25.6.18

'JOYCE TERRY' (la suite)

Les variétés de modèle Joyce Terry sont très nombreuses et de nouvelles apparaissent chaque année. Voici un échantillonnage des plus belles réalisations de ces cinquante dernières années. 

Les années 1990 

L'âge d'or ! L'Allemagne fait son apparition avec 'Elena Lang' de Manfred Beer.


'New Dawning' (Ernst, 1990) (Afternoon Delight X semis Gaulter) 

'First Interstate' (Schreiner, 1990) ((Soft Moonbeam x New Moon) X (((Lightning Ridge x (Wine and Roses x Gypsy Lullaby)) x (((Imperial Lilac sib x Arctic Flame) x White Taffeta) x Launching Pad)) x Piping Hot)) 


'Sunkiss' (Gartman, 1993) ((Piping Hot x (Soap Opera x (Joyce Terry x Entourage))) X Alluring) 


'Starlight Express' (Schreiner, 1994) (semis X S 659-1, Outrageous Fortune sib) 


'Elena Lang' (Beer, 1997) (Gold Ring X Fringe of Gold)

LA VOIE VERS L'OUEST I. de l'Atlantique au Mississipi

À lire et compulser des masses de documents sur les iris, en particulier les iris aux Etats-Unis, je finis par en connaître bien des aspects. J'ai remarqué notamment qu'au fil du temps le lieu de résidence des hybrideurs s'est progressivement déplacé d'Est en Ouest. Tout à fait comme cela s'est passé avec les pionniers, lors de la conquête de l'Ouest.

On peut donc penser que les iris sont apparus sur la côte est, en Nouvelle Angleterre par exemple. Pourtant le premier iris américain, d'après Clarence Mahan, qui en connaît un rayon, serait 'Fairy', une variété presque blanche, obtenue par un certain Amasa Kennicott, citoyen de l'Illinois, à proximité de Chicago, dans les années 1900. Voilà qui contredit l'affirmation précédente !

 Il ne faut cependant pas faire d'un cas particulier une généralité. Car à peu près au même moment c'est en Pennsylvanie, à Wyomissing exactement, que Bertrand Farr, qui vendait aussi des pianos, s'est intéressé aux fleurs et a créé une pépinière où il a commencé à hybrider des iris. Nous sommes bien sur la côte ouest, et ma démonstration peut commencer.

Les premiers colons arrivés aux Etats-Unis, en provenance d'Angleterre et d'Allemagne, ont pris pied dans le nord-est du territoire, dans ce que l'on appelle la Nouvelle Angleterre. C'est la première terre que l'on rencontre en arrivant d'Europe, et c'est par là que, vers le début du XXe siècle, les premiers iris hybrides ont été importés. Il est donc normal que ce soit dans cette région que l'on ait commencé à les cultiver, puis à les hybrider. Si Bertrand Farr s'est intéressé aux iris dès le début du siècle, c'est parce qu'il a trouvé sur place des plantes qui arrivaient d'Angleterre où l'hybridation battait alors son plein. La variété qui a fait sa célébrité s'appelle 'Quaker Lady' (1909) mais il est aussi l'obtenteur de nombreux autres iris qu'on trouve encore chez les amateurs de variétés anciennes. Malheureusement il n'a pas noté les pedigrees de ses iris et c'est un manque pour les spécialistes de la généalogie.

A la même époque, dans les environs de Boston où elle est née, Grace Sturtevant s'est à son tour lancée dans l'hybridation des iris. Elle fut la première femme à s'intéresser à cette activité nouvelle qu'était l'hybridation des iris et elle l'a abordée dans un but plus scientifique qu'artistique. Elle a dit elle-même qu'il s'agissait pour elle d' « une étude de la génétique et de la couleur » des iris. Elle a enregistré un grand nombre de nouvelles variétés, mais, avec le temps et l’approfondissement de sa connaissance des iris, elle se montra éminemment sévère avec elle-même et si l’on cherche un exemple de cette obsession de la perfection, il se trouve dans ‘Shekinah’ (1918), qui fut le plus bel iris jaune de son époque et peut-être même le premier.

