25.5.12

LES SEIZE COULEURS DE SCHREINER AND CO.

Depuis plus de vingt ans le choix offert chaque année par la vénérable maison de Salem (Oregon) est pratiquement immuable : une variété dans chacun des 15 coloris ou associations de coloris qui constituent la palette des couleurs des iris. Pendant les quinze prochaines semaines, Irisenligne présentera une sélection de variétés signées Schreiner dans chacune de ces couleurs.

I. Blanc


Les blancs ne sont pas les plus nombreux de la production Schreiner, la sélection annuelle peut en manquer pendant plusieurs années de suite !

‘Mount Olympus’ (1981)
‘Skier’s Delight’ (1982)
‘Sparkling Dew’ (1992)
‘Diamond Bracelet’ (2004)

ECHOS DU MONDE DES IRIS



Florence 2012 (suite)
Les cinquième et sixième prix ont été attribués à :
5 : ‘Bel Avenir’ (Cayeux, 2008) ;
6 : ‘Eclipse de Mai’ (Cayeux, 2009).
En voici des photos.

PLAIDOYER POUR LES VARIÉTÉS QUI ONT ÉCHAPPÉ À LA PENSÉE UNIQUE

Dans le domaine des iris, la pensée unique, c’est celle qui amène chacun des hybrideurs qui s’y soumettent à présenter leur version d’un modèle créé par un autre et qui a rencontré la faveur du public. Ces modèles à succès, il y en a eu plusieurs ces dernières années, et aujourd’hui ils ont tellement été imités que les amateurs finissent par en avoir une surdose. Pour l’exemple il est possible d’en citer au moins quatre :
· Les amoenas inversés bleu ;
· Les distallatas ;
· Les fleurs bouillonnées ;
· Les iris à pétales bordés.

L’initiateur des amoenas inversés bleus est sans aucun doute Keith Keppel. Il a peaufiné le modèle jusqu’à atteindre la perfection avec des variétés comme ‘Crowned Heads’ (1997 – DM 2004) ou ‘Wintry Sky’ (2002). Les amateurs ont tout de suite adhéré. Ce succès a déclenché deux sortes de réactions : celle de ceux qui ne veulent pas être en reste et qui ont voulu montrer qu’ils étaient capables d’obtenir à leur tour ce modèle de fleur et l’ajouter à leur catalogue ; ceux qui, artisans de l’hybridation, ont pris plaisir à créer leur propre amoena inversé pour prendre la mesure de leurs capacités et tenter de faire comme les grands. Toujours est-il qu’aujourd’hui il y a tant d’amoenas inversés bleus qu’on commence à leur tourner le dos.

C’est encore Keith Keppel, cette fois allié à son compère Joe Ghio, qui a inventé à la fois le modèle distallata et le mot qui les désigne. ‘Prototype’ (Ghio, 2000) et ‘Quandary’ (Keppel, 2001) ont ouvert le chemin, tous les autres ténors ont suivi. De la même manière que pour les amoenas inversés, beaucoup d’obtenteurs amateurs se sont essayés et sont parvenus à obtenir leur propre distallata, parce que, comme ce fut le cas lors de l’éclosion des iris roses, il arrive un temps où les circonstances sont réunies pour l’apparition d’un nouveau modèle, et où il se montre, au même moment chez plusieurs obtenteurs. Mais là comme dans le cas précédent, la satiété guette les amateurs…

Succès planétaire pour ces obtentions dont pétales et sépales se présentent avec une abondance de frous-frous. Les dames, dit-on, en raffolent, et les messieurs ne tournent pas le nez dessus ! Ce sont les amis inséparables, Keith Keppel et Barry Blyth qui ont créés ces sortes de fleurs. Les plus emblématiques étant ‘Decadence’ (Blyth, 2004) et ‘Sea Power’ (Keppel, 1999 – DM 2006). La plupart des producteurs ont maintenant mis ces fleurs-là à leur catalogue. Certes, au début, tout le monde a été séduit, mais trop c’est trop et à l’heure actuelle on aimerait voir autre chose. La coupe est pleine, au point qu’on en vient à chanter la louange des fleurs toutes simples, « tailored » comme on dit en Amérique, et qu’effectivement les fleurs bouillonnées semblent être moins nombreuses dans les catalogues.

