3.4.20

IRIS À L'ITALIENNE Giuseppe Giovanni Bellia, obtenteur inconnu

Il y a encore quelques années j'aurais pensé que l'hybridation des iris n'y avait commencé qu'avec les premiers travaux d'Augusto Bianco, pourtant, en Italie la culture des iris n'est pas nouvelle. Elle y a même pris pris une allure tout à fait originale. En Italie ce sont des femmes qui se sont mises en évidence. Elles ont fait ça à titre de loisir, et sans se soucier d'assurer une pérennité à leur travail. C'est pour cela que leur ouvrage est resté si longtemps mystérieux et ignoré de beaucoup d'amateurs, voire de professionnels. Ces dames s'appellent Mary Senni (en fait une américaine, épouse d'un comte italien du nom de Senni), Flaminia Specht (cette fois c'est une italienne qui a épousé un américain), Juanita – dite Nita - Radicati, épouse Stross, Eva Calvino, mère du célèbre écrivain Italo Calvino et Angela – dite Gina – Sgaravitti, dont il a été récemment question ici-même. Cependant, dans cet univers féminin, au même moment, il y avait aussi un homme : Giuseppe Giovanni Bellia.

 Pour ce qui est des principes, Giuseppe Bellia a suivi sans hésiter ceux des dames citées ci-dessus. A l'origine c'était plus un botaniste qu'un horticulteur. C'est en cette qualité, et parce qu'il avait à cœur de préserver la flore subalpine présente à l'Ouest de Turin, qu'en 1961 il a créé le jardin « Vivai di San Bernardino» dans la vallée du Sangone, juste au sud du val de Suze, par où passe le trafic transalpin empruntant le col (et le tunnel) du Fréjus, dans le village de Trana. Par la suite le Jardin fut acheté par la Région Piémont et devint partie intégrante du Musée de Sciences Naturelles de Turin.

Guiseppe Bellia avait mis ses connaissances botaniques en application dans une livre, traduit d'ailleurs en français : « Le Plante da Giardino » et, s'était dirigé de l'horticulture en général vers l'hybridation en particulier. Mais pourquoi à l'hybridation des iris ? Les documents que j'ai consultés il à son sujet ne révèlent rien sur ce choix. Mais une chose est certaine : au jardin du val Sangone il a fait une vaste place aux iris , italiens bien sûr, c'est à dire à l'époque à ceux des dames évoquées plus haut, mais aussi d'autres origines. C'est après avoir étudié le travail des autres qu'il s'est lui-même mis à l'ouvrage. Au début des années 1960 il s'est risqué à réaliser ses premiers croisements, avec le matériel qu'il avait sous la main, c'est à dire les variétés de son amie Nita Stross ainsi que celles d'obtenteurs américains contemporains. Un peu comme ce que faisaient au même moment les hybrideurs d'au-delà du rideau de fer ! Mais ces derniers, même s'ils en avaient eu l'intention n'auraient pas pu faire enregistrer leur travail dans les documents officiels. Alors que rien n'empêchait les italiens de transmettre leurs demandes d'enregistrement à l'AIS. Et pourtant, Bellia comme les autres n'en ont rien fait. Il y a là une anomalie qu'on ne peut pas raisonnablement expliquer. Toujours est-il que ce n'est que dans les documents personnels de Giovanni Bellia que se trouvent les traces de ses croisements. Ces documents sont les carnets dans lesquels il notait son travail et les catalogues qu'il a édité entre 1965 et 1970. Par la suite, sans doute parce que son activité au jardin botanique ne lui en laissaient pas le loisir, il a un peu perdu de vue ses propres iris ainsi que leur trace dans le jardin. Ce n'est qu'au cours des années 1980 qu'il a essayé de réparer ses négligences et reconstitué une partie de son travail d'hybrideur, avec l'aide de ses deux collaboratrices qui ont largement contribué à la ré-identification des plantes encore présentes au jardin. 24 variétés ont pu être précisément identifiées. Presque toutes figurent en photo dans la brochure réalisée par Patrizia Verza-Ballesio « Le Iris tra Botanica et Storia ».

 Que dire de ces iris ? A défaut d'avoir pu les apprécier « sur le sujet » (comme disent les peintres), on doit se contenter des images. Et cet examen laisse à penser que l'on a affaire à des produits qui présentent les traits des iris des années 40/50 (sépales étroits à la base, retombants, avec peu ou pas d'ondulations). La plupart sont des variétés unicolores, dans les teintes traditionnelles. C'est un peu la remarque que l'on peut faire au sujet des variétés obtenues par Gaby Martignier en Suisse, au château de Vullierens, à la même époque. On ne remarque guère de progrès entre les variétés antérieures de Nita Stross ou d'Eva Calvino. Mais cela s'explique facilement par le fait que le matériel de base n'était pas assez varié et n'apportait pas les modifications structurelles offertes par les variétés des grands hybrideurs américains de l'époque...

Quoi qu'il en soit Giuseppe Giovanni Bellia, dans la sorte d'isolement où il se trouvait, s'est amusé à créer des iris qui n'ont rien de révolutionnaire mais ont pour intérêt de montrer les limites d'un travail en quasi autarcie qui n'a pas reçu la diffusion qu'une adhésion au système mondial lui aurait fournie. De la sorte sa place dans l'histoire mondiale des iris n'apparaît pas, ce qui lui confère un caractère original.

Illustrations : 


 'Lola' (Nita Stross, 1958) 


'Birghitta' (G. Bellia, 1963) 


'Dalida' (G. Bellia, 1964) 


'Orient Express' (G. Bellia, 1963)

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