31.10.14

RICHARD ERNST

Vingt-cinq ans sans médailles 

Richard Ernst, est décédé prématurément en 2011. Il était universellement connu et généralement apprécié, cependant ses très nombreux iris n'ont été que très parcimonieusement récompensés. Pourquoi ? Les avis sont partagés à ce sujet, mais quoi qu'il en soit, il faut reconnaître qu'il a marqué de son empreinte le monde des iris. Rendons-lui un certain hommage en publiant ici, pendant quelques semaines des images choisies de ses obtentions. 

En bleu :

Bleu clair ou bleu foncé, le bleu est une couleur fréquemment rencontrée dans la production de R. Ernst.

'Bleu de Mer' (1988) (Midnight Love Affair X (Millrace x San Leandro)) 


'Blue It Up' (1991) ((Dover Beach x Navy Strut) X Swirling Seas) 


'Clearwater River' (1999) (Silverado X Blue It Up)


'Equalizer' (2006) ((Silverado x Blue It Up) X High Blue Sky)

A LA MANIÈRE DE …

Jean de la Bruyère (Les Caractères) 

Jean de la Bruyère est né le 17 août 1645. À cette époque l'iris n'était qu'une fleur commune, le plus souvent bleue ou violette, quelquefois jaune et pourprée ou marquée d'un plumetis violacé sur un fond blanc. Il faudra attendre encore près de deux cents ans pour que les hybrides sélectionnés apparaissent dans les jardins, et encore plus d'un siècle pour qu'ils deviennent la fleur que nous connaissons aujourd'hui. Imaginons donc ce que La Bruyère pourrait écrire de nos jours à propos de l'amateur d'iris, comme il l'a fait pour un personnage de son temps : le fleuriste, amateur de tulipes.

 On peut avoir de la curiosité pour toutes sortes de fantaisies. Rechercher quelque chose que l'on ne connaît point peut être un amusement, voire une ambition. Celle-ci devient parfois une passion envahissante qui se distingue seulement à la petitesse de son objet.

L'amateur d'iris a un jardin souvent autour de sa demeure, mais il est parfois tenu de parcourir maintes lieues pour s'y rendre. Il s'y précipite dès le lever du soleil, et il n'est de retour qu'à son coucher. Vous le voyez immobile au milieu de ses iris, penché devant 'Fürstin Pauline', ce bleu profond qui le fascine: il effleure un sépale, le caresse délicatement, il en aspire le parfum doux et sucré, les yeux fermés pour n'en perdre aucun effluve. Il sort de sa poche un petit carnet où il note quelque détail. Il s'approche de 'Domino Noir', puis il passe à 'Mission Song', cette précieuse rareté qu'il a achetée aux antipodes, et n'a qu'un pas à faire pour atteindre 'Zone d'Ombre' devant lequel il s'accroupit pour en examiner les barbes dorées. 'Buongiorno Aprile' est à côté, tendrement rose, poudré comme une vieille marquise ; il en compte les boutons, note cette information sur son petit carnet, et s'agenouille devant la tige pour en mesurer commodément la hauteur. Il revient devant 'Zone d'Ombre', s'arrête longuement, apprécie le velouté des pétales, leurs vaporeuses ondulations, leur tendre teinte mauve, laisse passer l'heure de retrouver l'en-cas qui l'attend dans un cabas. La pluie, le soleil n'interrompent pas sa contemplation. Mais il sait déjà quelles plantes il va acquérir cet année pour accroître sa collection. Il attend les rhizomes qui viennent de Russie, de Pologne, d'Italie, d'Australie...Il a dépensé pour eux plus qu'il serait raisonnable, mais il ne regrette rien si ce n'est de n'avoir point passé commande en Ukraine et en Slovaquie où il s'est entiché de variétés nouvelles qu'il ne pourra admiré que dans une année.

Lorsque l'ombre va s'allonger et masquer peu à peu les couleurs il reviendra chez lui, fatigué, affamé, mais ravi de sa journée : il aura vu des iris.

Illustrations : 


'Fürstin Pauline' (Görbitz – Allemagne – 1997) 
 


 'Zone d'Ombre' (Ruaud – France – 2012) 


'Buongiorno Aprile' (Romoli – Italie - 1996)

LES HERBES FOLLES DU JARDIN D'IRIS

Herboriser en désherbant

 C'est toujours en pensant que cela va être ennuyeux et pénible que je me mets à désherber mes iris. Mais à chaque fois je trouve moyen de prendre un certain plaisir à cette tâche a priori bien ingrate. Ces temps derniers encore j'y suis allé en rechignant mais je garde un souvenir si plaisant de ces après-midi passés le nez au ras du sol que j'ai eu envie de vous faire partager ces moments.

Une paresse croissante, sans doute aggravée par l'âge, m'ont fait une nouvelle fois repousser de jours en jours la décision de me mettre au désherbage. J'avais toujours une bonne raison pour procrastiner indéfiniment. Trop froid, trop chaud, trop de pluie, trop de vent... De sorte que je n'ai véritablement attaqué le travail qu'à la toute fin du mois de juin, et que cela vient tout juste de se terminer ! Pourtant cela ne fut ni difficile (la terre très humide n'a pas opposé de résistance à mes efforts de traction) ni désagréable ; juste un peu fatigant. Pour intéresser la chose et ne pas désherber idiot, j'ai décidé de ne rien arracher que je n'aie identifié les plantes sacrifiées. Chaque fois que j'ai découvert une nouvelle plante, j'en ai conservé un taxon et, de retour à la maison, à l'aide de mes multiples livres de botanique, j'ai procédé aux identifications.