 Très rapidement ces nouvelles fleurs sont parties avec les nouveaux arrivants vers les terres plus à l'ouest où ils comptaient s'installer. C'est pourquoi on voit apparaître des obtenteurs d'iris au-delà des Apalaches, dans les nouveaux Etats à l'est du Mississipi (Illinois, Indiana, Kentucky, Tennessee...). Le citoyen Kennicott fut un pionnier, mais d'autres ont suivi sa trace et se sont imposés parmi les meilleurs. Encore aujourd'hui leurs obtentions font le bonheur de bien des jardiniers partout dans le monde. Cela se passe à partir des années 1930, et parmi une grand nombre de bons obtenteurs il faut surtout parler de quatre d'entre eux : David Hall (1875/1968), Paul Cook (1891/1963), Orville Fay (1896/1980) et Jesse Wills (1899/1977).

 Le plus ancien, David Hall est l'homme qui a introduit l'endogamie dans l'hybridation des iris. En tant qu'éleveur de chevaux il s'était rendu compte qu'en matière d'amélioration des performances génétiques des résultats tangibles n’apparaissaient guère avant la troisième génération. Il en a déduit que ce qui était applicable aux animaux devaient valoir aussi pour les plantes. Comme il s'intéressait aux iris roses – ceux qu'il a lui-même baptisés les « flamingo pink » - il a poursuivi ses travaux d’amélioration de générations en générations et après 17 ans de persévérance et d’acharnement, il a vu apparaître les premiers iris valables en rose à barbe orange, et ces variétés roses ont très vite acquis une renommée mondiale. Il faut aussi lui rendre hommage pour avoir introduit dans nos fleurs favorites avec 'Chantilly' cette dentelle qui frise si joliment les bords des pétales d’un grand nombre des variétés d’aujourd’hui. Enfin il a été le premier à présenter un iris aux pétales or, au-dessus de sépales blancs liserés d’or, un modèle qui a, depuis, fait florès.

 Dans les mêmes moments, Paul Cook s'est fait à son tour un nom inoubliable. Un nom indissociable de celui de ‘Progenitor’, un pauvre petit semis que la plupart des hybrideurs aurait détruit dès sa première fleur, mais dont il a eu, lui, le génie de pressentir les grandes aptitudes. De ce ‘Progenitor’ sont venus ‘Melodrama’, ‘Whole Cloth’, ‘Emma Cook’, ‘Miss Indiana’ et d'autres d'immense valeur qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores.

Troisième homme de cette avancée vers l'ouest, Orville Fay, l’un des quatre ou cinq plus importants personnages du monde des iris. Les faits sont là pour confirmer cette affirmation. Trois de ses variétés n’ont-elles pas obtenu la Médaille de Dykes ? Ce sont 'Truly Yours' (1949), 'Mary Randall (1950) et 'Ripling Waters' (1961). Son travail, qui s’étend sur près de 40 ans, est essentiel dans l’histoire de l’hybridation et chacun des iris qu’il a introduit ont apporté quelque chose de neuf et d’important. Il aura fait mentir le principe selon lequel un bon hybrideur ne peut pas s’intéresser à tout puisque l’on trouve des variétés Fay incontournables dans presque tous les coloris, et qu’il a hybridé plusieurs autres sortes de plantes et en particulier les narcisses, les pivoines et, surtout, les hémérocalles. Son nom doit être connu et même révéré par tous ceux qui aiment les iris et s’intéressent à leur évolution.