Va-t-on atteindre la même lassitude avec les iris à pétales bordés ? Il est difficile de dire à qui l’on doit attribuer l’engouement pour ce modèle, car il ne date pas d’aujourd’hui. Disons qu’une tendance vers lui s’est dessinée depuis la fin des années 80 et l’apparition de ‘Spring Satin’ (1988) chez Paul Black. Ce même Black a récidivé plusieurs fois et le mouvement a été repris, ou accompagné, par Richard Ernst, Joe Ghio, et l’Italien Augusto Bianco. Cependant celui qui a atteint une forme de perfection en ce domaine, c’est le Slovaque Anton Mego, avec ‘Slovak Prince’ (2002), pour commencer. Il y a encore de la place pour ceux qui veulent se tester sur ce modèle, mais au train où vont les choses, la saturation n’est pas loin !

Faut-il vraiment suivre automatiquement la mode ? Est-il encore permis de faire original et, pour ceux qui en font commerce, de vendre des plantes qui sortent des sentiers battus ? A voir !

La situation des variétés à petites fleurs, qui sont l’œuvre de Paul Black, procède d’une autre approche, mais qui c’est révélée judicieuse. Une fine analyse du marché a révélé la place pour un nouveau type d’iris, peu encombrant, mais très florifère et gracieux. L’accueil rencontré est à la mesure de l’attente et de la réussite. D’autres vont s’engouffrer dans le créneau. ‘Dolce’ (2002) aura beaucoup de petits cousins.

Mais dans un passé pas encore si lointain, des exemples d’échec commercial pour des variétés originales ne manquent pas. D’une façon générale on peut dire un mot de la difficulté qu’ont eu leurs inventeurs pour faire s’imposer les iris à éperons (rostrata) et ceux aux couleurs brouillées (maculosa). Mais aussi, il y a quelques semaines, il a été question ici de ‘Hash Marks’ (Schreiner, 1975), on pourrait aussi parler de ‘Marginal’ (P. Anfosso, 1987) qui n’ont pas eu de réussite. A l’inverse, certaines variétés a priori peu commerciales ont eu un réel succès, et pour faire court, ne parlons que de ‘Thornbird’ (Byers, 1989 – DM 1997) qui, malgré ce que certains qualifient de laideur, a raflé les plus nobles récompenses et, comble de la consécration, s’est hissé jusqu’à la quatrième place dans le vote de popularité américain, et se tient dans les dix premiers de ce classement depuis l’année 2000.

Le monde des iris se compose en fait de deux groupes qui se côtoient mais ne se rencontrent guère : les amateurs qui, bien que nombreux, ne constituent pas une cible commerciale intéressante, mais qui contribuent largement à faire progresser l’hybridation, et les acheteurs, qui sont la raison d’exister des producteurs, et que ceux-ci caressent dans le sens du poil en leur proposant des variétés de tout repos (c’est la politique actuelle de la Maison Schreiner), ou, pour faire moderne, créent une mode, un peu comme il en existe une en matière de vêtements. A force de vouloir être dans le vent, beaucoup d’hybrideurs consacrent, à mon avis, une part trop importante de leur énergie et de leurs moyens à reproduire ce que d’autres ont déjà fait, négligeant par là-même leur capacité de créer.

Iconographie :
· ‘Quandary’ (Keppel 2001) (Cinnamon Sun X semis Ghio)
· ‘Spring Satin’ (Black, 1988) ((Old Flame x Instant Charm) X (Tequila Sunrise sib x Entourage)
· ‘Slovak Prince’ (Mego, 2002) (Edith Wolford X Queen in Calico)
· ‘Marginal’ (Anfosso, 1987) (Louise Watts X Sanseverina)

18.5.12

ECHOS DU MONDE DES IRIS





Florence 2012
Quelle meilleure illustration de la mondialisation des iris que le palmarès du Concours 2012 de Florence ! Le Florin d’Or est revenu à une variété italienne, le Second Prix à un iris américain, et le Troisième Prix à un australien.
Premio Firenze : ‘Cheyenne my Dog ’ (Marucchi, 2012) variété classique unicolore abricot ;
Second Prix : ‘Reckless Abandon’ (Keppel, 2009) variegata-plicata éclatant ;
Troisième Prix : ‘Return to Camelot’ (Grosvenor, 2007)unicolore rose saumon.
Les cinquième et sixième prix ont été attribués à :
5 : ‘Bel Avenir’ (Cayeux, 2008) ;
6 : ‘Eclipse de Mai’ (Cayeux, 2009).

