29.7.05

CETTE SEMAINE

Deux chroniques, pour agrémenter les réflexions d'été de ceux qui me font le plaisir (et se font le plaisir, j'espère) de lire ce blog.
Emily Jean STEVENS

On connaît les obtenteurs australiens comme Barry Blyth ou Graeme Grosvenor, qui, aujourd’hui, se situent parmi les plus grands. On sait moins qu’ils ont été précédés dans l’hémisphère sud par une dame néo-zélandaise dont la renommée a été vive dans les années 40/60. Il s’agit de Emily Jean Stevens.

Comme c’est assez souvent le cas, c’est avec l’une de ses premières obtentions qu’elle a acquis cette renommée qui l’accompagnera jusqu’à sa mort prématurée en 1967. PINNACLE (45), puisque c’est de celui-ci qu’il s’agit, est resté très longtemps la référence en matière d’amoena jaune.

Wanganui, là où elle habitait, est située sur la côte sud-ouest de l’île du Nord, à peu près à mi-chemin entre la capitale, Auckland, tout au nord, et Wellington, tout au nord aussi, mais cette fois de la grande île de Sud. Elle y cultivait une collection de plantes de l’hémisphère sud si connue que la reine-mère d’Angleterre, en visite en Nouvelle Zélande en 66, a tenu à la visiter. Cependant pour les amis des iris, elle était aussi une passionnée de l’hybridation qui nous a donné plusieurs variétés dont on ne soupçonne pas toujours qu’elles proviennent des antipodes. Le jaune cuivre ROYAL SOVEREIGN (49), qui fait toujours partie de la collection du Parc de Bagatelle, en est un exemple. Ce sont pourtant les variétés des années 60 qui ont eu le plus grand retentissement. A commencer par YOUTHFUL CHARM (61), amoena abricot, qui fut une des toutes premières tentatives dan ce coloris difficile à obtenir.

A l’époque, Jean Stevens avait acquis une grande maîtrise dans l’art de l’hybridation. Ne s’intéressait-elle pas aux iris depuis le début des années 20 ? Elle a tout au cours de sa vie essayé d’obtenir de nouveaux coloris et elle s’était fixé le but d’obtenir un amoena rose parfait. Il semble qu’elle n’y soit véritablement parvenue qu’à la toute fin de sa vie trop brève, avec ce SUNSET SNOWS (65) qui fut son chant du cygne. Dès son apparition cet iris a fait sensation. A Florence, en 67, il a obtenu la troisième place et celle de variété au coloris le plus original. Les hybrideurs ne se sont pas fait prier pour l’utiliser dans leurs croisements, tout particulièrement Barry Blyth, en Australie, qui en a tiré OUTER LIMITS (72), ancêtre des plus originales variétés de cet obtenteur, comme ses bicolores bleu et magenta (ELECTRIQUE -93- et ses suivants), ou les deux frères de semis que sont IN TEMPO et PIPER’S FLUTE. IN TEMPO se trouve derrière LUNAR RAINBOW (76), SOSTENIQUE(75) ou VERBENA MOON (78) ; PIPER’S FLUTE est à l’origine des variétés Anfosso MARCHE TURQUE (91) et SAMARCANDE (92).

Entre PINNACLE et SUNSET SNOWS se sont placés un certain nombre d’iris de valeur comme OPAL SHEEN (62), BRILLIANT SURPRISE (63) et TWILIGHT HARMONY (64). Le premier est un lilas à reflets laiteux ou, si l’on veut, opalescent ; le second est un brillant variegata ; le troisième, de loin le plus original, allie des pétales jaune miel et des sépales rose bruyère, autour d’une barbe or.

A côté de ses activités horticoles, Jean Stevens a été membre fondateur de la société des iris de Nouvelle Zélande, créatrice et rédactrice pendant plusieurs années du bulletin de cette société, et auteur d’un grand nombre de textes traitant des iris et de leur culture. Lorsqu’elle a disparu, elle a laissé dans son pays un vide qui n’a jamais été complètement comblé, jusqu’à nos jours. Mais dans la mémoire des iridophiles elle reste l’une des figures majeures de l’immédiat après-guerre, période qui fut l’un des âges d’or des iris.
CAT’S EYE

Pour une fois, ce n’est pas d’un grand iris dont je vais parler, mais d’un iris nain standard (SDB). Ce choix est dicté par le fait que CAT’S EYE (Paul Black 2002) a obtenu la Walther Cup en 2004. Cette récompense est attribuée chaque année à la variété qui a reçu le plus grand nombre de votes pour l’Honorable Mention (HM). C’est une des rares compétitions ouvertes à tous les types qui ne soit pas systématiquement remportée par un grand iris (TB). Cela vaut bien une petite entorse à la règle !