Avec Jesse Wills on est en présence d'un tout autre type d'individu. Poète, musicien, sportif, historien, ornithologue, homme d'affaires, philanthrope, son travail sur les iris n'était qu'un délassement... Pour s'en tenir au domaine des iris qui fut le sien pendant près de 45 ans, il faudrait parler des multiples avancées qu'il y a développées. Pas seulement de 'Chivalry' (1943), qui fut son premier enregistrement, et qui lui valut la Médaille de Dykes en 1947 (pour un coup d'essai ce fut vraiment un coup de maître!) lequel ne faisait pas partie de ses favoris ! Il avait une nette préférence pour les amoenas, de toutes couleurs, comme 'Glacier Gold' (1964), pour les plicatas comme 'Belle Meade' (1950), à moins que ce ne soit pour les « rouges » comme 'Natchez Trace' (1969). Ce fut une personnalité qui a marqué le monde des iris où, comme dans les nombreux autres domaines où il excellait, il a laissé une marque qu'on ne peut pas oublier.

(à suivre...)
Iconographie : 



'Fairy' (Kennicott, 1905) 


'Wyomissing' (Farr, 1909) 


'Quaker Lady' (Farr, 1909) 


'Shekinah' (Sturtevant, 1918)

10/47

Une rumeur a circulé selon laquelle si les variétés italiennes avaient réussi un aussi beau parcours au dernier concours de Florence, c'était faute de combattants étrangers. La vérité est un peu moins sévère. Il y avait 47 variétés en compétition dont 10 italiennes. Ce qui est surprenant c'est qu'il n'y ait pas eu de plus nombreux concurrents, mais le succès des italiennes n'est pas usurpé.

15.6.18

Patience !

La semaine prochaine les lecteurs de Irisenligne devront attendre jusqu'au dimanche soir pour trouver leur blog favori. La raison ? Quelques jours de séjour à Bordeaux...

'JOYCE TERRY' (la suite)

Les variétés de modèle Joyce Terry sont très nombreuses et de nouvelles apparaissent chaque année. Voici un échantillonnage des plus belles réalisations de ces cinquante dernières années. 

Les années 1980 

Le caractère « moderne » des fleurs est de plus en plus évident.


'Eastertime' (Schreiner, 1980) ((White Taffeta x (semis x Arctic Flame)) X ((May Delight x Christmas Time) x Tinsel Town)) 


'Sun Circle' (Hamner, 1981) (Fashion Rings X Joyce Terry) 


'Golden Surrey' (Rudolph, 1984) ((Lavender Ribbon x Ruffled Surprise) X 80-29: ((Lemon Crest x Pink Sleigh) x (Lemon Crest x 74-40))) 


'Fringe of Gold' (Schreiner, 1987) (Tut's Gold X Amber Beauty) 

'Critic's Choice' (Gartman, 1988) (Classico X ((77-38D x Crystal Dawn) x Soap Opera))

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Soixante ans 

L'année prochaine la SFIB aura soixante ans. Elle aura connu bien des vissicitudes, mais n'a jamais perdu le cap fixé à son début par Gladys Clarke, sa fondatrice. Pour marquer cet anniversaire son actuel président, Roland Dejoux, va lui faire don d'une variété obtenue par lui. Le produit des ventes de cet iris ne fera pas de mal à une association qui manque de ressources.

Nom = 'Noces de Diamant' 

Obtenteur = Roland Dejoux

Enregistrement = 2018

Description = luminata grenat sombre, liserés crème. 


'Reta Fry' (Collie Terrell, 1964) 

Keith Keppel, fidèle et attentif lecteur de Irisenligne, m'a fourni le pedigree exact de 'Reta Fry', variété dont il a été question dans l'article consacré aux variétés de type 'Joyce Terry'. Le voici : ((((involved white sdlg. x Aldura) x (((Los Angeles x Don Juan) x (Titan x San Francisco)) x ((Aldura x Tiffany)))) x (((Fort Knox x "Type Dore" Sea Shell sdlg.) x Gold Ruffles) x Spring Sunshine) x (((Prairie Sunset x (Jane Williams x Tuscany Gold)) x (("Balofita" x W. R. Dykes)  x Bryce Canyon)) x Generous))   X  (Limelight x (Nomohr x Cream Crest)).

