12.5.19

VOUS PRENDREZ BIEN UN PEU DE LYCOPENE ?

Quand on lance sur Internet une recherche à propos du mot « lycopène » on est immédiatement dirigé vers des compléments alimentaires vendus en abondance en tant que produit antioxydant puissant. En cherchant un peu plus loin, dans Wikipedia, on s'éloigne du côté mercantile, mais sans pour autant s'aventurer profondément du côté scientifique. Les explications sont pour le moins succinctes, et quand on nous a dit que le (ou la?) lycopène est un pigment de la famille des caroténoïdes et qu'il est soluble dans l'huile, on a tout dit. Vous pouvez donc vous offrir quelques gélules de lycopène, mais vous ne serez pas plus avancé sur le rôle de cette molécule dans le domaine des iris ! Elle a pourtant un rôle fort important dans la couleur des fleurs d'iris car, même si le rouge est la seule couleur qui n'existe pas dans la palette générale de nos fleurs préférées, il est néanmoins présent, en mélange avec d'autres pigments dans une majorité des fleurs d'iris, ne serait-ce que dans les barbes.

Cette couleur est apparue avec les iris rose orchidée découverts dans les années 1930. Elle était présente dans les barbes, non pas sous forme d'un rouge pompier, mais dans cette coloration mandarine qui a intrigué les hybrideurs de l'époque, lesquels se sont efforcés de rendre ces barbes d’un orange plus vif, puis de les faire apparaître sur des fleurs d’une autre teinte que rose violacé. Mais pour arriver au résultat recherché, il existe deux chemins : soit en modifiant la couleur des pièces florales tout en conservant les barbes d’origine, soit en transférant les barbes mandarines vers des fleurs d’une autre couleur. Ces deux chemins ont été utilisés.

 Melba Hamblen fait partie de ceux qui ont essayé la première voie. Elle a croisé des roses et des bleus. Par ce moyen elle a obtenu ‘Enchanted Violet’ (57) qui n’est ni rose ni bleu, mais plutôt couleur bruyère, avec des barbes orangées. On était loin du but recherché mais il fallut à l'obtentrice de Salt Lake City pas mal d’obstination pour parvenir, quinze ans plus tard, à ‘Tipperary’ (72), qui peut être considéré comme le plus achevé, pour son époque, des iris bleus à barbes rouges.

Orville Fay, lui, a choisi la deuxième voie. Il a décidé de créer des blancs à barbes rouges. Il a croisé des iris blancs, notamment ‘New Snow’, avec des rose orchidée à barbes mandarines, là aussi le résultat a été long à venir et celui-ci prit plutôt la forme d'un iris mauve, porteur des fameuses barbes, qui allait devenir l’un des plus utilisés en hybridation de tous les temps : ‘Rippling Waters’ (1961). Dans le domaine des mauves – ou violets – à barbes mandarine, il a pour descendants des variétés aussi répandues que ‘Raspberry Ripples’ (Niswonger 1969), ou ‘Space Blazer’ (Gibson 1976). Cependant le « roi » des mauves à barbes mandarine c'est Larry Gaulter et ses succès dans ce coloris sont nombreux, comme ‘San Leandro’ (1968) 'Tiburon' (1971), 'Clarendon' (1974) ou 'Elisa Renée (1983). Il y a beaucoup d’autres variétés, dans un vaste choix de coloris ou de nuances, qui ont hérité des barbes mandarines de ‘Rippling Waters’, comme par exemple ‘Mulled Wine’ (Keppel 1982) et les nombreux descendants de ce dernier parmi lesquels on trouve les deux frères de semis 'Voleur de Feu' (P. Anfosso, 1988) et 'Laser' (P. Anfosso, 1990) ainsi que 'Ennoble' (Ghio, 1998), variété au pedigree incroyablement complexe, mais à l'origine des iris rouges les plus réussi des temps modernes.