CAT’S EYE se présente comme un nain « grand » (38 cm) aux pétales mauve rosé, et aux sépales brun-rouge foncé, bordés du mauve des pétales ; La barbe est vieil or et la fleur sent bon. Ce sont à la fois tous ces caractères et aussi le fait que la plante soit de belle venue qui ont valu à CAT’S EYE la coupe obtenue. En plus, cette récompense honore un hybrideur extrêmement talentueux, qui a déjà été plusieurs fois reconnu dans les compétitions d’iris. Mais ce ne sont pas là les seules particularités de cette fleur d’exception.

Pour commencer, elle provient de SNUGGLEBUG X BUDDY BOY, qui sont tous les deux des SDB, et il faut remonter très loin dans l’arbre généalogique pour trouver trace d’un grand iris dans la famille. Il s’agit de LIPSTICK (Fay 54) et CHANTILLY (Hall 40). D’autre part SNUGGLEBUG est un SDB Schreiner (93), et chacun sait que les SDB ne constituent pas le cheval de bataille des Schreiner. Enfin, dernière originalité, l’arbre généalogique démontre que, très vite, on remonte à des variétés anciennes : CAT’S EYE est un descendant de vieux !

Pour ce qui est des couleurs, le côté mauve est paternel ( BUDDY BOY), tandis que le côté « rouge » est un héritage maternel. C’est ce côté qui, d’ailleurs, laisse le chercheur sur sa faim car très vite il bute sur l’absence de renseignements. Ainsi la famille de LIL’RED DEVIL (Schreiner 87), la « mère » de SNUGGLEBUG, est-elle inconnue, ce qui nous prive d’un quart des informations. Nous sommes un peu mieux renseignés du côté de LADY IN RED (Willott 73), « grand-père » du héros du jour, par lequel nous découvrons une origine blanche et jaune qui ne laisse pas de traces. En revanche la présence dans cette branche de CHANTILLY garantit les frisures qui ornent CAT’S EYE.

Le côté BUDDY BOY est peu plus explicite. Celui-ci provient du croisement d’un jaune pastel, TWEETY BIRD (P. Black 91), et d’un semis issu de UNPRETENTIOUS (P. Black 91) qui est bleu. BUDDY BOY lui-même est un bicolore inversé, violet pour les pétales, ros orchidée liseré de violet pour les sépales. C’est de lui que CAT’S EYE tient son agréable parfum. Dans l’ascendance de ses deux parents nous découvrons, curieusement, plusieurs fois les même variétés, à partir de MELON HONEY (E. Roberts 72), ORIENTAL BLUSH (Willott 80) et GIGGLEPOT (L. Blyth 80). Le premier, comme son nom l’indique un peu, est orange clair, le second est rose ocré, le dernier bicolore beige rosé sur magenta. Ajoutons à ce patchwork un frère de semis du fameux CHUBBY CHEEKS (P. Black 84), et le bitone mauve / violet ROUSTABOUT (A. Brown 75), pour avoir une idée du mélange qui a abouti à ce CAT’S EYE qui, semble-t-il, a tapé dans l’œil des juges.

22.7.05

DE HM A AM

Le titre énigmatique de cette chronique cache quelque chose de bien simple : une vulgaire statistique concernant les récompenses attribuées cette année par les juges de l’American iris Society. Ces récompenses vont soit lancer la carrière commerciale des variétés qui les ont obtenues, soit, en ce qui concerne les Awards of Merit, donner un nouveau souffle à des iris déjà connus. Du même coup la notoriété de leurs obtenteurs va se trouver confortée.

