29.6.13

"ROUGE"

Bordeaux, bourgogne, rubis, acajou, grenat, amarante, magenta… Ce sont les référents par lesquels on décrit ce qu’on appelle les iris « rouges ». Car les iris ne sont jamais rouges. Au jardin, cependant, on ne peut pas se passer de cette note sombre et chaude dont la richesse valorise toutes les fleurs qui l’entoure. L’aventure se poursuit pour encore dix semaines, de façon à faire le tour de tous ces rouges qui fleurissent nos jardins.

 RUBACUORI (Augusto Bianco, R. 1999) Sdlg. 688. TB, 32" (80 cm), ML 

Pétales acajou ; bras des styles acajou à prune ; Sépales grenat, quelques rayures jaune citron ; barbes jaune mimosa ; ondulé ; léger parfum musqué. Queen in Calico X Battle Hymn.

C’est un autre « rouge » que les deux variétés précédemment présentées. La couleur des pétales est-elle vraiment acajou comme la description le prétend ? Quoi qu'il en soit, je trouve que cette variété très belle se rapproche plutôt de la couleur des grands iris « rouges » des années 1930.

L'ECHELLE DE JACOB

Les traits particuliers de chacun des iris actuels sont le résultat d’improbables mélanges, souhaités ou accidentels, dans une salade génétique devenue bien difficile à débrouiller. On peut, plus facilement suivre le cheminement, de cultivar en cultivar, des caractéristiques d’une variété obtenue au tout début de l’ère des hybridations. C’est ce que nous allons tenter de faire dans une série d’analyses allant d’une célèbre variété des origines à une non moins célèbre variété de l’époque moderne.

 ‘BRIDE’S HALO’ (Hubert Mohr, 1971) 

Nous commencerons par remonter l’arbre généalogique de ‘Bride’s Halo’ jusqu’à la transition entre les iris diploïdes et les iris tétraploïdes, c’est à dire dans les années 1920. Un voyage au pays des iris qui a duré un peu plus de cinquante ans.

‘Bride’s Halo’, a acquis l’immortalité (comme on dit d’un personnage qu’il est devenu un Immortel quand il a été coopté à l’Académie Française) le jour où il a reçu la Médaille de Dykes, en 1978, après un parcours impeccable : HM en 1974 puis AM en 1976. Son pedigree s’écrit : Rainbow Gold X Denver Mint. Ainsi cet iris blanc, intégralement liseré d’or, est le fruit de deux iris jaunes, l’un et l’autre abondamment utilisés en hybridation. L’un et l’autre ont aussi plusieurs ancêtres communs ; nous trouverons donc plusieurs branches identiques dans l’arbre généalogique de ‘Bride’s Halo’.

Bruno > Jean Cayeux > Maiden Blush >Chantilly >Twenty Grand > Butterscotch Kiss >Rainbow Gold >Bride’s Halo
Dominion >Bruno>Jean Cayeux >Tobacco Road >Inca Chief >Mission Trails sib > Denver Mint >Bride’s Halo

‘Bruno’ (Bliss, 1918), un enfant à coup sûr tétraploïde de ‘Dominion’, l’un des points de départ de la tétraploïdie des iris. Croisé avec ‘Evolution’ (F. Cayeux, 1929), puis recroisé avec ‘Phryné’ (F. Cayeux, 1925), ‘Bruno’ est le grand-parent de ‘Jean Cayeux’, l’une des variétés-phare de Ferdinand Cayeux.

 ‘Jean Cayeux’ (F. Cayeux, 1931). Apparaît dans les deux branches maîtresses de la généalogie de ‘Bride’s Halo’. Iris d’une couleur inhabituelle et difficile à décrire ; variété tétraploïde largement utilisée en hybridation de part et d’autre de l’Atlantique.

‘Maiden Blush’ (Hall, 1943), une variété dont on ne sait pas grand’ chose mais qui, vraisemblablement, doit être de couleur rose orchidée.