Je ne m'attendais pas à découvrir une telle variété d'espèces (et encore, vu le côté  tardif de mon intervention bien des plantes avaient fini leur cycle végétatif quand je les ai arrachées, de sorte qu'il était trop tard pour les identifier avec certitude). Plus de 30 plantes différentes ! De ce qui peut devenir un arbre majestueux à la plus humble des violettes.

Ce qui sautait aux yeux en abordant le jardin d'iris, c'était l'omniprésence des carottes (Daucus carota), leurs hautes tiges, leur feuillage mince, leurs ombelles de minuscules fleurs blanches, on ne voyait que cela. C'est par elles que j'ai commencé le travail : en tirant bien droit et à deux mains, on peut les arracher sans qu'elle ne cassent au ras du collet. Cette éradication terminée, il est apparu que deci-delà se dressaient des tiges bien vertes de rejets de pruniers (Prunus domestica), de cerisiers (Prunus cerasus), d'ormes (Ulmus hollandica) et de cornouillers (Cornus sanguinea ) ! J'ai réservé ce délicat et difficile travail de destruction (ces saloperies choisissent de pousser au cœur même des touffes), cause de douleurs lombaires pour l'homme et de dégâts collatéraux pour les iris, pour la fin du chantier. En route donc pour le désherbage proprement dit.

Il est remarquable de constater combien la nature des adventices varie d'un endroit à un autre. Par moment ce sont les plantes à racine pivotante qui dominent, par moment ce sont les graminées, par moment encore ce sont les annuelles à cycle végétatif court qui prennent le dessus.

A proximité des arbres fruitiers, là où l'ensoleillement est un peu limité, ce sont les violettes (Viola reichenbachiana) qui dominent, accompagnées de quelques autres plantes à racine pivotante, comme le bouillon blanc (Verbascum thapsus), le faux-fraisier (Duchesnea indica), la pimprenelle (Pimpinella saxifraga) et la pâquerette (Bellis perennis). Plus loin, en plein soleil, la meilleure part est celle des graminées de toutes sortes, j'en ai compté cinq ou six espèces. Çà et là quelques hautes tiges de vergerette (Conyza canadensis) concurrencent pâturin et fétuque. Dans les coins plus frais apparaissent des plantes molles comme le géranium herbe-à-robert (Geranium robertianum), le mouron des oiseaux (Stellaria media) ou la chélidoine (Chelidonium majus). En revanche, là où le sol est plus sec, on trouve des chardons (Circium arvense) et des pissenlits (Taraxacum officinale). Un peu partout les samares de sycomore (Acer pseudopalmatus) se sont profondément ancrées et il faut tirer fort pour les extirper. Cela fait partie des véritables poisons qui deviennent vite envahissants, comme la vigne blanche (Clematis vitalba), le trèfle (Trifolium repens), la pervenche (Vinca minor), le bugle (Ajuga reptans) et, pire que tout, le chiendent (Agropyron repens). Quelquefois de la ronce (Rubus caesius) ou l'églantier (Rosa canina) tentent une implantation agressive.

 La présence de beaucoup de ces opportunistes dénote qu'il serait nécessaire de renouveler totalement la plantation des iris qui, de leur côté, se sont étalés et dont les touffes commencent à se rejoindre. Cela fait deux ans que je dis cela, mais je viens seulement de trouver la solution. En effet, pour un tel déplacement, il faut de l'énergie et de la place. Je manque des deux ! Alors je vais donner toute cette collection à la mairie d'un village voisin qui souhaite devenir une « cité des iris ». Belle aubaine ! Le printemps prochain j'étiquetterai méticuleusement chaque variété, en août les jardiniers municipaux viendront avec une multitude de pots et emporteront le tout à dix kilomètres de là. Là où toutes ces fleurs iront vivre une nouvelle vie dans le parc magnifique du château, alors que moi, orphelin de mes iris, je regretterai les beaux jours où je devais passer des heures à genou à herboriser en désherbant...

24.10.14

RICHARD ERNST

Vingt-cinq ans sans médailles 

 Richard Ernst, est décédé prématurément en 2011. Il était universellement connu et généralement apprécié, cependant ses très nombreux iris n'ont été que très parcimonieusement récompensés. Pourquoi ? Les avis sont partagés à ce sujet, mais quoi qu'il en soit, il faut reconnaître qu'il a marqué de son empreinte le monde des iris. Rendons-lui un certain hommage en publiant ici, pendant quelques semaines des images choisies de ses obtentions. 

En rose : 

Les iris roses de R. Ernst ont pour trait commun d'avoir des sépales généralement un peu plus clairs que les pétales.

'Favorite Pastime' (2000) (Rainbow Goddess x (St. Helens' Wake x Hula Dancer) X (Rainbow Goddess sib, x Spring Tidings))

'Feminine Fire' (1991) (Afternoon Delight X semis rose Gaulter G80-74)

 'Just for Sophie' (1998) (Confectionery X (((Cheesecake x (Countryman x Outreach)) x Piping Hot) x semis Shoop 73-4))

'Peppermint Cream' (2001) (Just for Sophie sib, X (Rainbow Goddess sib, x Spring Tidings))

HALLOWEEN ! HALLOWEEN !