Quatre-vingt-quatorze variétés de grands iris ont obtenu cette année une Honorable Mention. Dans la hiérarchie des récompenses, ce n’est pas la première (celle-là se nomme High Commendation – HC - ) mais elle marque en fait le début du cursus allant jusqu’à la Médaille de Dykes. Même si les bénéficiaires sont plutôt nombreux, c’est une récompense relativement rare quand on sait qu’environ 350 variétés nouvelles de grands iris barbus de nationalité américaine sont enregistrées chaque année, et que la valeur de deux années d’enregistrement est théoriquement en compétition. Il n’y a donc qu’environ 12% des compétiteurs qui sont récompensés ! Ces heureux élus émanent seulement de 39 obtenteurs, et il n’y en a que 12 qui placent trois variétés ou plus. Qui sont-ils ces « happy few » ? Essentiellement ce sont des gens ayant pignon sur rue dans le petit monde des iris. C’est à dire des obtenteurs chevronnés, enregistrant chaque année, en général, plus d’une demi-douzaine de nouveautés.

La première place revient ex aequo à Schreiner et Keppel, avec huit variétés primées pour chacun. Pour la maison Schreiner, la plus importante au monde, c’est un résultat normal, pour Keith Keppel cela confirme l’excellence de ses produits à l’heure actuelle. Il est le numéro Un des obtenteurs pour le moment. Vient ensuite un autre « éléphant », Joë Ghio. Avec sept iris, il maintient son standing. Une étoile montante, Kasperek, le magicien des « broken colors », réussit à placer six de ces variétés aux noms hélas ridicules. C’est Lauer qui vient ensuite avec cinq variétés. Lui aussi fait partie des nouveaux grands de l’hybridation tout comme Tom Johnson, une valeur en hausse, avec cinq iris lui aussi, dont le premier, celui qui a obtenu la Walther Cup, PAUL BLACK. Puis vient le tour de Niswonger, un vieux de la vieille, qui classe quatre représentants. Avec trois nominés, cinq obtenteurs tirent leur épingle du jeu. Ils se nomment Aitken, Paul Black, A & D Cadd, Ernst et Kerr. Rick Ernst reste un peu sous-estimé, vu sa production ; Aitken et Black sont égaux à eux-même, Kerr confirme son talent ; le couple Cadd fait maintenant partie du gratin des hybrideurs. A noter que Ben Hager, pourtant disparu depuis 99, continue de figurer parmi les champions (2 variétés en 2005), grâce à des cultivars recueillis par Rick Ernst et religieusement enregistrés post mortem. On a vu plusieurs fois des variétés australiennes de Barry Blyth, diffusées par Keppel, se placer dans la compétition. Ce n’est pas le cas cette année mais l’agréable surprise vient du Slovaque Anton Mego dont le SLOVAK PRINCE (2002) empoche une HM largement méritée mais tout de même surprenante autant qu’encourageante pour un obtenteur qui s’inquiète de l’étroitesse du marché des iris dans son petit pays.

Au plan de l’anecdote, remarquons que quatre « paires » de frères de semis sont distingués par les juges américains :
LACY LYNX (2001) et SQUID SQUIRT (2001), de Bob Kasperek, qui sont issus d’un croisement Nigerian Raspberry X Isn't This Something ;
BRIDAL ICING (2002) et COUNTRY DAWN (2002) de Tom Johnson qui viennent de Sunshine Song X Goldkist ;
Deux jaunes à éperons, HEARTBEAT AWAY (2000) et IN A HEARTBEAT (2001) de Vincent Christopherson, jeune obtenteur dont on reparlera, qui ont pour parents Pink Swan X Triple Whammy ;
Enfin RIPPLE EFFECT (2003) et TRADE SECRET (2003) de Keith Keppel dont l’origine est Suspicion X (Spring Shower x Twilight Blaze sib).

Quand on arrive aux Awards of Merit, on atteint l’élite des iris. Ils ne sont que 22 pris sur les productions s’étendant de 97 à 2001. A ce stade de la compétition les surprises sont rares. Celle de cette année vient de l’échec évident de la maison Schreiner qui n’obtient qu’un seul award pour MILLENIUM SUNRISE (2000), depuis la disparition de Robert Schreiner, l’ancêtre, il semble que les obtentions de cette grande maison marquent un peu le pas, concurrencées qu’elles sont par quelques grands personnages qui, en 2005, ont nom Keith Keppel (toujours lui), Rick Ernst (enfin), Paul Black (évidemment) et les Cadd (bravo). Keppel est honoré pour BROAD SHOULDERS (2001), FIERY TEMPER (2001), RIO (2001) et STORM TRACK (2001). Ernst a placé DANDY CANDY (2001) et WHISPERING SPIRITS (2001). P. Black est présent avec HONK YOUR HORN (2000) et WALKING ON AIR (2000). ITALIAN ICE (2000) et POLISH PRINCESS (99) sont les deux productions des Cadd qui ont trouvé là leur bâton de maréchal. Le non-américain de service est, une fois de plus, l’Australien Barry Blyth, avec MASTERY (2000).