Merci chaleureux à Keith Keppel

'MADAME LOUIS AUREAU' un plicata qui nous veut du bien

«Ferdinand Cayeux est entré en scène quelques années après ses compatriotes (1) mais il les a rapidement distancés à la fois sur la quantité et sur la qualité des iris qu'il a obtenus. Ceux qui ont emporté la Médaille de Dykes Française (10 en 10 ans!) comprennent des variétés bien connues des amateurs et des hybrideurs partout dans le monde des iris ; et 'Pluie d'Or', 'Député Nomblot', 'Jean Cayeux' et 'Madame Louis Aureau' ont une place prépondérante dans l'évolution des iris modernes ». C'est en ces termes que les rédacteurs de « The World of Irises » parlent de 'Madame Louis Aureau' et des autres grandes variétés enregistrées par Ferdinand Cayeux dans les années 1930, au moment de la transition entre iris diploïdes et tétraploïdes.

'Madame Louis Aureau'(1934) fait partie de la grande famille des plicatas, des plicatas tétraploïdes, pour être précis, dont il est un des premiers représentants. Dans le procès-verbal de la Commission des Iris de 1934, il est décrit comme :  « Plicata aux fleurs larges et de belle forme portées par des hampes solides et branchues, divisions supérieures rose héliotrope sur fond blanc, les inférieures à fond blanc sablé et bordé de rouge vin ». Cette description laisse entendre que le fond, bien que blanc d'apparence, porte une certaine dose de pigments caroténoïdes qui donnent par effet d'optique cette teinte vineuse au parties chargées en pigments anthocyaniques (bleu ou violet). Pour une fois on dispose du pedigree de cette plante : 'Fakir X 'Ferdinand Denis'. 'Fakir date de 1933 et c'est un iris déclaré comme bleu profond, mais en fait plutôt un bitone bleu violacé avec des pétales éclairés de blanc et des sépales plus sombres, à reflets vineux et stries blanches aux épaules (c'est le côté plicata). 'Ferdinand Denis' a été enregistré en 1930 ; il est schématiquement désigné « S5M », ce qui veut dire en langage codé de l'époque « mêlé de jaune moyen », ce qui n'est pas très explicite mais qui justifie la présence de caroténoïdes chez son descendant.

Dans le chapitre de « The World of Irises » consacré aux plicatas, à propos des plicatas bruns de jim Gibson, il est écrit : « En plus de 'Sacramento', le matériel de base des premiers plicatas de Gibson comprend 'Tiffany', 'Siegfried' et 'Orloff' de Sass, 'Madame Louis Aureau' de Cayeux et, de Mitchell, 'Misty Rose', bitone descendant de 'Séduction' » un autre plicata signé Cayeux. C'est ainsi que le fameux 'Gibson Girl' (1946) vient de 'Madame Louis Aureau' et de 'Tiffany', ressemble bigrement à sa « mère » et précède toute une lignée d'excellents plicatas. Par son intermédiaire les gènes de 'Madame Louis Aureau' se trouvent dans 'Taholah' (1953), puis 'Wild Ginger' (1960) et ensuite, dans 'Kilt Lilt' (1969) et ses descendants. 'Madame 'Louis Aureau', par d'autres voies se retrouve dans d'autres plicatas bien connus comme 'Crinoline' (Schreiner, 1965), 'Decolletage' (Hager, 1968), 'English Cottage' (Zurbrigg, 1976) ou 'Needlecraft' (Zurbrigg, 1976). 'Decolletage' précède entre autres 'Jesse's Song' (Williamson, 1979), qui figure lui-même au pedigree de 'Splashacata ' (Tasco, 1997). cette dernière variété a été utilisée en abondance par son obtenteur Tasco, donnant notamment l'excellent 'Celestial Explosion' (2003). Pour l'anecdote, notons que notre 'Madame Louis Aureau', par l'intermédiaire de 'Splashacata' a légué un peu de ses gènes à 'Boucles d'Or' (Michèle Bersillon, 2009), faisant ainsi un retour au pays après plus de 80 ans de séjour aux Etats-Unis.

