22.1.16

CEUX QUI L'ONT RATÉE

Deuxième partie 

 Perry Dyer trouve toutes les qualités à 'Going my Way ' (J. Gibson, 1972) et déplore vivement son éviction. Il est vrai que c'est un splendide plicata violet sur fond blanc, tout à fait classique, mais robuste et florifère. La cause de sa relativement modeste performance dans la course aux honneurs proviendrait de l'ombre que lui aurait fait un autre iris de Jim Gibson, 'Kilt Lilt', de deux ans son aîné, et sacré DM en 1976. Notre auteur trouve à cette variété tous les défauts possibles, et considère que c'est la DM de tous les temps la plus injustement attribuée ! La vrai raison de l'échec de 'Going my Way' est-elle celle-là ? Il est bien difficile de le dire, mais on note que quelques années plus tard, deux plicatas non moins traditionnels, 'Jesse's Song' (Williamson, 1983), puis 'Everything Plus' (Niswonger, 1984) seront successivement couronnés.

 'Joyce Terry' (Muhlestein, 1974) est le malchanceux suivant de la liste de Perry Dyer. Il n'attribue pas son échec au fait que Muhlestein ait précédemment obtenu la DM, avec 'Swan Ballet' (1953) – mais, vingt ans après, aurait-ce été possible ? -. Il vante les mérites de 'Joyce Terry' en ces termes : « Vision de santé, ce brillant jaune aux sépales blancs largement bordés de jaune, demeure populaire aujourd'hui, quarante ans après son introduction. » C'est absolument vrai, mais le fait que de très nombreuses variétés présentent ce modèle n'aurait-il pas fait une contre-publicité à cet iris au demeurant tout à fait digne de la médaille ?

Plus surprenant est le choix de 'Holy Night' (Ken Mohr, 1983) parmi les variétés qui ont loupé la dernière marche. Aux USA il a connu un éclatant succès, mais chez nous, cet iris est presque inconnu, je ne suis même pas certain qu'il ait été commercialisé en France. Cela ne veut pas dire qu'il ne s'agit pas d'un excellent iris, mais de là à le considérer comme injustement écarté, il y a une ligne que je ne franchirai pas !

L'absence de 'Touche' (Hamblen, 1969)est beaucoup plus regrettable. Dyer a raison de dire : « Pour moi, je considère que 'Touche' est la plus belle contribution (de Melba Hamblen) au domaine des grands iris, avec cette brillante combinaison de pétales d'un rose abricot doux et de sépales lavande lilacé, complétée de barbes rose crevette. » J'ajouterai que, d'une façon générale, le travail de Melba Hamblen a été largement sous-apprécié par les juges, et les places d'honneur de 'Orange Parade' (1959) dans les années 1960, puis de 'Extravagant' (1983) en 1991 ne sont pas suffisantes.

Voici ce que Perry Dyer dit de son dernier grand iris mal noté. « (Ron Mullin) a pratiqué l'hybridation pendant plusieurs années, mais il a été si critique vis-à-vis de son travail qu'il lui a fallu un iris du calibre de 'Rhonda Fleming' (1993) pour se convaincre lui-même de ce qu'il devait commencer à partager ses remarquables créations avec le reste du monde des iris. Totalement différent des autres plicatas, c'est un plicata blanc marqué de lilas avec une forme impeccable, de larges pétales et de gracieuses ondulations. » Il est parvenu jusqu'à la Wister Medal (en 1999), mais n'a pas pu aller plus loin : 'Stairway to Heaven' (Lauer, 1993), puis 'Yaquina Blue' (Schreiner, 1992) lui ont barré la route.

Quelques iris autres que des TB figurent aussi dans la liste de Dyer. Parmi ceux qu'il cite, je retiens 'Rare Edition' IB (Gatty 1980), plicata splendide, parce que j'apprécie particulièrement le travail de Joseph Gatty et que, comme dans le cas de Melba Hamblen, je considère qu'il n'a pas été récompensé à sa juste valeur. Il y a aussi le cas de 'Bumblebee Delite' MTB (Norrick, 1986) qui est arrivé par trois fois en seconde position pour la DM (1994, 1995 et 1996) mais n'est pas allé plus loin du fait, à mon avis, de l'ostracisme des juges à l'égard des iris autres que TB. Enfin, bien que je ne connaisse pas bien le sujet, je regrette l'exclusion de 'Ann Chowning' LA (F. Chowning, 1976) parce que cette sorte d'iris, la plus populaire après les TB, aurait dû depuis longtemps être distinguée au plus haut niveau.

J'ajouterai trois variétés qui, à mes yeux, auraient mérité de recevoir la DM. Je pense à 'Batik' (Ensminger, 1981) qui fait partie de ceux qui ont buté sur le dernier degré. Parce que c'est une plante excellente au jardin, parce que le modèle « broken color » n'a encore jamais été honoré, et parce que 'Honky Tonk Blues', sacré en 1995, tout valeureux qu'il soit, n'a rien apporté à la gloire de la maison Schreiner. Je pense aussi à 'Clarence' (Zurbrigg, 1991) qui est une variété formidable à tous points de vue (qualités horticoles, originalité et intérêt génétique), et parce qu'il eut été dans l'ordre des choses qu'un obtenteur comme Lloyd Zurbrigg, infatigable chercheur en matière de remontance, ne soit pas oublié lors de la distribution des prix. Enfin je pense à 'Starring' (Ghio, 2009) qui constitue une avancée majeure dans un coloris difficile et qui fait partie des obtentions de Joë Ghio les plus fiables. N'oublions pas que, malgré leur réputation de délicatesse, les iris de Ghio sont des fleurs de forme parfaite qui s'imposent dans toute une série de coloris.


Tout ce qui précède démontre qu'une compétition, quelle qu'elle soit, n'est pas à l'abri d'une injustice ou d'un malencontreux oubli. Car, si l'on n'a qu'une place à attribuer, le choix ultime relève souvent du hasard, ou d'infimes concours de circonstances qui vont faire nécessairement des malheureux.

Illustrations : 


 'Holy Night' 


'Rare Edition' 


'Ann Chowning' 


'Clarence'

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