22.6.09
















ON DIRAIT QUE C’EST…

Il fut un temps où produire un nouvel iris signifiait pour l’obtenteur découvrir une subtile différence de ton, un raffinement difficile à distinguer pour un œil d’amateur, qui allait apporter un tout petit élément neuf à une recherche qui s’épuisait. C’était, tout particulièrement en France, au fil des années 20 et 30, au moment de la plus grande gloire des Ferdinand Cayeux, vainement poursuivi par les Vilmorin, Denis, Nonin, Bouscant ou Millet. Cette obligation de faire du neuf avec des matériaux exploités jusqu’à la corde a amené les obtenteurs à recommencer chaque année le travail de l’année précédente pour proposer à leurs clients des variétés dont la nouveauté ne se distinguait qu’à la comparaison rapprochée. Un peu plus mauve ici, un peu plus pourpre là. Un liseré clair ici, une bordure plus foncée ailleurs… Bleu, violet, pourpre, magenta d’un côté, blanc, jaune, mordoré d’un autre ; il fallait jouer sur les nuances à défaut de pouvoir varier les couleurs.

C’est ce qui rend l’identification des anciennes variétés si difficile, voire impossible, pour peu qu’au fil des transplantations elles aient perdu leur nom. Nos jardins regorgent donc de ces iris dont on ne peut rien dire d’autre que : « On dirait que c’est… »

Une de mes voisines est dans ce cas. De chaque côté de sa porte se trouvent des touffes importantes d’un bel iris, de haute taille, avec des fleurs bien proportionnées et élégamment disposées de part de d’autre de tiges solides. De beaux iris, qui ont certainement un jour été baptisé, ont figuré dans un catalogue et sont venus, de Vitry sur Seine ou de Verrières le Buisson orner un jardin de Touraine. Mais ceux qui les ont achetés n’ont pas conservé les identités et maintenant que la mode revient vers les variétés anciennes, les nouveaux propriétaires voudraient bien leur remettre un nom sur le rhizome. Mais c’est presque mission impossible.

Regardez la photo de l’iris de ma voisine. Comparez avec les autres photos présentées. A chaque comparaison on croit avoir trouvé, mais à l’épreuve d’un examen approfondi on constate qu’il y a quelque chose de différent, quelque petit détail qui fait dire que non, ce n’est pas ça.

Ne s’agit-il pas d’ ‘Ambassadeur’ (Vilmorin 20) ? Les sépales ont bien la même couleur, mais les pétales de notre inconnu sont plus clairs, les barbes plus jaunes et plus volumineuses, et les stries des épaules sont moins marquées. Non, ce n’est pas ça.

‘Audran’ (Vilmorin 38) a lui aussi des barbes jaunes, mais il a de fortes stries aux épaules et la teinte des pétales est plus mauve. Non, ce n’est pas ça.

On croit qu’on y est avec ‘Député Nomblot’ (Cayeux 29), mais ce dernier se présente sous une forme plus moderne : les sépales se tiennent mieux et les pétales sont plus vifs.

‘Directeur Pinelle’ (Cayeux 32) en revanche est un peu plus clair et, lui aussi, de forme un peu plus moderne. Le contraste de ‘Madame Henri Cayeux’ (Cayeux 24) est plus marqué : ce n’est pas ça. Les barbes de ‘Madame Ulman’ (Cayeux 36) sont orangées… ‘Don Juan’ (Cayeux 28) a un filet clair au bord des sépales ; caractère qu’on retrouve chez ‘Marinella’ (Cayeux 37) avec des pétales plus clairs ; quant à ‘Prosper Laugier’ (Verdier 14), c’est la teinte des sépales, plus clairs et plus bruns, qui ne va pas…

Des iris magenta clair sur amarante ou grenat, il y en a des dizaines dans les catalogues des années 30, et nous ne disposons que d’un nombre restreint de photographies (photo dont l’authenticité, d’ailleurs, peut facilement être mise en doute). Il faut donc se rendre à l’évidence : il n’est pas possible de donner un nom à l’iris de ma voisine, car la seule chose qu’on puisse en dire c’est qu’il ne s’appelle pas ‘Untel’ ou ‘Tel Autre’. Désormais il s’appellera toujours ‘Bel Inconnu’.

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