24.4.20

PRINCES ET PRINCESSES

Dans l'imaginaire collectif les familles royales tiennent une place de premier plan. Il aurait été étonnant que notre petit monde des iris – reflet du monde en général – ne leur fasse pas la part belle.

Notre feuilleton photographique,jusqu'à cette semaine, va faire un petit tour en leur compagnie. 

VI – Faits et gestes 

Le mot de « prince » ou de « princesse » est utilisé dans bien des circonstances qui n'ont rien de royal, mais pour désigner quelqu'un ou quelque chose que l'on attribue à ces personnages.

'Princess in Dance' 


'Princess Kiss' 


'Princess of Paradise' 

'Princess Bride'

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Régime sec 

Conséquence de la situation sanitaire actuelle, toutes les compétitions organisées en Europe sont annulées !

(Mais qui viendra expliquer aux iris qu'il ne viendra personne pour les admirer ?)

Rendez-vous en 2025 

La fameuse course aux honneurs, celle qui, aux Etats-Unis, distribue les awards et autres médailles, n'aura pas lieu cette année, pour cause d'épidémie de coronavirus. C'est le première fois depuis leur création que ces récompenses ne seront pas attribuées. Même la deuxième guerre mondiale n'a pas eu cette conséquence. Il faut donc imaginer quelque chose qui interrompe la distribution mais ne la supprime pas complètement, ce qui aurait pour conséquence de priver de récompenses les variétés qui auraient du être en compétition cette année. C'est pourquoi Gerry Snyder, l'un des directeurs de l'AIS, propose un calendrier où le décalage se rattrape sur deux ans de manière à revenir à un calendrier normal en 2024 ou 2025 (pour AM et Médailles Catégorielles pour lesquelles il existe une année d'attente depuis le niveau précédent avant de pouvoir concourir). Cela donne, par exemple pour les AM, le tableau suivant :
-les variétés ayant reçu une HM en 2018 faisaient partie de celles introduites en 2014, 2015 et 2016 ; -les variétés récompensées en 2019 étaient celles introduites en 2015, 2016, et 2017 ;
-il n'y a pas de compétition en 2020 donc pas de récompenses ;
-les variétés en compétition en 2021 seraient celles introduites en 2016, 2017, 2018, et 2019 ;
-les variétés en compétition en 2022 seraient celles introduites en 2017, 2018, et 2019 ;
-les variétés en compétition en 2023 seraient celles introduites en 2018, 2019 et 2021 ;
-les variétés en compétition en 2024 seraient celles introduites en 2021 et 2022,
-et celles introduites en 2025 (première année « normale ») seraient celles de 2021, 2022 et 2023.

Même système pour les autres récompenses.

C'est un peu complexe, mais cela me paraît être juste. A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle.

GROS SUCCÈS

Il existe parmi les iris une multitude de couleurs et de combinaisons de couleurs. Certaines rencontrent un vif succès auprès des hybrideurs (et de leurs clients) à un moment donné – effet de mode - , d'autres sont plus rares, et on les qualifie d'originales, et d'autres sont si fréquentes qu'on finit par les trouver banales ou galvaudées. C'est sur l'une de ces dernières que l'on va s'attarder aujourd'hui. Il s'agit des iris bicolores beige/poupre. C'est une association élégante, de bon goût, qui existe depuis les origines des iris de jardin, et qui continue de rencontrer les faveurs des hybrideurs de tous pays. Chaque année on en découvre des nouvelles versions, qui se situent entre le simple variegata aux pétales jaunes (clair et légèrement rosé) jusqu'au bitone rose (un peu infus de violet) au-dessus de sépales allant du rose magenta au grenat foncé. En me limitant à la description initiale, j'ai trouvé des tas d'exemples dans ma collection de photos : au moins une soixantaine. En comparant tous ces iris j'ai été frappé par leur ressemblance et je me suis donc contenté de ceux qui m'ont paru le plus remarquables ou les plus représentatifs de leur époque.

Commençons par 'Colonel Candelot' (Millet, 1907). Un nom qui témoigne de l'importance de l'armée dans la France post-1870 et qui honore un ingénieur militaire reconnu devenu maire de Bourg La Reine, localité où se trouvait la pépinière de la famille Millet. La description en est : « Pétales bronze lavé de lavande rosé ; sépales grenat foncé veiné de blanc de chaque côté de la barbe orange. » On est en plein dans le modèle auquel on s'intéresse. Indiquer le pedigree de ses obtentions n'était pas obligatoire au début du XXe siècle, on ignore donc celui de notre 'Colonel Candelot', ce qui est bien dommage...