Pour notre héros du jour le voyage aux Etats-Unis n'a pas été un exil. Il y a engendré une longue et prolifique famille, à laquelle ont contribué à peu près tous les noms célèbres de l'hybridation. Le modèle plicata lui doit une descendance incroyablement nombreuse, et, par dessus le marché, ses aptitudes à la remontance ont aussi été exploitée, ce qui en fait un des éléments majeurs de l'iridophilie moderne.

 (1) NDLR = Philippe de Vilmorin, Ferdinand Denis et Armand Millet. 

Iconographie : 


 'Madame Louis Aureau' 


'Gibson Girl' 


'Crinoline' 


'Celestial Explosion'

8.6.18

'JOYCE TERRY' (la suite)

Les variétés de modèle Joyce Terry sont très nombreuses et de nouvelles apparaissent chaque année. Voici un échantillonnage des plus belles réalisations de ces cinquante dernières années. 

Les années 1970 

Le modèle s'affine !


'Peace Offering' (Ghio, 1971) (Reta Fry X New Moon) 


'Bicentennial' (Ghio, 1975) (Peace Offering sib X Ponderosa ) 


'Lemon Crest' (Rudolph, 1975) ((Lemon Mist x semis) X Beige Melody) 


'Gold Ring' (Gaulter, 1977) (New Moon X semis incluant Nob Hill, Rainbow Gold, West Coast, Royal Gold) 


'Genesis' (Tompkins, 1977) (semis incluant Tinsel Town, Maudie Marie, Charmaine, Pink Pussycat)

BAPTÊMES

Dans l'allocution que j'ai prononcée lors du baptême de 'La Grande Mademoiselle', j'ai dit, un peu vite, qu'à ma connaissance c'était la première fois qu'on baptisait officiellement une nouvelle variété. Mon information en matière de petits événements concernant le monde des iris n'est pas au point car il s'avère que des baptêmes il y en a eu déjà plusieurs. C'est Richard Cayeux qui en a fait la remarque à un ami commun, lequel m'a tenu informé. Merci à notre hybrideur numéro un qui est aussi, à l'évidence, un connaisseur avisé de ce qui se passe dans notre microcosme.

DE MOZART À SALIERI


Le modèle plicata doit être celui qui a le plus excité la créativité des hybrideurs depuis que cette activité existe, c'est à dire depuis que l'on se préoccupe de l'horticulture des iris. N'oublions pas que le premier iris hybride sélectionné par l'homme, 'Iris Buriensis', était un plicata, et que le premier titulaire de la Médaille de Dykes, 'San Francisco', était également un plicata. On aurait pu penser qu'avec le temps et la multiplication des variétés de ce modèle l'engouement allait s'essouffler. Mais il n'en est rien du tout ! L'année 2018 est même peut-être celle où l'on nous en offre le plus grand choix. Mais au fond pourquoi perdrait-on l'intérêt pour les plicatas quand on écoute Keith Keppel :  « Ce qui fait les plicatas si fascinants ce sont les variations à peu près illimitées qui peuvent apparaître, à la fois sur le fond et sur les dessins. » ?

On ne peut pas nier que Keppel soit le pape des plicatas. C'est d'ailleurs ainsi qu'il se qualifie lui-même ! Mais on constate qu'il rencontre une sévère concurrence. Par exemple, cette année, son voisin (et ami) Paul Black nous propose rien moins que huit nouvelles variétés (onze en comptant les luminatas-plicatas) alors que pour une fois son propre catalogue n'ajoute rien en ce domaine. Dans ce marché très concurrentiel, où d'autres fameux obtenteurs ne manquent pas de mettre leur grain de sel, il peut être intéressant de rechercher ce qu'il y a de différent dans le travail de ces deux ténors.

Dans le domaine de la musique classique, la rivalité entre Mozart et Salieri a donné naissance à bien des élucubrations. Mais si elle a défrayé la chronique dans les années 1780/90 on peut maintenant juger les choses avec nettement plus de recul. C'est à elle que me fait penser la situation qui s'est créée entre Black et Keppel.

