10.9.11

LOUISIANA STORY





Si je ne m’étais pas intéressé aux grands iris, je crois que j’aurais fait le choix des iris de Louisiane. J’aurais peut-être du naître australien ! En effet les « aussies » comme on les appelle aux Etats Unis, se partagent entre amoureux des grands iris (Blyth, Grosvenor, et leurs confrères) et fans des LA (Taylor, Pryor, etc.).

Pas facile, cependant de faire pousser des iris de Louisiane en France. Ce sont des plantes dont les origines se situent dans les bayous, à l’ouest et au nord de la Novelle Orléans, là où le climat est exactement l’inverse de celui de l’Europe Occidentale : hivers doux mais secs, étés chauds et humides. Ici, en Touraine, il pleut (en principe) pendant l’hiver, alors que l’été, c’est chaud, voire torride souvent, mais sec (en principe). De plus ces iris de Louisiane sont de gros gourmands qui vivent dans un sol profond et riche. Je les vois mal dans ma terre argilo-calcaire, bonne pour la vigne, mais à part ça, tout juste acceptable par la prairie sèche proche de la steppe. Avant la seconde moitié du XIXeme siècle, d’ailleurs, la Touraine des plateaux était terriblement pauvre, peuplée seulement de chèvres que les bergères laissaient paître auprès de buissons de ronces. Il a fallu l’arrivée du chemin de fer pour que l’on puisse faire venir des trains entiers d’amendement dont une fine couche a été étendue sur le socle calcaire de manière à transformer le paysage en riche terre à blé. Mais revenons à nos iris.

Comme les TB, les LA sont des plantes créées par l‘homme. Les croisements de base ont été effectués entre des espèces de la série des iris hexagonae, originaires de l’embouchure du Mississipi et des régions environnantes, dans le sud des USA : I. brevicaulis, I. fulva et I. giganticaerulea, essentiellement. Le premier, comme son nom l’indique, présente des tiges courtes, plus basses que le feuillage, de sorte que les fleurs, d’un bleu ciel remarquable, sont difficilement visibles. Le second, en revanche, offre des hampes de 70 à 80 cm, et des fleurs qui vont du jaune fauve au rose et au brun. Le dernier a également une dénomination parlante puisqu’il s’agit d’une espèce qui dépasse largement le mètre en hauteur, et qui est en général d’un joli bleu. Plus tard, I. nelsonii est venu apporter aux hybrides des coloris jusqu’alors inconnus dans le groupe. Mais leur culture est, somme toute, récente, si on la compare à celle des grands iris de jardin. Ceux-là sont hybridés depuis 150 ans au moins, les premiers ne sont apparus qu’il y a un peu plus de cinquante ans.

Sans doute des hybrides sont-ils apparus spontanément dans les bayous du Mississipi, mais ce sont des dames, de Louisiane et du Texas voisin, Mary Swords-DeBaillon et Mary Caillet, qui ont voué leur vie au développement des iris de Louisiane dont elles pressentaient sans doute les énormes possibilités.

Au début, le développement des iris de Louisiane a été bien lent. Ce n’est que dans les années 50 et 60 que les efforts de deux grands hybrideurs ont commencé à donner des résultats intéressants. Le premier s’appelle Charles W. Arny. En quarante ans de carrière il a enregistré plus de cent variétés. Il est à l’origine de gros progrès comme les ondulations aux bords des pétales et l’élargissement de la base des sépales qui donne à la fleur son aspect horizontal. Sa plus intéressante contribution à l’hybridation des LA a été la variété baptisée ‘Clara Goula’, un iris blanc, qui est un peu aux iris de Louisiane ce qu’est ‘Snow Flurry’ aux grands iris. L’autre nom à ne pas oublier est celui de Joseph K. Merzweiller, de Baton Rouge. Lui, c’est l’introducteur des iris tétraploïdes fertiles. Obtenir des louisianas tétraploïdes fertiles n’a pas été une affaire facile et Merzweiller y a consacré vingt ans de sa vie. Mais avec la tétraploïdie il a apporté des couleurs nouvelles et ses successeurs ont relevé le défi de transférer à des iris tétraploïdes les autres qualités des anciens diploïdes.

Cependant ces iris tétraploïdes sont, malheureusement, rarement fertiles. On a donc continué avec les diploïdes, et avec de beaux succès. Aux USA, de très grands hybrideurs, comme Mary Dunn, Joë Ghio, George Shoop ou Vernon Wood, connus pour leur travail avec les grands iris, ont obtenu des variétés de LA superbes. Il en est de même pour d’autres hybrideurs plus spécialisés, comme Dorman Haymon, Richard Goula, Neil Bertinot, Lois Belardi ou Richard Morgan. Parallèlement, en Australie, où les conditions climatiques sont bien adaptées à la culture des LA, ces hybrides-là ont pris une extension remarquable. Au point qu’aujourd’hui la production australienne dépasse celle des USA. Avec John Taylor, et les époux Pryor, on dispose là-bas d’obtenteurs de premier plan, souvent récompensés aux Etats-Unis même.

Quel dommage que je n’aie pas la possibilité de planter dans mon jardin les merveilles d’Australie ! Mais en fait le regret n’est qu’apparent puisque j’ai mes chers grands iris…

Illustrations :

‘Clara Goula’ (Charles Arny, 1975)
‘Professor Neil’ (Joseph Mertzweiller, 1990)
‘Renée Fleming’ (Heather Pryor, 2001)
‘Royal Gala’ (Heather Pryor, 2006)

1 commentaire:

Peyrard a dit…

Félicitations pour ces 10 années :
Je cultive depuis plusieurs année un Louisiana acheté chez Briant, dans un grand chaudron en fonte, la terre est très riche, le chaudron est percé à mi hauteur de 3 petits trous que je peux fermer avec un bout de bois...en plus il reçoit l'eau du toit... à 1100 m
Jean Peyrard