‘Chantilly’ (Hall, 1943), iris hyper-célèbre, à l’origine de ce qu’on appelle la dentelle sur les pièces florales et en particulier les pétales. De couleur mauve rosé à cœur jaune.

Associé à ‘Rainbow Room’ (Sass H., 1945), cela donne ‘Twenty Grand’ (Norton, 1952), un iris jaune mêlé de rose orchidée et d’ocre, complètement oublié aujourd’hui.

 ‘Butterscotch Kiss’ (Plough, 1959) qui a pour pedigree (Cascade Splendor x Honeyflow) X Twenty Grand. Dans les tons de jaune doré.

‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959), bel iris jaune d’or aux sépales veines de brun ; abondante descendance.

 Dans l’autre branche maîtresse, celle de ‘Denver Mint’, ‘Jean Cayeux’ apparaît une génération plus tard que dans la précédente. Croisé avec une variété dans les tons de vieux-rose, ‘Far-West’ (Kleinsorge, 1936), puis recroisé avec ‘Aztec Copper’ (Kleinsorge, 1939), cuivre pourpré.

‘Tobacco Road’ (Kleinsorge, 1941), iris brun, parmi les plus fameux. Importante utilisation pendant de longues années.

 ‘Inca Chief’ (Mitsch, 1952), autre iris majeur, dans les tons de brun.

‘Mission Trails’ (Knopf, 1957), ou plus exactement à un frère de semis de cette variété. Couleurs et caractéristiques inconnues.

‘Denver Mint’ (Knopf, 1952), variété à la riche descendance car considéré comme le meilleur jaune de son temps. Son autre parent est ‘Glittering Amber’ (Hamblen, 1955) : de couleur abricot.

A noter que ‘Bride’s Halo’ est le fruit du croisement de deux variétés déjà anciennes au moment de leur utilisation, puisque presque 20 ans se sont écoulés entre l’enregistrement de ‘Denver Mint’ et de ‘Rainbow Gold’ et celui de ‘Bride’s Halo’.

Tout ce qui précède n’est pas fait pour élucider un mystère : d’où vient le modèle présenté par ‘Bride’s Halo’, ces lisières d’or autour d’une fleur blanche ? Les exégètes de la généalogie des iris, comme Philip Edinger, cherchent encore l’explication ! Certains disent que le modèle provient de ‘Denver Mint’, parce que d’autres variétés proches de ‘Bride’s Halo’ dans leur aspect descendent de ‘Denver Mint’. D’autres attribuent le modèle à la lignée d’iris « flamingo pink » de David Hall, pour les mêmes raisons que dans l’explication précédente puisque ‘Denver Mint’ est largement tributaire des roses de Hall. D’autres, enfin, remontent à ‘Matula’ (Sass H., 1939), une variété présente à plusieurs reprises derrière ‘Rainbow Gold’ et donc derrière ‘Bride’s Halo’, parce qu’une variété dénommée ‘My Darling’ (Daling, 1956) qui présente un halo autour des tépales, contient ‘Matula’ chez ses deux parents. Tout cela n’est qu’hypothèse. Cela démontre que la complexité de la génétique des iris nous réserve bien des surprises.

LE POSTIER DE BLUFFTON

Cette année 2013 marque le cinquantenaire de la disparition de Paul Cook, mort en 1963. C’est le moment d’évoquer l’une des plus grandes figures de l’irisdom, quelqu’un à qui l’on doit une découverte qui régit toujours le monde de l’hybridation. Cook restera sans doute dans les mémoires pour son travail dans trois directions : les iris nains, les iris noirs et les amoenas et bicolores, mais c’est en ce domaine qu’il a le plus mérité notre admiration et notre reconnaissance. Son nom est indissociable le de celui de ‘Progenitor’, un pauvre petit semis que la plupart des hybrideurs aurait détruit dès sa première fleur, mais dont il a eu, lui, le génie de pressentir les grandes aptitudes. De cette plante insignifiante sont venus ‘Kiss me Kate’, ‘Melodrama’, ‘Whole Cloth’, ‘Emma Cook’, ‘Miss Indiana’ et d'autres d'immense intérêt qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores.

