5.11.10

TOUT UN MONDE LOINTAIN





Sans doute y a-t-il des ressemblances entre le climat du Nebraska, aux USA, et celui de l’Ouzbékistan, en Asie : l’altitude, l’éloignement de la mer, les grands espaces… Sans doute ces mêmes ressemblances se rencontrent-elles quand on compare le climat de l’Oregon et celui de la Nouvelle Zélande. Cette fois se sont la proximité de la mer, la fraîcheur de l’air et l’abondance de l’eau qui sont les traits communs. La distance ne fait pas la différence et les iris qui se plaisent dans un certain monde se plairont aussi dans un monde lointain où ils retrouveront les mêmes conditions de vie.

Partis de ce berceau de l’humanité que constitue le Moyen Orient, les iris ont peu a peu conquis le monde occidental, en profitant de leur proximité parentale avec les espèces proprement européennes. Ils étaient présents dans toute l’Europe bien avant le 15eme siècle, moment où l’on a commencé à s’intéresser à eux. Et c’est d’Europe de l’Ouest qu’ils sont partis à partir du moment où ils ont été volontairement hybridés et commercialement cultivés c’est à dire à partir des années 1830.

Ils ont traversé l’Atlantique avec les colons s’en allant peupler l’Amérique du Nord. Ils y ont trouvé des conditions de vie qui leur convenaient. D’abord, comme les hommes, sur la côte Est, en Nouvelle-Angleterre et un peu plus au sud, en Virginie, puis, avançant avec les pionniers, ils sont partis vers l’Ouest. Ils se sont installés dans l’Ohio, puis ils se sont approchés du Missouri et du Mississipi. Ils ont atteint la Grande Prairie, puis les Montagnes Rocheuses, et un jour ils ont embarqué sur les blancs chariots de ceux qui partaient toujours plus à l’ouest. C’est ainsi qu’ils sont arrivés dans les douces contrées du Nord-Ouest, la Californie et l’Oregon. Ah ! l’Oregon ! Pour les iris le paradis était atteint.

Mais ils ont toujours fait partie du bagage des émigrants, et quand il s’est agi de s’installer en Australie, où le climat pouvait par endroit rappeler celui de leur Europe natale, ils ont pris place sur les terres de Victoria et de Nouvelle Galles du Sud. Pouvaient-ils aller plus loin ? Encore une traversée et c’était la Nouvelle Zélande. Un pays tout à fait à leur mesure, tout au moins dans sa partie centrale, le long du bras de mer séparant l’île du Nord et l’île du Sud. Plus loin encore ? Non, continuer, c’était déjà revenir…

S’ils sont partis vers l’ouest, puis vers l’hémisphère sud, ils ont aussi pris la route de l’est. Plus tardivement, certes, même si les premiers arrivés se sont installés autour des isbas d’Ukraine ou du sud de la Russie puisque la chaleur de l’été et la rudesse mesurée de l’hiver leur convenaient. Ils occupaient un petit coin dans les jardinets des cosaques implantés dans la basse vallée du Don. Ce n’est que bien plus tard, au cours du 20eme siècle, qu’ils sont remontés vers le nord, jusqu’à la région de Moscou. Mais les hommes quels qu’ils soient leur ont toujours montré un tel attachement, qu’ils les ont emportés avec eux lorsqu’ils sont partis vers les steppes de l’Asie Centrale, vers ces régions arides où ils ont retrouvé quelques cousins capricieux mais magnifiques. C’est ainsi qu’ils ont été cultivés par des Russes émigrés, fonctionnaires de l’Etat Soviétique, autour de villes aussi éloignées de leurs origines que Tashkent, Duchanbé ou Oust-Kamenogorsk.

Après l’Ouzbékistan, ils ont continué, toujours plus loin, toujours plus près de la Chine, de sorte qu’on en trouve aujourd’hui au fin fond du Kazakhstan, tellement loin, tellement isolés que c’est à peine si on en entend parler malgré les formidables moyens de communication actuels.

Tout un monde lointain s’est ouvert aux iris d’Europe. C’est ainsi qu’ils sont allés rejoindre leurs cousins d’Extrême Orient, les ensatas du Japon. Là-bas ils n’ont pas encore trouvé véritablement une place. Le climat, d’ailleurs, ne les favorise pas : ils aiment des étés chauds et secs et des hivers frais et humides et ils trouvent tout le contraire. Cependant de hardis horticulteurs essaient de les acclimater. Peut-être vont-ils y parvenir car les iris sont accommodants. Reste un domaine où ils pourraient trouver des conditions qui leur seraient favorables : autour de Pékin et dans le Nord-Ouest de la Chine. Pour l’instant la volonté des Chinois de singer les mœurs occidentales, que l’on constate dans leur habillement et dans leurs comportements de consommateurs, n’a pas encore absorbé leurs habitudes de jardinage. Mais il faut s’attendre à ce qu’un jour prochain, pour les iris des jardins, il n’y ait plus de terra incognita.

Et l’Amérique du Sud, alors ? Mais ils y sont parvenus ! Il existe même, au sud du Brésil et en Argentine des pépinières qui proposent des grands iris et je crois bien qu’il y a déjà des semis qui pourraient bientôt déboucher sur des variétés proprement sud-américaines ! Les iris auront bientôt conquis tout le monde des humains.

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