Je ne sais pas si l'on peut placer 'Dauntless' (Connell, 1929) dans le modèle considéré. Si c'est le cas, on est en présence d'une fleur en tous points remarquable et qui a séance tenante obtenu la Médaille de Dykes. Les sépales sont d'un beau grenat pourpré, les pétales d'un rose magenta clair (trop rose peut-être pour le sujet du jour). La fleur est d'une forme absolument classique et la plante est de belle venue. Cependant, malgré ces hautes qualités, c'est un iris qui n'a pour ainsi dire pas eu de descendance.

'Agrippa' (F. Cayeux, 1936) reprend, trente ans plus tard, le coloris de 'Colonel Candelot'. Le catalogue Cayeux du moment décrit cette variété de cette façon : « Pétales d'une chaude teinte vieil or ; sépales larges, arrondis, rouge grenat teinté d'or dans la gorge. » La ressemblance entre 'Colonel Candelot' et 'Agrippa' est saisissante. Sont-ils parents ? On ne le sait pas car là encore on ne dispose pas des pedigrees. Quoi qu'il en soit on ne constate pas d'évolution significative en trente ans. Cela veut-il dire que 'Colonel Candelot' était en avance sur son époque, ou que 'Agrippa' avait pris du retard ?

Le temps passe... en 1963 'Pipes of Pan' (O. Brown) s'approche du modèle, avec cependant des sépales peut-être un peu clairs. Mais quatre ans plus tard 'Barcelona' (O. Brown, 1967) améliore le contraste. Il est décrit comme « Pétales ocre avec infusions de violet sur les côtes ; sépales pourpre pensée, barbe orange ». C'est un iris qui a eu une nombreuse descendance, en particulier en Australie, chez Barry Blyth, avec, par exemple, 'Desert Morn' (1974).

'Chapeau' (Babson, 1969) fait partie de mes fleurs favorites. Sa description correspond bien aux critères recherchés : « Pétales beige crème ; sépales rose orchidée, barbes orchidée ». De nos jours encore, c'est une fleur qui n'a rien perdu de son charme. Chez les grands TB, il n'a guère de descendants, mais chez les iris médians, la famille Craig (Jim et Vicki) en a tiré plusieurs jolies choses dont, dans notre sujet, le BB 'Quinalt' (1999). 'Chapeau' figure toujours dans de nombreuses collections en France.

On arrive vite aux temps modernes et c'est le moment où le modèle bicolore beige/pourpre est abondamment représenté. Dans cet ordre d'idées, la famille Cayeux s'est illustrée. On trouve 'Coquetterie' (J. Cayeux, 1986), classique et élégant ; 'Double Espoir' (J. Cayeux, 1994), avec des pétales rose saumoné, des sépales d'un beau grenat et des barbes orange vif ; 'Frimousse' (R. Cayeux, 1999), avec des pétales abricot et des sépales couleur groseille ; et encore 'Marie-José Nat' (R. Cayeux, 2000) aux pétales rose doré et aux sépales grenat cernés de beige. Une autre famille a répondu présent : les Anfosso, avec 'Myre' (P.C. Anfosso, 1996) et 'Samarcande' (P.C. Anfosso, 1992) - rebaptisé 'Samarcande Grège' pour cause d'enregistrement tardif – l'un et l'autre tout à fait dans la note. Plus récemment, Alain Chapelle nous a donné 'Shantala (2007), d'une présentation tout à fait contemporaine.

Cependant c'est aux Etats-Unis qu'on trouve le plus grand nombre de ces beige/poupre. En les prenant obtenteur par obtenteur, j'ai retenu :
'Ocelot' (Ghio, 1997) et 'Halloween Trick' (Ghio, 2006)  - démonstrations du savoir-faire de Joë Ghio ;
'Naples' (T. Johnson, 2000) ; 'Prague' (T. Johnson, 2004) ; 'Impostor' (T. Johnson, 2006 ; 'Toronto' (T. Johnson, 2011) ont un indéniable air de famille ;
'Braggadocio' (Keppel, 1996) ; 'Foreign Legion' (Keppel, 2000) l'un et l'autre descendants de 'Tomorrow's Child' (B. Blyth, 1981) ;
'Fancy Lover' (Meininger, 2010), très chic ;
'Scottish Warrior' (G. Sutton, 2001) ; 'Razzleberry Pie' (M. Sutton, 2006) ont tous les traits de ce que sélectionne la famille Sutton ;
'Priceless Memories' (Tasco, 2017), le plus moderne.
Et n'oublions pas 'Mosey Along' (Burseen, 2017), totalement inclassable comme beaucoup de ce que fait son hybrideur.
En Europe 'Chachar' (Seidl, 2013), avec ses éperons violet foncé, a enthousiasmé les juges des concours. Vainqueur de FRANCIRIS 2017, il a également triomphé au Concorso Firenze en 2019 !