QUI N’A PAS SON ROSE ET BLEU ?


XI. Inversement

Si les variétés rose/bleu (ou de couleurs approchantes) sont assez nombreuses, l’inverse est beaucoup moins fréquent et résulte d’une approche fondamentalement différente. Les résultats ne sont pas encore parfaits et les couleurs sont souvent pâles. Voici néanmoins quelques jolis exemples récents :
1. ‘New Face’ (Black, 2008)
2. ‘Sottobosco’ (Bianco, 2008)
3. ‘Adoree’ (B. Blyth, 2009)
4. ‘Role Reversal’ (Ghio, 2009)

Ainsi s'achève ce feuilleton. La semaine prochaine, on passe à autre chose !

RIRES DU PRINTEMPS

Connaissez-vous ces vers de Théodore de Banville ?
« Te voilà, rire du printemps,
Les thyrses des lilas fleurissent,
Et les filles qui te chérissent
Dénouent leurs cheveux aux vents. »

Ce rire du printemps, ce sont les feuilles et les fleurs qui s’épanouissent et qui mettent la joie au cœur de chacun. Cependant il n’y a pas qu’un rire, et l’on peut sans se tromper affirmer qu’une multitude de rires éclatent dès le renouveau de la nature. Car il n’y a pas que les thyrses des lilas qui fleurissent ; on découvre aussi plein d’autres fleurs, comme les minuscules violettes, ou les majestueux pavots d’Orient, sans compter les pivoines aux grosses joues et toutes les roses…

Et puis il y a nos chers iris, depuis les tout petits nains miniatures qui accueillent le printemps car ils sont en fleur au moment où il arrive, suivis des autres nains qui donnent véritablement le coup d’envoi de la saison, avant que n’apparaissent dans toute leur splendeur les grands qui s’élèvent à près d’un mètre pour nous en mettre plein la vue.

C’est au cours de cette période qui va des MDB aux TB que les amateurs d’iris entrent en transes. Ils ont patienté pendant neuf mois, à peine excités par quelques remontées sporadiques et frustrantes, et ils comptent bien en profiter ! On a déjà décrit l’exaltation qui atteint les amateurs d’iris dès l’apparition des premières fleurs de leur plante adorée. A vrai dire il y a deux sortent d’exaltation : l’euphorie active de l’hybrideur et la jouissance béate de celui qui se contente d’admirer.

Au premier l’enthousiasme de l’apparition de fleurs nouvelles, porteuses de tous ses espoirs, qui ne seront qu’à peine ternis par les désillusions de semis médiocres. A lui l’agitation fébrile des croisements à réaliser, si bien décrite par Keith Keppel, lui-même heureuse victime de cette agitation qui a été conçue et préparée tout l’hiver et qui peut se trouver bouleversée par les incidents fortuits qui frappent nécessairement le monde végétal. Sans compter l’immense travail de la transplantation des derniers semis, le dilemme de l’évaluation des nouvelles fleurs et la décision cornélienne de détruire tel ou tel iris condamné à l’heure du choix. Y a-t-il un moment de rire dans le printemps de l’hybrideur ? Oui, certainement, quand il découvre une plante nouvelle et réussie, ou quand il assiste à l’éclosion de la première fleur d’un semis dans lequel il a mis de grands espoirs. Moins quand il rentre à la tombée de la nuit, le dos rompu et l’esprit brouillé par tout ce qu’il a vu et ressenti tout au long de sa journée. Plus du tout quand la pluie et le vent s’unissent pour anéantir son travail en noyant ou dispersant ses délicates pollinisations.

