18.5.12

RIRES DU PRINTEMPS

Connaissez-vous ces vers de Théodore de Banville ?
« Te voilà, rire du printemps,
Les thyrses des lilas fleurissent,
Et les filles qui te chérissent
Dénouent leurs cheveux aux vents. »

Ce rire du printemps, ce sont les feuilles et les fleurs qui s’épanouissent et qui mettent la joie au cœur de chacun. Cependant il n’y a pas qu’un rire, et l’on peut sans se tromper affirmer qu’une multitude de rires éclatent dès le renouveau de la nature. Car il n’y a pas que les thyrses des lilas qui fleurissent ; on découvre aussi plein d’autres fleurs, comme les minuscules violettes, ou les majestueux pavots d’Orient, sans compter les pivoines aux grosses joues et toutes les roses…

Et puis il y a nos chers iris, depuis les tout petits nains miniatures qui accueillent le printemps car ils sont en fleur au moment où il arrive, suivis des autres nains qui donnent véritablement le coup d’envoi de la saison, avant que n’apparaissent dans toute leur splendeur les grands qui s’élèvent à près d’un mètre pour nous en mettre plein la vue.

C’est au cours de cette période qui va des MDB aux TB que les amateurs d’iris entrent en transes. Ils ont patienté pendant neuf mois, à peine excités par quelques remontées sporadiques et frustrantes, et ils comptent bien en profiter ! On a déjà décrit l’exaltation qui atteint les amateurs d’iris dès l’apparition des premières fleurs de leur plante adorée. A vrai dire il y a deux sortent d’exaltation : l’euphorie active de l’hybrideur et la jouissance béate de celui qui se contente d’admirer.

Au premier l’enthousiasme de l’apparition de fleurs nouvelles, porteuses de tous ses espoirs, qui ne seront qu’à peine ternis par les désillusions de semis médiocres. A lui l’agitation fébrile des croisements à réaliser, si bien décrite par Keith Keppel, lui-même heureuse victime de cette agitation qui a été conçue et préparée tout l’hiver et qui peut se trouver bouleversée par les incidents fortuits qui frappent nécessairement le monde végétal. Sans compter l’immense travail de la transplantation des derniers semis, le dilemme de l’évaluation des nouvelles fleurs et la décision cornélienne de détruire tel ou tel iris condamné à l’heure du choix. Y a-t-il un moment de rire dans le printemps de l’hybrideur ? Oui, certainement, quand il découvre une plante nouvelle et réussie, ou quand il assiste à l’éclosion de la première fleur d’un semis dans lequel il a mis de grands espoirs. Moins quand il rentre à la tombée de la nuit, le dos rompu et l’esprit brouillé par tout ce qu’il a vu et ressenti tout au long de sa journée. Plus du tout quand la pluie et le vent s’unissent pour anéantir son travail en noyant ou dispersant ses délicates pollinisations.

Tout autre est le sentiment de l’amateur admirateur. Sa béatitude n’est cependant pas passive. Il est lui aussi très occupé. Il parcourt indéfiniment ses rangées, caresse, soupèse, hume, contemple chaque fleur, guette les nouvelles éclosions, redoute l’apparition des cétoines ou des criocères, élimine à plein seaux les fleurs fanées avec la crainte que celles qu’il enlève ne soient les dernières de la tige qui les supporte. Pour peu que sa passion se double d’une minutie de comptable, il note les dates de floraison et de défloraison, le nombre des boutons, la quantité et la taille des tiges florales. Lui reste-t-il seulement un peu de temps pour, tout simplement rester immobile au milieu de ses fleurs, envahi par l’ivresse de vivre un instant d’extase, où la beauté de chacune des fleurs qu’il a sous les yeux, s’allie à celle de sa voisine pour dresser autour de lui un tableau idyllique, en trois dimensions, dont il est à la fois le cœur et le jouet, le créateur et le bénéficiaire.

Celui qui doit atteindre au plaisir suprême est celui qui réunit les deux jouissances, celle de l’hybrideur qui prépare à tout instant son bonheur de main, et celle de l’admirateur qui profite de ce à quoi il consacre son énergie et ses rêves. Les rires de printemps de celui-là seront innombrables et animeront tout son être, tout au long de cette trop courte saison des iris.

Iconographie :
· ‘Bijtje’ (Tasquier, 2009) MDB (Pele X Hot)
· ‘Astra Girl’ (Varner, 1990) MTB (I. astrachanica X ((Consummation x Desert Quail) x (semis))
· ‘That’s Life’ (Tasquier, 2010) SDB (Double Life X That’s Right)
· ‘Porzic’ (Jacob, 2011) TB (Stairway to Heaven X Conjuration)

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