Les travaux d’Orville Fay vers des blancs à barbes rouges ont fini par payer : à commencer par ‘Lipstick’ (1954) et surtout son descendant ‘Arctic Flame (1957). ‘Christmas Time’ (Schreiner 1965) fait partie de la descendance d’ ‘Arctic Flame’, et on lui doit de très nombreux blancs à barbes minium, comme ‘Startler’ (Schreiner 1978), Filoli (Corlew 1982), 'Jarmila' (Blazek, ca 1975) ou les français ‘As de Cœur’ et ‘Neige de Mai’ (Cayeux 1978), et, plus récemment 'Wings of Dove' (Ernst, 1990).

'Falbala' (J. Cayeux,1978) est également un descendant de 'Christmas Time' mais dans les tons de mauve. Il est à la base d'une famille considérable qui a commencé avec son « fils » 'Condottiere' (J. Cayeux, 1978) et s'est poursuivie avec les célèbres « bleu-blanc-rouge » dont la famille Cayeux peut légitimement être fière, chez lesquels la barbe rouge richement chargée en lycopène est une marque de fabrique.

Dans l’association bleu + barbes rouges, on est arrivé aujourd’hui à d’excellents résultats, mais une fois encore le chemin a été long et plein d’embûches. L’une des pierres angulaires de ce coloris fut ‘Marquesan Skies’ (Blocher 1967), dérivé d’un frère de semis de ‘Arctic Flame’. Keppel l’a utilisé avec succès pour son ‘Actress’ (1976), très apprécié, et ‘Fire Water’ (1977) moins connu. ‘Skyblaze’ (Keppel 1987) est issu à la fois de l’un et de l’autre, tout comme le très joli ‘Douce France’ (Anfosso P. 1988). Parmi ses propres descendants se trouvent les deux frères de semis de Richard Cayeux ‘Eau Vive’ et ‘Princesse Caroline de Monaco’ (1997). Celui-ci, en plus de porter l’un des noms les plus longs du catalogue, arbore une barbe rouge minium qui fait son succès.

Le facteur mandarine, qui aurait pu s'appeler le facteur lycopène, qui intriguait tant les hybrideurs des années 30/40 c’est ainsi répandu dans toutes les couleurs. Après les rose orchidée, les blancs et les bleus, on pourrait parler des jaunes, et même des noirs.

Pour les jaunes, on peut même dire que ce n’est pas la barbe mandarine qui leur a été adjointe, mais au contraire que c’est la barbe mandarine qui leur a apporté une amélioration remarquable. En apportent la preuve Rainbow Gold’ (Plough 1959), puis ‘Temple Gold’ (Luihn 1977), ou ‘Flaming Victory’ (Weiler 1983). Ce dernier a donné naissance à un tas de jaunes très riches avec des barbes allant du vieil or au mandarine et au rouge vif, comme ‘Throb’ (Weiler 91) et ‘Amarillo Frills (Hager 2002).

Les barbes minium ont aussi fait leur apparition sur les fleurs noires. Cela ne date que des années 1980 mais c’est une nouvelle avancée. C’est d’Australie que le mouvement est parti avec ‘Witch’s Wand’ (Blyth B. 1988). Keith Keppel, le compère de Barry Blyth, lui a emboîté le pas avec ‘Night Game’ (1995) puis ‘Midnight Passion’ (2007) issu comme un grand nombre d'autres de ‘Night Game’ - voir 'Miz Du' (Jacob, 2013) -.

 Enfin n'omettons pas le modèle plicata chez qui la barbe mandarine est apparue avec 'Daredevil' (Keppel, 1987), de même que les « dark top » où elle est également présente, comme dans 'Fogbound' (Keppel, 1997).

Ces quelques exemples ne font évidemment pas le tour complet de l’influence du facteur mandarine et de sa charge de lycopène, mais ils ouvrent une vue sur un autre aspect de l’extraordinaire monde des iris.

 Illustrations : 


 'San Leandro' 


'Falbala' 


'Night Game' 


'Daredevil'

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