C'est une note parmi les « Nouvelles de l'AIS » d'octobre 2014 qui m'a donné l'idée de parcourir le monde de Halloween tel que le voient les obtenteurs d'iris. Il y a effectivement douze variétés de grands iris dont le nom contient le mot « halloween », ainsi qu'une d'iris intermédiaire. A part 'Halloween Halo' (Weiler, 1990) aucun de ces iris n'a atteint la célébrité. Faisons tout de même le tour de ces illustres inconnus, rien que pour célébrer, a notre façon, un fête qui a beaucoup de succès aux États-Unis, mais qui reste anecdotique dans notre pays.

Le premiers de ces iris est un certain 'Halloween', tout simplement, dont on ne sait pratiquement rien, sinon qu'il a été enregistré en 1930 par un certain Sheets. Pour le distinguer de ses suivants, puisqu'il ne doit pas y avoir de doublons dans les noms attribués, l'AIS l'a appelé officiellement 'Halloween by Sheets ». C'est tout simple...

Le suivant est 'Hallowe'en Night' (Weed, 1943) dont l'existence est tout aussi improbable que celle du précédent, mais qui semblerait être un variegata « à l'ancienne », c'est à dire avec des pétales jaunes et des sépales crème veinés de violacé.

 'Halloween' (Varner, 1957) est le premier à avoir une existence certaine. C'est, d'après sa description, un variegata aux pétales orangés surmontant des sépales bleu-noir. Il descend de deux variétés bien connues, 'Extravaganza' et 'Helen Collingwood'.

'Halloween Party » (Gibson, 1970) fait partie des variegata/plicatas à base jaune dont Gibson fut l'un des initiateurs. Il est décrit comme « pétales d'un riche jaune légèrement veiné d'acajou, sépales à fond blanc bordés de jaune, taches acajou à l'intérieur de la bordure, barbes jaunes ». Son pedigree n'est pas précisément donné.


 'Halloween Pumpkin' (Byers, 1985) vient ensuite. Celui-là a été un peu mieux distribué, compte tenu de la renommée de son obtenteur. Il a été commercialisé en France par Iris en Provence et par conséquent doit toujours se trouver dans quelques-uns de nos jardins. C'est un orangé clair à barbes vraiment orange, issu du croisement (Moon Mistress x Replay).

 Le seul vraiment connu de la série doit être 'Halloween Halo' (Weiler, 1990). Descendant d'une série d'iris orangés, il se présente avec des pétales blancs très légèrement liserés de jaune pâle, et des sépales blancs entourés d'un filet ambre ; ce sont ses barbes, orange vif, qui lui donnent un peu de peps. Il a un fils, 'Halloween Rainbow', IB, (Weiler, 1995) qui en est une version abrégée, dont les traces jaunes se résument à une certaine teinte crémeuse.

'Halloween Moon' (Meininger, 2002) a l'apparence d'un variegata/plicata à fond jaune avec des dessins violacés.

 'Hallowe'en Treat' (Pat Otterness, 2005) pose un problème d'identification. Si l'on en croit la description qui en est donnée dans la Check-List, c'est un « brillant unicolore doré, avec barbes également or brillant » mais les photos que l'on trouve dans Iris Encyclopedia sont celles d'un variegata très coloré. Il faut se méfier de photos de Iris Encyclopedia car les erreurs y sont nombreuses. Fions-nous plutôt à la description de son obtentrice.

 L'année 2006 a vu l'enregistrement de deux variétés se référant à Halloween : d'abord un produit de Joseph Ghio, venant de 'Romantic Evening' et de 'Starring', deux vedettes de la main du grand maître californien, 'Halloween Trick', qui est richement coloré avec des pétales abricot et des sépales d'un pourpre presque noir hérités de 'Starring'. L'autre est 'Happy Halloween' (Kim Ung), un iris très particulier en ce sens qu'il provient d'un croisement de 'Feu du Ciel' par lui-même, situation qui n'est pas courante. Évidemment c'est un iris orange, mais on ne trouve pas de photo de lui...

'Halloween Debutante' (Bonnie Nichols, 2007) est un enfant de Rockstar x Rodeo Star. 'Rockstar' est un plicata amarante, 'Rodeo Star' un variegata/plicata traditionnel. Le produit ressemble à son père, en plus contrasté. La liste se termine avec 'Halloween Treasure' (Betty Wilkerson, 2008), joli variegata aux pétales jaune paille et sépales pourpre vif.

 L'examen de cette liste fait apparaître deux traits caractéristiques : la présence, dans les coloris, du jaune orange ou de l'orange, ce qui a un rapport avec les citrouilles qui font partie du monde de Halloween, et la majorité de variegatas ou de variegatas/plicatas, ce qui est moins explicable. Quoi qu'il en soit, la représentation de Halloween dans le monde des iris, pour ne pas être négligeable, ne me semble pas, néanmoins, à la mesure de l'importance de la fête dans le folklore américain.

Illustrations : 

 'Halloween Pumpkin' 

'Halloween Halo' 

'Halloween Trick' 

'Halloween Debutante'

17.10.14

ENQUÊTE EN COURS (suite et fin)

L'affaire dite «  de la suppression » (voir les épisodes précédents) semble terminée. L'auteur de la demande s'est fait connaître ; un échange de messages a eu lieu où chacun s'est exprimé avec franchise ; les hypothèses émises sur l'origine de la plainte se sont révélées inexactes et c'est mieux ainsi.

