5.6.20

'CAPITOLA' ET LES ARILBREDS

Si les iris arils et arilbreds ne rencontrent pas davantage de succès, c'est uniquement parce que leur culture n'est pas à la portée des jardiniers ordinaires. Originaires de l'Asie Centrale les arils vont fleurir très tôt dans la saison et, n'étant pas ou peu résistants au gel, vot être confrontés à des conditions climatiques peu favorables. Il leur faut ensuite un été particulièrement sec et chaud. Les arilbreds sont obtenus par croisement d'espèces arils et d'autres iris barbus. C'est en espérant apporter la résistance et la facilité de culture des iris barbus aux fragiles espèces asiatiques que ces croisements ont été réalisés. On peut admettre que le stratagème à plutôt réussi. Les arilbreds ont gagné en rusticité. Un autre espoir consistait à introduire chez les iris barbus les caractères spécifiques des fleurs d'arils et en particulier leur étrange signal sombre sur les sépales, sous les barbes. Mais en l’occurrence, la greffe n'a pas complètement réussi : le fameux signal apparaît bien, dans la plupart des croisements, sur les variétés de la première génération, mais s 'estompe jusqu'à disparaître dès la seconde...

Les premières tentatives pour apprivoiser les arils et leur donner les habitudes des iris occidentaux datent de la fin du 19e siècle. C'est l'Anglais Sir Michael Foster qui s'y risqua le premier. Il fut suivi par la Maison van Tubergen, aux Pays-Bas. Malheureusement ces premiers hybrides se sont révélés stériles (en cause : un nombre impair de chromosomes) et donc sans intérêt pour le développement de l'expérience. Il a fallu attendre le début des années 1920 pour qu'apparaissent des arilbreds plus ou moins fertiles. On les appelle les iris de Mohr du fait que leur créateur fut l'hybrideur William Mohr, en Californie. Le point de départ de cette nouveauté est la variété 'William Mohr ' (Mitchell, 1923). C'est cette variété qui a donné naissance à la seule variété d'arilbreds qui ait été couronnée d'une Médaille de Dykes, le célèbre 'Elmohr' (Loomis, 1942). Elle a aussi été choisie comme parent femelle par l'Américain Frank Reinelt pour le croisement qui a donné naissance à 'Capitola' (1940) : (William Mohr X (I. iberica x I. macrantha) ).Il est amusant de constater que ce Frank Reinelt n'a enregistré que deux iris, deux arilbreds, 'Soquel' (1940) et ce fameux 'Capitola' (1940), qui porte le nom de la localité où résidait Reinelt.

 'Capitola' constitue à son tour un point de départ pour une longue et fructueuse descendance. Non pas qu'il soit fertile en tous sens, mais en tant que « pollen parent » il est exceptionnel. Un peu plus de dix croisements, réalisés par une poignée d'hybrideurs, constituent l'essentiel de sa descendance. Passons en revue les principaux :
(Pink Formal X Capitola) = 'Deep Crimson' (L. Austin, 1959), en grenat profond et barbe bronze ; (Acropolis X Capitola) = 'King David' (T. Craig, 1951), violet profond abondamment veiné de blanc ; (Cherie X Capitola) = 'Pink Mohr' (L. Austin, 1955), violet clair avec un net signal noir ; 'Pink Marble' (L. Austin, 1955), rose orchidée, sans signal ;
(Gay Senorita X Capitola) = 'Bamboo' (T. Craig,1953), mordoré veiné de rouge bourgogne ;
((Tiffany x Los Angeles) X Capitola = 'Fancy Work' (T. Craig, 1951), plicata améthyste veiné de blanc ;
(Golden Majesty X Capitola) = 'Persian Mohr' (L. Austin, 1953), superbe violet sombre marqué de brun ; 'Miss Mohr' (L. Austin, 1953), étrange fleur aux pétales lavande clair veinés de jaune et aux sépale chartreuse marqués de brun  ' Real Gold' (L. Austin, 1952), beige veiné de grenat ;
(Mariposa Mia X Capitola) = 'Engraved' (T. Craig, 1952), plicata lavande avec signal et barbes violet-noir ; 'Etching' (T. Craig, 1952), gris veiné de violet sombre ; 'Mourning Dove' (T. Craig, 1953), Gris tourterelle, veines grenat fumé ;
(Purissima x Joppa Parrot) X Capitola = 'Flairmohr' (T. Craig, 1954) , plicata à peine teinté de mauve ;
(Snow Flurry X Capitola) = 'Appian Way' (G. Plough, 1957), violet léger devenant plus sombre sous les barbes ; 'Eastmont', (G . Plough, 1955), rare violet pur, même les barbes ; 'Clementina' (L. Austin, 1954), bleu lavande veiné de sombre ; 'Mohr Elegance' (L. Austin, 1953), lavande uni ; 'Frances Craig' (T. Craig, 1952), bleu lavande uni, l'un des plus jolis ; 'Puff' (T. Craig, 1952), blanc grisé uni ; (Purissima X Capitola) = 'Bluing' (T. Craig, 1951), bleu pur ; 'Bonita Blue' (L. Crosby, 1952), bleu turquoise, veiné de sombre ; 'Cerulean' (T. Craig, 1950), unicolore bleu ciel ; 'Crystal Clear' (T. Craig, 1951), bitone bleu turquoise ; 'Glacier Mohr' (L. Crosby, 1956), unicolore bleu-gris ; 'Mary Valentine' (T. Craig, 1952), plicata léger dans les tons de bleu-gris : 'Nevermohr' (T. Craig, 1955), indigo profond, veiné de noir.

Cette liste n'est pas exhaustive mais elle concerne les variétés les plus remarquables et les hybrideurs les plus connus. On constate d'abord que le même croisement a été réalisé par plusieurs hybrideurs, ce qui n'est pas fréquent, ensuite que la période au cours de laquelle ces croisements ont eu lieu est très brève, à peine une décennie. L'engouement a donc été certain mais de courte durée. L'explication en est que les cultivars obtenus se sont révélés stériles ; poursuivre des efforts sans espoir manque par trop de réalisme...

Quoi qu'il en soit, l'épisode 'Capitola' est un fait marquant de l'histoire de l'hybridation. Tom Craig, Lloyd Austin et les quelques autres qui se sont lancé dans l'aventure n'auront pas vraiment été récompensés de leurs efforts, mais du moins les variétés qu'ils ont sélectionnées sont-elles de beaux iris, avec les qualités et les défauts de leurs origines. Aujourd'hui, presque soixante-dix ans après leur création la plupart de ces variétés ont à peu près disparu, vaincues par le faible intérêt qu'elles ont suscité chez les amateurs d'iris autant que par leur stérilité.

 Illustrations :

'Capitola'

'William Mohr'

'Frances Craig'

'Persian Mohr'

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