La moisson de 2005 a été particulièrement riche. Elle démontre l’enthousiasme des obtenteurs, la qualité de leurs cultivars, et la vitalité du monde des iris.

15.7.05

LES MEDAILLES U.S. DE 2005

Il se chuchotait depuis quelques temps dans le petit monde des iris que c’est SPLASHACATA (Tasco 97) qui devait remporter cette année la Médaille de Dykes. Eh bien c’est fait ! Et j’estime que c’est mérité. SPASHACATA a obtenu sa première distinction en 2000 (Honorable Mention) : la voie royale était ouverte. En 2002 c’est, très normalement, l’Award of Merit, et en 2004 c’est la Wister Medal (meilleur grand iris). Entre temps il s’est distingué à la Convention de 2003, en Virginie, où il a remporté la Franklin Cook Memorial Cup (meilleur iris originaire d’une autre région que la région organisatrice de la Convention). Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore cette variété, il s’agit d’un plicata du modèle ‘Spinning Wheel’, c’est à dire avec des pétales bleu clair et des sépales dont le fond blanc reçoit un piqueté d’indigo, de plus en plus dense à mesure que l’on s’approche du bord, et souligné par une ligne médiane continue du même indigo. La barbe, blanche, est pointée de jaune.

SPLASHACATA devance deux variétés excellentes : WORLD PREMIER (Schreiner 98) et POEM OF ECSTASY (Hager 97). WORLD PREMIER est un amoena aux pétales blancs surmontant des sépales d’un bleu d’encre, plus clair aux bords, et veinés de blanc sous les barbes jaunes. Il a eu lui aussi un parcours remarquable : HM en 2000, AM en 2002, 2eme pour la WM de 2004, avec la deuxième place à Florence en 2001, mais il n’a pas été classé à Franciris 2005. POEM OF ECSTASY fait partie de ces adorables bicolores pastels que l’on fabrique actuellement, comme CELEBRATION SONG (Schreiner 93 – DM 2003) ou FRENCH CANCAN (R. Cayeux 2001), avec des pétales roses et des sépales mauves très frais. Son parcours est également digne d’éloges : HM en 99, AM en 2001 et troisième de la WM en 2004.

C’est un iris signé Keppel qui enlève la Wister Medal cette année : SEA POWER (99), devant deux rudes concurrents, FOGBOUND (98) son frère d’écurie et UNCLE CHARLIE (Kerr 99). SEA POWER a toujours pris le dessus sur UNCLE CHARLIE dans la course aux honneurs, même s’ils ont été distingués la même année, HM en 2001 et AM en 2003 où il est arrivé premier de la compétition. En revanche UNCLE CHARLIE a, en plus, gagné la Franklin Cook Memorial Cup 99. Quant à FOGBOUND, son cursus est à peu près identique, avec une année d’avance, puisqu’il a obtenu l’HM en 2000 et l’AM en 2002 ; en 2003 ce sont les Russes qui l’ont distingué en lui attribuant leur distinction destinée aux iris étrangers. C’est actuellement l’une des variétés les plus recherchées en hybridation. SEA POWER est un iris bleu-indigo uni, incroyablement ondulé ; FOGBOUND fait partie de la ligne d’amoenas inversés de Keith Keppel : sous des pétales bleu lavande, de larges sépales blancs crémeux, prennent une teinte rosée aux épaules, autour d’une barbe abricot ; UNCLE CHARLIE est un blanc très classique avec une barbe argentée.

La Knowlton Medal est venue récompenser un iris de bordure qui tutoie la limite supérieure de la catégorie au point qu’il ne dépare nullement une collection de grands iris. Il s’agit de CHRISTIANA BAKER (Kerr 99). Cette variété du type ‘Emma Cook’ (pétales blancs, sépales blancs plus ou moins bordés de bleu) a eu elle aussi en parcours exemplaire : 2001 = HM ainsi que la deuxième place à la Franklin Cook Memorial Cup, 2003 = AM. A noter que CHRISTIANA BAKER est le « père » de QUEEN’S CIRCLE (Kerr 99), un grand iris qui lui ressemble beaucoup et qui a déjà obtenu l’AM en 2004 après avoir enlevé la Franklin Cook Memorial Cup en 2001 et raflé le Florin d’Argent à Florence cette année ; ce dangereux concurrent sera en lice pour la WM l’année prochaine.