Il avait créé sa pépinière, Longfield Iris Garden, à Bluffton, petite ville de l’Indiana, à environ 200 km au sud-est de Chicago. Il s’était pris d’une telle passion pour les iris que, de manière à pouvoir leur consacrer un maximum de son temps, il s’est contenté d’un travail de postier, exclusivement en matinée, ce qui lui laissait de grands après-midi pour jardiner.

 C’est dans ces conditions que dès 1939 il s’était lancé dans un programme destiné à améliorer la vivacité du coloris des iris. C’est dans ce but qu’il a acheté à l’obtenteur Rex Pearce un lot de graines qui devaient être celles d’I. mellita, et qui se sont révélées comme étant celles d’I. reichenbachii, une espèce d’iris nains originaires des Balkans, très florifère, dans les tons de jaune avec de fortes taches brunes sur les sépales. Il a réalisé en 1944 un croisement entre un de ces I. reichenbachii et le grand iris bleu ‘Shining Waters’ (Douglas circa 1935). Le résultat n’a pas été brillant en nombre de graines, mais l’un des semis obtenus, croisé de nouveau avec ‘Shining Waters’, a donné un iris amoena bleu de grande qualité. Cook a alors réalisé que ce petit iris de rien du tout, issu de ces graines d’ I. reichenbachii, possédait le pouvoir d’inhiber le pigment bleu dans les pétales de ses descendants. C’était une découverte de premier ordre car jusqu’à ce moment l’obtention d’iris amoenas était extrêmement difficile et ne laissait pas espérer un développement majeur de ce modèle.

‘Progenitor’ est à l’origine des iris néglectas, amoenas et bicolores actuels, et par conséquent de toutes leurs variantes comme celles que l’on rencontre chez les plicatas. Et les prototypes de cette immense descendance se nomment ‘Melodrama’ (Cook 1956), ‘Emma Cook’ (Cook 1957) et ‘Whole Cloth’ (Cook 1958), auxquels il faut ajouter un iris intermédiaire bien oublié maintenant, ‘Kiss me Kate’ (Cook, 1956). ‘Melodrama’, l’aîné, est un iris néglecta, mauve bleuté ou bleu jacinthe pour les pétales, indigo clair pour les sépales, un peu plus clair sous les barbes mauve pâle ; c’est le plus ondulé des trois. Il tient son côté violacé au pollen de Dreamcastle, variété rose orchidée

‘Melodrama’ est à l’origine d’une foule d’iris bitones, bicolores ou plicatas, soit en descendance directe, soit via la génération suivante.

Le cadet, ‘Emma Cook’, ainsi nommé en l’honneur de l’épouse de Paul Cook, est le plus clair de la nichée : les pétales sont d’un blanc à peine bleuté, de même que les sépales qui comportent un large liseré en dégradé de bleu s’intensifiant vers le bord (l’effet d’inhibition s’est étendu largement sur les sépales), il est légèrement ondulé. Il est présent dans le pedigree de très nombreuses variétés, et en particulier dans celui de la grande série mise en route par Jean Cayeux à partir de sa grande réussite ‘Condottiere’.

De loin le plus célèbre, ‘Whole Cloth’, est un vrai amoena : pétales blancs, sépales bleu violacé clair, barbes jaunes, fleurs presque sans ondulations. Il est à l’origine d’un nombre incroyable d’iris de toutes sortes, mais essentiellement amoenas, car on peut dire que ce modèle, dans sa version moderne, est le produit de ‘Whole Cloth’.

Il faut faire une parenthèse au sujet de ‘Kiss me Kate’, un iris jaune pâle, aux sépales liserés de bleu indigo. Cet IB, n’a pas eu le retentissement auquel Paul Cook s’attendait. Il prédisait en effet que cette variété de taille réduite pouvait donner naissance à de beaux iris liserés de bleu. Mais ses descendants restèrent peu nombreux, généralement prostrés, et le plus souvent d’un modèle assez semblable aux descendants de ‘Emma Cook’. Dans son cas, en fait, c’est le coloris de base de I. reichenbachii qui réapparaît mais sans conséquence particulière pour la suite.

