23.9.11

MON COUSIN DU CANADA




L’un des iris les plus fameux s’appelle tout simplement ‘Great Lakes’ (Cousins, 1938). Il a presque 75 ans mais on parle encore de lui comme si c’était une variété récente.

Voici ce que dit « The World of Irises » à propos de ses origines : « Le pedigree exact de ‘Great Lakes’ n’est pas connu. La fiche d’enregistrement indique qu’il vient de semis de ‘Dominion’ et de ‘Conquistador’. L’obtenteur a reconnu que ses renseignements étaient incomplets et que les parties non-enregistrées du pedigree pourraient être aussi bien des variétés enregistrées que des semis. Il se pourrait que ‘Crusader’ et/ou le bitone lavande ‘Lady Foster’ en fasse partie. » Nous voici donc en face d’une de ces nombreuses zones d’ombre qui dissimulent beaucoup de ces variétés basiques dont l’histoire des iris est jalonnée. Quoi qu’il en soit un mot des quatre parents possibles ne serait pas mal venu.

‘Dominion’ est régulièrement cité quand on aborde la question de la transition diploïde/tétraploïde. Le grand hybrideur anglais Arthur Bliss est l’obtenteur de cet iris fameux entre tous. Il a croisé pour l’obtenir ‘Cordelia’ (Parker, circa 1880), bitone diploïde lilas/prune et l’un de ces iris du Moyen-Orient dont à l’époque on admirait les fortes proportions, ‘Macrantha’ (qu’en France on appelle ‘Amas’). Et Dominion a hérité de la tétraploïdie de son parent mâle. ‘Dominion’, nous dit encore « The World of Irises », est « un riche violet bitone de substance épaisse avec des sépales ondulés d’une texture veloutée » qui « est considéré par beaucoup de gens comme le plus important des nouveaux iris tétraploïdes ». Voilà pour ce phénomène.

Avec ‘Conquistador’ on franchit l’Atlantique et même le continent américain pour atteindre la Californie où William Mohr était installé. C’est en 1923 qu’il a obtenu le bleu clair ‘Conquistador’. Une nouvelle fois il s’agit d’un croisement entre diploïde et tétraploïde, et une nouvelle fois le résultat fut tétraploïde. A ce sujet, Clarence Mahan a écrit ceci : « Mohr a réussi en croisant le diploïde ‘Juniata’ avec le species I. mesopotamica. ‘Conquistador en fut le résultat, et les exceptionnels descendants de ce dernier sont légion et comprennent le premier iris à remporter la Médaille de Dykes – ‘San Francisco’. »

On se perd un peu entre toutes ces espèces qui ont apporté en Occident cette fameuse tétraploïdie. En Grande Bretagne, Michael Foster, Arthur Bliss et les autres ont parlé de ‘Macrantha’, donnant ainsi un nom d’hybride à une espèce qu’en France, commettant la même erreur, on a appelée ‘Amas’. Aux Etats-Unis on a conservé une dénomination propre aux espèces, et, au gré des lieux où ces espèces ont été prélevées, on leur a donné le nom de I. cypriana, I. trojana, I. kashmiriana ou I. mesopotamica. En fait on est aujourd’hui a peu près convaincu que sous ces diverses appellations se cache une seule véritable espèce, avec des variantes d’aspect purement régionales.

‘Crusader’ et ‘Lady Foster’, les deux autres géniteurs possibles de ‘Great Lakes’ sont anglais. Ils ont été obtenus en 1913 par sir Michael Foster par croisement d’une de ces soi-disant espèces, I. cypriana, avec l’antique diploïde européen I. pallida. Tous les deux sont de belles fleurs, dans les tons de mauve, de bleu violet ou d’indigo.

‘Great Lakes’ se trouve donc être un « bleu de bleu ». Il n’est pas américain, mais canadien, ce qui fait de lui le seul iris titulaire de la DM qui ne soit pas né aux Etats Unis. Cette médaille, décrochée en 1942, a fait de lui une vedette dans le continent nord-américain. En Europe, à l’époque, on avait d’autres sujets de préoccupation que les iris, et quand on a recommencé à s’intéresser à cette fleur, ‘Great Lakes’ n’était plus d’actualité. C’est la raison pour laquelle c’est exclusivement en Amérique que sont apparus les innombrables descendants de ce monument. Croisé à un autre médaillé, ‘Missouri’ (Grinter, 1932, DM 1937), il a donné naissance à ‘Chivalry’ (Wills, 1943, DM 1947), lequel est à l’origine de ‘Blue Sapphire’ (Schreiner, 1953, DM 1958). Par une autre ligne ‘Great Lakes’ est également dans le pedigree de ‘Helen McGregor’ (Graves, 1943, DM 1949). Par la suite, toutes les lignées se sont plus ou moins mélangées entre elles, de sorte qu’on peut affirmer que les variétés actuelles d’ iris bleus comportent une part de l’ADN de ‘Great Lakes’. Et voilà pourquoi ‘Great Lakes’ est un élément fondamental de l’iridophilie.

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