Deux autres variétés attirent l’attention dans les résultats de cette année : PAUL BLACK (Johnson T. 2002) et DELIRIUM (M. Smith 99). PAUL BLACK a remporté la Walther Cup (meilleur espoir de l ‘année), après avoir triomphé sans hésitations à Florence en mai dernier. Ce superbe iris violet prune à barbes oranges devrait faire parler de lui dans la compétition au cours des prochaines années. C’est la même chose pour DELIRIUM qui avait obtenu la même distinction, la Walther Cup, en 2003, et qui se classe en tête des AM pour sa catégorie, les iris intermédiaires. Il est en route vers la Hans and Jacob Sass Medal qui a échu cette année à STARWOMAN (97), un autre produit de Marky Smith.

8.7.05

LES FIFTIES

Les années quarante ont été fatales à la suprématie française dans le monde des iris. Les Américains, qui avaient acquis une grande maîtrise au cours des années trente, ont profité de la guerre en Europe pour s’imposer. Les années cinquante, les « Fifties », ont vu leur domination s’étaler : s’en est fini du règne des Européens.

En revanche, c’est l’apogée de quelques grands hybrideurs qui, dans ces années là, ont donné le meilleur de leur travail. Paul Cook, tout d’abord : trois de ses variétés enregistrées au cours de cette décennie ont obtenu la Médaille de Dykes, SABLE NIGHT (50) en 1955, WHOLE CLOTH (57) en 62 (et aussi FO en 61) et ALLEGIANCE (57) en 64 ; mais il faut le créditer aussi du grand « noir » DARK BOATMAN (53), de l’amoena inversé WIDE WORLD (53), de MELODRAMA (56) et d’EMMA COOK (57), pour les nombreux et valeureux croisements qu’ils ont générés. Prenons David Hall ensuite : CHERIE (48) recevra la D.M. en 51, mais d’autres variétés démontrent son talent, comme BALLERINA (50), PALOMINO (51), LIMELIGHT (52) et surtout HAPPY BIRTHDAY (52) qui font partie des variétés de base de nos iris d’aujourd’hui. Orville Fay est lui-aussi au sommet de son art. On lui doit le rose orchidée MARY RANDALL (50 – DM 54), le blanc TRANQUILITY (50), le rose NATIVE DANCER (53), le bleu clair GALILEE (55), sans compter TRULY YOURS (49), jaune primevère, qui recevra la D.M. en 53. A son zénith également, Fred DeForest. On lui doit CAROLINE JANE (51), plicata indigo, FIRST VIOLET (51 – DM 56), BY LINE (52), variegata-plicata, REHOBETH (53 – FO 57), bleu, TALL CHIEF (53), brun, et LULA MARGUERITE (59), blanc verdâtre. Robert Schreiner est déjà bien placé dans la course aux honneurs et à la célébrité. Il propose en 53 LAVANESQUE, mauve vif, COLOR GLO, abricot, et surtout BLUE SAPPHIRE, bleu soutenu, qui aura la DM en 58 et restera pendant un quart de siècle le favori du public américain. En 54 ce sont le plicata magenta BAZAAR et le beau bleu HARBOR BLUE ; en 57 ce sera le tour de AMETHYST FLAME qui sera, en 63, le seconde DM décernée à un iris Schreiner.

D’autres obtenteurs, sans doute moins prolifiques, sont aussi au tableau d’honneur des années 50. Tell Muhlestein a donné JUNE MEREDITH (53), rose, SWAN BALLET (53 – FO et DM 59), blanc, BINGHAM (54), brun. Chez le docteur Kleinsorge, ce champion des iris bruns, ce sera THOTMES III (50) ou TOAST AND HONEY (53). Tim Craig est là, avec le variegata-plicata TABASCO (51) et le brun BANG (55). Apparaît enfin un nom qui restera cinquante ans sur les tablettes : celui de Chet Tompkins, à qui l’on doit GREAT DAY (53), dans le coloris encore rare d’orange, BRIGADOON (55) dans les tons de pourpre, ou ALLAGLOW (58 – FO 60), de couleur bronze.