Enfin ne terminons pas cette chronique sans dire un mot de ce qui se passe dans le pays qui est en passe de devenir le plus grand producteur d'iris du monde, la Russie, et remarquons le très joli 'Planeta Gloriya' (Krutchenko, 2011), premier prix du concours de Krasnodar en 2015. Ces iris orientaux finiront-ils par venir jusqu'à nous pour qu'ion puisse en mesurer la valeur ?

Cela fait beaucoup, et pourtant bien d'autres variétés du même tonneau auraient pu trouver leur place dans cette énumération. C'est la preuve que ce modèle, même si l'on finirait par s'en lasser, rencontre les faveurs de tout les amateurs d'iris.

Illustrations :


'Colonel Candelot' 


'Dauntless' 


'Agrippa' 


'Barcelona' 

(à suivre... à partir de la semaine prochaine une page spéciale de notre feuilleton hebdomadaire va être consacrée à ce modèle, avec toutes les variétés évoquées ci-dessus).

17.4.20

PRINCES ET PRINCESSES

Dans l'imaginaire collectif les familles royales tiennent une place de premier plan. Il aurait été étonnant que notre petit monde des iris – reflet du monde en général – ne leur fasse pas la part belle. Notre feuilleton photographique, pendant quelques semaines, va faire un petit tour en leur compagnie.

V – Personnages de fantaisie 

Le mot de « prince » ou de « princesse » est utilisé dans bien des circonstances qui n'ont rien de royal, mais pour désigner quelqu'un ou quelque chose d'exceptionnel.


'Prince of Earl' 

'Prince of Hearts' 


'Prince of Pirates' 

'Prince of Tides'

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Quand s'étalent les iris...

Une collectionneuse et obtentrice néo-zélandaise de ma connaissance, Lyn Chappell, a publié cette semaine un message sur Internet dont voici la traduction :

« Quelqu'un a récemment demandé si le nombre de feuilles d'un grand iris barbu pouvait indiquer s'il fleurirait dans la saison à venir. Après 9 à 10 ans de culture et d'hybridation (et d'enregistrement) des grands iris barbus, j'ai découvert que la façon dont les formes du feuillage se développent peut donner une bonne indication. Un certain nombre (pas tous) montrent un feuillage s'étalant latéralement lorsqu'un bourgeon commence à se former. Nous sommes au milieu de l'automne ici en Nouvelle-Zélande et j'ai actuellement quatre semis d'un croisement de 'Précision' montrant ce trait. J'aurais préféré que cela se produise pas maintenant car ces fleurs vont fleurir au milieu de l'hiver et finiront très probablement sous l'effet du gel. (Notez à gauche comment les feuilles se sont développées vers l'extérieur avec de grands écarts entre elles. C'est une très bonne indication qu'il y a un bourgeon qui essaie de pousser depuis le bas. »

LES JUMEAUX DE BERKELEY

Quand on voit côte à côte 'San Francisco' (W. Mohr, 1927) et 'Los Angeles' (Mohr-Mitchell, 1927) on ne peut pas se dire que ce sont des jumeaux. Cette réflexion, je me la suis faite au premier coup d'oeil donné au dernier bulletin « IRISES » de l'AIS où leurs photos sont présentées sur deux pages contiguës. Effectivement ce sont bien deux frères de semis, issus du croisement ('Conquistador' x 'Parisiana') X 'Esplendido'. Un de ces croisements des anciens temps, encore proches des espèces originelles. En l’occurrence l'espèce en question est I. mesopotamica, une de celles qui ont apporté en Occident la tétraploïdie qui a provoqué cette révolution dont nous ne soupçonnons même plus l'importance, mais qui a conquis le monde des iris dans son intégralité. Comme toutes les espèces venues du Moyent-Orient à la fin du 19e siècle, I. mesopotamica présente de grosses fleurs spectaculaires, uniformément bleues, mais a le defaut de ne pas être franchement rustique sous nos latitudes. Les pépiniéristes de l'époque – et leurs clients – se sont vite lassés de ces fleurs bleues, et ils auraient préféré une plante résistante au gel. Ils ont donc essayé de transférer sur ces nouvelles plantes les éclatantes couleurs des iris autochtones et leur véritable rusticité. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain, et les résultats sont restés longtemps décevants, jusqu'au jour où, enfin, le basculement s'est produit. 'San Francisco' et 'Los Angeles' font partie des ces tétraploïdes de la deuxième génération. Ils ont les caractéristiques génétiques de I. mesopotamica et les coloris des iris plicatas traditionnels. C'est ce qui a fait leur succès malgré une résistance assez problématique.

