23.5.09











LE PROLIFIQUE DESTINDE ‘TOBACCO ROAD’

Tous ceux qui s’intéressent aux iris bruns connaissent ‘Tobacco Road’ (Kleinsorge 41), tout au moins de nom. En effet celui-ci apparaît si souvent dans les pedigrees qu’on ne peut pas l’ignorer. C’est un nom qui dit quelque chose aux bibliophiles et aux cinéphiles car « La Route au Tabac », suite de nouvelles d’Erskine Caldwell et le film que John Ford en a tiré sont des monuments dont chacun a forcément au moins entendu parler un jour. C’est l’histoire de la déchéance d'une famille de ces fermiers du Sud des Etats-Unis, pittoresques et désenchantés, profondément attachés à une terre qui ne leur permet plus de vivre de quelques arpents de coton ou de tabac : l’histoire de ces « petits blancs » qui ont constitué un pan misérable de l’histoire des Etats-Unis. ‘Tobacco Road’ a donc une forte charge émotionnelle, mais en fait ce nom est moins lié au roman ou au film qu’à à l’image du tabac que véhiculent les pétales de la fleur, bruns comme les feuilles séchées de la plante.

A propos de cet iris on peut lire ce qui suit, dans le numéro du printemps 1976 du bulletin de l’AIS : « Il faut admettre que ‘Tobacco Road’ n’est pas exempt de défauts : il pousse difficilement dans les régions chaudes ; il résiste mal à la pourriture, surtout quand l’hiver a été rigoureux. Ce n’est même pas le premier iris brun ; c’est à son grand parent ‘Jean Cayeux’ qu’on peut donner cette distinction, et d’autres iris de Kleinsorge, comme ‘Buckskin’ ou ‘Aztec Copper’, peuvent être qualifiés de brun – de même que quelques autres iris des années 30, comme ‘Copper Lustre’, vainqueur de la Dykes Medal, qui présente ce coloris et quelque chose en plus. Mais la fleur ! Des sépales larges, arrondis, doucement évasés ; des pétales jointifs et résistants – et par-dessus le marché des tiges bien branchues. Il donne son meilleur sous le paisible climat du Nord-Ouest de l’Oregon et du Washington. A voir sa robustesse on était convaincu que la perfection a existé. »

‘Tobacco Road’ fait partie du programme de recherche lancé par Rudolph Kleinsorge au début des années 30 et qui s’est poursuivi jusqu’à la fin des années 50. Son pedigree, c’est (Aztec Copper X (Far West x Jean Cayeux)). Sa fleur est d’un coloris plus soutenu que celui de ‘Aztec Copper’, et elle a en plus une forme plus moderne.

Ses aptitudes génétiques ont été tout de suite mises à profit. Notamment par le croisement (Mexico X Tobacco Road) qui a donné, chez Kleinsorge lui-même. ‘Bryce Canyon’, ‘Chamois’ et ‘Gypsy’ en 1944, puis, en 48, ‘Pretty Quadroon’ et ‘Voodoo’. ‘Inca Chief’ (Mitsch 52), autre variété monumentale, provient d’un croisement identique. D’autres hybrideurs ont emboîté le pas, comme Fred DeForest qui a enregistré en 1947 Argus Pheasant (Casa Morena X Tobacco Road) qui a obtenu la DM en 52, ou Douglas Wilson qui a obtenu en 46 ‘Gems of Topaz’ et ‘Susitna Sunset’ du croisement (Prairie Sunset X Tobacco Road). De nombreux autres ont suivi la voie ainsi tracée.

Les descendants de ‘Tobacco Road’ sont extrêmement nombreux. Dans l’article cité ci-dessus il est écrit à ce sujet : « Pendant la période 1942/1962, vingt ans après l’introduction, il y eut 98 iris enregistrés ayant ‘Tobacco Road’ pour parent, dans un sens ou dans l’autre. La grande majorité de ces enregistrements le situent du côté paternel (il est aussi tout à fait fertile du côté féminin, mais il n’y a pas moyen de savoir combien de ses enfants proviennent de pollen donné ou volé, ou de pollen prélevé sur des touffes pas assez solides pour supporter la production de capsules). Si l’on passe à la deuxième génération on constate que pendant cette même période de vingt ans il y a 182 enregistrements de descendants de ‘Tobacco Road’ en provenance aussi bien de variétés dénommées que de simples semis numérotés. Et parmi ceux qui sont désignés par leur nom, ‘Bryce Canyon’ apparaît le plus souvent. » Par son enfant ‘Cordovan’ ce ‘Bryce Canyon’ a donné des iris bruns aussi connus que ‘Bang’ (Craig 55) ou ‘Caldron’ (Schreiner 57). Mais de tous les descendants de ‘Tobacco Road’, celui qui rassemble le plus grand nombre d’ancêtres fameux est sûrement ‘Tijuana Brass’ (Schreiner 67) dont le pedigree est ((semis x Cordovan) x Inca Chief) X (Pretty Quadroon x Inca Chief) ! ‘Bang’ est à la tête d’une nombreuse famille dont les membres les plus connus se nomment ‘Caliente’ (Luihn 68), ‘Dos Pesos’ (Coleman 72) ou ‘Pagan’ (Dunn R. 73). Quant à ‘Caldron’, il a donné ‘Brasilia’ (Schreiner 60). La racine ‘Argus Pheasant’ a également beaucoup donné dont ‘Brass Accents’ (Schreiner 58) et ‘Gaylights’ (Schreiner 65). Bref, la plupart des iris bruns actuels disposent des gènes de ‘Tobacco Road’ au moins chez l’un de leurs antécédents.

Quel a été l’apport de ‘Tobacco Road’ ? Il est possible de la situer sur deux plans : la forme et la qualité de la fleur, en premier lieu, puis sa couleur. Sans lui il est probable que la notion d’iris brun n’aurait pas le même développement. Il faut donc rendre hommage à Rudolph Kleinsorge pour la qualité de son travail, sa persévérance, et le part de chance qu’il a eue.

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