Tout autre est le sentiment de l’amateur admirateur. Sa béatitude n’est cependant pas passive. Il est lui aussi très occupé. Il parcourt indéfiniment ses rangées, caresse, soupèse, hume, contemple chaque fleur, guette les nouvelles éclosions, redoute l’apparition des cétoines ou des criocères, élimine à plein seaux les fleurs fanées avec la crainte que celles qu’il enlève ne soient les dernières de la tige qui les supporte. Pour peu que sa passion se double d’une minutie de comptable, il note les dates de floraison et de défloraison, le nombre des boutons, la quantité et la taille des tiges florales. Lui reste-t-il seulement un peu de temps pour, tout simplement rester immobile au milieu de ses fleurs, envahi par l’ivresse de vivre un instant d’extase, où la beauté de chacune des fleurs qu’il a sous les yeux, s’allie à celle de sa voisine pour dresser autour de lui un tableau idyllique, en trois dimensions, dont il est à la fois le cœur et le jouet, le créateur et le bénéficiaire.

Celui qui doit atteindre au plaisir suprême est celui qui réunit les deux jouissances, celle de l’hybrideur qui prépare à tout instant son bonheur de main, et celle de l’admirateur qui profite de ce à quoi il consacre son énergie et ses rêves. Les rires de printemps de celui-là seront innombrables et animeront tout son être, tout au long de cette trop courte saison des iris.

Iconographie :
· ‘Bijtje’ (Tasquier, 2009) MDB (Pele X Hot)
· ‘Astra Girl’ (Varner, 1990) MTB (I. astrachanica X ((Consummation x Desert Quail) x (semis))
· ‘That’s Life’ (Tasquier, 2010) SDB (Double Life X That’s Right)
· ‘Porzic’ (Jacob, 2011) TB (Stairway to Heaven X Conjuration)

12.5.12

QUI N’A PAS SON ROSE ET BLEU ?

X. Made in France

Il n’y a pas que les « grands » qui se soient lancés dans l’aventure des rose et bleu. En France, plusieurs de nos compatriotes ont apportés leur pierre à l’édifice. Comme Lawrence Ransom et ses ‘Con Fuoco’ (1994) et ‘Marika’ (2008). Tout récemment Michelle Bersillon a réussi de beaux cultivars : ‘Conte de Fées’ (2009) et ‘Danseur Mondain’ (2009).

ECHOS DU MONDE DES IRIS



Latin ou anglais ?

Jusqu’à présent celui qui découvrait une nouvelle espèce (végétale ou animale) devait en publier une description rédigée en latin dans une revue scientifique agréée. C’était à la fois difficile et anachronique. Depuis le 1er janvier 2012 le Code International de Nomenclature Botanique permet que cette description puisse être en anglais, ce qui est tout de même plus pratique ! De ce fait l’anglais devient la langue scientifique internationale. Un pas de plus vers l’universalisation de cette langue…

LE FOND ET LA FORME


L’évolution des iris au fil du temps est une question qui revient souvent dans les conversations entre amateurs. Elle a resurgi il y a quelques semaines sur le forum de la SFIB, un lieu vivant où les échanges sont généralement intéressants. La question se résume un peu à ceci : peut-on donner un âge à une variété au seul vu de son apparence ?

Ma réponse sera forcément nuancée. La forme des fleurs est un élément qui a subi des transformations importantes au fil des hybridations. La fleur initiale, celle des iris botaniques, avant de rechercher l’élégance, se souciait d’efficacité. Les pétales étaient en forme de dôme, pour protéger les parties sexuelles fragiles et précieuses, des dégâts que le vent et la pluie pouvaient apporter ; les sépales s’ouvraient largement pour faciliter l’accès des insectes aux parties intimes de la fleur, là où s’effectue la fécondation ; les barbes n’étaient destinées qu’à attirer les visiteurs. Le résultat était quelque chose de fonctionnel, mais pas forcément de parfaitement esthétique, même si cet argument n’était pas totalement oublié. Dès le début, le travail des obtenteurs a été d’améliorer l’aspect de chacune des parties de fleur, de manière à ce qu’elle devienne plus jolie, plus solide, plus résistante aux intempéries et qu’elle dure plus longtemps. Les pétales ( en fait ce qui était le plus plaisant dans les fleurs botaniques) ont évolué lentement, parce qu’il n’y avait pas grand chose de plus à leur apporter. Ils sont devenus turbinés, un peu comme un bouton de rose, puis se sont ouverts, jusqu’à ressembler à une tulipe, ils prennent maintenant une forme qui se situe entre les deux : en tulipe à la base, ils se resserrent vers le haut, pour s’évaser de nouveau en arrivant au bord. En même temps, grâce à un épaississement de leur tissu, ils ont eu une meilleure tenue et une durée de vie plus longue. Les sépales ont donné lieu à un travail plus élaboré. Il fallait leur donner de la raideur, éviter qu’ils ne s’effondrent et pendent tristement sur le sommet de la tige. Pour cela le travail a consisté à faire en sorte qu’ils prennent de la largeur le plus près possible de leur point d’attache, et que la richesse de leur substance les maintiennent proches de l’horizontale le plus longtemps qu’on puisse espérer. En même temps, de gracieuses ondulations sont venues compléter l’effort de rigidité. Les barbes, elles, au gré des goûts de l’obtenteur, se sont fait tout petites, presque invisibles ou, au contraire, ont acquis du volume, s’épaississant ou s’allongeant jusqu’à former des excroissances soit discrètes, soit extravagantes.