IRIS ET BABY BOOM

Les fifties 

Les années 1950 furent une période primordiale de l’iridophilie. Beaucoup de ce que nous connaissons aujourd’hui est apparu pendant ces dix années. Elles sont un peu loin, maintenant pour les jeunes collectionneurs. Raison de plus pour leur montrer quelques échantillons de ce qui se faisait de mieux à cette époque.

 Pour finir : 1959

‚Jungle Shadows (Hans Sass, 1959) 


‘Henry Shaw’ (Clifford Benson, 1959) 


‘Rainbow Gold’ (Gordon Plough, 1959) 


‘Rococo’ (Schreiner, 1959)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un nouveau venu 

John Taylor est un hybrideur bien connu dans le domaine des iris de Louisiane (LA) où il s'est illustré à maintes reprises, obtenant une quantité de médailles et trophées. Il se lance cette année dans les grands iris (TB), et c'est son beau-frère Graeme Grosvenor qui lui tient l'étrier. Sur le site de Rainbow Ridge Nursery, parmi les nouveautés 2015, figurent huit nouveautés signées Taylor. On peut être convaincu que ce sont de beaux et bons iris quand on connaît les antécédents de l'obtenteur et ceux de son mentor.

 Illustration : 


 'Diamond Necklace' (Taylor, 2015) (Natural Blond X Rippler)

58 ! 

C'est le nombre de nouveautés présentées, toutes catégories confondues, dans le catalogue 2015 de Tempo Two, la pépinière de Barry Blyth, en Australie. Jusqu'où va-t-il aller ?

HAMBLEN ET SEXTON : AMIES OU RIVALES ?

Peux-t-on faire aussi différentes que ces deux femmes ? Elles ont eu des existences totalement opposées, des parcours en iris très éloignés et ne connurent la célébrité que par des chemins divergents. Cependant elles avaient en commun un remarquable amour pour les iris. Elles y ont consacré l'une et l'autre l'essentiel de leur vie. Elles étaient aussi étroitement contemporaines.

Neva Sexton, l’aînée, est née en 1906 dans une pauvre ferme près d’Arkadelphia, une petite ville de l’Arkansas située à 150 km au sud-ouest de la capitale Little Rock. En fait d’éducation elle n’a guère reçu que celle du terrain. Observatrice attentive et travailleuse acharnée, elle s’est très tôt intéressée aux choses de la terre, aux plantes et aux animaux. Mariée à seize ans, elle s’est retrouvée peu après abandonnée avec trois enfants à élever. L'Arkansas était – et reste – l'Etat le plus pauvre des Etats-Unis. Les années 1920 y ont été particulièrement dures et Neva Sexton a suivi le chemin de beaucoup de ses compatriotes : l'exil vers la Californie. Elle s’est retrouvée, avec sa nichée, au fin fond de la célèbre et fertile vallée de San Joaquin, au sud de la Californie, à Wasco, à 200 km environ au nord de Los Angeles. C’est là qu’elle a rencontré un texan, exilé comme elle en terre californienne, Harvey Sexton, et qu’elle l’a épousé. Une nouvelle vie a commencé, sûrement moins pénible, mais faite également de travail et de sacrifices.

Pendant ce temps Melba Bills, née en 1910, vivait une existence heureuse et choyée en Utah, un Etat désertique mais néanmoins bien plus aimable que l'Arkansas. Elle est allée au collège et au lycée, ce qui ne l'a pas empêchée de se marier très jeune, en 1927, avec l'un de ses compagnons de classe, James Hamblen. Elle a donc rejoint la ferme de son mari, lequel a tendrement cédé à la prière de sa femme en lui concédant un espace suffisamment vaste pour qu'elle s'adonne à sa passion naissante pour les iris et quelques autres fleurs.

C'est donc dans le domaine des iris que les deux femmes allaient faire carrière. Melba Hamblen, guidée par un compatriote de l'Utah, Tell Muhlestein, s'est lancée dans l'iridophilie dès 1936. Elle a commencé l'hybridation en 1943, avec les conseils de son illustre mentor, et enregistré ses premières variétés en 1954. Neva Sexton, quant à elle, a attendu les années 1950 pour se lancer dans l'hybridation. Très curieusement, c'est aussi par l'intermédiaire de Muhlestein qu'elle s'y est mis, par admiration pour la collection d’un amateur, ami de ce dernier.

 Melba Hamblen avait acquis une certaine notoriété et enregistré déjà quelques variétés remarquables (1) quand Neva Sexton est entrée dans la carrière. Mais celle-ci a immédiatement frappé un grand coup puisque son troisième iris, 'Pacific Panorama' (1960) a été récompensé de la Médaille de Dykes en 1965 ! On ne peut pas être plus efficace. La chance souriait enfin à cette courageuse et entreprenante personne. A noter que son premier iris, 'Mixed Emotions' (1958) avait été mis sur le marché dès 1959 par Mission Bell, la pépinière de Mme Hamblen.

Les deux femmes ont poursuivi leur chemin dans les iris par des voies fort différentes : Neva Sexton a produit relativement peu de variétés (une soixantaine), mais nombreuses ont été celles qui ont acquis une grande renommée. Ce fut le cas, par exemple, de 'New Moon' (1968) qui lui valut une deuxième Médaille de Dykes, 'Georgia Girl' (1970), 'Jack R. Dee' et 'Sea of Galilee' (1974), 'World News' (1977), 'Taco Belle' (1978), 'Good Morning America' (1979) ou 'American Sweatheart' (1983), toutes distribuées partout dans le monde. Melba Hamblen recevait les honneurs du Magazine « Life » dès 1960, et la Foster Medal (récompense suprême décernée par le BIS à un hybrideur et accordée pour la première fois à une femme) en 1978. En hybridation, ses nombreux iris – plus de deux cents - étaient considérés comme parmi les meilleurs (2) et elle fut chargée de rédiger une grande partie de la célèbre « bible » « The World of Irises ».