Avec ce quatuor Paul Cook a obtenu son bâton de maréchal. Il aurait sans doute pu continuer sur sa lancée et travailler, notamment, à l’obtention de variegatas jaune/bleu. Mais il s’est arrêté brusquement, laissant à d’autres la suite des recherches. Avait-il le pressentiment de sa mort prochaine ? Qui sait ?

Illustrations :


  • 'Emma Cook'  
  • 'Melodrama'
  • 'Whole Cloth' 

21.6.13

« ROUGE »

Bordeaux, bourgogne, rubis, acajou, grenat, amarante, magenta… Ce sont les référents par lesquels on décrit ce qu’on appelle les iris « rouges ». Car les iris ne sont jamais rouges. Au jardin, cependant, on ne peut pas se passer de cette note sombre et chaude dont la richesse valorise toutes les fleurs qui l’entoure.

Pendant quelques semaines ce blog va proposer des photos – les plus belles que j’ai pu trouver – d’iris « rouges ».

‘BEV’ 
           (Gerald Richardson, R. 2005) Sdlg. 98-1-2. TB, 36" (91 cm), M S. copper red; style arms bronzy red; F. copper red, bronze hafts; beards red tipped bronze; iridescent sheen. Aplomb X Nora's Thrill. 

Voici un « rouge » récent particulièrement rouge. Il a la particularité d’être abondamment ondulé, ce qui est plutôt rare chez les iris de cette couleur. Le reflet bleuté sur les sépales ajoute à sa beauté.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Florence : Concours suspendu… 

La Société Italienne des Iris (SII) me confirme que le concours international de Florence est suspendu jusqu’à nouvel avis. La cause en est l’incertitude de pouvoir recevoir sans difficultés les plantes en provenance des USA ou d’Australie en raison des tracasseries phytosanitaires mises en place par l’Union Européenne.

C’est une catastrophe pour le petit monde des iris. Mais on peut espérer que cette suspension restera de courte durée.

Les solutions mises en œuvre par la SFIB pour organiser un concours FRANCIRIS en 2015 vont être suivies de près par les Italiens ! Pourvu que cela marche !

L'AFFAIRE DES ROSES

Pour les amateurs d’iris, la langue française manque de mots. Il lui en manque un, notamment, pour faire la différence entre la couleur rose que les anglophones appellent « pink », et celle qu’ils nomment « rose ». Chez nous il n’y a que « rose » et il faut user de périphrases ou de référents particuliers pour décrire l’une et l’autre. On dira rose corail ou rose bonbon pour le rose « rose », celui qui tire un peu vers l’orangé, et rose orchidée ou rose flamant pour le rose « pink », plutôt bleuté. Quand on veut décrire la couleur d’une fleur d’iris, il est très facile de trouver la bonne teinte dans un nuancier comme celui de la RHS, mais chacune est désignée par un numéro, et un numéro ça ne parle pas ! On a donc besoin d’y aller à coup de qualificatif ou de comparaison. Cela représente bien sûr quelque chose dans l’esprit du descripteur, mais le lecteur n’a pas forcément la même conception. Prenez par exemple la couleur dite « lilas ». Chacun voit très bien une couleur qu’il attribue au lilas, mais ce n’est pas forcément celle que voit celui qui doit rédiger le portrait d’une fleur. Il y a des lilas plutôt bleus, et des lilas tirant vers le rose, voire même le rouge magenta. Certains vont même jusqu’à utiliser des références plus mystérieuses qui font appel à des plantes ou des objets de toute nature, communs ou plus rares – lavande, améthyste, ageratum, jacaranda… – qui peuvent contraindre le lecteur à un effort d’imagination, certes agréable, mais bien peu scientifique. C’est encore plus délicat pour la couleur rose.