Ces transformations ne sont pas apparues par paliers, mais au contraire ont été progressives et relativement lentes. Néanmoins on distingue des étapes, qui se situent au moment où des traits caractéristiques d’une époque sont devenus flagrants. Jusqu’aux années 1960, on peut dire que les iris sont restés assez proches du modèle botanique, même si des améliorations sensibles se sont produites, comme les ondulations ou les bords laciniés. Les années 60/70 ont été marquées par l’obtention d’une forme ample, charnue, tout à fait typique, et que les amateurs distinguent d’emblée. A partir des années 80, le côté majestueux de beaucoup de fleurs s’est accentué, en même temps qu’une « contre-révolution » se développait avec une recherche de fleurs plus petites et légères, « dainty » comme on dit en anglais. Depuis le tournant du siècle, ce qui est remarquable c’est le côté de plus en plus ondulé, voire bouillonné, des fleurs, ou le côté pincé, vers le sommet, des pétales. On distingue donc, grosso modo, l’époque des débuts, l’époque classique, l’époque de maturité, et l’époque contemporaine.

Mais ce sont là des découpages trop systématiques. En fait il y a toujours eu des variétés en avance sur leur époque, qui offraient les trais majeurs de l’époque suivante, ou des plantes plus conservatrices, qui évoquaient, à un moment, le bon temps de l’époque précédente. Dans un concours comme FRANCIRIS, par exemple, on ne devrait, à priori trouver que des variétés à la pointe du progrès. En réalité il y a de tout : de vrais iris de leur temps – c’est la majorité - , mais aussi des plantes d’avant-garde, et quelques autres qu’on croit venues d’une autre époque. Ajoutez à cela les premiers jets d’hybrideurs qui se lancent et qui proposent des cultivars dont ils ont incorrectement jugé la valeur, ou l’enregistrement de sortes de prototypes qu’ont met sur le marché pour tester la réaction des consommateurs. C’est ainsi qu’on croit acheter quelque chose de révolutionnaire, et qu’on découvre, un peu tard que la nouveauté n’est pas à la hauteur de l’idée qu’on s’en est fait.

Enfin il y a bien des cas où c’est le fond qui ne vaut pas la forme. Tel nouvel iris, d’apparence aguichante, se révèle être une piètre plante. En effet si la forme a évolué généralement dans le bon sens, le fond aurait tendance à suivre une courbe inverse, avec un affaiblissement général, une moindre résistance aux maladies et des aptitudes végétatives médiocres. La faute à une consanguinité excessive, et à l’éloignement des espèces de base qui, dans la nature, se débrouillaient très bien, mais à qui la multiplication des croisements qu’on leur a infligé a fait perdre la robustesse originelle. Distinguera –t-on un iris contemporain, non plus à l’aspect de sa fleur, mais à la difficulté qu’on rencontre à le faire pousser ? De robuste plante de jardin, facile et gratifiante, l’iris peut devenir une sorte d’orchidée, superbe mais terriblement délicate. On dira peut-être alors, telle variété pousse comme du chiendent : c’est un iris ancien ; telle autre est plutôt résistante : c’est un iris classique ; enfin telle autre traîne sa langueur dans son coin : c’est un iris moderne.