Quelques mots de leurs parents :
'Conquistador' (W. Mohr, 1921) ( 'Juniata' X Iris mesopotamica ). Lui-même de couleur violet clair avec des barbes orangées, il a apporté à ses descendants deux caractères essentiels : la tétraploïdie et les gènes de plicata provenant de 'Juniata' (B. Farr, 1909) ;
'Parisiana' (Vilmorin, 1911) : un plicata bleu/blanc diploïde de la vieille garde, remarquable pour le contraste de ses couleurs ;
'Esplendido' (W. Mohr, 1924) (I. mesopotamica x 'Parisiana' ). Autre résultat du basculement entre diploïde et tétraploïde. C'est un bitone violet-mauve. Comme de vrais jumeaux homozygotes, nos deux variétés se ressemblent énormément. C'est la description de 'Los Angeles' qui est la plus explicite : « Pétales blancs finement liserés de bleu lavande pâle ; sépales blancs, réticulés de brun-rouge à la base ; barbes jaune doré. » Pour 'San Francisco', plutôt que la description officielle, il est préférable de noter celle du catalogue 1927 de Carl Salbach : « (…) grandes fleurs blanches, dont pétales et sépales sont nettement liserés de lavande. » C'est un peu court, mais tout de même plus précis que le « plicata violet et blanc » de l'enregistrement ! La ressemblance est telle que, pris individuellement il est pratiquement impossible de dire qui est qui. Une comparaison minutieuse fera apparaître que les pétales de 'San Francisco ' sont un peu plus marqués de bleu lavande, et les épaules de 'Los Angeles' un peu plus colorés …

 Ces deux variétés ont été vivement appréciées dès leur apparition sur le marché et 'San Francisco' a acquis la célébrité en devenant le premier iris à recevoir la Médaille de Dykes américaine. Malgré cela, il est curieux de constater qu'ils n'ont eu ni l'un ni l'autre la descendance qu'on aurait pu imaginer. Sur ce plan, c'est 'Los Angeles' qui a été le plus recherché. Néanmoins leurs rejetons sont assez peu nombreux et aucun n'a laissé un souvenir impérissable. L'hybrideur qui en a fait le plus grand usage est Tom Craig, dans les années 1950.

 Ces deux variétés qui marquent une étape dans l'évolution des grands iris figurent toujours dans les collections spécialisées. Il faut tout faire pour les y conserver

 Illustrations : 


'San Francisco' 


'Los Angeles' 

'Conquistador' 

'Parisiana'

10.4.20

PRINCES ET PRINCESSES

Dans l'imaginaire collectif les familles royales tiennent une place de premier plan. Il aurait été étonnant que notre petit monde des iris – reflet du monde en général – ne leur fasse pas la part belle. Notre feuilleton photographique, pendant quelques semaines, va faire un petit tour en leur compagnie.

IV - Dans l'Histoire 

Bien qu'historiques, certains personnages de sang royal sont devenus des héros...

'Princesse Wolkonsky' 

'Prince of Orange' 


'Prince Igor' 

'Prince Eugène'

FAUT PAS PRENDRE TOUS LES IRIS BLEUS POUR DES IRIS SAUVAGES

Pour un grand nombre de gens, quand on parle d'iris on évoque une fleur bleue. Bien que la notion d'iris soit aussi associée à celle d'arc-en-ciel, ce qui laisse à penser à une infinité de couleurs, il n'empêche que le bleu est le nom d'iris est synonyme de bleu. Ce rapprochement ne se fait pas par hasard. Dans un très grand nombre de jardin, mais aussi le long des routes et des chemins, au pied des murs, sous les fenêtres, la saison des iris est celle de la couleur bleue. Mais quand on dit bleu, c'est par métonymie, car on devrait plutôt parler des bleus et même des bleus et des violets. Au printemps dernier, en allant de chez moi au centre du village pour acheter mon pain, sur une soixantaine de pavillons et de maisons anciennes devant lesquels je suis passé, j'ai un jour compté trente-trois jardins où fleurissaient des iris bleus. De la même façon quand on admire un tableau où il y a des iris, ceux-ci sont le plus souvent bleus, à commencer par les fameux « Iris » de Vincent van Gogh.