Le catalogue 2013 de la Maison Cayeux donne un bel exemple de cette difficulté dans les descriptions. D’après celles-ci j’y distingue (pour ne parler que des produits maison) un nombre égal de « rose » et de « pink ». Dans la première catégorie je classerais :
· ‘Alerte Rose’ (2006) : « rose saumon très vif » ;
· ‘Buisson de Roses’ (1992) : « savoureux rose saumon » ;
· ‘Je l’Adore’ (2006) : « rose doux » ;
· ‘Sandro’ (2007) : « rose pur très, très soutenu ».
Les qualificatifs de « saumon », « doux » et « pur » font effectivement penser à un rose influencé par l’orange ou quelque-chose comme ça. C’est tout à fait le cas de ‘Alerte Rose’ qui descend essentiellement d’iris orangés. ‘Buisson de Roses’ est le produit du croisement d’un rose flamant – ‘Hélène C.’ – et d’un rose doux – ‘Paradise’ -. ‘Je l’Adore’ est un fils de ‘Buisson de Roses’, mais ‘Sandro’, lui, a des origines qui le dirigeraient plutôt vers la catégorie des « pink », comme son frère de semis, ‘Nuit de Noces’.

Dans celle des « pink » j’ai trouvé :
· ‘Caprice de Star’ ( 2011) : « rose dragée parfaitement pur » ;
· ‘Hélène C.’ (1995) : « rose cyclamen uni » ;
· 'La Vie en Rose’ (1999) : « rose flamant rose vif » ;
· ‘Succès Fou’ (2000) : « rose flamant rose soutenu ».
Le terme de « flamant » est celui utilisé par les pionniers du coloris rose, aux Etats-Unis, dans les années 1930/40 pour désigner ces iris qui n’avaient pas atteint la plénitude que l’on connaît aujourd’hui. C’était les « flamingo pink » de David Hall et Orville Fay. La couleur du cyclamen est sans aucun doute teintée de mauve, et le « rose dragée » prend la même direction. La tête de série, dans ce groupe, est ‘Hélène C.’ dont le pedigree, (Rosé X Enchanted World), ouvre tout à fait la voie à ce coloris ; ‘La Vie en Rose’ en descend directement, de même que ‘Caprice de Star’, mais ‘Succès Fou’ aurait très bien pu pencher du côté des « rose » puisque c’est un petit-fils de ‘Buisson de Roses’

. En se penchant sur chaque fleur chacun se fera sa propre opinion. Car une description, aussi précise qu’elle puisse être, n’est que l’expression de la vision du descripteur, laquelle, en matière d’iris rose, est particulièrement subjective.

Illustrations :

· ‘Alerte Rose’ 


· ‘Buisson de Roses’ 

· ‘Caprice de Star’ 


· ‘Succès Fou’

LA SEMAINE PROCHAINE...

La semaine prochaine Irisenligne aura 24 heures de retard. Pour cause de promenade dans les Alpes Suisses.

14.6.13

"ROUGE"

Bordeaux, bourgogne, rubis, acajou, grenat, amarante, magenta… Ce sont les référents par lesquels on décrit ce qu’on appelle les iris « rouges ». Car les iris ne sont jamais rouges. Au jardin, cependant, on ne peut pas se passer de cette note sombre et chaude dont la richesse valorise toutes les fleurs qui l’entoure.

Pendant quelques semaines ce blog va proposer des photos – les plus belles que j’ai pu trouver – d’iris « rouges ».

Pour commencer, voici ‘Iconic’ :

 ICONIC (Joseph Ghio, R. 2009) Sdlg. 04-29N. TB, 36" (91cm), EM. S., style arms and F. red, orange underglow, blackish haze; beards bronze. 02-87M2: (00-50S: (97-80-I2, Current Events sib, x 97-135R2: (U94-5E, unknown, x Saturday Night Live)) x 99-62B2, Trial by Fire sib) X 02-228V4: (Current Events x 00-101X: (97-148K: (Ritual x Saturday Night Live) x 97-80A2, Current Events sib)). 

