voici quatre des heureux récipiendaires de cette CDM si convoitée :

  • ‘Bedford Lilac’ (1990) (Sapphire Jewel X ((semis x Meadow’s Moss) x (Meadow’s Moss x Kentucky Bluegrass)))
  • ‘Cherry Garden’ (1966) (Captain Gallant X semis pumila Randolph)
  • ‘Dot Com’ (1996) (Bedford Lilac x Tutu Turquoise)
  • ‘Orange Tiger’ (1987) (Hooligan X (Solar Flight x (Melon Honey x semis E.Roberts)))

LA MODIFICATION





Quand, à la faveur d’un échange de rhizomes, j’ai reçu ‘Beghina’ (Sgaravitti, circa 1949), je ne me doutais pas que je tomberais sous le charme de cette ancienne obtention italienne. Ce fut pourtant le cas. J’ai trouvé sa couleur étonnante et tellement originale. Aussi quand je me suis décidé à tenter des hybridations, est-ce vers cette variété-là que je me suis tourné en premier. Je savais que je risquais de n’obtenir que des fleurs « old fashion », sans intérêt, mais j’ai risqué le coup quand même. Je lui ai choisi pour partenaire un iris qui, par ses nombreux descendants souvent excellents, me laissait espérer, tout de même quelques sujets valables, ‘Sky Hooks’ (Osborne, 1980). La majorité des graines obtenues a germé, soit la première année (c’est à dire en 1997) soit la suivante. En 2000 j’ai découvert mes premières fleurs. Rien de sensationnel, bien entendu, sauf un petit iris pas bien haut mais avec des fleurs blanches agrémentées d’une barbe orange, délicieusement formées, toutes dentelées, joliment disposées le long de la tige. Moi qui prétends ne pas trop apprécier les iris de bordure, j’ai été obligé de reformer mes convictions ! Je lui ai aussitôt donné un nom : ‘Prétexte’, en rapport avec sa couleur immaculée évoquant la toge des jeunes patriciens romains. A mon grand regret, ce joli petit blanc n’a pas passé son premier hiver… A côté de lui, ses frères de semis se présentaient avec la forme dépassée de leur parent maternel ‘Beghina’. J’en ai cependant conservé deux, exclusivement en raison de leur couleur. L’un se présentait en jaune tilleul, nettement infus de vert moutarde. Parce que je n’aime pas les chiffres anonymes d’un numéro de semis, je lui ai donné un nom : ‘Tilleul-Menthe’. L’autre était exactement de la couleur que je recherchais, c’est à dire un vrai gris souris, avec cependant un peu de jaune aux épaules et un spot nettement mauve sous les barbes jaunes. A celui-là j’ai attribué le nom de ‘Fumée sans feu’. Le reste de la portée était sans aucun intérêt : bon pour le compost. Au printemps suivant quelques autres frères de semis ont fleuri. Dont un seul iris d’aspect moderne, avec une fleur de bonne taille, agréablement ondulée, d’un jaune tirant sur le chartreuse, s’éclaircissant vers le centre des sépales et devenant couleur parme sous les barbes elles-même d’un jaune moutarde en harmonie avec la couleur principale. Celui-là méritait absolument d’être conservé et enregistré. Ce fut ‘Kir’ (2001).

Encouragé par cette première expérience, j’ai alors tenté un autre croisement, toujours avec l’arrière-pensée d’obtenir des fleurs grises. Ce fut (Queen in Calico X Thornbird). Je n’avais pas eu la main heureuse car les cultivars issus de ce croisement n’ont strictement rien donné de présentable ! J’ai donc repris ma pince à épiler et j’ai tenté autre chose. Partant du principe que c’est en recroisant des iris proches qu’on s’achemine vers quelque chose de bien, j’ai croisé mon ‘Fumée sans Feu’ avec ‘Thornbird’. Et j’ai attendu… Attendu en vain, car encore une fois mes graines n’ont donné naissance qu’à des plantes d’une banalité désolante, n’ayant retenu que les traits démodés de leur « mère » et n’ayant à aucun moment tenu compte des gènes de leur « père ». Tout est donc parti une nouvelle fois sur le tas de compost. J’avais envie d’arrêter là mes minuscules expériences. Puis j’ai changé d’avis et j’ai entrepris de me diriger vers un amoena inversé, mais gris, de préférence, parce que cela n’existe pas encore. Le modèle amoena inversé est à la mode et je me suis laissé aller à suivre l’air du temps. J’ai appelé cela ma modification. En route donc pour un croisement (Kir X Iriade). Pourquoi ? Parce qu’’Iriade’ est un joli amoena inversé, qui pousse bien et qui est bien fertile.

Désabusé quant à mes talents d’hybrideur, je n’attendais rien de ma dernière tentative. D’autant moins que très peu de graines avaient germé et que les jeunes plantes n’en finissaient pas de montrer leurs premières fleurs. J’avais placé les quatre ou cinq semis dans un coin isolé, mais sec et très ensoleillé. Et ce printemps, surprise ! Une première tige florale s’est mise à monter. Cinq ou six boutons sont apparus, et un matin j’ai découvert un amoena inversé ! Oh ! Pas une merveille : pas plus de 75 cm de haut, des fleurs qui manquent un peu de consistance, très classiques de forme, légèrement ondulées et finement gaufrées, bien disposées le long de la tige, cependant, pas trop grosses, bien proportionnées… Le meilleur cependant, c’est le coloris : des pétales bleu tendre, plus sombre au cœur, des sépales blanc crayeux, veinés de bleu, avec très peu de jaune aux épaules, et de charmantes barbes jaune safran. Selon mon habitude je lui ai attribué un nom. Ce fut d’abord ‘Inversement’ puis, pour évoquer la teinte plus sombre du cœur de la fleur, c’est devenu ‘Zone d’Ombre’, Mais c’est toujours provisoire. En tout cas me voilà réconforté et bien décidé à améliorer le produit. Dès le printemps prochain je vais tenter un croisement endogamique auquel je réfléchis encore…

On recommande aux jeunes hybrideurs de s’atteler à une ligne de recherche et de s’y tenir. Mais j’ai souvent lu que des personnages reconnus dans le monde de l’hybridation avaient détourné leur attention vers un chemin apparu fortuitement parmi leurs semis. J’ai donc retourné ma veste (ou plutôt mon paletot, vu la confidentialité de mon entreprise !), et me voilà sur une nouvelle route. J’ai conscience que celle-ci est bien encombrée, que les plus grands s’y sont élancés, mais je continue : je me fais tout petit, sur la file de droite, sans forfanterie. Je sais que je pilote une voiture sans permis et que d’autres roulent en grosse cylindrée à côté de moi, mais je continue. Jusqu’où irai-je ? Sans doute pas bien loin, mais sait-on jamais ? Et c’est bien amusant ! La découverte d’une fleur inédite, dans le petit matin d’un jour de mai, est un moment délicieux. C’est pourquoi je conseille à tous les amateurs d’iris de se lancer dans l’hybridation artisanale. Avec les quelques conseils et observations que je note ici chaque semaine, ils devraient limiter les désillusions !