La plupart de ces iris des jardins sont effectivement des iris que l'on peut qualifier de sauvages. Enfin, en réalité, ce sont des plantes retournées à la vie sauvage. On dit qu'elles se sont naturalisées. Car de véritables iris sauvages, il ne doit plus en exister. Ceux que nous côtoyons aujourd'hui ont un passé tumultueux : ils ne se sont pas faits en un jour. Ils existent certes dans les jardins depuis la nuit des temps, mais ceux que nous admirons aujourd’hui ne sont que les derniers aspects d’une évolution qui a commencé il y a très longtemps et qui a pris une tournure organisée quand des pépiniéristes fondus d’iris ont eu l’idée de sélectionner parmi les semis qu’ils effectuaient de graines issues de fécondations réalisées par les insectes, les plantes les plus belles et les plus originales. Ces plantes-là ont eu un large succès commercial et, comme c'est toujours le cas, une fois disposés dans les jardins par des amateurs qui n'avaient rien d'horticulteurs, ces derniers se sont empressé de perdre ou d'oublier les noms de ces iris, qui se sont à leur tours naturellement hybridés entre eux et avec les iris déjà en place. Voilà comment on passe de plantes précieuses à des plantes anonymes, d'autant plus bleues que les iris de cette couleur, manifestement plus vigoureux et prolifiques que les autres, ont supplantés sans pitié les plus fragiles. C'est toujours ce qui se passe quand on entend dire : « j'avais des iris de toutes les couleurs que j'avais achetés chez un pépiniériste réputé, mais ils ont dégénéré et maintenant je n'ai plus que des iris bleus ».

Les espèces à la base de nos iris des jardins étaient de couleur bleue – ou violette – et ce n'est pas l'apport des espèces levantines introduites à la fin du XIXe siècle qui ont fait changer les choses puisque ces iris étaient uniformément bleus, ou bleu violacé, ou de deux tons de bleu. Ils ont apporté aux iris autochtones des qualités qui leur manquaient, mais ils n'en ont pas changé les couleurs.

Il ne faut cependant pas conclure que si les iris que l'on voit sont bleus, se sont nécessairement des iris « ordinaires » ? car parmi les iris « de collection » les fleurs bleues sont nombreuses, très nombreuses.

C'était déjà le cas parmi les variétés obtenues dès le début du XXe siècle par la pépinière Vilmorin. Prenez l'exemple de 'Monsignor' (1907) ou de 'Ballerine' (1914), ce sont deux bleus charmants. Même chose chez la famille Millet, avec l'inoubliable 'Souvenir de Mme Gaudicheau' (1914) ainsi que 'Paulette' (1930), passé plus largement inaperçu. Quant au grand maître des années 1920/30, Ferdinand Cayeux, il a obtenu des bleus formidables comme le superbe 'Zampa' (1926) dont on a souvent parlé ici, 'Beotie' (1932), tendrement bleu lavande, ou 'Nicole Lassailly' (1937), titulaire de la Médaille de Dykes Française. Mais les grands maîtres des années 1920/30 restent les Américains, grâce aux champions que sont 'Missouri' (Grinter, 1932), 'Great Lakes' (Cousins, 1938), (Chivalry', Wills, 1942), 'Blue Rhythm' (Whiting, 1945) et bien d'autres...

Les Américains ont continué de tenir le haut du pavé aussitôt après la guerre, alors que les Européens avaient bien d'autres choses à faire que de créer des variétés nouvelles d'iris. C'est le cas avec 'Jane Philips' (Graves, 1946), un iris que j'ai découvert un jour lors d'une fête des plantes dans un château de Touraine : en pot, il avait fière allure et j 'ai été séduit par son bleu tendre hérité de 'Helen McGregor' (Graves, 1943), médaillé en 1949. 'Rippling Waters (Fay, 1961), en mauve lilas et barbes mandarine, est un autre produit US qui a fait le tour du monde.

Il faut encore attendre plusieurs années avant de voir des variétés bleues françaises venir s'imposer au plan international. Cela se réalisera en 1978 avec 'Condottiere' (J. Cayeux), la variété française la plus utilisée en hybridation partout dans le monde.

