17.4.20

LES JUMEAUX DE BERKELEY

Quand on voit côte à côte 'San Francisco' (W. Mohr, 1927) et 'Los Angeles' (Mohr-Mitchell, 1927) on ne peut pas se dire que ce sont des jumeaux. Cette réflexion, je me la suis faite au premier coup d'oeil donné au dernier bulletin « IRISES » de l'AIS où leurs photos sont présentées sur deux pages contiguës. Effectivement ce sont bien deux frères de semis, issus du croisement ('Conquistador' x 'Parisiana') X 'Esplendido'. Un de ces croisements des anciens temps, encore proches des espèces originelles. En l’occurrence l'espèce en question est I. mesopotamica, une de celles qui ont apporté en Occident la tétraploïdie qui a provoqué cette révolution dont nous ne soupçonnons même plus l'importance, mais qui a conquis le monde des iris dans son intégralité. Comme toutes les espèces venues du Moyent-Orient à la fin du 19e siècle, I. mesopotamica présente de grosses fleurs spectaculaires, uniformément bleues, mais a le defaut de ne pas être franchement rustique sous nos latitudes. Les pépiniéristes de l'époque – et leurs clients – se sont vite lassés de ces fleurs bleues, et ils auraient préféré une plante résistante au gel. Ils ont donc essayé de transférer sur ces nouvelles plantes les éclatantes couleurs des iris autochtones et leur véritable rusticité. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain, et les résultats sont restés longtemps décevants, jusqu'au jour où, enfin, le basculement s'est produit. 'San Francisco' et 'Los Angeles' font partie des ces tétraploïdes de la deuxième génération. Ils ont les caractéristiques génétiques de I. mesopotamica et les coloris des iris plicatas traditionnels. C'est ce qui a fait leur succès malgré une résistance assez problématique.

Quelques mots de leurs parents :
'Conquistador' (W. Mohr, 1921) ( 'Juniata' X Iris mesopotamica ). Lui-même de couleur violet clair avec des barbes orangées, il a apporté à ses descendants deux caractères essentiels : la tétraploïdie et les gènes de plicata provenant de 'Juniata' (B. Farr, 1909) ;
'Parisiana' (Vilmorin, 1911) : un plicata bleu/blanc diploïde de la vieille garde, remarquable pour le contraste de ses couleurs ;
'Esplendido' (W. Mohr, 1924) (I. mesopotamica x 'Parisiana' ). Autre résultat du basculement entre diploïde et tétraploïde. C'est un bitone violet-mauve. Comme de vrais jumeaux homozygotes, nos deux variétés se ressemblent énormément. C'est la description de 'Los Angeles' qui est la plus explicite : « Pétales blancs finement liserés de bleu lavande pâle ; sépales blancs, réticulés de brun-rouge à la base ; barbes jaune doré. » Pour 'San Francisco', plutôt que la description officielle, il est préférable de noter celle du catalogue 1927 de Carl Salbach : « (…) grandes fleurs blanches, dont pétales et sépales sont nettement liserés de lavande. » C'est un peu court, mais tout de même plus précis que le « plicata violet et blanc » de l'enregistrement ! La ressemblance est telle que, pris individuellement il est pratiquement impossible de dire qui est qui. Une comparaison minutieuse fera apparaître que les pétales de 'San Francisco ' sont un peu plus marqués de bleu lavande, et les épaules de 'Los Angeles' un peu plus colorés …

 Ces deux variétés ont été vivement appréciées dès leur apparition sur le marché et 'San Francisco' a acquis la célébrité en devenant le premier iris à recevoir la Médaille de Dykes américaine. Malgré cela, il est curieux de constater qu'ils n'ont eu ni l'un ni l'autre la descendance qu'on aurait pu imaginer. Sur ce plan, c'est 'Los Angeles' qui a été le plus recherché. Néanmoins leurs rejetons sont assez peu nombreux et aucun n'a laissé un souvenir impérissable. L'hybrideur qui en a fait le plus grand usage est Tom Craig, dans les années 1950.

 Ces deux variétés qui marquent une étape dans l'évolution des grands iris figurent toujours dans les collections spécialisées. Il faut tout faire pour les y conserver

 Illustrations : 


'San Francisco' 


'Los Angeles' 

'Conquistador' 

'Parisiana'

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