Un de ces rouges que Ghio réalise aujourd’hui, mais qu’il faudrait juger sous nos climats pour s’assurer qu’ils répondent à tous les espoirs qu’on peut mettre en eux quand on admire leurs photos.

EUROPÉENS OU AMÉRICAINS ?

Peu à peu on constate que les variétés obtenues ailleurs qu’en Australie ou aux Etats-Unis rencontrent de plus en plus de succès dans leurs confrontations. Par exemple, depuis 2006 les iris américains n’ont triomphé à Florence que deux fois, en 2008 et en 2011. Toutes les autres compétitions ont vu la victoire d’une variété européenne.

 Plus précisément voici le palmarès :
 2006 1er ‘Recondita Armonia’ (Bertuzzi, Italie)
          2eme ‘High Class’ (Black, USA)
          3eme ‘Mythology’ (Johnson, USA)
2007 1er ‘Aurélie’ (Cayeux, France)
         2eme ‘Sorisso di Alice’ (Marucchi, Italie)
         3eme ‘Red ‘Masterpiece’ (Schreiner, USA)
2008 1er ‘Morning Sunrise’ (Johnson, USA)
         2eme ‘Power Point’ (Johnson, USA)
         3eme ‘Designer’s Art’ (Kerr, USA)
2009 1er ‘Ravissant’ (Cayeux, France)
         2eme ‘Noctambule’ (Cayeux, France)
         3eme ‘Fortunate Son’ (Schreiner, USA)
2010 1er ‘Ale Viola’ (Gigli, Italie)
         2eme ‘Tatra’s Eagle’ (Mego, Slovaquie)
         3eme ‘Pursuit of Happiness’ (Johnson, USA)
2011 1er ‘Silk Road’ (Keppel, USA)
         2eme ‘Egeo’ (Dotto, Italie) 
         3eme ‘Cloudscape’ (Black, USA)
2012 1er ‘Cheyenne my Dog’ (Marucchi, Italie)
         2eme ‘Reckless Abandon’ (Keppel, USA)
         3eme ‘Return to Camelot’ (Grosvenor, Australie)
2013 1er ‘Vento di Maggio’ (Bianco, Italie)
         2eme ‘Sweet Candy’ (Mego, Slovaquie) 
         3eme ‘Classy Lady’ (Mego, Slovaquie)

En caractères gras j’ai mis les variétés européennes.

On aurait pu imaginer que les « grands » producteurs français allaient mettre sans tarder ces variétés européennes à leurs catalogues, car le concours de Florence, qui est la plus importante compétition internationale, avec un jury indépendant et des conditions de sérieux indiscutables, récompense forcément des variétés de valeur. Mais non, pas grand’ chose, en dehors des variétés Cayeux, logiquement distribuées par leur obtenteur, et d’un début de renouvellement prometteur chez Iris en Provence.

Pourquoi cet ostracisme ?

Ce n’est pas en raison de difficultés à se procurer ces variétés, car à l’heure actuelle il est bien plus facile d’importer des iris européens que des iris américains ou australiens. Ce n’est pas parce qu’en dehors de leurs pays d’origine ces variétés pousseraient mal ou irrégulièrement (les collectionneurs français peuvent apporter la preuve du contraire, eux qui les font venir et les cultivent depuis des années). J’incline à penser qu’il s’agit plutôt d’habitudes très fortement ancrées ou de convictions injustifiées. En tout cas je trouve dommage que nos célèbres producteurs ne se décident pas à nous proposer massivement ces variétés européennes, au moins aussi belles et bonnes que leurs concurrentes américaines.