Néanmoins ce sont toujours les hybrideurs américains qui détiennent le « ruban bleu » (si l'on peut dire). Ils ont obtenu de grands bleus , à commencer par la maison Schreiner qui en met sur le marché presque un chaque année. Dans ce vaste choix il faut retenir 'Blue Sapphire' (1953), 'Arpege' (1966), 'Sapphire Hills' (1971), 'Victoria Falls' (1977), 'Tide's In' (1983), 'Altruist' (1987), 'Oregon Skies' (1991), 'Blue Crusader' (1998)... De Neva Sexton on admirera 'Pacific Panorama' (1960) ou 'Good Morning America' (1971) ; pour Sterling Innerst ce sera 'Codicil' (1985) ; pour Bernard Hamner, 'Avalon Bay' (1974) ; pour Sandford Babson ' Shipshape' (1969) et 'Fancy Fellow' (1984) et pour John Weiler, 'Navajo Jewel' (1984) ; enfin parlons des inoubliables 'Babbling Brook' (Keppel, 1969) et 'Mystique' (Ghio, 1975), d'authentiques chef d’œuvres...

Au cours des années 1990/2000, tous les hybrideurs, de quelque nation que ce soit, vont avoir à cœur de créer des iris bleus, depuis les iris bleu glacier jusqu'aux fleurs bleu profond ou au riche violet archevèque. Il n'est pas facile de choisir parmi ces milliers de plantes. Pour un rapide tour du monde j'ai retenu l'australien 'Corona Star' (Grosvenor, 2000), l'italien 'Azzurra' (Bianco, 1994), l'Allemand 'Lippischer Schütze' (Görtbitz, 1997), le tchèque 'Deep Blue Waves' (Seidl, 2006) et pour finir le français 'Mer du Sud' (R. Cayeux, 1997). Rien que des plantes de qualité !

Avec une telle richesse, il n'est pas étonnant que les gens soient tentés d’assimiler iris sauvage et iris bleu. Mais en réalité d'iris sauvage, comme on le sait maintenant, il n'y a plus, et depuis longtemps ! Mais quand ils ont perdu leur nom, ils font croire qu'ils ont retrouvé leurs origines. En fait c'est une manière de leur rendre hommage que de leur attribuer une vie immémoriale ! Les iris bleus qu'ils soient plus que centenaires ou beaucoup plus récents, sont bien les rois de nos jardins.

Illustrations : 


'Ballerine' 

'Paulette' 


'Jane Philips' 


'Navajo Jewel' 


'Corona Star' 


'Mer du Sud'

3.4.20

PRINCES ET PRINCESSES

Dans l'imaginaire collectif les familles royales tiennent une place de premier plan. Il aurait été étonnant que notre petit monde des iris – reflet du monde en général – ne leur fasse pas la part belle. Notre feuilleton photographique, pendant quelques semaines, va faire un petit tour en leur compagnie. 

III – Familles royales

Il n'y a pas que les paparazzi qui s'intéressent aux familles royales. Les obtenteurs d'iris ne les oublient pas !

'Prince Charles' 

'Prince of Monaco' 


'Princesse Anne' 


'Princesse Grace' 


'Princesse Caroline de Monaco'

LA FLEUR DU MOIS

'Homecoming Queen' (Neva Sexton, 1978)

('Moon River' x 'Beauty Secret') X 'Christening Party' sibling 

 'Homecoming Queen' n'est pas une variété très courante dans notre pays. Disons même qu'elle est plutôt rare et que sa rareté va aller en s'accroissant avec le temps qui passe. Je m'en suis fait envie dans les années 1990, quand ma collection était en pleine expansion. C'est un autre collectionneur, d'Occitanie, Noël Guillou, qui m'en a fait la proposition. Comme je commençais à rechercher des variétés originales, j'ai accepté son offre. Mais quand je suis allé à Caussade chercher ma commande il m'a dit que cette année le développement de la plante avait été insuffisant et qu'il n'était pas en mesure de me fournir cette variété. Déception... L'iriseraie de Noël Guillou était extraordinaire : à quelques kilomètres de sa petite ville, au détour d'une route, une maisonnette moussue et inhabitée s'élevait au milieu d'un terrain boisé, et sous les arbres des centaines d'iris trouvaient tout de même assez de lumière pour fleurir en abondance. Toutes sortes de variétés, mais un grand nombre d'iris roses, avec plein de variétés peu courantes, acquises en majorité par commande directe aux obtenteurs américains. Comme à l'époque j'étais en correspondance avec Ladislav Muska, en Slovaquie, avec qui j'échangeais tout plein de variétés : lui m'envoyait ses obtentions et je lui faisais parvenir des iris français, je fournissais à Noël Guillou mes variétés slovaques, parmi lesquelles quelques roses qui donnaient à sa collection une touche exotique !