Paul Black, dont la spécialité jusqu'à présent était du côté des iris nains (SDB) ne délaisse pas pour autant les grands iris. Il y déploie même une activité débordante dont on peut d'ailleurs s'inquiéter pour l'avenir, j'en parle dans d'autres chroniques. Il est, depuis quelques années, particulièrement porté sur les plicatas, et ce qu'il nous présente retient l'attention. Ce qui saute aux yeux, c'est l'économie des moyens mis en œuvre. C'est ainsi que pour les onze nouveautés de cette année, il n'a eu recours qu'à une douzaine de variétés, toutes excellentes (ou tout au moins prometteuses en ce qui concerne celles qu'on ne connaît pas parce qu'il s'agit de semis non dénommés). Et il y a deux croisements qui ont donné au total six frères de semis. Black a acquis une connaissance supérieure de la génétique des iris et il sait quelles variétés utiliser pour aller là où il veut aller, c'est à dire des variétés parfaites qui apportent toujours quelque chose de mieux à ce qui existait auparavant. C'est ainsi que procèdent la plupart des obtenteurs et on peut dire que nos iris actuels sont le résultat d'une amélioration continue. Pour en revenir à notre comparaison musicale, on peut dire que les obtentions de Paul Black sont l'équivalent des opéras d'Antonio Salieri : de l'excellent travail. Parmi ses dernières nouveautés, c'est ainsi que j'apprécie 'Cloud Gate' (2018) qui provient de ( Etcetera X Petticoat Shuffle), ou 'Oh Dear' (2018), issu de (Tickle My Fancy X Etcetera sib).

En quoi les plicatas de Keith Keppel diffèrent-ils ? Ce dernier a acquis une célébrité mondiale, justement mais pas uniquement, avec ses plicatas pour la plupart innovants. il se passionne pour ce modèle d'iris. Il y consacre maintenant l'essentiel de ses recherches et il obtient des choses extraordinaires. Depuis quelques temps il publie sur Facebook une sorte de leçon de « plicatisme » aussi savante que passionnante et l'on ressent le même enthousiasme à la lecture des articles qu'il publie dans les revues spécialisées. Les principes et les lois qu'il explique sont mis en application dans ses croisements et les variétés qu'il sélectionnent sont les reflets de ses analyses. C'est là, la différence. Bien sûr il lui arrive, dans une recherche de la perfection, de procéder comme tout le monde et d'offrir des iris qui résultent d'une application soigneuse de règles éprouvées : c'est le cas, par exemple, de 'Flash Mob' (2015) ou de 'Ghirardelli Square' (2015). Mais il invente aussi des iris que l'on n'a pas encore vus. Il sait exploiter les coups de chance que la nature accorde à lui ainsi qu'à son compère Barry Blyth. Et nombre de ses plicatas sont franchement nouveaux, témoin : 'Vista Point' (2016) ou ce semis 07-17B aux multiples couleurs. Ils surprennent, ils n'emportent pas forcément l'adhésion des amateurs, mais ils sont appréciés des spécialistes et des véritables connaisseurs. C'est pour cela qu'il me fait penser à Wolfgang Amadeus Mozart dont les opéras ont plusieurs fois désorienté ses contemporains mais que l'on joue toujours et partout.

Il ne faut pas tirer de cette comparaison une conclusion qui laisserait à penser que les fleurs signées Keppel sont meilleures que celles introduites par Black ou vice-versa. Elles ont les unes et les autres leurs avantages et leurs inconvénients. Celles de Keppel sont quelques fois exigeantes, elles ont leurs détracteurs et leurs admirateurs, celles de Black sont plus accessibles, mais certains leur reprochent d'être conformistes, quoi qu'il en soit les unes et les autres apportent la preuve que les iris en général et les plicatas en particulier ont un immense avenir.

Iconographie : 


'Cloud Gate' 

'Oh Dear' 

'Tickle my Fancy' 


'Ghirardelli Square' 


'Vista Point' 


semis 07-17B