29.6.13

L'ECHELLE DE JACOB

Les traits particuliers de chacun des iris actuels sont le résultat d’improbables mélanges, souhaités ou accidentels, dans une salade génétique devenue bien difficile à débrouiller. On peut, plus facilement suivre le cheminement, de cultivar en cultivar, des caractéristiques d’une variété obtenue au tout début de l’ère des hybridations. C’est ce que nous allons tenter de faire dans une série d’analyses allant d’une célèbre variété des origines à une non moins célèbre variété de l’époque moderne.

 ‘BRIDE’S HALO’ (Hubert Mohr, 1971) 

Nous commencerons par remonter l’arbre généalogique de ‘Bride’s Halo’ jusqu’à la transition entre les iris diploïdes et les iris tétraploïdes, c’est à dire dans les années 1920. Un voyage au pays des iris qui a duré un peu plus de cinquante ans.

‘Bride’s Halo’, a acquis l’immortalité (comme on dit d’un personnage qu’il est devenu un Immortel quand il a été coopté à l’Académie Française) le jour où il a reçu la Médaille de Dykes, en 1978, après un parcours impeccable : HM en 1974 puis AM en 1976. Son pedigree s’écrit : Rainbow Gold X Denver Mint. Ainsi cet iris blanc, intégralement liseré d’or, est le fruit de deux iris jaunes, l’un et l’autre abondamment utilisés en hybridation. L’un et l’autre ont aussi plusieurs ancêtres communs ; nous trouverons donc plusieurs branches identiques dans l’arbre généalogique de ‘Bride’s Halo’.

Bruno > Jean Cayeux > Maiden Blush >Chantilly >Twenty Grand > Butterscotch Kiss >Rainbow Gold >Bride’s Halo
Dominion >Bruno>Jean Cayeux >Tobacco Road >Inca Chief >Mission Trails sib > Denver Mint >Bride’s Halo

‘Bruno’ (Bliss, 1918), un enfant à coup sûr tétraploïde de ‘Dominion’, l’un des points de départ de la tétraploïdie des iris. Croisé avec ‘Evolution’ (F. Cayeux, 1929), puis recroisé avec ‘Phryné’ (F. Cayeux, 1925), ‘Bruno’ est le grand-parent de ‘Jean Cayeux’, l’une des variétés-phare de Ferdinand Cayeux.

 ‘Jean Cayeux’ (F. Cayeux, 1931). Apparaît dans les deux branches maîtresses de la généalogie de ‘Bride’s Halo’. Iris d’une couleur inhabituelle et difficile à décrire ; variété tétraploïde largement utilisée en hybridation de part et d’autre de l’Atlantique.

‘Maiden Blush’ (Hall, 1943), une variété dont on ne sait pas grand’ chose mais qui, vraisemblablement, doit être de couleur rose orchidée.

‘Chantilly’ (Hall, 1943), iris hyper-célèbre, à l’origine de ce qu’on appelle la dentelle sur les pièces florales et en particulier les pétales. De couleur mauve rosé à cœur jaune.

Associé à ‘Rainbow Room’ (Sass H., 1945), cela donne ‘Twenty Grand’ (Norton, 1952), un iris jaune mêlé de rose orchidée et d’ocre, complètement oublié aujourd’hui.

 ‘Butterscotch Kiss’ (Plough, 1959) qui a pour pedigree (Cascade Splendor x Honeyflow) X Twenty Grand. Dans les tons de jaune doré.

‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959), bel iris jaune d’or aux sépales veines de brun ; abondante descendance.

 Dans l’autre branche maîtresse, celle de ‘Denver Mint’, ‘Jean Cayeux’ apparaît une génération plus tard que dans la précédente. Croisé avec une variété dans les tons de vieux-rose, ‘Far-West’ (Kleinsorge, 1936), puis recroisé avec ‘Aztec Copper’ (Kleinsorge, 1939), cuivre pourpré.

‘Tobacco Road’ (Kleinsorge, 1941), iris brun, parmi les plus fameux. Importante utilisation pendant de longues années.

 ‘Inca Chief’ (Mitsch, 1952), autre iris majeur, dans les tons de brun.

‘Mission Trails’ (Knopf, 1957), ou plus exactement à un frère de semis de cette variété. Couleurs et caractéristiques inconnues.

‘Denver Mint’ (Knopf, 1952), variété à la riche descendance car considéré comme le meilleur jaune de son temps. Son autre parent est ‘Glittering Amber’ (Hamblen, 1955) : de couleur abricot.

A noter que ‘Bride’s Halo’ est le fruit du croisement de deux variétés déjà anciennes au moment de leur utilisation, puisque presque 20 ans se sont écoulés entre l’enregistrement de ‘Denver Mint’ et de ‘Rainbow Gold’ et celui de ‘Bride’s Halo’.

Tout ce qui précède n’est pas fait pour élucider un mystère : d’où vient le modèle présenté par ‘Bride’s Halo’, ces lisières d’or autour d’une fleur blanche ? Les exégètes de la généalogie des iris, comme Philip Edinger, cherchent encore l’explication ! Certains disent que le modèle provient de ‘Denver Mint’, parce que d’autres variétés proches de ‘Bride’s Halo’ dans leur aspect descendent de ‘Denver Mint’. D’autres attribuent le modèle à la lignée d’iris « flamingo pink » de David Hall, pour les mêmes raisons que dans l’explication précédente puisque ‘Denver Mint’ est largement tributaire des roses de Hall. D’autres, enfin, remontent à ‘Matula’ (Sass H., 1939), une variété présente à plusieurs reprises derrière ‘Rainbow Gold’ et donc derrière ‘Bride’s Halo’, parce qu’une variété dénommée ‘My Darling’ (Daling, 1956) qui présente un halo autour des tépales, contient ‘Matula’ chez ses deux parents. Tout cela n’est qu’hypothèse. Cela démontre que la complexité de la génétique des iris nous réserve bien des surprises.

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