Après cet échec, je dus attendre un an avant de recevoir enfin 'Homecoming Queen', mais cette variété s'est montrée délicate et capricieuse, si bien qu'elle n'est restée que peu de temps dans mon jardin...

Ce caractère difficile n'enlève rien à l'intérêt intrinsèque de 'Homecoming Queen', que madame Sexton a décrit comme « unicolore d'un riche rose cuivré avec une barbe rouge carotte ». Son pedigree n'est pas franchement intéressant pour qui s'intéresse aux origines d'un iris, puisque le parent mâle de celui-ci est un frère de semis d'un iris blanc crémeux, 'Christening Party' (Sexton, 1974) ; or qui dit frère de semis ne renseigne pas sur la couleur de la fleur, puisque chacun sait que dans un semis on peut découvrir les choses les plus différentes qu'on puisse imaginer ! Mais ce n'est pas la seule inconnue puisque le résultat du croisement 'Moon River' x 'Beauty Secret' n'a pas non plus une identité précise ! 'Moon River' (Sexton, 1962) est un jaune doré très classique mais issu lui-même d'une variété particulièrement intéressante, 'Mixed Emotions' (Sexton, 1959). La description qu'en donne Tell Muhlestein dans son catalogue dit bien l'estime dans laquelle ce grand hybrideur tenait l'obtention de sa jeune consoeur dont il s'git du premier enregistrement : « La couleur est un blanc perle, c'est à dire un blanc bleuté, légèrement brossé de chartreuse sur les épaules. Les styles sont chartreuse et les lèvres stigmatiques sont bleues (ce qui est un trait tout à fait inhabituel), et les barbes chartreuses sont pointées de bleu.(...) ». Ce 'Mixed Emotions' a eu, comme on pouvait s'en douter, une abondante descendance, notamment en vue d'obtenir des fleurs bleutées tirant sur le vert comme 'Song of Erin' (L. Roach, 1962).. Avec un tel ancêtre, 'Homecoming Queen' avait emmagasiné des qualités qui ont fait les beaux jours de plusieurs obtenteurs, en particulier Joë Ghio, pour ses iris orange ou brun-rouge, mais aussi de nombreux autres comme William Maryott, Jim Hedgecock ou Tom Burseen.

'Beauty Secret' (Sexton, 1966) est une variété beaucoup plus discrète qui n'a retenu l'attention que de Neva Sexton elle-même et de son voisin Bernard Hamner, chez l'un et l'autre en vue d'obtenir des iris orange comme 'Georgia Girl' (Sexton, 1970.

Un mot de 'Christening Party' (Sexton, 1974), même si l'on ne sait rien de son frère de semis en cause dans le pedigree de 'Homecoming Queen'. C'est un iris blanc crémeux, avec du jaune pâle aux épaules et en liseré sur les tépales et de grosses barbes mandarine.

 Malgré son potentiel génétique considérable et un ancêtre prestigieux, 'Homecoming Queen' n'a pas connu semble-t-il un vrai succès commercial. Est-ce du à son caractère capricieux et la faiblesse de sa multiplication ? On peut raisonnablement le penser.

 Illustrations : 


'Homecoming Queen' 


 'Christening Party' 


 'Mixed Emotions' 

'Georgia Girl'

IRIS À L'ITALIENNE Giuseppe Giovanni Bellia, obtenteur inconnu

Il y a encore quelques années j'aurais pensé que l'hybridation des iris n'y avait commencé qu'avec les premiers travaux d'Augusto Bianco, pourtant, en Italie la culture des iris n'est pas nouvelle. Elle y a même pris pris une allure tout à fait originale. En Italie ce sont des femmes qui se sont mises en évidence. Elles ont fait ça à titre de loisir, et sans se soucier d'assurer une pérennité à leur travail. C'est pour cela que leur ouvrage est resté si longtemps mystérieux et ignoré de beaucoup d'amateurs, voire de professionnels. Ces dames s'appellent Mary Senni (en fait une américaine, épouse d'un comte italien du nom de Senni), Flaminia Specht (cette fois c'est une italienne qui a épousé un américain), Juanita – dite Nita - Radicati, épouse Stross, Eva Calvino, mère du célèbre écrivain Italo Calvino et Angela – dite Gina – Sgaravitti, dont il a été récemment question ici-même. Cependant, dans cet univers féminin, au même moment, il y avait aussi un homme : Giuseppe Giovanni Bellia.