Bien d’autres obtenteurs de ces années-là méritent d’être cités : Stedman Buttrick, pour le blanc WEDDING BOUQUET (51) ; William McKee pour le brun TRIM (53) ; Jesse Wills pour le plicata bleu BELLE MEADE (50) ; Ed. Watkins pour le bleu pâle ELEANOR’S PRIDE (52 – DM 61) ; W.B. Schortman pour le violet clair INDIGLOW (57 – FO 62) ; Charles Reckamp pour le jaune TECHNY CHIMES (55) ; Walter Buss pour le fameux variegata ACCENT (52) ; et, parmi les dames, Laura Burbridge pour le bitone violet MIDNIGHT WALTZ (59 – FO 64) ; Barbara Hinckle pour le bleu MELISSA (54 – FA 59) ; Gertrude Songer pour le noir BLACK TAFFETA (53) ; Luzon Crosby pour le sombre LA NEGRA FLOR (56 – FO 59).

Il faut parler enfin de deux autres dames dont la célébrité ne fait alors que commencer mais qui atteindront les places d’honneur dans les années suivantes : Melba Hamblen se signale avec GLITTERING AMBER (55), cet iris abricot, à la tête d’une puissante descendance, et Opal Brown apparaît avec PICTURE BOUQUET (55), un rose qui se fera remarquer à Florence en 58.

En Europe, au même moment, les obtenteurs se remettent à peine au travail après l’interruption due à la guerre. Il leur faudra beaucoup de temps pour que l’on parle de nouveau de l’Europe chez les amateurs d’iris. Ce sont d’abord les Anglais qui réagissent. Gwendolyn Anley, avec ARABI PASHA (51 – BDM 53), a obtenu un iris bleu vif très élégant. Leonard Brummitt s’est distingué avec GOLDEN ALPS (52 – BDM 57), amoena blanc et jaune pâle, puis HEADLINES (53 – BDM 59), amoena blanc sur indigo pourpré ; Harry Randall, quant à lui, a proposé TARN HOWS (48 – BDM 58), orchidée vif, très éclairci sur les sépales, et PATTERDALE (55 – BDM 61), blanc pur ; P. J. Hutchison, avec DANCER’S VEIL (59 – FO et BDM 63), a apporté quelque chose d’important dans le domaine des plicatas indigos. En France, seul Jean Cayeux a relevé le gant. Chaque année il a enregistré des variétés intéressantes dont je retiendrai MADAME FRANÇOIS DEBAT (57), célèbre rose saumoné tendre, PRINCESSE WOLKONSKY (57), variegata jaune et bleu chicorée, GAI LURON (58), autre variegata, or et grenat, très connu, et LUGANO (59), blanc nacré au cœur citron, apprécié aussi pour sa remontance.

Les années 50 ont été intéressantes en ce que c’est à cette époque que sont apparus de nombreux jalons de l’iridophilie, dont les gènes enrichissent encore le potentiel génétique de la plupart des variétés qui nous charment aujourd’hui.

1.7.05

RETOUR

Les Français qui imaginent que l'Allemagne est un pays gris, et froid, seront bien étonnés quand je leur aurai dit qu'en Franconie (le pays de nos ancêtres les Francs) il faisait 35° jeudi dernier, sous un soleil resplendissant, dans une campagne incroyablement paisible, pleine de villages adorables, entourés de leurs murailles moyenâgeuses, avec tourelles, portes fortifiées, fleurs partout... Et que dire de villes comme Bamberg et Würzburg et leurs palais et églises baroques surchargés de stucs dorés autour de peintures pastel. La Residenz de Würzburg, le palis des princes-évêques, pour moi, c'est plus beau que Versailles !

Je ne regrette pas d'avoir un peu délaissé ce blog pour un voyage aussi agréable.
LES FRERES KOALA

En réalité il ne doit pas y avoir de koalas à Piercedale, en l’Etat de Victoria, en Australie du Sud, là où Barry Blyth travaille avec une passion qui ne se dément pas. Chaque année il enregistre une quarantaine de variétés nouvelles, dans toutes les catégories. Une boulimie d’iris nouveaux qui laisse craindre une rigueur de sélection un peu émoussée.

L’un des traits qui le caractérise est de constituer, à partir d’un croisement prolifique, une véritable famille de frères de semis. Il a déjà été question ici des six descendants du couple (Tomorrow’s Child X Magic Man). Aujourd’hui, la famille sera encore plus nombreuse puisqu’elle comprend dix « siblings ». Bien plus qu’il n’y a de frères Koala dans les films d’animation chers aux tout-petits, qui portent ce nom !