 La vie a été longtemps sévère avec Neva Sexton, mais son courage et sa persévérance ont été récompensés par deux Médailles de Dykes. Ce suprême hommage n'a jamais été rendu à Melba Hamblen qui, en revanche, a été beaucoup plus gâtée par l'existence. On ne peut donc pas dire qu'elles furent rivales. Tout au plus peut-on penser qu'une certaine émulation les a animées, chacune dans leur genre. Quant à l'amitié, il serait bien imprudent d'en parler tant leurs parcours ont été dissemblables. Mais ce que l'on peut dire sans se tromper c'est qu'elles ont atteint l'une et l'autre une notoriété équivalente dans le monde des iris et qu'elles doivent se trouver tout près l'une de l'autre dans le Walhalla des hybrideurs.

Illustrations : 


'Good Morning America' (Sexton, 1979) 


'American Sweetheart' (Sexton, 1983) 


'Jo Vallery' (Hamblen, 1984) 


'Extravagant' (Hamblen, 1982) 

 (1) 'Glittering Amber' (1955) ; 'Pretty Carol' (1956) ; 'Valimar' (1956) ; 'Fashion Show' (1958) ; 'Mollie Emms' (1961)... 

(2) Attirons l'attention sur : 'Coraband' (1963) ; 'Cosmopolitan' (1971) ; 'Sunday Chimes ' (1977) ; 'Infinite Grace' (1981) ; ' Extravagant' (1982) ; 'Karen' (1983) ; 'Jo Vallery' (1984) ; 'Dance Away' (1987) ou 'Tacey' (1989)...

10.10.14

IRIS ET BABY BOOM

Les fifties

 Les années 1950 furent une période primordiale de l’iridophilie. Beaucoup de ce que nous connaissons aujourd’hui est apparu pendant ces dix années. Elles sont un peu loin, maintenant pour les jeunes collectionneurs. Raison de plus pour leur montrer quelques échantillons de ce qui se faisait de mieux à cette époque.

1958

‘Bravado’ (David Hall, 1958)


‘Edenite’ ‘Gordon Plough, 1958)

‘Horned Rosyred’ (Lloyd Austin, 1958)

‘Karin von Hugo’ (von Martin, 1958)

DE LA POINTE AUX POMPONS

Histoire des iris à éperons 

C'est peut-être Ben Hager, dans « The World of Irises » qui a donné la meilleure description des iris à éperons, du moins tels qu'ils étaient en 1978 quand le livre a été publié. Voici ce qu'il a écrit : « Les iris (à éperons) se singularisent par des changements dans le développement de la zone des barbes de sorte que celles-ci s'allongent au-delà de leur situation normale sur les sépales et forment des éperons pointus plus ou moins longs, souvent accompagnés de barbes ou de longs filaments se terminant par de petits pétaloïdes ou des frous-frous sans barbes. Dans les meilleures circonstances, ce phénomène peut être considéré comme curieux, décoratif et même esthétiquement excitant comme dans le cas des gracieux appendices en forme de cuiller. Des éperons bien formés peuvent conférer à la fleur une sorte de gaîté communicative... » En trente cinq ans les choses ont pas mal évolué, mais l’essentiel tel qu'il est raconté par Ben Hager reste.

 Ces éperons ne datent pas d'aujourd'hui ! Il paraît qu'ils seraient apparus dans les années trente dans les jardins des frères Sass, dans le Nebraska. A l'époque ils étaient considérés comme des anomalies douteuses et tout simplement rejetés. Mais une personne a vu le parti qu'il pouvait en tirer. C'est Lloyd Austin, en Californie. Il s'est attaché à les multiplier à la fin des années 1950, à partir de variétés recueillies dans les champs de Sydney Mitchell. L'une de ces variétés « hérétiques » a, par la suite, reçu le nom prémonitoire de 'Advance Guard'. C'était le croisement de deux plicatas : 'Midwest' et un frère de semis de 'San Francisco'. Une autre étant un iris trouvé parmi les semis de Hans Sass. Nous voici donc, au début des années 1960, avec les premiers iris a éperons sélectionnés pour leurs étonnantes excroissances et qu'à cette époque de conquête spatiale on a baptisé « Space Age ».

Toujours dans « The World of Irises », on lit que Austin pensait que le phénomène des éperons était, au plan génétique, « partiellement dominant » parce que en croisant un iris à éperons avec une variété ordinaire on obtenait entre 10 et 30% de plantes à éperons, ce qui est nettement moins que ce que l'on trouve pour un trait complètement dominant. Cependant cette thèse a été combattue et on admet maintenant que les éperons sont des appendices récessifs. Mais je ne crois pas que la question soit définitivement réglée.

 Quoi qu'il en soit, les iris à éperons ont connu un vaste développement dans les trente dernières années, les hybrideurs s'étant fixé le but d'obtenir des fleurs pratiquement doubles. La multiplication des pétales ou pétaloïdes peut en effet aboutir à donner l'illusion que les fleurs doubles, au risque de faire en sorte que ces iris modifiés ne ressemblent plus à des iris ! C'est le reproche que font en général les opposants à ces sortes de fleurs.

