17.12.10

S’IL SUFFISAIT QU’ON SÈME





la reproduction des iris

Pardon à Céline Dion ! Le jeu de mot est facile, mais il introduit avec le sourire le second chapitre d’une série commencée il y a quelques mois sous le titre bien banal de « Comment ça marche ». Cette chronique décrivait l’histoire d’une hybridation depuis la pollinisation jusqu’à la récolte des graines. La deuxième phase de l’aventure commence à ce moment.

Quand on a religieusement récolté les précieuses graines, petits cubes dorés, assez semblables à des grains de maïs, en plus foncé, il faut les stocker jusqu’à l’époque des semis. Cela se fait généralement dans des petites boîtes, ou des tubes ayant contenu des médicaments, par exemple. En prenant grand soin d’enregistrer les références du semis d’origine. Sur ce sujet la plus grande liberté est laissée à l’hybrideur. Chacun y va de son système de numérotation. Peu importe pourvu que l’on s’y retrouve et que le contenu de chaque récipient puisse être identifié (parentèle, année du croisement…). C’est un moment délicat, surtout quand l’on est devant un nombre important de croisement. Les meilleurs hybrideurs sont quelque fois victimes eux-même d’un incident à ce niveau. C’est ainsi que l’on peut découvrir, avec une certaine surprise que telle ou telle variété, quelque fois ultra-célèbre, est déclarée de « parents inconnus ». L’hybrideur, dans le doute, a préféré avoué l’incident plutôt que de reconstituer à l’aveuglette un possible pedigree : c’est faire preuve d’honnêteté.

On va voir qu’il ne suffit pas de semer ! La préparation est complexe, mais pas spécialement minutieuse

Finie la phase de récolte et d’identification, les méthodes de traitement diffèrent. Certains vont laisser sécher les graines à l’air libre, dans une atmosphère fraîche et sèche pour éviter la moisissure. D’autres vont aussitôt les placer dans un réfrigérateur…

Le séchage est une phase importante. Elle correspond à ce qui se passe dans la nature quand les graines, tombées à terre en plein été, vont y subir les effets de la chaleur estivale sur un sol généralement sec. Sèches, les graines résisteront aux attaques des agents naturels toujours prêts à profiter d’une source de nourriture. Mais la conséquence sera un durcissement de l’enveloppe et, partant, un peu plus de difficulté pour germer.

Une fois sèches les graines vont avoir pris de rides, de la couleur aussi : de dorées elles sont devenues brunes. Elles ont aussi perdu de leur poids et de leur volume.

La phase de réfrigération est essentielle. Dans le frigo les graines vont subir artificiellement ce qu’elles connaîtraient dans la nature au cours de l’hiver. Le froid est nécessaire pour déclencher la phase de germination. Mais il n’est pas nécessaire qu’il dure trois mois ! En trois semaines, dans le réfrigérateur, les graines auront vécu ce qui leur faut pour se préparer à la germination.

La phase suivante sera celle du semis. Mais il faut savoir que les graines d’iris sont capricieuses. Dans la nature il leur arrive de germer dès la fin du premier hiver passé à terre, mais nombreuses sont celles qui attendront un an de plus, voire plusieurs années. L’hybrideur est impatient. Il va ruser pour que ses graines se décident à germer le plus tôt possible. Il va donc leur faciliter la tâche en les faisant ramollir dans un bon bain d’eau pure qui durera une semaine environ, en changeant régulièrement l’eau du bain.

Un astucieux amateur italien, Tiziano Dotto, a imaginé un système original pour lever la dormance des graines d’iris. Dès la récolte il les fait tremper une journée dans un peu de vin rouge (Chianti évidemment ! ou Merlot) allongé d’eau, puis il les plante aussitôt. Cela permet de semer dès la fin de l’été et si les graines germent en septembre, d’avoir des plantules bonnes à être repiquées dès le mois de juin suivant.

La méthode traditionnelle va amener les semailles à se dérouler entre octobre et décembre. Les graines sont déposées dans un mélange meuble mais pas trop poreux de terre de jardin, de terreau et de sable. Elles sont à peine enterrées, à quelques centimètres les unes des autres, ou dans un petit pot individuel (mais quand on a quelques centaines de graines à semer, le plus raisonnable est de choisir un bac d’environ 8 à 10 cm de profondeur). Ensuite le ou les bacs sont disposés dehors, dans un endroit abrité (il ne faut pas que les grosses pluies d’hiver ne tassent trop la terre ou ne fasse remonter les graines hors de leur substrat) mais néanmoins bien arrosé. Puis il faut attendre…

La levée des premières graines peut intervenir très vite. Mais elle peut aussi demander des semaines, voire des années ! Le plus souvent néanmoins les graines qui n’ont pas germé au bout de deux hivers peuvent être considérées comme sans espoir. Les plantules vont prendre peu à peu de la force, et en juin, si tout s’est bien passé, elles pourront être transplantées. Elles seront mises en pleine terre, ou éventuellement en pots, pour accomplir leur deuxième année d’existence et atteindre le stade d’évolution où elle vont fleurir pour la première fois. Mais il arrive assez souvent que les jeunes plantes prennent leur temps avant de se décider à fleurir. La patience est alors de mise. C’est une des vertus du jardinier !

NDLA : Les illustrations proviennent du travail pédagogique de Loïc Tasquier, dans son site www.le-jardin-des-deux-bons-diables.com

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