Les heureux parents de cette importante fratrie sont DANCE MAN (Blyth 89) et REMBRANDT MAGIC (Blyth 92). DANCE MAN est un iris jaune profond, plus clair sous les barbes qui sont jaune d’or. Il est l’alliage d’un jaune, SPECULATOR (GHIO 82), et d’un orange bitone, ORANGERIE (Keppel 82). On retrouve cet ORANGERIE dans le pedigree de REMBRANDT MAGIC, associé à EDNA’S WISH (Gibson 83), rose saumon, et à LIGHT BEAM (Lesley Blyth 85), « plicata » jaune-brun. REMBRANDT MAGIC est une variété très originale, dans les tons, rares chez les iris, de brun café clair, à barbes moutarde.

Avec les dix variétés issues de ce croisement, on se rend vraiment compte de la diversité des couleurs que l’on peut trouver dans les rangs d’un même semis. Il y a deux jaune rosé, ou abricot, trois jaune vif, mais avec des variantes, deux bruns, un rose tendre, un rose amarante et un jaune du type « Joyce Terry ». Mais tous ont un point commun, un trait de ressemblance, c’est la forme de la fleur, un peu haute, flûtée, très ondulée. Ils ont été enregistrés entre 1994 et 1997.

Dans l’ordre alphabétique, on commence par APRICOT DANISH (96), qui est rose orangé, ou abricot rosé, avec une zone plus claire sous les barbes, mandarine. Vient ensuite CHESNUT AVENUE (94). Comme son nom le sous-entend, celui-ci est un brun noisette plus doré aux épaules et légèrement lavé de mauve sous les barbes, moutarde. COVET ME (94) est entièrement jaune d’or, y compris les barbes. GOLDIE THE PIRATE (96) est proche du précédent, mais en plus orangé. En revanche, INNER JOURNEY (95) se rapproche de CHESNUT AVENUE, dans un coloris plus vif, cependant. LETTER FROM PARIS (97) est le dernier à avoir été enregistré ; il se présente en rose dragée, avec un spot blanc sous les barbes qui sont mandarine. PLUME D’OR (94) n’est pas le plus original de la famille, cependant c’est celui qui a eu lui-même la plus belle descendance. Son coloris, du modèle « Joyce Terry », est composé de pétales d’un jaune légèrement rosé, au-dessus de sépales blancs, liserés du jaune des pétales, avec des barbes de cette même couleur. Couleur qu’on retrouve chez STILLNESS (95) mais les bords des sépales restent blancs, alors que les épaules sont, cette fois, nettement dorées ; les pétales s’ouvrent un peu, alors que chez les autres ils restent turbinés. VENUS BUTTERFLY (94) est habillé de mauve rosé, le centre des sépales, plus clair, s’agrémente d’une flamme bleutée. Enfin ZILLIONNAIRE (96), le petit dernier, donne dans le jaune d’or, vieil or, même, sur les sépales, avec une barbe moutarde, héritée de REMBRANDT MAGIC.

Il devient assez fréquent qu’un seul croisement donne naissance à plusieurs frères de semis. Dans la lignée des frères Koala, par exemple, PLUME D’OR, croisé par un frère de semis de CAFE RISQUE, a donné naissance à au moins cinq « siblings » : ARC OF COLOURS (98), CHAMPAGNE MOMENTS (98), MAN ABOUT TOWN (98), PHARAOH’S SPIRIT (97) et WARM TOUCH (97) ! Faut-il en conclure que Barry Blyth n’ a pas le cœur à se séparer de semis qui lui paraissent beaux, même si il risque de se voir reprocher un certain laxisme ? Il y a peut-être un peu de vérité là-dessous, mais chez d’autres grands obtenteurs on constate le même phénomène. Voyez le cas de Richard Cayeux et des ses fameux tricolores, issus de (Condottiere x Delphi) X (Alizés x(Condottiere x Lunar Rainbow)). Voyez également Richard Ernst et les cinq variétés issues de Edna’s Wish X Wild Jasmine, ou les quatre provenant de ((Edna’s Wish x Wild Jasmine) x sib) X ((Edna’s Wish x Wild Jasmine) x sib). Il faut sans doute chercher la raison de ces fratries dans la détermination toujours plus affûtée des parents, de la part de professionnels qui font des choix de géniteurs de plus en plus efficaces.