Illustrations : 


· ‘Recondita Armonia’ 

· ‘Ravissant’ 

· ‘Egeo’ 


· ‘Cheyenne my Dog’

7.6.13

LA FLEUR DU MOIS

‘ENGLISH COTTAGE’

 Quand on évoque ‘English Cottage’, on pense immédiatement au mot « parfum ». Car il n’y a pas beaucoup d’iris dont l’odeur soit aussi puissante et agréable. Mais ce n’est pas la seule des particularités de cette variété archi-connue.

 ‘English Cottage’ (Zurbrigg, 1976), est d’abord un iris plicata. Cela ne se voit pas du premier coup d’œil, mais il ne faut pas un long examen pour s’en rendre compte : les pétales, qui ont l’air blanc, sont veinés de bleu pâle ; les sépales, sur le fond blanc, ont tout un réseau indigo clair qui va s’intensifiant vers les bords et particulièrement aux épaules. C’est, en fait, le résultat d’un mariage entre une lignée de blancs et une lignée de plicatas : ((Crinkled Ivory x Autumn Sensation) x Grand Baroque) X Cross Stitch. Derrière ‘Grand Baroque’ il y a les iris blancs ‘Henry Shaw’, ‘Cliffs of Dover’, New Snow’. Derrière ‘Cross Stitch’, lui-même plicata, il y a ‘Rococo’, ‘Gibson Girl’, ‘Tiffany’, ‘Blue Shimmer’ etc.

 C’est aussi un iris remontant, et même à fort pouvoir en ce domaine. Une caractéristique, fortement recherchée par Lloyd Zurbrigg, que l’on retrouve dans sa descendance, notamment chez ‘Immortality’ (1982) ou ‘ Northward Ho’ (1990).

 C’est enfin un iris au parfum puissant et délicieux.

 C’est ce dernier aspect qui m’a fait m’intéresser à lui. J’avais lu ça dans la liste de Lawrence Ransom, et je le lui ai acheté. Quand je me suis penché pour la première fois, l’année suivante, au-dessus des premières fleurs ouvertes, j’ai pu me rendre compte que Lawrence n’avait pas menti en parlant d’un parfum exceptionnel. Est-ce celui du seringat ? Du chèvrefeuille ? En tout cas c’est quelque chose comme cela. Cela sent le printemps, les soirs paisibles sur les gazons d’avril… Ce n’est pas la lourde odeur sucrée propre à l’iris en général, c’est bien plus délicat. Cela va parfaitement avec cette fleur un peu surannée, maintenant, à la consistance un peu fragile, à la grâce légère et féminine. ‘English Cottage’ n’enthousiasmera pas les amateurs de fleurs somptueuses, mais il plaira à tous ceux qui mettent la délicatesse et la classe au-dessus de tout.



 Illustrations : 


- ‘English Cottage’ 


- ‘Cross Stitch’ 


- ‘Crinkled Ivory’ 


- ‘Grand Baroque’

CALENDRIER RÉPUBLICAIN


XII.      Fructidor

 Le cycle va s’achever. Les fruits sont là, prêts à être récoltés, et les créateurs d’iris, toujours proches de la terre et de ce qu’elle donne, s’en sont inspiré dans les noms qu’ils ont choisi.



· ‘Juicy Fruit’ (Monty Byers, 1989) 

· ‘Honey Fruit Cocktail’ (Richard Ernst, 2009) 

· ‘Peau de Pêche’ (Richard Cayeux, 2007) 

· ‘Tropical Fruit’ (Paul Black, 1989)

NATHAN ET THELMA

Il ne reste pas beaucoup de grands hybrideurs américains dont je n’ai pas encore dressé le portrait. Pour ceux qui restent, il me faut davantage d’informations. Je pense à Evelyn Kegerise, Georgia Hinckle, Glen Corlew, Steve Varner, George Crossman, Loletta Powell, et quelques autres… Cette fois nous allons faire la connaissance de Nathan Rudolph, dont plusieurs variétés sont toujours présentes dans nos jardins : ‘Pink Angel’ (1973), ‘Pink Sleigh’ (1970), ‘Lemon Mist’ (1972), ‘Titian Gold’ (1973), et surtout ‘Pink Taffeta’ (1968).