 Pour ce qui est des principes, Giuseppe Bellia a suivi sans hésiter ceux des dames citées ci-dessus. A l'origine c'était plus un botaniste qu'un horticulteur. C'est en cette qualité, et parce qu'il avait à cœur de préserver la flore subalpine présente à l'Ouest de Turin, qu'en 1961 il a créé le jardin « Vivai di San Bernardino» dans la vallée du Sangone, juste au sud du val de Suze, par où passe le trafic transalpin empruntant le col (et le tunnel) du Fréjus, dans le village de Trana. Par la suite le Jardin fut acheté par la Région Piémont et devint partie intégrante du Musée de Sciences Naturelles de Turin.

Guiseppe Bellia avait mis ses connaissances botaniques en application dans une livre, traduit d'ailleurs en français : « Le Plante da Giardino » et, s'était dirigé de l'horticulture en général vers l'hybridation en particulier. Mais pourquoi à l'hybridation des iris ? Les documents que j'ai consultés il à son sujet ne révèlent rien sur ce choix. Mais une chose est certaine : au jardin du val Sangone il a fait une vaste place aux iris , italiens bien sûr, c'est à dire à l'époque à ceux des dames évoquées plus haut, mais aussi d'autres origines. C'est après avoir étudié le travail des autres qu'il s'est lui-même mis à l'ouvrage. Au début des années 1960 il s'est risqué à réaliser ses premiers croisements, avec le matériel qu'il avait sous la main, c'est à dire les variétés de son amie Nita Stross ainsi que celles d'obtenteurs américains contemporains. Un peu comme ce que faisaient au même moment les hybrideurs d'au-delà du rideau de fer ! Mais ces derniers, même s'ils en avaient eu l'intention n'auraient pas pu faire enregistrer leur travail dans les documents officiels. Alors que rien n'empêchait les italiens de transmettre leurs demandes d'enregistrement à l'AIS. Et pourtant, Bellia comme les autres n'en ont rien fait. Il y a là une anomalie qu'on ne peut pas raisonnablement expliquer. Toujours est-il que ce n'est que dans les documents personnels de Giovanni Bellia que se trouvent les traces de ses croisements. Ces documents sont les carnets dans lesquels il notait son travail et les catalogues qu'il a édité entre 1965 et 1970. Par la suite, sans doute parce que son activité au jardin botanique ne lui en laissaient pas le loisir, il a un peu perdu de vue ses propres iris ainsi que leur trace dans le jardin. Ce n'est qu'au cours des années 1980 qu'il a essayé de réparer ses négligences et reconstitué une partie de son travail d'hybrideur, avec l'aide de ses deux collaboratrices qui ont largement contribué à la ré-identification des plantes encore présentes au jardin. 24 variétés ont pu être précisément identifiées. Presque toutes figurent en photo dans la brochure réalisée par Patrizia Verza-Ballesio « Le Iris tra Botanica et Storia ».

 Que dire de ces iris ? A défaut d'avoir pu les apprécier « sur le sujet » (comme disent les peintres), on doit se contenter des images. Et cet examen laisse à penser que l'on a affaire à des produits qui présentent les traits des iris des années 40/50 (sépales étroits à la base, retombants, avec peu ou pas d'ondulations). La plupart sont des variétés unicolores, dans les teintes traditionnelles. C'est un peu la remarque que l'on peut faire au sujet des variétés obtenues par Gaby Martignier en Suisse, au château de Vullierens, à la même époque. On ne remarque guère de progrès entre les variétés antérieures de Nita Stross ou d'Eva Calvino. Mais cela s'explique facilement par le fait que le matériel de base n'était pas assez varié et n'apportait pas les modifications structurelles offertes par les variétés des grands hybrideurs américains de l'époque...

Quoi qu'il en soit Giuseppe Giovanni Bellia, dans la sorte d'isolement où il se trouvait, s'est amusé à créer des iris qui n'ont rien de révolutionnaire mais ont pour intérêt de montrer les limites d'un travail en quasi autarcie qui n'a pas reçu la diffusion qu'une adhésion au système mondial lui aurait fournie. De la sorte sa place dans l'histoire mondiale des iris n'apparaît pas, ce qui lui confère un caractère original.

Illustrations : 


 'Lola' (Nita Stross, 1958) 


'Birghitta' (G. Bellia, 1963) 


'Dalida' (G. Bellia, 1964) 


'Orient Express' (G. Bellia, 1963)