D’un côté la forme, de l’autre le fond…

Iconographie :
· ‘Salonique’ (F. Cayeux, 1923) – exemple de variété ancienne ;
· ‘Karin von Hugo’ (von Martin, 1958) (Happy Birthday X Pink Tower) : les débuts ;
· ‘Piroska’(J. Cayeux, 1976) (Marilyn C X Orange Chariot) : période classique ;
· ‘Comédie Française’ (M. Bersillon, 2008) (French Cancan X Shelby Lynne) : époque contemporaine.

4.5.12

QUI N’A PAS SON ROSE ET BLEU ?

IX. Richard Cayeux

Pas question pour notre hybrideur national de se laisser distancer ! Des rose et bleu, il y en a chez lui, et des magnifiques !
1. ‘Volute’ (1996)
2. ‘French Cancan’ (2001)
3. ‘Poésie’ (2002)
4. ‘Mousquetaire’ (2004)

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Dans le rang.

La Tall Bearded Iris Society (TBIS) qui, depuis sa création par des transfuges de l’AIS, faisait bande à part et avait refusé de collaborer, vient de prendre le statut de société coopérante avec l’AIS. Elle rentre ainsi, par la volonté de son Président Hugh Stout, dans le rang, renforçant le rôle de l’AIS en tant qu’organisme leader du monde des iris.

Premiers lauréats.
La Convention 2012 de l’AIS s’est tenue la semaine dernière à Ontario en Californie (en fait dans la banlieue est de Los Angeles). Comme chaque année les participants ont voté pour leurs iris favoris parmi ceux présentés dans les jardins visités. La President’s Cup (meilleure variété originaire de la Région organisatrice de la Convention) est revenue à 'Easy Being Green' obtenu par Richard Richards ; la Franklin Cook Cup (meilleure variété en provenance d’une autre Région que la Région organisatrice ¹) est allée 'Greatest Show On Earth,' de Fred Kerr.
(1) A noter que cette année, exceptionnellement, la FCC est accordée quelle que soit la Région d’origine de la variété, ce qui permet à F. Kerr, obtenteur californien, d’être récompensé.
 
‘Greatest Show On Earth’ (Frederick Kerr, R. 2009). Seedling 04-044A. TB, 36” (91 cm), Mid bloom season. Standards medium melon-orange; style arms orange; falls velvet black, white area with dark veins around beards; beards melon, hairs tipped tangerine. ‘Modern Era’ X 01-031B: (99-088A: (‘Lena Baker’ x 97-021A: (‘Fresno Frolic’ x ‘Dear Jean’)) x ‘Next Millennium’)
'Easy Being Green' (Richard C. Richards, R. 2007). Sdlg. 22501. TB, 40" (102 cm), M & RE. Starndards are yellow green (RHS 150D); style arms brighter than S., white midrib, with pale blue influence, pale blue stigmatic lip; Falls are yellow green (154D), brown striations at haft, pale blue area below yellow orange (17A) beards; slight fragrance. 'Green and Gifted' X 'Tangueray'.

LA FLEUR DU MOIS



Les iris d’Igor Fédoroff

Il y a longtemps que je voulais parler des iris d’Igor Fédoroff. Par amitié pour l’homme et par admiration pour son travail. Un mot d’abord de la personne. I. Fédoroff a été pendant sa vie professionnelle agent municipal de la ville de La Valette du Var, près de Toulon. Il a eu une existence toute de droiture et d’honnêteté, marquée par des épreuves familiales difficiles. Il s’est intéressé assez tôt aux iris et, dans les années 70 s’est constitué une collection magnifique, essentiellement américaine, avec des variétés commandées directement aux USA et qu’il était le seul en France à posséder. Il cultivait cela dans l’arrière-pays varois, sur une terre ingrate, mais baignée de soleil. Les iris se plaisait parmi le thym et les cistes. Mais par commodité Igor Fédoroff faisait pousser ses semis sur son balcon ! On est loin des milliers de petits iris plantés par les grands obtenteurs américains. Cependant cet espace dérisoire a vu naître des variétés solides et bien venues, souvent originales, à qui il n’a manqué, pour acquérir la renommée qu’elles méritaient, que d’être mises sur le marché et diffusées par une pépinière ayant pignon sur jardin. Car la seule publicité qu’elles ont jamais reçue a été la publication de certaines de leur photos dans la revue de la SFIB, et leur appréciation par le public au Critérium de l’Iris du Parc de La Source à Orléans où elles ont été scrupuleusement envoyées. Sans jamais obtenir les places du podium, elles y ont plusieurs fois été classées aux places d’honneur. Elles figuraient toujours dans le jardin-conservatoire la dernière fois que je suis allé à La Source.

