21.6.13

L'AFFAIRE DES ROSES

Pour les amateurs d’iris, la langue française manque de mots. Il lui en manque un, notamment, pour faire la différence entre la couleur rose que les anglophones appellent « pink », et celle qu’ils nomment « rose ». Chez nous il n’y a que « rose » et il faut user de périphrases ou de référents particuliers pour décrire l’une et l’autre. On dira rose corail ou rose bonbon pour le rose « rose », celui qui tire un peu vers l’orangé, et rose orchidée ou rose flamant pour le rose « pink », plutôt bleuté. Quand on veut décrire la couleur d’une fleur d’iris, il est très facile de trouver la bonne teinte dans un nuancier comme celui de la RHS, mais chacune est désignée par un numéro, et un numéro ça ne parle pas ! On a donc besoin d’y aller à coup de qualificatif ou de comparaison. Cela représente bien sûr quelque chose dans l’esprit du descripteur, mais le lecteur n’a pas forcément la même conception. Prenez par exemple la couleur dite « lilas ». Chacun voit très bien une couleur qu’il attribue au lilas, mais ce n’est pas forcément celle que voit celui qui doit rédiger le portrait d’une fleur. Il y a des lilas plutôt bleus, et des lilas tirant vers le rose, voire même le rouge magenta. Certains vont même jusqu’à utiliser des références plus mystérieuses qui font appel à des plantes ou des objets de toute nature, communs ou plus rares – lavande, améthyste, ageratum, jacaranda… – qui peuvent contraindre le lecteur à un effort d’imagination, certes agréable, mais bien peu scientifique. C’est encore plus délicat pour la couleur rose.

Le catalogue 2013 de la Maison Cayeux donne un bel exemple de cette difficulté dans les descriptions. D’après celles-ci j’y distingue (pour ne parler que des produits maison) un nombre égal de « rose » et de « pink ». Dans la première catégorie je classerais :
· ‘Alerte Rose’ (2006) : « rose saumon très vif » ;
· ‘Buisson de Roses’ (1992) : « savoureux rose saumon » ;
· ‘Je l’Adore’ (2006) : « rose doux » ;
· ‘Sandro’ (2007) : « rose pur très, très soutenu ».
Les qualificatifs de « saumon », « doux » et « pur » font effectivement penser à un rose influencé par l’orange ou quelque-chose comme ça. C’est tout à fait le cas de ‘Alerte Rose’ qui descend essentiellement d’iris orangés. ‘Buisson de Roses’ est le produit du croisement d’un rose flamant – ‘Hélène C.’ – et d’un rose doux – ‘Paradise’ -. ‘Je l’Adore’ est un fils de ‘Buisson de Roses’, mais ‘Sandro’, lui, a des origines qui le dirigeraient plutôt vers la catégorie des « pink », comme son frère de semis, ‘Nuit de Noces’.

Dans celle des « pink » j’ai trouvé :
· ‘Caprice de Star’ ( 2011) : « rose dragée parfaitement pur » ;
· ‘Hélène C.’ (1995) : « rose cyclamen uni » ;
· 'La Vie en Rose’ (1999) : « rose flamant rose vif » ;
· ‘Succès Fou’ (2000) : « rose flamant rose soutenu ».
Le terme de « flamant » est celui utilisé par les pionniers du coloris rose, aux Etats-Unis, dans les années 1930/40 pour désigner ces iris qui n’avaient pas atteint la plénitude que l’on connaît aujourd’hui. C’était les « flamingo pink » de David Hall et Orville Fay. La couleur du cyclamen est sans aucun doute teintée de mauve, et le « rose dragée » prend la même direction. La tête de série, dans ce groupe, est ‘Hélène C.’ dont le pedigree, (Rosé X Enchanted World), ouvre tout à fait la voie à ce coloris ; ‘La Vie en Rose’ en descend directement, de même que ‘Caprice de Star’, mais ‘Succès Fou’ aurait très bien pu pencher du côté des « rose » puisque c’est un petit-fils de ‘Buisson de Roses’

. En se penchant sur chaque fleur chacun se fera sa propre opinion. Car une description, aussi précise qu’elle puisse être, n’est que l’expression de la vision du descripteur, laquelle, en matière d’iris rose, est particulièrement subjective.

Illustrations :

· ‘Alerte Rose’ 


· ‘Buisson de Roses’ 

· ‘Caprice de Star’ 


· ‘Succès Fou’

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