Peu à peu, de générations en générations, les iris à éperons ont acquis de nouvelles qualités. Pour la fleur proprement dite, d'abord. Au début les éperons apparaissaient sur des fleurs à la substance fragile et donnaient souvent l'impression que celles-ci souffraient de quelque maladie inconnue. Pour les appendices eux-mêmes, ensuite. Dans les premiers temps, les éperons se sont limités à des excroissances peu développées et n'affectant qu'une partie des fleurs de chaque tige, les plus haut placées sur la hampe ; les plus basses étaient des fleurs normales. Peu à peu la fidélité des éperons s'est accrue, en même temps que leur volume. Mais ce développement a eu une conséquence fâcheuse qui a rendu bien disgracieuses certaines variétés. En effet, en prenant de l'ampleur, et surtout de la longueur, les éperons ont créé dans les sépales des tensions « musculaires » qui ont déformé les-dits sépales, la partie centrale acquérant de la rigidité qui a manqué au reste du sépales et fait que les côtés sont devenus mous et pendants : une catastrophe, à mon avis. Ces défauts de jeunesse ont maintenant disparu et les variétés nouvelles présentent des sépales semi-horizontaux généralement impeccables.

Les éperons ont eux-mêmes évolué. De simples pointes rappelant effectivement le rostre des vaisseaux de guerre des flottes grecques ou perses de l'antiquité, ils ont rapidement pris des allures variées, très différentes. Cela va de la petite cuiller au large pétaloïde rappelant les pétales d’œillets, étroits à la base mais devenant vite étalés et dentelés. Ces appendices, ondulés et dressés, ont maintenant atteint en hauteur celle des pétales eux-mêmes. De ce fait la fleur a changé radicalement d'aspect et celui des iris classiques a tendance à disparaître, comme il a disparu chez les iris dits « flatties » où les pétales atrophiés ou aplatis, ne se distinguent plus des sépales entre lesquels ils se glissent.

D'autres évolutions se sont produites. Certaines, comme de petits champignons, façon girolles, sont apparues au cœur de la fleur, mais cette transformation-là ne semble pas avoir été développée. D'autres, encore plus étonnantes, se répandent de nos jours : ce sont de véritables pompons très frisés qui remplacent les traditionnelles barbes. Ces pompons grossissent au fur et a mesure des recherches et des croisements et en viennent à envahir tout le cœur de la fleur. C'est original, mais il faudra s'y habituer comme on l'a fait pour les éperons proprement dits.

On pourra toujours préférer les fleurs traditionnelles, qui acquièrent elles-aussi de nouveaux caractères, Mais il ne faut pas rejeter les fleurs plus ou moins doubles qui viennent simplement enrichir les choix offerts aux amateurs d'iris. La gaîté communicative dont parle Ben Hager peut être ressentie devant n'importe quelle fantaisie.

 Illustrations : 

° 'Flounced Frivolity' (Austin, 1963)


 ° 'Gaius' (Muska, NR circa 2000) 


 ° 'Ostrogoth' (Peyrard, 1994) 


 ° 'Westpointer' (Sutton G., 2001)

ENQUÊTE EN COURS

Les habitués de Irisenligne ont peut-être constaté la disparition de l'article « A la manière de Barbey d'Aurévilly » publié il y a deux semaines. Cet article a été retiré à la demande d'une personne se plaignant du non-respect de ses droits d'auteur. Je n'ai pas encore réussi à savoir de qui vient la demande de retrait. La possibilité de demander la suppression d'un texte sans avoir à apporter aucune justification ouvre malheureusement la voie à tous les abus et toutes les malveillances. Le texte étant de moi et de moi seul, la réclamation ne peut a priori concerner que la photo d'illustration. L'auteur de celle-ci est un certain Terry Johnson, alias IRIS HUNTER, un amateur d'iris néo-zélandais. Il y a plusieurs années je lui ai demandé l'autorisation d'utiliser ses photos et il me l'a donnée... Mais il se trouve que cet homme est en relation avec deux personnes qui développent à mon égard une animosité morbide. La plainte viendrait - elle de ce côté-là ? Je n'ai encore aucune certitude, je ne puis donc pas être affirmatif, mais je continue mes investigations. Si celles-ci aboutissent, le pastiche sera de nouveau publié, sans la photo, bien sûr. Et en attendant je le tiens à la disposition de ceux qui voudraient un « tiré à part ».

3.10.14

IRIS ET BABY BOOM

Les fifties

 Les années 1950 furent une période primordiale de l’iridophilie. Beaucoup de ce que nous connaissons aujourd’hui est apparu pendant ces dix années. Elles sont un peu loin, maintenant pour les jeunes collectionneurs. Raison de plus pour leur montrer quelques échantillons de ce qui se faisait de mieux à cette époque. 

1957 

‘Celestial Snow’ (Charles Reckamp, 1957) 


‘Lanterne Magique’ (Jean Cayeux, 1957) 


‘Mission Trails’ (Maynard Knopf, 1957) 

‘Salem’ (Schreiner, 1957)

KIR (Fleur du Mois)

On m'a toujours appris qu'il fallait se montrer modeste et éviter de parler de soi. Mais pour une fois je vais faire une exception et évoquer ce mois-ci, du premier iris que j'ai enregistré et pour lequel j'ai, naturellement, une certaine tendresse. Il s'agit de 'Kir' (Ruaud, 2001).