 Quand on parle de la carrière parmi les iris de Nate Rudolph, on ne peut pas passer sous silence le rôle de sa femme Thelma, car il s’agit véritablement d’un travail à quatre mains. En fait c’est Thelma qui est à l’origine de l’intérêt de Nate pour les iris, car c’est avec son épouse et dans le jardin de sa belle-mère que Nate s’est pris de passion pour notre fleur favorite.

 Il a fait des études scientifiques et s’est spécialisé dans l’électricité. Il a mené une longue carrière d’ingénieur électrotechnicien dans une grande entreprise de l’Illinois, à Aurora, où il a passé toute sa vie. Ce n’est qu’après son mariage, donc, qu’il a commencé à ajouter l’horticulture à ses pôles d’intérêt. C’est en 1938 qu’il a commencé à hybrider. Dès le départ il s’est fixé comme but l’amélioration de l’ondulation chez les grands iris. Et quand les iris roses ont commencé à se développer, il a ajouté cette problématique à son projet horticole. La longue liste de ses iris roses et ondulés atteste de son succès dans les deux domaines.

 Pendant la guerre, en 1942, il a fait la connaissance des deux sommités du monde des iris qu’étaient à l’époque Orville Fay et David Hall, tous deux installés dans l’Illinois, à Wilmette, à proximité de Chicago. En dépit des restrictions de carburant, Nate et Thelma ont fait souvent la route entre Aurora et Wilmette pour admirer la production de ces deux mentors. C’est chez Orville Fay que Nate a été convaincu de l’intérêt présenté par les ondulations pour l’élégance et la tenue des fleurs d’iris. Fay avait en effet remarqué le potentiel de ‘Snow Flurry’ et s’était procuré cette variété afin d’en introduire les gènes dans ses hybridations. Il a donné à Rudolph des rhizomes et du pollen, et celui-ci c’est évertué à améliorer, de génération en génération, l’aspect ondulé de ses iris, en sorte que ce trait est devenu sa marque de fabrique.

 Les succès de Nate, qui ont commencé avec ‘Dancing Bride’ (1961) et ‘Yellow Chiffon’ (1965), se sont poursuivi avec ‘Cream Taffeta’ (1970) et ‘Carved Cameo’ (1972). Ils sont le résultat d’une étude des lois de Mendel sur l’hérédité appliquée à un grand nombre de semis : de 1500 à 2000 chaque année. Ce qui laisse imaginer quelle charge de travail cela pouvait représenter ! Avec l’aide de Thelma il semait, repiquait, soignait toutes ses plantes avec une attention méticuleuse qu’il portait également à leur sélection sévère. Les iris qu’il a enregistrés étaient toujours des plantes non seulement belles, mais aussi robustes et vigoureuses. Ajoutons, pour décrire sa puissance de travail, qu’il semait chaque année à peu autant d’hémérocalles que d’iris, et qu’il s’intéressait aussi aux pivoines !

 Les années 70 marquent l’apogée de la carrière iridistique de Nathan Rudolph. Après la renommée, la gloire lui est venue en 1975 avec la Médaille de Dykes attribuée à ‘Pink Taffeta’, tandis que ‘Chartreuse Ruffles’ (1976) entamait une diffusion mondiale et lui valait la reconnaissance de ses pairs.

 Il n’y a pas de surprise, pour faire une grande carrière dans le domaine des iris, il faut évidemment un sens inné de l’opportunité et un goût très sûr, mais encore plus une puissance de travail exceptionnelle tant sur le terrain que dans les livres, quand il faut acquérir de vastes connaissances en botanique et en génétique. Nate Rudolph est, en ce sens, un exemple.

 Cette chronique doit une large contribution à l’article publié dans le Bulletin de l’AIS n° 214 par C.J. Blocher.

 Illustrations : 



· ‘Carved Cameo’ 


· ‘Chartreuse Ruffles’ 


· ‘Pink Taffeta’ 


· ‘Yellow Chiffon’