Dans les conditions confidentielles de leur obtention et de leur multiplication, il n’est pas étonnant que les iris d’Igor Fédoroff ne soient pas nombreux. A peine une douzaine. Mais rien que des jolies choses. Considérant sa production avec humilité, I. Fédoroff n’a pas cru devoir lui faire l’honneur d’un enregistrement. A l’époque, d’ailleurs, les obtenteurs amateurs français n’osaient pas faire enregistrer leurs cultivars et seules les variétés de chez Cayeux avaient cet honneur avant que la famille Anfosso, puis Jean Ségui et Lawrence Ransom ne se risquent à leur accorder la consécration d’une inscription dans les registres de l’AIS. Voilà pourquoi avant les années 80 la France était aussi peu représentée dans le monde des iris, alors que les amateurs étaient nombreux à pratiquer l’hybridation.

La seule variété signée Fédoroff à être enregistrée s’appelle ‘Sables d’Argent’ et c’est parque j’ai moi-même fait la proposition et rempli le formulaire. ‘Sables d’Argent’ fait allusion à la plus célèbre plage de Porquerolles, connue pour la blancheur de son sable. ‘Sables d’Argent’ est un iris classique, avec en générale une tige dédoublée et de six à huit boutons. Rien d’exceptionnel de ce côté, par conséquent, et une évidente lenteur à se multiplier. Mais ce qui fait son intérêt, c’est son coloris. Il est décrit en ces termes dans le PV d’enregistrement : « Pétales abricot clair, style abricot ; sépales abricot, traces de mauve rosé autour de la barbe orange. » L’ensemble, sous la lumière du soleil, prend une teinte argentée très séduisante. Inutile de préciser qu’il s’agit d’une de mes variétés favorites et que j’y tiens absolument.

Un autre iris auquel j’accorde beaucoup de tendresse se nomme ‘Aygade’. C’est un amena bleu-mauve tendre, avec une barbe orange qui lui ajoute du piquant. La fleur est absolument classique, avec six à huit boutons ; la plante est un peu courte mais très bien bâtie, et la fidélité à toute épreuve. C’est un iris gracieux et sans prétention.

Mon amitié avec leur obtenteur m’a permis de cultiver également deux autres variétés. A commencer par un charmant iris bleu à barbes rouges, qui a reçu de son obtenteur le nom de ‘Joyeux Drille’ (une appellation qu’il n’a pas le droit de porter puisqu’une variété Cayeux, antérieure, la porte déjà). Cet iris, bien coiffé, de forme plutôt moderne, a normalement poussé chez moi pendant quelques années, puis il a disparu, à mon grand regret. L’autre, qui est toujours en place, est un fort joli amoena jaune, façon ‘Echo de France’, baptisé ‘Mirasouleou’ – que l’on peut traduire à peu près, de l’occitan en français, par « Bain de Soleil » - et qui mérite tout à fait son nom. Par-dessus le marché c’est une plante robuste, plutôt grande, qui résiste bien au vent et ne ternit pas au soleil. J’aurais du l’enregistrer lui aussi.

Les huit autres variétés dont on conserve la trace, sont de la même veine. Elles ont souvent l’air un peu fragile, mais cela n’est qu’une apparence. En réalité les choix d’Igor Fédoroff me font nettement penser à ceux de Joseph Gatty, aux Etats-Unis. Je trouve que c’est une comparaison flatteuse, mais amplement méritée.