Il y a maintenant longtemps que j'ai été séduit par la variété 'Beghina' obtenue par Gina Sgaravitti, en Italie dans les années 1940. Je l'avais vue dans le jardin de Noël Guillou, à Caussade, quand je suis allé lui rendre visite en 1991, et j'ai été très content qu'il puisse m'en donner un morceau. Planté chez moi, cet iris s'est remarquablement installé et, depuis, fleurit immanquablement tous les ans et se multiplie en masse. Ce qui m'a plu, c'est le coloris étrange, d'un gris clair, sans doute pas très spectaculaire, mais franchement original. Cela m'a donné l'envie de tenter d'obtenir à mon tour des iris gris. Mais en partant d'une variété ancienne, j'avais beaucoup plus de chances d'obtenir des rejetons « dans le style ancien » que des semis d'allure moderne. Je m'y suis risqué quand même. Mes premiers résultats ont été conformes à ce que je pressentais : des iris gris, certes, mais avec des fleurs d'apparence plus proche de celle des variétés des années 50 que de celles des années 80 avec lesquelles j'avais croisé 'Beghina'. Le croisement hasardeux (Beghina X Illulisat (1) ) m'a donné un iris de bordure gentiment dentelé, blanc pur avec une barbe orangée. Malheureusement cette jolie fleur n'a pas passé son premier hiver... Le croisement (Beghina X Sky Hooks) a été plus généreux. Il y a eu dans le lot plusieurs iris gris, certains même d'un riche gris bleuté, mais porté par des fleurs inintéressantes ou des plantes faiblardes. Une seule plante s'est révélée tout à fait correcte. Elle tenait beaucoup, pour ce qui est de son coloris, de son parent mâle, 'Sky Hooks', et la fleur elle-même était élégante, largement ondulée, avec des boutons bien disposés le long de la tige. Je l'ai gardé et je lui ai donné le nom de 'Kir'. Pourquoi ? Trouver un nom pour un iris est souvent difficile. La plupart des obtenteurs vous le diront. Pour certain c'est même un véritable casse-tête. En l'occurrence j'ai cherché un nom hors du commun, qui résume, en quelque sorte, l'iris qui le porte. La description officielle que j'en ai donnée est la suivante : « S. golden chartreuse yellow ; style arms mustard and mauve ; F. golden chartreuse yellow, mauve flush below orange beard », soit, en français : « pétales jaune chartreuse doré ; bras du style moutarde et mauve ; sépales jaune chartreuse doré, infusion de mauve sous les barbes orange. » Ce jaune teinté de vert, cette goutte mauve, cela m'a fait penser à l'apéritif célèbre : deux doigts de bourgogne aligoté et une larme de liqueur de cassis.

Voilà pour la genèse de 'Kir', et pour son nom. J'étais assez loin de mon projet d'iris gris, le plus sombre possible. Je ne suis jamais arrivé à obtenir ce que je souhaitais (mais je n'y ai sans doute pas mis tout l'acharnement et toute la persévérance nécessaires). Mais j'avais du moins un bel iris, d'un coloris peu fréquent, bien sous tous rapports. La vie nous entraîne souvent fort loin de nos intentions initiales !

'Kir' a été fidèle pendant plusieurs années, jusqu'au jour où il a été atteint de pourriture et où j'ai failli le perdre. J'ai réussi à le sauver et il est reparti, mais avec une vigueur bien moins nette, et depuis il ne se multiplie que tout doucement. Heureusement plusieurs amateurs m'ont fait le plaisir de s'intéresser à cette rareté et je sais qu'il pousse dans quelques jardins où il est en bonne santé. Non loin de chez moi, un ami le cultive et la touffe est devenue énorme, avec des fleurs qui n'ont jamais atteint chez moi la même ampleur : le cordonnier n'est pas toujours le mieux chaussé !

 'Kir' mène une carrière confidentielle, comme bien des variétés obtenues par des amateurs. Je n'ai pas cherché à lui assurer une progéniture, mais il a un « neveu » dont je suis également fier, 'Zone d'Ombre' (Ruaud, 2012), surprenant amoena inversé à barbes orange, qui descend de 'Iriade' (Laporte, 2004) par son côté paternel. Quant à 'Beghina', il m'a également donné une variété agréable, 'Mauvais Genre' (Ruaud, 2012), qui est un enfant du plicata 'Queen in Calico' (Gibson, 1980). Celui-là, qui n'a, au demeurant, rien de révolutionnaire, a attiré ma compassion par sa volonté inébranlable à fleurir dans les pires conditions : planté sans ménagement dans un espace mal aéré, trop près d'un crataegus envahissant, il manifeste une vigueur peu commune. Pour le récompenser, je l'ai déplacé et installé à un endroit beaucoup plus favorable où il prospère désormais à son aise.

Illustrations : 

 'Kir' 


'Beghina' 


'Zone d'Ombre' 


'Mauvais Genre' 

(1) 'Illulisat' (Muska, 1995) Unicolore blanc glacier, barbes mandarine, éperons bleus.

