19.6.20

L'INACCESSIBLE ETOILE

Lorsqu'il a commencé ses recherches sur l'amoena rose, Barry Blyth n'imaginait certainement pas que soixante ans plus tard il serait encore à espérer d'atteindre cette fleur mythique. La recherche de l’amoena blanc et rose est la grande affaire de sa vie. C’est même en visant ce but qu’il a produit et offert au monde des iris son incomparable travail sur les iris bicolores. Car celui-ci est en quelque sorte un sous-produit de sa cible principale. Il a multiplié les croisements, souvent audacieux, obtenu une multitude de semis, parmi lesquels il a découvert un nombre incroyable de nouveautés qu’il a retenues et enregistrées, dans toutes les associations possibles de couleurs et de modèles. Des iris blanc/rose, il en a remarqué des quantités, dont il a sélectionné un certain nombre, mais il est toujours dans l’attente de ce qu’il imagine comme la perfection.

Comme point de départ il y a eu 'Sunset Snows' (Stevens, 1965). Cet iris est très certainement le produit d'un incroyable coup de chance dont les prémices se trouvent dans un autre amoena néo-zélandais, 'Youthful Charm' (Stevens, 1961), dont on ne connaît pas le pedigree exact mais dont son obtentrice a écrit qu'il « provient d'iris roses croisés avec des amoenas jaunes, puis recroisés sur de nombreuses générations ». Autrement dit le début du travail ne date pas d'aujourd'hui ! Pourtant, de 'Youthful Charm' et de 'Sunset Snows' on ne peut pas vraiment dire que ce sont des amoenas roses. Plutôt des amoenas abricot ou rose saumon. Blyth y a vu néanmoins le présage d'un iris franchement blanc aux pétales et rose aux sépales. Il a tout essayé. Il a multiplié les croisements, avec une science consommée et une maîtrise achevée de l'hybridation. Son cheminement est passé par ' Outer Limits' (1972) et son frère de semis 'Twist and Shout' (1973), descendants directs de 'Sunset Snows', puis ‘Love Chant’ (1979), ‘Beachgirl’ (1983), ‘Amber Snow’ (1987). La récolte a continué encore pendant 15 ans avant d'aboutir à ce que Blyth considère comme un premier achèvement, 'Adoree' (2009).

Jusqu'à cet 'Adoree', les variétés obtenues, de plus en plus contrastées, étaient des variétés aux pétales blancs surmontant des sépales orangés ou rosés hérités de 'Sunset' Snows' et de ses premiers descendants, que ceux-ci soit australiens comme ceux qui viennent d'être cités et américains comme 'Java Dove' (Plough, 1962) ou 'Festive Skirt' (Hutchings, 1973). Mais en aucun cas on n'était en présence d'un véritable rose.

Dans la langue anglaise il existe deux mots pour qualifier la couleur rose : le mot « rose » qui désigne un rose où se devine un fond de jaune, et le mot »pink » pour le rose sous-tendu de bleu. Le premier dérive vers une teinte saumonée, le second tend vers le rose orchidée... Disons que jusqu'à 'Adorée' nous étions dans les tons de « rose » et qu'à partir de cette variété, on trouvait aussi du « pink ». Pendant les trente premières années de sa recherche, Blyth a buté sur les teintes saumonées. Pour arriver à 'Adorée' il a ajouté à son panel des teintes bleutées qui se devinent dans la couleur des pétales et font que ceux-ci ne sont pas franchement blancs, mais qui, sur les sépales, en recouvrant légèrement le rose saumon sous-jacent, aboutissent à un « pink » de belle apparence.

Pour obtenir enfin ce blanc/rose parfait dont il est toujours à la recherche, Blyth a du laver le bleu des pétales et, si possible, approfondir le rose des sépales.Ce n'est pas une tâche facile et l'on peut se demander si il sera un jour possible d'y parvenir. Mais la patience et la ténacité sont des traits de caractère que l'on rencontre très souvent chez les hybrideurs d'iris.

A partir de 'Adoree', donc, Blyth est parti pour de nouvelles aventures. Et ses efforts ont abouti à des choses qui ne sont pas loin de son but : 'More Please' (2015), où le rose est assez vif – et même plus magenta que rose – mais avec des pétales encore lilacés, et 'Bashful Love' (2014), qui est décrit comme : « Pétales blancs, légère trace de rose au bord ; sépales rose doux, plus clair au centre, plus foncé vers les bords. » Celui-là approche vraiment de la perfection, même si le rose, cette fois, est un peu trop pâle et plus proche du rose de 'Java Dove', mais sur une fleur moderne et copieusement ondulée.

Il était à prévoir que ce 'Bashful Love' allait être exploité sans attendre. Ce fut le cas et cela a donné 'Choose a Dream' (2017). « Pétales blanc pur, légère trace de lavande à l'ouverture ; sépales rose léger sur fond crème s'éclaircissant vers le centre, barbes mandarine vif. » Cette fois c'est le rose qui, à mon avis, tire trop vers le magenta, mais les couleurs sont bien contrastées.

Y aura-t-il une suite à cette interminable saga ? Pas pour l'instant, parmi les variétés récupérées par Thomas Johnson depuis la retraite de leur obtenteur, mais le réservoir n'est pas encore vide et l'on peut toujours espérer. Ce serait vraiment merveilleux si, parmi ces tous derniers semis, se trouvait la merveille des merveilles, celle qui couronnerait le travail de toute une vie et qui ferait mentir ceux qui disent que l'amoena rose n'est qu'une inaccessible étoile...

Illustrations : 


'Java Dove' 

'Beachgirl' 


'Bashful Love' 

'Choose a Dream'

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