L’OR DU RHIN

L’or du Rhin c’est le trésor dont les Nibelungen ont confié la garde aux filles du Rhin, Woglinde, Wellgunde et Flosshilde, et qui leur est dérobé par l’ignoble nain Alberich. Ainsi commence la tétralogie de Wagner nommées en allemand « Das Rheingold ». C’est sûrement en hommage à cette légende (et aussi parce que leur entreprise était installée au bord du Rhin, dans la petite ville de Niederwalluf, pas bien loin de Sankt Goarshausen, là où se trouve la célèbre statue de la Loreleï), que la Maison Goos et Koenemann a donné à plusieurs de ses iris jaunes des noms y faisant référence. Des iris, d’ailleurs, seulement jaunes aux pétales, le reste étant dans des tons de grenat qui évoquent le côté sanglant de l’histoire des filles du Rhin et des Nibelungen.

On est en 1906 quand la Maison Goos et Koenemann propose sur le marché son premier iris jaune et brun, une variété qu’on qualifierait aujourd’hui de variegata, et qui, au demeurant est issue très directement de l’espèce I. variegata, ou, tout au moins, de l’un de ses innombrables hybrides naturels avec I. germanica. Parce que le véritable I. variegata est une pauvre petite plante naine qui se distingue essentiellement par la couleur de ses fleurs : pétales jaunes, sépales blanchâtres largement recouverts d’un film rougeâtre qui apparaît dans l’espace séparant les veines lesquelles restent de la couleur du fond.

Cet I. variegata, décrit par Linné dès 1753, est originaire de l’actuelle Hongrie et s’est répandu vers le Sud, jusqu’aux rives méditerranéennes de la Dalmatie. Au cours de cette migration il a rencontré I. germanica et ses cousins, avec lesquels il s’est naturellement hybridé, de sorte que, dans la nature, il est devenu exceptionnel de découvrir un I. variegata pur. En revanche les hybrides abondent et se présentent sous un grand choix de coloris, tous, néanmoins, portant des pétales jaunes ou d’un blanc jaunâtre alors que les sépales présentent toutes sortes de teintes rougeâtres plus ou foncées et veinées de clair.

Les horticulteurs ont utilisé à l’envi ces hybrides de variegata, et, s’en sont servi en vue d’obtenir un vaste panel de types et catégories d’iris, depuis les graciles iris de table (MTB) jusqu’aux majestueux grands iris (TB). Ils en ont tiré les iris jaunes, les iris bruns, de même, évidemment, que les jaunes et bruns auxquels est réservée maintenant l’appellation de variegata. Pour obtenir le jaune, ils ont travaillé à éliminer le brun-rouge des sépales, mais c’est le jaune qu’ils ont chassé (ou, plus exactement, recouvert) pour parvenir au brun, au mordoré et au brun-rouge. Quant au variegata proprement dit, il n’a été nécessaire que de purifier le jaune des pétales et d’étaler le plus uniformément possible le brun-rouge des sépales.

C’est cet exercice auquel se sont livrés les obtenteurs allemands Goos et Koenemann. Leur premier résultat s’est appelé ’Gajus’ et date de 1906. Pendant vingt ans ils ont continué leur travail, proposant, par exemple, en 1907 ‘Iris König’, en 1908 ‘Fro’, en 1909 ‘Loreley’ et en 1910, ‘Nibelungen’ et ‘Prinzess Viktoria-Luise’. Par la suite, après la mort de August Koenemann, en 1910, la panoplie s’est encore enrichie de ‘Flammen Schwert’ (1920) et ‘Vingolf’ (1924). Max Josef Goos a disparu en 1917 ; c’est Herman Goos qui a repris l’affaire. Peut-être a-t-il estimé qu’il avait atteint son apogée, car le mot « vingolf » désigne, dans la mythologie germanique, le lieu de séjour des justes après la fin de leur vie terrestre : le paradis en quelque sorte. Il a cependant continué son travail puisqu’en 1931 il a encore enregistré ‘Goldvliess’.

Après les bouleversements du nazisme et de la guerre, et la fin de G&K, le flambeau (où l’épée de feu, « flammen schwert ») a été repris par de nombreux hybrideurs, de sorte que le modèle variegata est devenu l’un des plus courants qu’on puisse trouver. Mais il faut rendre justice aux obtenteurs allemands qui ont été les précurseurs.


Iconographie :
· Gajus (G&K, 1906)
· Vingolf (G&K, 1924)
· Goldvliess (G&K, 1931)
· Mondsheinserenade (W. Diedrich, 2003)( Colortart X Liaison)