SANG POUR SANG

Les iris brun-rouge de Schreiner’s 

 Commençons par le commencement. Et pour être bien renseigné il n’y a rien de mieux que la « bible » des iridophiles : « The World of Irises ». Voici ce qu’il y est écrit à propos des iris « rouges » de la firme Schreiner’s :

« ...A la convention de Boston en 1953, un autre rouge a créé l’événement : le délicat brun-rouge de McKee ‘Trim’. Acquis par la maison Schreiner er introduit sur le marché en 1956, ‘Trim’ a été le premier iris barbu à avoir une « marque déposée ». C’était le produit d’une ligne d’hybridation descendant de variétés rouges et du jaune foncé ‘Moontide’, qui venait lui-même de ‘Red Gleam’ et du variegata ‘Mary Vernon’.

Les Schreiner avaient en train leur propre ligne de rouges. ‘Ethiop Queen’, ‘Ranger’, ‘Garden Glory’ et ‘Cordovan’ furent croisés pour obtenir ‘Caldron’ qui, avec ‘Trim’, donna ‘Velvet Robe’. Parmi les autres enfants et petits enfants de ‘Caldron’ il y a ‘Brasilia’, ‘Gypsy Jewels’, et ‘Vitafire’. C’est à cet endroit que quelque chose d’important s’est produit : les rouges ont commencé à avoir quelques ondulations.

Pendant ce temps, ‘Trim’ avait été utilisé avec un semis pour obtenir ‘Fire Magic’, Un grand rouge cuivré avec un bon branchement, qualités qui manquent malheureusement à beaucoup de rouges. ‘Gypsy Jewels’ et ‘Fire Magic’ furent croisés pour donner ‘War Lord’ et ‘Fireball’, qui ont donné le brillant ‘Spartan’ à la génération suivante, de même ‘Vitafire’ et un semis de ‘Fire Magic’ ont donné naissance à ‘Post Time’, un brun-rouge velouté et ondulé. Parmi les autres descendants de ‘Trim’ on trouve ‘Frontier Marshall’, ‘Jewel Tone’ et ‘Ruby Mine’.

Il y a d’autres rouges qui se sont révélés être de bons parents et de bonnes plantes de jardin, dont ‘Tomeco’ (Melvina Suiter, 1959) qui a un rôle important dans le pedigree de ‘Jewel Tone’ et de ‘Vitafire’. ‘Tomeco’ provient de la combinaison de rouges, de ‘Tobacco Road’ et du plicata fantaisie ‘Rich Raiment’. »

« The World of Irises » a été écrit dans les années 1975/78. Depuis les choses ont évolué, mais pas dans le sens de la simplicité. En effet non seulement la croissance du nombre des variétés enregistrées chaque année a été exponentielle, mais encore là où chaque grand hybrideur avait sa ligne de recherche, on a constaté un enchevêtrement de ces lignes qui fait que de nos jours on ne peut plus parler de ligne, ni même de lignée : tout est mêlé et chacun, avec des éléments communs à tous, tente d'apporter une amélioration à l'existant. La firme Schreiner, comme les autres obtenteurs, a suivi ce chemin.

La plupart des variétés citées ci-dessus a été exploitée en vue d'améliorer les coloris ou les formes des fleurs. 'Gypsy Jewels (1963) est à l'origine de 'Fireball' (1967), 'Dutch Chocolate' (1970) et 'Inferno' (1973). 'Vitafire' a engendré un nombre encore plus grand de rouges signés Schreiner : 'Rabat Ruby' (1973), 'Cockade' (1976) – deux variétés peu recherchées – 'Warrior King' (1984), 'Crimson Fire' (1990) et 'Fortunate Son' (2006). À partir de 'Fire Magic' on arrive à 'War Lord' '(1967), 'Post Time' (1971) et 'Garnet Robe' (1976). À la génération suivante il y eut 'Spartan' (1972), puis 'Deep Fire' (1979), 'Samuraï Warrior' (1981), 'Friday Night' (1982), 'Cannonball (1984), 'Cayenne Pepper' (1986), 'Play with Fire' (1987), puis 'Saturday Night Live' (1996) et 'Red Hot Lover' (2003). La série continue avec 'Unforgettable Fire' (1991), 'Chief Quinaby' (1991), 'Cajun Beauty' (1992), 'New Centurion' (1993) et 'Red Hawk' (1995).

 La famille de 'Spartan' peut être suivie plus précisément ; Elle comporte, dans l'ordre successoral, 'Sultan's Palace (1977), 'War Chief' (1992), 'Dynamite' 1997) et 'Rip City' (1999). 'Saturday Night Live' a donné 'Red Masterpiece' (2004), 'Raptor Red' (2008), 'Red Riches' (2011) et 'Grateful Red' (2011). Quant à 'Chief Quinaby', il a engendré 'Ruby Morn' (2002).

Cette longue énumération ne fait pas la place aux multiples interférences entre toutes ces variétés : beaucoup d'entre elles sont au pedigree de plusieurs autres...

L'histoire ne va pas s'arrêter là. Chacun sait que la firme Schreiner a pour principe de présenter presque chaque année au moins une variété nouvelle dans chacune des grandes couleurs et des grands modèles. Pour créer ses nouveautés elle pioche dans son richissime stock génétique, qu'elle agrémente des productions de ses confrères, dans un vaste mélange où l'on est certain de trouver des variétés qui poussent bien et qui ont toutes les qualités recherchées, et d'où émerge, forcément, de temps en temps, un iris qui sort de l'ordinaire, comme ce 'Fortunate Son' qui est venu rappeler que de chez Schreiner sont venus onze vainqueurs de la DM entre 1957 et 1992.

Illustrations :



- 'Fire Magic'


- 'War Time'

- 'Spartan'


- 'Fortunate Son'